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samedi 19 novembre 2011

La justice congolaise toujours sur le banc des accusés

Introduction
Depuis l’accession de la RD Congo à la souveraineté internationale, son appareil judiciaire a connu plusieurs problèmes qui ont affecté son fonctionnement et sa capacité à rendre une justice équitable  et  accessible à tous.
A la suite des conflits politiques qui ont caractérisé l’après indépendance, le départ massif des magistrats belges, a créé un vide vu qu’il n’avait pas  de magistrats congolais formés à cette époque.
Il a fallu faire recours à la coopération internationale pour que certains magistrats étrangers viennent combler ce vide. Cette coopération fut accompagnée des efforts de formation et de recrutement des magistrats congolais. Et un bon nombre fut effectivement formé au fil des années pendant la première et la deuxième République.
 Dans sa dérive totalitaire, la seconde République a fait de l’appareil judiciaire congolais, un organe du parti Etat, le Mouvement populaire de la révolution « Mpr », avec pour conséquence, la politisation et l’instrumentalisation à outrance du pouvoir judiciaire.
Cette situation a paralysé l’indépendance de ce corps, en érigeant le militantisme, le régionalisme, tribalisme, le clientélisme… en critères de recrutement et de promotion dans la magistrature.
Tous les maux et antivaleurs qui ont caractérisé la vie du parti Etat ont affecté profondément l’appareil judiciaire : la corruption, le clientélisme, l’injustice…au point que les Magistrats formés furent plus au service du Parti Etat que de la justice.
La chute du régime de la deuxième République a suscité beaucoup d’espoirs dans l’opinion relativement à la réhabilitation de la justice, face à tous les maux qui ont marqué son fonctionnement et, la distribution de la justice par les Magistrats clochardisées et corrompus.
Le régime de l’Afdl a pensé mettre fin à cette situation en procédant à la révocation illégale et, arbitraire  de trois cents quinze magistrats accusés de corruption et d’autres maux qui rongent ce corps.
Pendant la transition de la deuxième à la troisième République, quelques efforts bien que timides furent fournis par le Gouvernement congolais,  dans le sens de l’amélioration de la prime et de la rémunération des Magistrats. Cette amélioration n’était pas à la hauteur du minimum vital à même  de mettre les magistrats  à l’abri de la corruption.
La constitution du 18 février 2006 est venue jeter le jalon des reformes à entreprendre pour l’avènement d’une justice indépendante, gage de la démocratie. Certaines lois furent prises pour matérialiser le vœu exprimé par le constituant de décembre 2006.  C’est le cas de la loi N° 08/013 du 05 août 2006 portant organisation et fonctionnement du Conseil Supérieur de la Magistrature, de la loi organique portant statut des Magistrats.
Avant l’achèvement de la reforme amorcée, plusieurs accusations sont continuellement dirigées contre  pouvoir judiciaire.  Ces accusations viennent à la fois du Pouvoir Exécutif, du Pouvoir législatif, des organisations de la société civile, des opérateurs économiques et de la population.
Le Président de la République et le Gouvernement se basant sur ces accusations, ont pris  plusieurs décisions allant des affectations sanction à la révocation de Magistrats, sous prétexte de mettre fin à l’impunité et à la corruption dans le secteur de l’administration de la justice. En violation de l’indépendance de la magistrature et du principe de la séparation des pouvoirs consacrée par la constitution.
Lesdites décisions ont été prises sans aucune mesure d’accompagnement visant à voir si les magistrats maintenus et promis éviteraient  les maux qui ont été reprochés  à leurs collègues retraités et révoqués.
Dans ce même ordre d’idées, le recrutement de deux mille nouveaux magistrats a été décidé. Le premier groupe est déjà à pied d’œuvre après  les ordonnances n°10/056 du 30 juillet 2010 et  n° 11/051 du 20 juillet 2011 prises par le président de la République. Le deuxième groupe de magistrats qui viennent d’être nommés et affectés  est appelé à financer seul les frais de transport pour rejoindre  le  poste d’affectation.
Plusieurs accusations sont également dirigées contre les organes qui ont pris la charge de ce recrutement pour faits de favoritisme, du non respect des conditions   ou critères, de la falsification et d’admission des personnes en dehors du test  organisé en dates de 17, 18 et 19 octobre 2009.
Après toutes ces mesures, il convient de s’interroger sur les conséquences de ces interventions sur l’image de la magistrature dans l’opinion et, de la capacité de l’appareil judiciaire congolais à répondre efficacement aux besoins de justice ressentis par les justiciables.
Il y a aussi lieu de se poser la question sur ce qu’il faut faire pour que cette justice réponde aux besoins des justiciables d’avoir droit à une justice équitable et responsable.
L’Asadho, qui a observé la marche du  Pouvoir Judiciaire  à travers les différentes mesures sus évoquées, a initié cette enquête pour faire l’état de lieu  actuel la justice. Pour y parvenir, elle s’est adressée à un échantillon de magistrats, d’avocats, de justiciables, de greffiers et autres intervenants dans ce secteur pour recueillir leurs points de vue sur le fonctionnement de la justice. La ville de Kinshasa, les provinces du Nord Kivu - Goma et Béni - et de Bandundu - Inigo et Kikwit - ont servi d’échantillon

I.   Des garanties constitutionnelles d’une justice équitable et indépendante en RD Congo

 La constitution du 18 février 2006 est venue pratiquement apporter une révolution en matière de l’indépendance du pouvoir judiciaire et de  l’administration de la justice.
La section 4 du chapitre Ier  de la constitution de la République qui contient 20 articles est  consacrée au pouvoir judiciaire.

I.1 De l’indépendance du Pouvoir Judiciaire

Les dispositions de l’article 149 alinéa premier de la constitution consacrent sans équivoque, l’indépendance du pouvoir judiciaire  en ces termes: «Le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif » 
Par ce principe fort, la volonté du constituant est de garantir et de protéger l’indépendance du pouvoir judiciaire en consacrant par cette voie la séparation nette de trois pouvoirs traditionnels, de façon à garantir une justice impartiale par des juges au dessus de toute manipulation. L’exposé des motifs reprend ce principe en ces termes : « La présente constitution réaffirme l’indépendance du pouvoir judiciaire dont les membres sont gérés par le Conseil Supérieur de la Magistrature désormais composés de seuls magistrats ».
La volonté du constituant congolais du 18 février 2006 telle que ressortie à travers l’exposé de motifs, était non seulement de consacrer le principe de l’indépendance du pouvoir judiciaire, mais aussi de préserver et de protéger cette indépendance contre les révisions éventuelles de la constitution.
Cet esprit est  encore mieux exprimé par les dispositions de l’article 220 de la constitution qui reprend parmi les matières non révisables quelque que soit les circonstances, celle relative à l’indépendance du pouvoir judiciaire. L’alinéa premier de cet article est ainsi libellé : « La forme Républicaine de l’Etat, le principe du suffrage universel, la forme représentative du Gouvernement, le nombre et la durée des mandats du Président de la République, l’indépendance du pouvoir judiciaire, le pluralisme politique et syndical ne peuvent faire l’objet d’aucune révision constitutionnelle».
Le même constituant a écarté l’exécutif de la distribution de la justice en mettant le juge à l’abri de toute injonction de la part des membres de l’exécutif. L’article 151alinéa Ier  dispose que « Le pouvoir exécutif ne peut donner d’injonction au juge dans l’exercice de sa juridiction, ni statuer sur les différents, ni entraver le cours de la justice, ni s’opposer à une exécution d’une décision de justice ».
Nous relevons ici que cette disposition de la constitution a été plusieurs fois violée, par le ministre de la Justice et le Président de la République.

I.2 De la séparation entre les trois pouvoirs traditionnels.

Comme dit ci haut, la nette séparation des trois pouvoirs traditionnels voulue par le constituant du 18 février 2006 est une réalité sur papier.

En pratique, elle n’est pas observée. Le Pouvoir Judicaire  fait toujours face aux interférences intempestives de l’Exécutif dans l’administration de la justice et la gestion des magistrats.

II.   Des mesures gouvernementales d’assainissements de l’appareil judiciaire

Face aux diverses accusations à tord et à raison dirigées contre les magistrats, aux mécontentements généralisés dans l’opinion relativement à la conduite des magistrats dans leur  mission de dire le droit et, au souci des politiques d’instrumentaliser l’appareil  judiciaire et, de s’assurer du contrôle de magistrats, l’Exécutif congolais a pris plusieurs mesures ci dessous.
L’Asadho a cherché à travers l’enquête réalisée, d’évaluer l’impact de ces mesures par rapport  à l'objectif d’assainissement du secteur judiciaire congolais et de l’amélioration du comportement du magistrat congolais face aux différents griefs faits contre lui.

II.1 Des révocations, mise à la retraite, mise en place de magistrats

Dans son rapport intitulé « le Président de la République récidive dans les révocations irrégulières des magistrats » publié en date du 30 juillet 2009 l’Asadho avait décrié et dénoncé, les révocations massives, arbitraires et la mise à la retraite de magistrats en violation de la constitution et de la loi. Ces mesures à motivation politique étaient  justifiées par le Gouvernement et le Président de la République, par le souci d’assainir et de moraliser les magistrats.
Il ressort des avis récoltés au près de certains magistrats victimes de mesures de révocation de 2009, de magistrats en fonction, des avocats et de certains justiciables abordés à ce sujet que la situation n’a guère évoluée depuis les révocations de 2009. La corruption se vit comme auparavant, les jugements ne sont toujours pas rendus dans le délai de la loi, clientélisme…sont des maux qui rongent encore la justice.
Le constat fait par l’Asadho  est,  qu’au-delà de l’assainissement visé, ces mesures ont engendré un climat de peur et, de frustration parmi les magistrats vis-à-vis de politiques, singulièrement de membres de la majorité au pouvoir actuellement. Cet état des choses justifie en partie la méfiance de magistrats, à se saisir de certaines affaires lorsque les intérêts de  membres de  la majorité présidentielle sont en jeu. Car du sommet à la base, les magistrats ont peur d’éventuelles révocations qui n’obéiraient  à aucun critère objectif, à l’instar de celles vécues en 2009.
Au-delà de ce constat malheureux, les investigations menées par  l’Asadho ont révélé que les mesures de révocations susmentionnées, prises par le Président de la République en violation de la loi,  n’ont pas du tout influencé le comportement de la plupart des magistrats, qui se livrent toujours à des pratiques négatives qui avaient servi de motifs à ces mesures décriées.
Le Président de la République, le Gouvernement et le Conseil Supérieur de la Magistrature, devant cette évidence devront s’accorder avec l’Asadho que les ordonnances du Chef de l’Etat relatives à ces révocations n’ont pas répondu aux impératifs d’assainissement et, au besoin de la justice attendue par la population. Et ce, à cause de leur caractère à la fois illicite et injuste. Elles devront être rapportées comme recommandé par l’Asadho dans son rapport sus évoqué.
Ceci devra ouvrir la voie à la définition d’un mécanisme objectif du contrôle et de suivi de chaque magistrat, en examinant cas par cas, la situation de tous les membres du corps, en sanctionnant positivement ou négativement selon le cas, sur base de la production judiciaire dans le temps et la conduite de chacun des magistrats, sans bafouer le droit de la défense des magistrats mis en cause.
A ce sujet, l’Asadho a eu à proposer « la mise sur pieds de l’observatoire de l’activité judiciaire ». Structure qui sera appelée à faire le monitoring des décisions judiciaires et autres actes de justice, pour vérifier leur conformité aux instruments juridiques nationaux régionaux et internationaux. La finalité étant de mettre à la disposition du Conseil Supérieur de la Magistrature des informations sur la conduite des magistrats.

II.2 Du projet de loi relative à la prise à partie.

Après la dénonciation faite par l’Asadho, relativement aux irrégularités contenues dans ces ordonnances portant révocation des magistrats, notamment la condamnation pour  prise à partie comme cause de révocation des magistrats, le Gouvernement a,  par le canal du Ministre de la justice,  préparé un avant projet de loi tendant à faire de la condamnation pour fait de prise à partie, un motif de révocation des magistrats.
Ce texte a suscité un débat fort animé et a divisé les magistrats. Dans l’opinion, la majorité des personnes interrogées  adhère à la démarche du Ministre de la justice. Car pour elle, c’est le moyen le plus efficace de lutter contre l’impunité des magistrats qui abusent de leur position et pouvoir.
Pour certains syndicalistes magistrats, cette démarche a pour but de créer une insécurité de carrière pour les magistrats. Et cela n’est pas de nature à rassurer le magistrat dans l’exercice de  sa mission de dire le droit.
La question qu’il convient de  se poser  est de savoir, si cette démarche était opportune et capable d’apporter des solutions durables aux  problèmes qui rongent la magistrature. Avant cette initiative du Ministre de la justice, plusieurs magistrats condamnés en prise à partie ont été révoqués, bien qu’aucune législation ne l’autorise. Cela a-t-il pour autant régler la question de la corruption  et de la  moralité de magistrats ?
Si le souci du Gouvernement est de répondre véritablement aux problèmes de fond qui se posent dans le secteur de la justice, il doit aller au de la des bénéfices qu’il entend tirer de la condamnation des magistrats pour prise à partie. La vraie raison du  projet présenté serait de couvrir les irrégularités  constatées dans les ordonnances de révocation des magistrats de 2009. 
Après le vote de cette loi, la situation n’a pas changé. La nouvelle loi n’a influencé le comportement des magistrats.
 En observant le comportement de certains Hauts Magistrats de la Cour Suprême de Justice, qui statuent en matière de la prise à partie et, qui ne font pas montrent d’un comportement exemplaire, il y a lieu de se demander sur l’efficacité de cette procédure.
Le problème ne se pose pas en termes de carence des lois, mais de la volonté politique d’assainissement sérieux de cet appareil. L’Exécutif utilise la justice pour régler les comptes aux opposants ou encore pour se faire octroyer certains avantages indus tout en s’assurant de l’impunité. La mauvaise gouvernance, le détournement des deniers public, la corruption et bien d’autres violations des droits humains mis à charge des gouvernants justifient les craintes de ces derniers, de voir émerger une justice indépendante en R.D. Congo. Car celle-ci risquerait de les inquiéter.
Malgré la condamnation de quelques magistrats par la Cour Suprême de Justice, il n’y a pas de changements profonds.

II.3. Recrutement de nouveaux magistrats

Après les révocations dénoncées ci-haut et, les critiques qui s’en ont suivies, le recrutement de 2.000  nouveaux magistrats, appelés magistrats de la tolérance zéro a été décidés. Ceci pour dire, qu’il s’agissait de magistrats animés d’un nouvel esprit, anti corruption, anti clientélisme, anti iniquité…
L’Asadho s’est intéressée à tout le processus de leur recrutement,  de la décision de recrutement jusqu’à leur nomination. Le vœu  de recruter de nouveaux magistrats a été exprimé par l’Assemblée Générale du Conseil Supérieur de la magistrature en 2009.
Après la révocation surprise et la mise à la retraite de magistrats en 2009, le Président de la République a annoncé au public à partir de Goma, sa décision de recruter deux milles nouveaux magistrats. La charge d’enregistrer des candidatures, d’organiser le test d’admission et de former ces nouveaux magistrats fut  confiée au  Conseil Supérieur de la Magistrature.
L’Asadho s’est intéressé à la réalisation de la volonté du Président,   qui du reste, va au de là  du  besoin de recruter trois cents magistrats exprimé par Conseil Supérieur de la Magistrature en 2009.  La démarche a consisté à vérifier l’effectivité du recrutement annoncé, les accusations portées contre les personnes chargées d’organiser le test et l’encadrement de nouvelles  recrues.
Elle a enregistré durant ses investigations, plusieurs plaintes contre le processus de recrutement de deux mille Magistrats. Celles-ci portent généralement, sur le non respect de critères de sélection et sur la falsification de liste de lauréats admis à la formation.
Certaines  sources contactées ont parlé de la sélection de candidats non détenteurs de diplôme  de licence en droit, dont certains étaient encore étudiants à en droit dans quelques universités du pays. La présence de mercenaires - personnes ayant présentées frauduleusement  le test en lieu et place de certains candidats Magistrats -. Après vérification, ces accusations se sont révélées fausses.
Les dossiers de certains  candidats n’ont pas été  examinés avec rigueur dans la mesure où certains avocats radiés ont été retenus.  Tel est le cas de Me Kiluba wa Mwamba radié du Barreau de Lubumbashi par la décision N° COBL/011 du 26 octobre 2008 pour abus de confiance.
Le non prise en compte  de la moralité des candidats sélectionnés nous permet de conclure qu’on a mis dans la bergerie des brebis galeuses, capables d’entretenir des anti-valeurs qui rongent déjà le corps de magistrats.
Autre fait grave constaté par l’Asadho est relatif à la falsification de la liste du deuxième groupe de candidats Magistrats recrutés et admis à la formation préalable à leur nomination. Quelques candidats parmi ceux-ci, s’étaient vus écartés de la liste de ceux qui devaient commencer la formation, au profit des personnes qui n’avaient pas pris part à la sélection. L’Asadho a été saisie par le collectif de recrues victimes de la falsification en date du 25 mars 2011.
 Cette falsification apparait clairement lorsque l’on compare les noms de candidats admis sur la décision du Conseil Supérieur N° 002/CSM/SPCSM/D/J/ 2010 du 23 mars 2010 et à la liste du 29 janvier 2011.
Malgré les dénonciations faites à ce sujet dans la presse et la gravité des faits, les auteurs de cette falsification, qui constitue un faux en écriture, n’ont  été ni inquiétés, ni poursuivis judiciairement ou disciplinairement. Face à toutes les irrégularités qui ont entouré le recrutement de ces nouveaux magistrats « dits  de la tolérance zéro », l’Asadho se demande que faudra –t-il attendre de personnes recrutées dans ces conditions ?

III.     De l’état de lieu  de l’administration de la justice.

III.1 Des conditions de travail de Magistrats

Les conditions de travail de magistrats congolais ont également intéressées l’Asadho dans ses investigations sur le fonctionnement de la justice. Les accusations formulées contre les magistrats congolais, surtout celles venant de politiques - membres de l’Exécutif et du Parlement -, nous ont poussées à nous pencher sur le cadre de travail du magistrat,  les efforts du Gouvernement tendant à lui  faciliter l’accomplissement de sa mission et à améliorer ses conditions de travail.  
Le constat fait sur le plan d’infrastructure et du cadre de travail de magistrats est alarmant. La situation n’est pas identique ou la même dans toutes les juridictions. Elle est variable d’une région à une autre, d’une ville à une autre et, d’une juridiction à une autre, selon que l’on se trouve en milieu urbain ou rural.
La plupart des infrastructures qui existe date de l’époque coloniale. En dehors de travaux de réhabilitation de certains juridictions et offices de Parquets financés par l’Union Européenne en 2005, le Gouvernement congolais n’a pas poursuivi cet effort.
Les problèmes se posent même à Kinshasa où, excepté la Cour Suprême de justice, le Parquet Général de la République, le Parquet Général  et de Grande Instance de Kinshasa Gombe, les magistrats travaillent confinés  dans les locaux  exiguës et mal aérés dans les autres juridictions. Certains magistrats manquent de bureau pour leur travail. Tel est le cas des Cours militaires de Kinshasa Gombe et de Matete où certains magistrats restent sous le manguier dans la cour de la première juridiction citée. 

Les greffes sont également confinés dans un même local à la Gombe. Ce qui pose énormément de problèmes aux justiciables de la Cour Militaire de Kinshasa/Matete qui sont appelés à quitter leur ressort pour venir accomplir certaines formalités dans le ressort de la Gombe. Les installations du Tribunal de Grande Instance d’Inongo sont dans un état déplorable depuis plusieurs années. La salle d’audience est en partie à découvert, sans portes ni fenêtres.  L’état de ce tribunal ne préoccupe personne
Concernant le transport, les magistrats ont obtenu des facilités du Gouvernement pour acquérir des véhicules. Ils ont convenu d’effectuer le paiement en cash pour la moitié et l’autre sera payée progressivement.
En ce qui concerne, la rémunération des magistrats, il y a lieu de reconnaître qu’un effort a été fourni au niveau du Gouvernement dans le sens d’améliorer leur traitement.

Ce tableau  ci-dessous résumé  la situation salariale des magistrats.

Catégories
grades
Nature
Salaires actuels
Salaires négociés
2ème  catégorie
Président CSJ et 1er Avocat Général de République
Magistrature civile
972$ US
1.200 $ US
2ème catégorie
Prés.CSJ § 1er AGR
Magistrature civile
821$ US
1.021$ US
8ème catégorie
Jude de Paix § 1er Substitut
Magistrature civile
556$ US
710$ US
8ème catégorie
Jude de paix § Substitut
Magistrature militaire
494$ US
960$ US
9ème catégorie
Juge Assesseur
Magistrature civile
217$ US
220$ US
9ème catégorie
Juge Assesseur
Magistrature Militaire
217$ US
220$ US

Les éléments de ce tableau qui n’est pas exhaustif contredit les déclarations du Président de la République  faites à l’occasion de son discours bilan du 14 septembre 2011 devant les membres de la majorité présidentielle. Selon lui, le magistrat le moins gradé touchait déjà à cette date là, le salaire évalué à 1.200 dollars américains.
Ces salaires ne peuvent pas permettre à un magistrat de vivre décemment. Ils ne peuvent pas faire face aux besoins vitaux: loyer mensuel, le transport - carburant, entretien et réparation véhicule -, frais scolaire des enfants, alimentation, soins médicaux…
Par conséquence, ils sont appelés à chercher d’autres revenus à ailleurs pour couvrir d’autres charges familiales.

III.2 la pratique de la corruption dans la distribution de la justice en Rdc

Parmi les accusations dirigées contre la magistrature, la corruption occupe une place de choix. A toutes les questions posées, elle revient comme un des maux majeurs qui minent le fonctionnement de la justice en R.D. Congo.
L’équipe de l’Asadho ne s’est pas seulement  entretenue avec les politiques,  avocats et justiciables concernant la corruption dans la magistrature congolaise. Elle s’est aussi entretenue avec les concernés eux-mêmes, donc les magistrats. Le constat fait est que tous les magistrats abordés, sur cette question, ont eu une réaction quasiment identique.
Malgré que la  question les ait  beaucoup embarrassés, ils ont tous reconnu l’existence de la corruption au sein de leur corps.  Ils ont défendu cet état de choses en posant les questions du genre : pourquoi tout le  monde ne voit que   la corruption au sein de la magistrature ? Et les grands immeubles qui se construisent à travers la ville de Kinshasa, à qui appartiennent-ils ?  Avec quel argent les a-t-on construits ? 
Pour quoi la corruption des membres du Gouvernement passe inaperçu ?   Pour quoi  les députés nationaux qui s’étaient fait corrompre, en 2008,  par les agents de la Direction Générale des Impôts n’ont-ils pas été inquiétés ? 
Ces diverses questions posées aux enquêteurs de l’Asadho, constituent un aveu par rapport  à l’existence de la corruption dans le corps de magistrats ?  Ils trouvent injustes que l’opinion mette en exergue leur corruption, alors qu’il s’agit d’une pratique généralisée en R.D. Congo.
Cette réaction de magistrats sans être une excuse, nous semble être fondée. Car la corruption ne se fait pas entre magistrats. Elle implique l’intervention d’au moins deux   acteurs venant de diverses couches de la population. Ceci doit  être mentionné toutes les fois que l’on parle de la corruption de magistrats.
 Ce qui nous amène à nous interroger sur l’attitude des autres acteurs de la corruption dans le secteur judiciaire.

III. 3 Des acteurs de la corruption dans l’administration de la justice en Rdc

La corruption  met en exergue deux comportements. Le premier est celui de la personne qui abuse de sa position de confiance et d’autorité que lui confie la loi. Le second est celui de la personne qui, pour arracher une décision judicaire auprès du magistrat,  lui donne un avantage qui n’est pas du.
De ce qui précède, le premier acteur de la corruption dans l’administration de la justice est le magistrat. Ce dernier ayant reçu le pouvoir de rechercher les infractions ou de dire le droit, il n’est pas obligé de se faire payer par les justiciables ou les auxiliaires de la justice pour prendre un acte de son ministère.
Les justiciables sont également les acteurs de prédilection de la corruption. Ce que nous avons observé est que les justiciables n’attendent pas d’être sollicités par le magistrat. Dès que leurs dossiers  sont confiés aux magistrats ou dès qu’ils sont pris en délibéré,  ils prennent  le contact avec le magistrat au motif qu’ils doivent assurer le suivi du dossier.
Par suivi du dossier, il faut entendre : « rencontres avec le magistrat pour négocier une issue heureuse de l’affaire et dans le meilleur délai »
Le troisième acteur est l’avocat. L’avocat est celui qui prend le devant, qui organise le rendez vous avec le magistrat pour lui faire des propositions ou recevoir ses exigences qu’il transmettra à son client. Souvent, il arrive qu’au jour du rendez vous, l’avocat soit accompagné de son client. Parfois c’est l’avocat lui-même qui y va en possession de l’argent destiné à la corruption du Magistrat.

III. 4 De l’influence du climat général de la corruption sur le comportement des Magistrats
La corruption, telle qu’observée dans le secteur de la justice par l’Asadho, n’étonne plus  personne. L’attitude de magistrats interrogés telle que décrite  plus haut s’inscrit dans un climat généralisé de corruption dans la société congolaise. Elle est même devenue automatique pour la plus part des acteurs judiciaires - Avocats et Magistrats -. Telle que vécue dans les milieux judiciaires, la corruption est devenue un mode de vie, une norme. Un magistrat ou un avocat qui ne s’adonne pas à la corruption est pris pour un marginal, un extra terrestre.
Ce climat généralisé de corruption dans le pays ne constitue pas une excuse pour le magistrat.Il est même important de souligner que malgré cette situation générale, il y a un petit groupe de magistrats et d’avocats qui ne sont pas impliqués dans les actes de corruption. Nous l’évoquons seulement dans la nécessité de combattre la corruption dans les milieux judiciaires en la considérant comme un élément de l’ensemble. La solution doit être globale et non sectorielle.

III.5  De la répression des actes de  corruption dans la magistrature

Une autre question qui a préoccupé les enquêteurs de l’Asadho est celle de savoir si les actes de corruption dans l’appareil judiciaire congolais sont réprimés ou pas, vu les proportions inquiétantes que la corruption a prises depuis plusieurs  décennies en R.D. Congo.
Le constat fait à ce sujet  est malheureux, car de toutes les personnes abordées - justiciables, syndicats des magistrats, les acteurs de la Société Civile et les auxiliaires de la justice - n’ont pas indiqué seul cas d’un magistrat qui ait été  sanctionné pour actes de corruption.
Ce constat pose un autre problème qui mine la justice congolaise à savoir, l’impunité des auteurs des comportements répréhensibles. Tout le monde sait que les magistrats monnaient les décisions judiciaires, mais nul n’est capable d’ouvrir des poursuites judiciaires contre un magistrat même pour les cas avérés. Même dans le cas où la dénonciation est faite par voie de la presse, l’autorité n’est pas intéressée à vérifier l’information par la voie d’une information judiciaire.
La jurisprudence sur cette question est presque inexistante soit par ce que  les victimes de la corruption ne saisissent pas l’autorité de poursuite, soit par ce que l’autorité de poursuite n’agit pas quand elle est saisie.

III.6 De l’impact du travail des nouveaux magistrats sur l’administration de la justice

Les enquêteurs de l’Asadho se sont aussi entretenus avec les magistrats nouvellement recrutés et affectés dans les villes de Beni, Goma et Inongo.  Ils ont formulé plusieurs plaintes concernant la manière dont ils sont traités.  Les plaintes ci après ont été formulées:
-         Ils se sont pris  eux-mêmes en charge pour rejoindre leur lieu d’affection,
-         Ils ne sont pas logés par le Gouvernement ;
-         Ils manquent les moyens de subsistance ;
Ce sont les chefs d’office qui essaient de résoudre ces problèmes avec des moyens financiers réduits.

III.7 L’arrestation des justiciables est le principe,  la liberté est une exception

Ce principe non écrit est tiré de la pratique  au niveau des offices de Parquets. Il est le contraire de celui consacré par les dispositions de l’article 17 alinéa premier de la constitution : « la liberté individuelle est garantie. Elle est la règle, la détention l’exception ».
Toute personne qui fait l’objet d’une enquête judiciaire doit être mise d’abord en détention même si les faits mis à sa charge sont bénins.  Ainsi, elle pourra payer une caution pour obtenir sa mise en liberté provisoire.  Le but d’une telle mise en détention est purement lucratif.
Pour y arriver facilement, les magistrats ont institué la pratique d’arrêter les justiciables qui font l’objet d’enquête judiciaire le samedi. Ainsi, par peur de passer le week end au cachot, le justiciable est contraint de payer la caution.  Ce qui permet au magistrat d’avoir l’argent  pour le week-end.

III.8 De l’impunité  et de la politique de la tolérance zéro

L’entrée en vigueur de la constitution du 18 février 2006 avait suscité beaucoup d’espoir chez plusieurs congolais. Ils pensaient que les magistrats allaient se saisir de l’indépendance  qu’elle leur accordait pour lutter contre l’impunité.
 Malgré toutes ces garanties constitutionnelles, les magistrats n’ont pas été en mesure de mettre fin à cette impunité ou tout au moins, d’en limiter les effets. Le constat qui est fait sur terrain en cette matière et, c’est l’avis de la majorité d’observateurs, est que l’impunité a pris des proportions très inquiétante.
Le Président de la République, dans un élan politique de reforme du système judiciaire congolais, a lancé ce qu’on a appelé «Opération tolérance zéro », pour mettre fin à l’impunité. « L’opération tolérance Zéro » est un concept dont les contours ne sont pas précisés.  .
Les tenants de cette opération  ne nous ont pas aidé à mieux comprendre ce concept, car ils ne l’ont jamais défini ni circonscrit. Nous ne savons pas s’il s’agit d’une politique du Gouvernement ou d’un slogan  tendant à faire croire à l’engagement du Chef de l’Etat à combattre l’impunité.
Après quelques années de lancement, la tolérance zéro n’est pas arrivée à bout de l’impunité. On lui reproche de s’occuper des petits citoyens et de laisser les grands criminels tels que les officiers militaires et les personnalités politiques en liberté. C’est le cas du Général Bosco Tangada qui continue à être libre  malgré que des poursuites judiciaires soient ouvertes contre lui sur le plan national et international.  C’est aussi le cas de certains députés  nationaux qui ont été corrompus dans l’affaire  de la Direction Générale des Impôts  en 2008 pour minorer les recettes de cette régie financière au budget 2009. Bien que les faits fussent avérés, ils n’ont jamais été inquiétés.
Il faut aussi noter qu’au nom de la tolérance zéro, plusieurs atteintes aux droits de l’Homme ont été commises par le ministre de la justice et des droits humains. Plusieurs personnes poursuivies ont été soustraites de leurs juges naturels, alors que plusieurs autres ont été privées de leur droit d’appel par ce qu’après leur condamnation elles ont été envoyées dans les prisons éloignées de leur juridiction d’appel.
Aujourd’hui, certains congolais pensent que l’opération tolérance Zéro est devenue «  Tolérance à effets zéro ».

III.8. Du rôle de l’Avocat dans l’administration de la justice en Rdc

On ne peut parler de l’administration de la justice, sans parler du ministère de l’Avocat dont le rôle est crucial dans la distribution de la justice. Par sa  déontologie et  son indépendance, l’avocat  est une garantie d’une justice équitable.  Sa présence dans une procédure limite les abus des magistrats.
Il ressort de l’observation faite sur terrain et de l’avis de certains justiciables  que l’avocat ne joue plus  ce rôle. Certains justiciables ont confié à l’Asadho que, c’est souvent l’avocat qui prend contact avec  le magistrat pour assurer une issue heureuse du dossier. 
Pour certains avocats, ce contact est nécessaire. Il permet de se protéger contre les mauvaises décisions des juges et de rassurer sa clientèle.
Malgré ce tableau sombre, il y a quelques avocats qui recourent régulièrement à la loi pour faire face aux déviations des Magistrats. Toutes les fois qu’ils interviennent dans une procédure,  les magistrats se réservent de commettre des abus, car ils peuvent être dénoncés.

III.9 De l’accès à la justice

L’accès à la justice  est un des droits consacrés par le pacte international relatif aux droits civils et politiques et la constitution de la R.D. Congo, respectivement dans leurs dispositions des articles 14 et 19 alinéa deux. Malgré les garanties légales, l’exercice de ce droit se heurte à plusieurs obstacles dans la pratique. Les efforts tendant à garantir le bénéfice de ce droit à la majorité de la population ne sont pas observés.
Le dysfonctionnement de l’appareil judiciaire congolais, la modicité ou l’inexistence de moyens destinés au fonctionnement de différents juridictions et offices de Parquets, le mauvais traitement des agents administratifs, rendent le coût de la justice trop élevé pour la majorité des justiciables qui sont en majorité pauvres.
Le paiement des frais de justice à la banque a entrainé aussi d’autres frais supplémentaires pour le justiciable.  Il est obligé de payer les frais bancaires dont le montant s’élève à 5000 francs congolais  - 5,4 dollars américains -.
Sans oublier que l’huissier qui doit signifier à la partie adverse les actes de procédure est aussi à la charge du justiciable.
            
 Ce tableau résume les frais qu’un justiciable est obligé de payer pour activer la justice


FRAIS DE JUSTICE

NATURE

MONTANT

AUTRES
MONTANTS
     Consignation
Officiel
5$(1er degré)
10$(2ème degré)
-                      
Enrôlement/assignation
Non officiel
2,2 $ US Minimum
-                      
Frais de notification des actes de procédure
Non officiel
 20 $ ou plus
-                      
Enrôlement plainte/Parquet
Non officiel
2,2$ US Minimum
-                      
Droits proportionnels
Officiel
6% des sommes allouées par le Tribunal


Il s’agit là d’un échantillon des frais légaux et illégaux que les justiciables sont appelés à payer, dans chaque cas d’espèce à l’occasion des diverses actes de procédure. Non compris ici les frais bancaires que les justiciables doivent prendre en charge.
Les justiciables prennent aussi en charge les autres frais relatifs au fonctionnement de la justice : achat des papiers, stylos, le transport d’huissiers et greffiers, rémunérations des différentes prestations des greffiers et huissiers quand ils interviennent dans une procédure.
 A ceci, il faut ajouter la difficulté d’accéder à l’assistance d’un avocat pour une meilleure défense de ses intérêts. Ce qui est également un handicap majeur pour accéder à une justice équitable.
La possibilité du bénéfice de la dispense de paiement des frais de justice en faveur des justiciables reconnus indigents est en pratique inopérante. L’obtention de l’attestation d’indigence  elle-même exige le paiement de certains frais. Il en est de même de l’obtention de l’ordonnance de dispense de paiement des frais.
Le service d’assistance judiciaire gratuite du      Barreau destiné à accorder l’assistance gratuite aux indigents, est dépourvu du budget pour son fonctionnement. Ce qui fait que les avocats affectés à l’assistance des indigents ne trouvent pas d’intérêt à travailler dans ces genres des procédures.
Dans un pays où la population vit avec moins d’un dollars américain par personne et par jour, il est difficile à la majorité de citoyens d’accéder à la justice par ce qu’elle coûte chère.

 III.10 De l’exécution des décisions rendues par les juridictions congolaises

Face aux diverses plaintes enregistrées par l’Asadho au sujet de l’inexécution de certaines décisions judiciaires,  nous nous sommes penchés sur la question, pour comprendre  ce qui se passe à ce sujet. Pour ce faire, elle s’est adressée à certains Avocats, Magistrats, greffiers et justiciables pour savoir ce qui se passe en matière d’exécution des décisions judiciaires.
Le constat général est que la majorité des décisions judiciaires ne sont pas exécutées. Cette situation semble justifier par plusieurs raisons : incapacité de certains justiciables bénéficiaires de décisions judiciaires définitives de faire face au coût de cette opération, la complexité de la procédure d’exécution pour les justiciables qui  ne sont pas assistés par un avocat, les manœuvres de certains avocats tendant à retarder ou à empêcher l’exécution, l’intervention de l’inspectorat général des services judiciaires, l’interférence des autorités politiques, judiciaires et ou militaires.
Ce qui arrive dans  certains cas est que les justiciables ou avocats recourent à l’armée  pour faire exécuter une décision judiciaire au lieu de faire appel aux services prévus par la loi.
Face à tout ceci, nous concluons que si le conflit peut aboutir à une condamnation de l’une des parties, l’accès à la justice ne devient effectif qu’avec l’exécution de la décision judiciaire prise par le juge.

IV.           De la responsabilité des acteurs

Le constat fait par l’Asadho dans les lignes qui précèdent est que la situation de l’appareil judiciaire congolais n’a guerre changé, malgré les garanties constitutionnelles et légales destinées à garantir aux citoyens une justice équitable et indépendante en République Démocratique du Congo.
Malgré les discours politiques et les dénonciations faites par les organisations de la société civile, la situation de l’appareil judiciaire ne change pas. La justice est toujours sur les bancs des accusés. Plusieurs facteurs concourent à cet état de chose. Ceux-ci impliquent et engagent la responsabilité de plusieurs acteurs : Le Pouvoir exécutif, le Pouvoir législatif, le Conseil Supérieur de la Magistrature, le Magistrat, l’Avocat et la population.
Au niveau de l’Exécutif congolais, il faut noter d’abord le manque de  volonté politique pour faire fonctionner une justice indépendante et impartiale. L’implication de beaucoup d’acteurs politiques dans les crimes économiques et les violations des droits  de l’Homme justifierait ce manque de volonté politique.
La part du budget consacrée au fonctionnement de la justice soit 0,5% illustre encore mieux  ce manque de volonté politique. Les interférences du pouvoir exécutif dans la gestion du pouvoir judiciaire ne sont pas  de nature à favoriser le bon fonctionnement de la justice.
Au niveau du Parlement, l’administration de la justice n’a pas été le majeur souci des membres de cet organe. Dès leur entrée en fonction, certains parlementaires avaient soutenu que les pouvoirs attribués aux magistrats étaient trop exorbitants avec le risque de se retrouver dans la République des juges. Ils avaient déjà au début de la législature envisagés la possibilité de la révision constitutionnelle pour parvenir à la restriction des pouvoirs des magistrats.
Par solidarité, les membres de l’Assemblée nationale avaient réservé une fin de non recevoir à la demande de Monsieur le Procureur Général de la République tendant à obtenir la levée des immunités des poursuites de députés membres de la commission économico-financière qui avaient été corrompus par les agents de la Direction Générale des Impôts.
En tant qu’autorité budgétaire, les députés ne soucient guère lors des discussions relatives au vote du budget, d’allouer à la justice des moyens pouvant lui garantir une vraie indépendance.  Le Conseil Supérieur de la Magistrature, en tant qu’organe de gestion de ce pouvoir, ne joue pas son rôle de garantir l’indépendance de la magistrature.
Il a aussi négligé la discipline au sein du corps des magistrats en sorte que même les magistrats qui commettent des abus restent toujours en fonction. Ce qui fait dire à la population qu’il existe une solidarité négative entre les magistrats. Ils se protègent les uns les autres.
Cette faiblesse affichée par le Conseil Supérieur de la Magistrature, place le Magistrat à la merci de l’exécutif qui les révoque et les promet comme il l’entend.
Le magistrat en tant qu’acteur principal de l’administration de la justice, porte la plus grande responsabilité dans l’image de l’appareil judiciaire actuel. La majorité des magistrats aujourd’hui n’exerce pas par vocation. Certains se retrouvent dans ce corps juste pour avoir une occupation. D’autres s’y retrouvent par envie  de gagner facilement et, à n’importe quel prix, de l’argent. C’est dans cette catégorie qu’on retrouve les magistrats les plus nuisibles à la justice.
Pour les magistrats recrutés récemment, le besoin d’avoir une bonne rémunération a été la grande motivation de leur entrée dans le corps de magistrats. C’est ce  qui  est sorti des entretiens que l’Asadho a eus avec certains avocats recrutés comme magistrats lors du dernier test.
L’Avocat n’est pas sans responsabilité dans la situation actuelle de la justice. Par sa complaisance, sa complicité dans la corruption et son  abstention à dénoncer les mauvaises pratiques  qui minent la justice, l’avocat porte aussi une part de responsabilité non négligeable.
La population qui est victime des mauvaises pratiques  est aussi  responsable. En donnant de l’argent aux magistrats pour obtenir des  décisions favorables et son refus de dénoncer toutes les pratiques dont elle est victime, elle partage cette responsabilité avec les autres acteurs.

V.        Recommandations

La justice congolaise est toujours sur les bancs des accusés. Plusieurs causes sont à la base de cette situation. Pour y remédier, l’Asadho fait des recommandations suivantes :

Ø Au pouvoir exécutif :

-         De  cesser toute interférence dans la gestion du Pouvoir Judiciaire ;

-         De  respecter les propositions faites par le Conseil Supérieur de la Magistrature  en ce qui concerne la retraite, la révocation et la promotion des magistrats;

-         De réhabiliter tous les magistrats irrégulièrement révoqués en septembre 2009 ;

 -     De donner des subsides aux Barreaux pour le fonctionnement des services d’assistance judiciaire gratuite ;

Ø Pouvoir législatif

-         De doter le Pouvoir Judiciaire des moyens financiers suffisants pour lui permettre de fonctionner de manière indépendante ;

-         D’interpeller le Pouvoir Exécutif sur ses différentes interférences dans la gestion des magistrats.

Ø Au Conseil supérieur  de la  magistrature :

-         D’assumer toutes les prérogatives constitutionnelles et légales lui reconnues dans la gestion de la magistrature ;

-         De constituer une commission appelée à définir les critères clairs et objectifs d’appréciation du travail de tous les magistrats ;

Ø A l’ordre  national des avocats :

-         De sensibiliser les  avocats  afin qu’ils jouent  leur rôle conformément à la loi  et qu’ils cessent de s’impliquer dans les actes de corruption des magistrats.

Ø A la population :
-         De dénoncer les mauvaises pratiques  des magistrats auprès des responsables du Conseil Supérieur de la Magistrature et des organisations de la société civile.
-         De s’abstenir de tout acte de corruption des magistrats.

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