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jeudi 29 juin 2023

Accord conclu entre le Conseil d'administration du FMI et la Rd Congo pour la quatrième revue de l'accord de facilité élargie de crédit

La décision du conseil d'administration du FMI autorise un décaissement immédiat de 203,3 millions de dollars en faveur des réserves internationales, compte tenu des risques élevés de détérioration des perspectives économiques et de la nécessité de continuer à constituer des réserves. Les pressions macroéconomiques actuelles et les risques imminents exigent une politique budgétaire prudente pour préserver la viabilité budgétaire et la stabilité macroéconomique, soutenue par une politique monétaire plus restrictive pour réduire les pressions inflationnistes. 

Le programme reste axé sur l'assainissement budgétaire par la mobilisation des recettes intérieures, la réduction des dépenses non prioritaires et l'amélioration de l'efficacité des dépenses, la constitution de réserves jouant un rôle d’amortisseurs et la capacité à formuler des politiques, ainsi que le renforcement de la gouvernance.

Le Conseil d'administration du Fonds monétaire international (FMI) a conclu le 28 juin 2023 la quatrième revue de l'accord au titre de la facilité élargie de crédit (FEC) en faveur de la République démocratique du Congo (RDC) approuvé le 15 juillet 2021. L'achèvement de la quatrième revue a permis un décaissement immédiat équivalent à 152,3 millions de DTS (environ 203,3 millions de dollars) pour soutenir les besoins de la balance des paiements, ce qui porte le total des décaissements à ce jour à 761,5 millions de DTS (environ 1.017 millions de dollars).

Les performances macroéconomiques de la RDC font preuve de résilience malgré une incertitude élevée, renforcée par l'escalade du conflit armé dans l'est de la RDC et les élections à venir à la fin de 2023. La croissance du PIB réel est estimée à 8,9 % en 2022, soutenue par une production minière plus élevée que prévu, qui a également entraîné une augmentation significative des recettes. L'inflation a atteint 13 % à la fin de 2022, alimentée par les pressions sur les dépenses et la dépréciation du taux de change connexe, et ce malgré une baisse des prix à l'importation. Le déficit de la balance des transactions courantes s'est creusé pour atteindre 5,3 % du PIB, la croissance plus forte des exportations n'ayant que partiellement compensé l'augmentation des importations et la détérioration du compte des services. 

À la fin de 2022, les réserves internationales brutes atteignaient 4,5 milliards de dollars (environ deux mois d'importations). Le déficit budgétaire intérieur à la fin de 2022 est estimé à 1,2 % du PIB, conformément aux engagements du programme, bien que la taille et la composition des dépenses soient différentes, principalement en raison de l'augmentation des dépenses exceptionnelles liées à la sécurité, compte tenu de la marge de manœuvre budgétaire créée par l'augmentation des recettes. L'exécution budgétaire jusqu'en mai 2023 révèle que les dépenses exceptionnelles demeurent élevées et que les autres dépenses sont sous-exécutées, dans un contexte de baisse des recettes.

Les progrès réalisés dans le cadre du programme demeurent satisfaisants. Tous les critères de réalisation à fin décembre ont été respectés. Tous les objectifs indicatifs à fin 2022 ont été atteints, à l'exception de deux d'entre eux : celui relatif au plancher des dépenses sociales et celui relatif au plafond des garanties de la banque centrale pour les prêts de l'administration centrale, en raison de lacunes dans le suivi et bien qu'aucune nouvelle garantie n'ait été octroyée. Tous les repères structurels ont été respectés, à l'exception de celui relatif à la publication des contrats miniers, en raison de retards. Les autorités ont désormais publié tous les accords liés au contrat minier renégocié avec Ventora et au contrat pour la coentreprise Primera Gold. 

À l'issue de la discussion du Conseil d'administration, M. Kenji Okamura, directeur général adjoint et président par intérim, a fait la déclaration suivante :  

L'économie de la République démocratique du Congo a fait preuve de résilience, malgré l'escalade du conflit dans l'est et l'effet persistant des chocs passés. La croissance est estimée à 8,9 % en 2022, avec une inflation plus élevée que prévu car les dépenses publiques rapides ont accéléré la dépréciation du taux de change. Le conflit dans l'est a pesé sur les finances publiques ; des recettes inférieures aux prévisions en 2023 et des dépenses exceptionnelles plus élevées limitent les autres dépenses prioritaires. Malgré ces vents contraires, les résultats obtenus dans le cadre de la facilité élargie de crédit (FEC) restent globalement satisfaisants. Les perspectives de croissance restent favorables, tandis que les risques, liés au conflit dans l'est du pays, aux élections de fin 2023 et aux chocs négatifs sur les termes de l'échange, sont orientés à la baisse.

Le déficit budgétaire devrait diminuer en 2023, ce qui aidera la politique monétaire à freiner l'inflation. La baisse des recettes et l'augmentation des dépenses exceptionnelles justifient un contrôle des dépenses et une redéfinition des priorités, tout en poursuivant les efforts de mobilisation des recettes. L'amélioration de l'efficacité des dépenses, des contrôles plus stricts sur les dépenses dans le cadre des procédures d'urgence et une meilleure gestion de la trésorerie permettront d'améliorer l'exécution du budget et de dégager une marge de manœuvre pour les dépenses sociales et de développement indispensables. Des progrès dans les réformes structurelles budgétaires, notamment celles liées à la fonction publique, à la subvention des carburants, la chaîne des dépenses et au fonctionnement du Trésor, la gestion des investissements publics et la crédibilité du budget, sont nécessaires pour améliorer l'efficacité des dépenses et la gouvernance.

La volonté de resserrer davantage la politique monétaire, de renforcer le cadre de la politique monétaire et d'améliorer l'indépendance et les sauvegardes de la banque centrale favorisera la stabilité des prix. L'accumulation de réserves contribuera à renforcer la résistance aux chocs extérieurs. La promulgation des règlements relatifs à la nouvelle loi bancaire renforcera la surveillance et la résilience financières.

Les réformes visant à renforcer l'État de droit et le système judiciaire, à lutter contre la corruption, et à améliorer la transparence dans le secteur minier et les finances publiques sont essentielles pour améliorer le climat des affaires en vue de favoriser l'investissement privé et la diversification économique. Il est également essentiel d’agir pour sortir de la liste grise du GAFI et de mettre en œuvre le nouveau cadre de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. La mise en œuvre de l'ambitieux programme climatique du pays serait également importante compte tenu de la vulnérabilité du pays au changement climatique.

mardi 27 juin 2023

La lutte contre l'impunité passe par la poursuite des responsables politiques et militaires congolais, rwandais et ougandais (HRW)

La République démocratique du Congo a demandé à la Cour pénale internationale (CPI) d’enquêter sur le regain de violence et d’abus perpétrés au Nord-Kivu, une province en proie à des conflits située dans l’est du pays.


Maria Elena Vignoli, Conseillère juridique senior, programme Justice internationale

La semaine dernière, le Procureur de la CPI, Karim Khan, a annoncé que le gouvernement congolais avait officiellement demandé à son bureau d’enquêter sur les crimes graves qui auraient été commis au Nord-Kivu depuis le 1er janvier 2022. Dans la mesure où le Procureur envisage de poursuivre l’enquête sur ces crimes, ce nouveau renvoi souligne la nécessité d’une poursuite de l’engagement de la CPI en RD Congo, notamment en raison de l’escalade des violences non seulement au Nord-Kivu, mais aussi dans d’autres provinces.

L’année passée, Human Rights Watch a régulièrement documenté des meurtres et des viols à grande échelle commis au Nord-Kivu par les rebelles du M23, soutenus par le Rwanda, ainsi que des abus commis par d’autres groupes armés. Un habitant d’un village attaqué par les rebelles a déclaré que « le M23 violait les femmes, forçait les gens à travailler pour eux et les passait à tabac ». Des fosses communes dans lesquelles se trouvaient les corps de plusieurs villageois et membres de milices capturés et qui auraient été exécutés par des combattants du M23 ont été découvertes dans le village de Kishishe.

Des enquêteurs des Nations Unies ont documenté plusieurs crimes de guerre apparents commis par le M23 et d’autres groupes armés. Certains de ces groupes continuent de faire des ravages parmi les civils, en particulier dans les provinces de l’Ituri, du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Dans ce contexte de violence, des unités de l’armée congolaise ont apporté leur soutien à des groupes armés impliqués dans des crimes graves.

La persistance de l’impunité alimente la violence actuelle, et bon nombre des acteurs déjà impliqués dans des abus passés continuent de commettre des atrocités.

Bien que la CPI enquête sur les crimes graves commis en RD Congo depuis 2004, les résultats sont mitigés. La Cour devrait faire plus pour remédier au problème de l’impunité dans le pays et s’attaquer non seulement à la question de la responsabilité des commandants rebelles ayant commis des abus, mais aussi à celle des hauts responsables politiques et militaires de la RD Congo, du Rwanda et de l’Ouganda pour le rôle qu’ils ont joué dans les crimes graves commis dans l’est du pays pendant des années. 

En tant que juridiction de dernière instance, la CPI ne peut cependant pas tout faire elle-même et devrait donc investir davantage dans le renforcement des efforts de mise en œuvre de l’obligation de rendre des comptes au niveau national. La récente visite du Procureur en RD Congo et le mémorandum d’entente conclu avec le gouvernement congolais vont dans ce sens, même si l’on ne sait toujours pas comment cette nouvelle initiative se traduira dans la pratique.

La CPI devrait tirer le meilleur parti du rôle multiforme qu’elle peut jouer en RD Congo pour rendre justice aux victimes de crimes graves et aux communautés touchées par la spirale de la violence.

lundi 19 juin 2023

Les Nations Unies tirent l’alarme face à la violence galopante et aux besoins humanitaires croissants dans l’Est de la RDC

Les plus hauts responsables de l'aide humanitaire au niveau mondial ont déclenché une intensification immédiate des opérations humanitaires dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), après des mois de violences incessantes et de besoins humanitaires croissants. Cette augmentation des opérations devra mettre l'accent sur la pénurie de nourriture, la protection des personnes vulnérables et la propagation de maladies dans les provinces de l'Ituri, du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. 

La semaine dernière lors du dernier épisode de violence, près de cinquante personnes, dont de nombreuses femmes et enfants, ont été massacrés dans le site de personnes déplacées de Lala, en Ituri. Des milliers d'autres ont depuis fui le site.

"La brutalité exercée par les groupes armés envers les communautés locales et l'ampleur des besoins humanitaires de la population sont sans précédent", a déclaré Bruno Lemarquis, Coordonnateur humanitaire en RDC. "La souffrance est immense. Des millions de personnes ont désespérément besoin d'une aide humanitaire. Nous sommes pleinement engagés dans l'intensification de notre réponse".

Les protocoles d’urgence appellent toutes les agences humanitaires des Nations Unies et les partenaires ONG internationales actives en RDC à déployer les capacités et les ressources supplémentaires nécessaires pour accroître l’ampleur des opérations d’aide dans la région, en appui aux efforts du Gouvernement de la République démocratique du Congo et en étroite collaboration avec les partenaires et les organisations locales. Les Nations Unies appellent également tous les acteurs armés opérant dans ces provinces, à cesser les attaques contre les civils et les infrastructures civiles. L’ONU appelle également le Gouvernement congolais, qui a la responsabilité première de protéger les civils, à accroître ses efforts pour assurer la protection des civils.

La faim et la malnutrition augmentent dans l'est du pays en raison d'une combinaison mortelle de violence, de catastrophes naturelles, de pauvreté généralisée et de manque de services de base. De nombreuses communautés rurales n'ont d'autre choix que d'abandonner leurs champs par crainte des attaques. En Ituri, la production alimentaire a chuté de 25% au cours de la seule année dernière. Les épidémies d'Ebola, de rougeole, de choléra et d'autres maladies ont également contribué à la crise humanitaire dans la région.

Depuis mars 2022, 2,8 millions de personnes ont été contraintes de fuir leurs foyers dans les provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et de l'Ituri. La RDC compte désormais 6,3 millions de personnes déplacées à l'intérieur du pays, soit le nombre le plus élevé de tous les pays africains.

La violence basée sur le genre est endémique : plus de 31 000 cas ont été enregistrés au cours du seul premier trimestre de l'année 2023. Le nombre réel est probablement beaucoup plus élevé, car les violences sexuelles ne sont souvent pas signalées.
 
Les violations graves à l'encontre des enfants sont également en augmentation, particulièrement le recrutement d'enfants, les enlèvements et les violences sexuelles. Malgré l'ampleur des besoins, le financement de la réponse humanitaire reste faible. Les agences humanitaires ont besoin de 2,25 milliards de dollars pour venir en aide à dix millions de personnes cette année. Au 19 juin, le plan de réponse humanitaire n'était financé qu'à hauteur de 28 %.

"Nous appelons les donateurs à nous soutenir davantage, bien que l'aide humanitaire ne soit pas une solution à long terme", a déclaré Bruno Lemarquis. "Parallèlement à l'aide humanitaire, nous avons également besoin de beaucoup plus d'efforts et d'investissements dans les programmes de relèvement précoce et de développement d'urgence afin d'aider les communautés à se remettre sur pied. Mais avant tout, il faut que la violence cesse".


mercredi 14 juin 2023

Des fosses communes attribuées au M23, soutenu par le Rwanda : Les preuves de crimes de guerre manifestes commis à Kishishe devraient être préservées

Le groupe rebelle M23 soutenu par le Rwanda serait responsable de fosses communes contenant des dizaines de corps retrouvées dans le village de Kishishe, dans la province du Nord-Kivu, dans l'est de la République Démocratique du Congo, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Les corps seraient ceux de villageois et de miliciens capturés que les combattants du M23 ont exécutés entre novembre 2022 et le départ du groupe armé de Kishishe en avril 2023.

Le gouvernement congolais devrait demander l’appui des Nations Unies, de l'Union africaine (UA) et des gouvernements partenaires pour procéder à des exhumations de manière appropriée, restituer les corps aux familles et exiger que les responsables de ces crimes rendent des comptes. Le Conseil de sécurité de l'ONU devrait ajouter les dirigeants du M23, ainsi que les responsables rwandais qui soutiennent le groupe, à sa liste de sanctions existante.

« La RD Congo, les Nations unies et l’Union européenne devraient aborder la question des preuves de plus en plus nombreuses selon lesquelles le M23 a commis de nombreux meurtres dans le village de Kishishe, a affirmé Clémentine de Montjoye, chercheuse au sein de la division Afrique de Human Rights Watch. « Il est urgent de rassembler correctement les preuves, d’enquêter de manière impartiale et d’informer les familles sur le sort de leurs proches ».

Human Rights Watch a documenté les atrocités du M23 à Kishishe en s’appuyant sur des témoignages ainsi que sur l’analyse d’images satellite, de photographies et de vidéos. Outre les exécutions, les combattants du M23 ont incendié au moins une maison contenant des corps, utilisé trois écoles comme bases, dont une qui a été détruite, et ont privé les élèves d'un accès à l'éducation en toute sécurité.

Les autorités congolaises, ainsi que Human Rigths Watch, Amnesty International et la Monusco ont enquêté sur les événements à Kishishe, mais une enquête internationale plus approfondie est nécessaire après le retrait des forces du M23.

Human Rights Watch a rapporté en février que, le 29 novembre, les rebelles du M23 ont sommairement tué au moins 22 civils à Kishishe à la suite de combats avec des factions des groupes Maï-Maï Mazembe, Nyatura et les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR). À l'époque, des informations crédibles recueillies par Human Rights Watch indiquaient que le M23 avait tué au moins 10 autres civils en recherchant des miliciens. D'autres rapports de l'ONU, ainsi que d’autres organisations, ont conclu que les combattants du M23 pourraient avoir illégalement tué de nombreuses autres personnes, y compris des combattants capturés.

En avril et en mai, après le retrait du M23 de Kishishe, Human Rights Watch a mené des entretiens téléphoniques avec 21 personnes, dont certaines ont déclaré avoir été témoins d'exécutions ou avoir été forcées par le M23 à enterrer des corps. D'autres ont volontairement enterré des corps après que le M23 ait quitté la zone. Les personnes interviewées ont fourni des informations sur 14 fosses communes, bien que celles-ci ne semblent représenter qu'une fraction du nombre total de sites d'inhumation. Toutes les personnes interviewées pensaient que le M23, qui contrôlait Kishishe entre fin novembre et début avril, avait exécuté la grande majorité des victimes.

Les habitants de Kishishe qui ont été témoins d'exécutions ou qui ont enterré des corps ont déclaré que des fosses communes contenant jusqu'à 20 corps avaient été creusées après l'occupation de Kishishe par le M23. Après le retrait du M23, d'autres tombes ont été découvertes. Les habitants ont dit avoir creusé de nouvelles tombes pour enterrer les corps qu'ils ont découverts. Ils ont expliqué que certains des morts n'avaient pas été identifiés au moment de l'inhumation car ils avaient probablement été déplacés depuis d'autres localités de la zone.

Des témoignages indiquent que les combattants du M23 ont tué de nombreux civils et capturé des membres de milices après la fin des combats en novembre, et après qu'ils se sont emparés du village. Un homme capturé par le M23 a décrit la série de meurtres commis par les combattants :

J'ai vu quatre cadavres de voisins à côté de ma maison. … Un peu plus loin dans le village, ils ont tué un homme de la tribu Shi et ont recouvert son corps avec une couverture pour le cacher. À côté, quand nous sommes arrivés au marché, j'ai vu un voisin ainsi que sa femme et son fils. Ils ont tué les deux hommes et laissé la femme. Ils ont continué et ont trouvé une maison avec trois hommes cachés à l'intérieur. Ils les ont tués avec leurs houes. Ensuite, nous sommes arrivés à l'église [adventiste], ils ont fait sortir tout le monde et les ont exécutés. Il y avait peut-être une vingtaine de personnes tuées.

D'autres habitants et témoins ont corroboré la présence d'une fosse commune près de l'église adventiste susceptible de contenir entre 15 et 20 corps. Des images satellite de décembre montrent des zones de sol nu à cet endroit.

Une proche d'une victime a déclaré que des combattants du M23 sont venus chez elle et ont emmené son oncle : « Ils l’ont abattu et ont jeté son corps dans un ravin. Nous l’avons enterré nous-mêmes ».  

Un habitant qui était trop malade pour fuir a déclaré qu'après les tueries de novembre, des combattants du M23 sont venus chez lui et lui ont dit de rassembler des bêches et des houes.

« Ils m'ont dit qu'il y avait des morts à enterrer. … Avec neuf autres hommes, nous avons creusé une fosse dans laquelle nous avons enterré 15 personnes », a-t-il expliqué.  « Le lendemain, nous avons creusé d'autres tombes et enterré 17 autres personnes [dans différentes tombes]. Ils nous ont dit qu'ils étaient morts au combat mais ce n'est pas vrai. Ils sont tous morts de blessures par balle. Trois avaient reçu une balle dans la bouche. Les autres dans la poitrine et certains avaient les genoux brisés. »

Un homme de 22 ans a déclaré qu'après la capture de Kishishe par le M23, il a été enrôlé de force par le groupe qui lui a dit qu'ils allaient combattre les FDLR. « Nous n'avons pas trouvé de FDLR mais plutôt des agriculteurs qui travaillaient dans leurs champs. Tous ceux qu'ils ont trouvés sur leur chemin, ils les ont tués en disant qu'ils étaient des FDLR. » Quand il est retourné à Kishishe, il a trouvé les corps de son père et de son petit frère : « Ils ont dit "Regardez ces Maï-Maï que nous avons tués". J'ai dû faire semblant de ne pas les connaître pour ne pas qu'ils m'accusent d'être le fils d'un Maï-Maï et me tuent aussi. » Il a expliqué que lui et d'autres habitants ont enterré son père et son frère avec trois autres corps non identifiés dans une fosse.

Les fosses ont été creusées près des positions du M23, d’une église, où des personnes ont pu tenter de chercher refuge, d’un poste de police, ou alors dans des parcelles appartenant à des habitants. Des corps ont été retrouvés dans des latrines. « Ce n'est qu'après le départ du M23 que nous avons découvert beaucoup plus de restes humains [et de fosses] », a déclaré un habitant. « Nous pensons que certains ont été détenus et exécutés [quand le M23 a quitté Kishishe]. » Cet habitant a ajouté que d'autres corps avaient été retrouvés le 28 mars de l'autre côté de la rivière Nyabihanda, à un endroit appelé « Matodi » par les habitants. « Il y avait 31 crânes dans un trou que le M23 avait lui-même creusé…. Le trou était juste à côté de leur position sur la colline. » Des images satellite montrent une position militaire faite de tranchées et d’abris sur la colline de l'autre côté de la rivière, au sud de Kishishe.

Les habitants ont également déclaré que plusieurs maisons avaient été incendiées, dont au moins une avec des corps à l'intérieur. « Il y avait des [corps de] femmes, d’hommes et d’enfants mais je ne connais pas les chiffres exacts », a déclaré un témoin, qui a indiqué que les rebelles l'avaient capturé et lui avaient attaché les mains.  « Les combattants ont incendié la maison en versant de l'essence dessus et en y mettant le feu. J'étais avec eux. Je l'ai vu. » Human Rights Watch a identifié la maison à l'aide d'images satellite.

Dans une déclaration du 3 décembre, le M23 a rejeté les allégations de meurtres et a soutenu que huit civils avaient été tués par des « balles perdues » lors des combats à Kishishe. Le 6 juin, le porte-parole du M23 a déclaré à Human Rights Watch que le groupe armé niait les allégations selon lesquelles il aurait commis des exécutions, incendié des maisons ou occupé des écoles.

Le conflit armé dans l'est de la RD Congo est régi par le droit international humanitaire, aussi appelé le droit de la guerre, notamment l'article 3 commun aux Conventions de Genève de 1949 et le droit international coutumier, qui interdisent les exécutions sommaires, le pillage, le recrutement forcé et d'autres abus. Les violations graves du droit de la guerre commises avec une intention criminelle – délibérément ou par imprudence – constituent des crimes de guerre. Les commandants peuvent être tenus pénalement responsables pour les crimes de guerre commis par leurs forces s'ils avaient connaissance ou auraient dû avoir connaissance de ces crimes et n’ont pas agi pour les prévenir ou en punir les responsables. Des responsables rwandais sont susceptibles d’être complices de crimes de guerre du fait de leur assistance militaire aux forces du M23.

Les autorités congolaises, avec l'aide de partenaires internationaux, devraient garantir une enquête rapide et impartiale sur les meurtres et autres crimes commis à Kishishe depuis novembre 2022. Tous les responsables devraient être poursuivis équitablement, y compris en matière de responsabilité de commandement. Les conclusions des enquêtes devraient être rendues publiques.

Le gouvernement congolais devrait inviter des experts médico-légaux internationaux indépendants ou de l'ONU, notamment ceux ayant une expérience de travail devant les tribunaux pénaux, afin d’aider à préserver et à analyser les preuves dans les tombes et fosses communes. Des exhumations menées en l’absence d’experts médico-légaux risqueraient de détruire des preuves essentielles et de compromettre considérablement l'identification des corps. Les dépouilles des personnes retrouvées enterrées dans des tombes ou laissées sans sépulture devraient être restituées à leurs familles, a déclaré Human Rights Watch.

« Les autorités congolaises devraient autoriser la tenue d’une enquête indépendante avec la participation des Nations Unies sur l'occupation de Kishishe par le M23, et rendre ses conclusions publiques », a conclu Clémentine de Montjoye. « Des sanctions internationales devraient être rapidement imposées aux personnes impliquées dans les abus, y compris les commandants rwandais soutenant le M23. »

lundi 5 juin 2023

Toute la procédure pour l'arrestation de Salomon Idi Kalonda a été respectée

« Nous poursuivons Salomon Kalonda Idi pour incitation des militaires à commettre les actes contraires au devoir et à la discipline, détention illégale d’armes et munitions de guerre et atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat ». Ce sont des infractions qui sont mise à charge du conseiller de Moise Katumbi. C’est ce qu’a déclaré lundi à Kinshasa le conseiller juridique de l’Etat-major des renseignements militaires, le lieutenant-colonel Patrick Kankoli Ngoli.


Le lieutenant-colonel Patrick Kangoli Ngoli, Conseiller juridique de l'Etat-major des Renseignements militaires

Les faits pour lesquels Salomon Idi était recherché par les services de renseignements semblent sensibles et qu’il ne pouvait pas être invité mais plutôt les communiquer au ministère public militaire. Ce dernier a mis à la disposition des services des renseignements militaires un mandat d’amener en vertu duquel les services étaient en train de rechercher Salomon Kalonda partout dans la ville de Kinshasa.

« Le mandat d’amener n’ayant pas d’espace et nous avons pu le retrouver à l’aéroport de N’djili. Vous constaterez avec moi qu’il s’est mal comporté parce que l’article 190 du Code judiciaire militaire dit que tout inculpé qui n’obéit pas à un mandat d’amener ou ayant obéi tente de s’évader doit être contraint par la force. C’est pourquoi vous avez constaté que les services ont utilisé la force pour mettre la main sur Salon Idi. C’est conforme au Code judiciaire militaire. Et donc, le dossier était sensible. Les faits étaient déjà à la disposition du ministère public qui a mis à notre disposition un mandat de recherche. C’est ce que nous avons exécuté », a relevé le lieutenant-colonel Kangoli.

Le lendemain de son arrestation pour respecter la procédure, les services des renseignements militaires ont saisi l’officier du ministère public pour leur permettre de proroger la durée sa détention. Ils travaillent pour mettre à la disposition du ministère public tous les éléments de preuves. Les services de renseignements militaires ont déclaré avoir obtenu l'autorisation du ministère public pour continuer à le détenir.

Salomon Idi Kalonda était pris en charge depuis longtemps par les services des renseignements. Le 30 mai 2023 à 11H32 alors qu’il voulait se rendre à Lubumbashi dans la province du Haut-Katanga par un vol non régulier, il a été arrêté par les services de renseignements militaires. Le 20 mai 2023 lors de la manifestation de l’opposition à Kinshasa, Salomon Idi Kalonda était porteur d’une arme. Cet effet militaire était tombé en pleine échauffourée avec les éléments de la police qui l’ont rapidement ramassé et saisi. Il s’agit d’un pistolet 9 millimètres.

« Salomon Idi s’est permis de se faire sécuriser sans autorisation par des éléments des Fardc qui sont armés dont un major est cité parmi les personnes qui le sécurisaient. Ce dernier était dans les démarches d’acquérir des armes de guerre au profit de Salon Idi ».

Les informations recueillies de ses téléphones démontrent que Salomon Idi était en contact permanent avec les officiels du M23-RDF mais également avec des officiels rwandais, a soutenu le conseiller juridique de l’Etat-major des renseignements militaires. D’après ces informations, l’un des objectifs était de renverser le régime en place en RDC par tous les moyens et y installer un ressortissant katangais.

Les mêmes informations recueillies de ses téléphones renseignements également que Salon Idi a aussi établi des contacts avec le major Ngezi Fred, assistant de Sulutani Makenga, qui est le chef de la branche armée du mouvement terroriste M23-RDF. Il avait des contacts directs avec Runiga Jean-Marie, le chef de la branche politique du M23-RDF. Avec les généraux de RDF en l’occurrence Karuterwa Patrick, Ruki, Alex et Vincent Karega, ancien ambassadeur du Rwanda en RDC, leur motivation était d’encourager la guerre menée par le M23-RDF pour obtenir les négociations politiques en vue de faire tomber le vote de la « loi dite Tshiani ».

« Nous avons constaté que tous les projets de communiqués émis par le parti politique Ensemble pour la République étaient transmis d’abord à Kigali par Salomon Idi Kalonda pour leur validation par le général Nzamba Mwita, chef de renseignements civils du Rwanda », souligne le lieutenant-colonel Kankoli.

« Tout ce que nous disons est confirmé par un cadre repenti du M23-RDF en détention à Kinshasa et qui réclame la confrontation avec l’accusé. Enfin, nous avec les investigations avant d’entrevoir la possibilité de mettre Salomon Kalonda à la disposition de son juge naturel ».

 

Edouard Mwangachuchu n’est pas Rwandais (Haute cour militaire)

« La Haute cour militaire n’a jamais mais alors jamais affirmé de manière ferme que Edouard Mwangachuchu est Rwandais. Elle n’est pas saisie dans un contentieux de nationalité ». Précision donnée par le général magistrat Martin Kalala Kapuku. C’était à l’audience du 30 mai 2023 à la Prison Militaire de Ndolo à Kinshasa. La Haute cour militaire a poursuivi l’instruction de l’affaire en procédure de flagrance du député national Edouard Mwangachuchu. « Il a été dit en effet que le dossier des pièces présentées par l’accusation contient des éléments susceptibles de constituer des infractions ».


Edouard Mwangachuchu, élu de Masisi au Nord-Kivu

Examens des pièces du dossier

La défense s’est insurgée de la manière dont la procédure a été menée par les services des renseignements. La Haute Cour militaire a examiné des documents saisis à la résidence de Mwangachuchu le jour de son interpellation. Il s’agit d’un document de la diaspora rwandaise, un document écrit par Ingabire, un document reprenant la vente des billets de Rwand’Air, un rapport de service de la clientèle de Rwand’Air, un jugement du tribunal rwandais dit Gacaca du 8 février 2007, des photocopies de passeports rwandais... Edouard Mwangachuchu a rejeté l’appartenance de ces documents dans son patrimoine. Il n’a reconnu qu’un récépissé établi au nom de son fils Christian Mwangachuchu pour l’achat d’une parcelle à Kigali au Rwanda.

Arme d’autodéfense ou arme de guerre ?

Le ministre de l’Intérieur de l’époque, Richard Muyej, avait accordé une attestation d’enregistrement d’une arme d’auto-défense à Edouard Mwangachuchu en date du 4 juillet 2014. La Haute Cour a fait observer au prévenu Mwangachuchu qu’avant de procéder à l’enregistrement, le requérant devrait d’abord obtenir une autorisation de port d'armes. Elle a posé la question au prévenu s’il sait utiliser une arme à feu. Le prévenu a expliqué avoir fait la demande d’une arme pour la simple raison qu’il se sentait menacé.

La défense a soutenu que son client avait une autorisation de port d'armes sinon l’administration n’aurait jamais autorisé qu’il paye l’argent en guise de frais de port d'armes. Le ministère public a constaté que le prévenu n’a pas produit le document d’autorisation de port d'armes.

« Cette arme est une pièce présentée par nous et que nous avons trouvé à l’état des effets saisis à la résidence de Mwangachuchu. Le document détenu par le prévenu relève qu’il y aurait une autorisation non datée. Il aurait détenu une arme GP. Mais l’arme dont on parle dans ce dossier est une arme de guerre », a déclaré l’organe de la loi. 

Or, le rôle du ministère de l’Intérieur est d’enregistrer l’autorisation qui est établie en bonne et due forme. Cette autorisation même s’il y en avait ne pouvait pas donner le droit au prévenu de détenir une arme de guerre. Pour la détenir, il faut une ordonnance du chef de l’Etat et non une attestation du ministère de l’Intérieur. Cette autorisation du ministère de l’Intérieur ne peut couvrir cette infraction de détention d’arme de guerre.

« Je ne sais pas utiliser cette arme. Je l’ai demandé parce que j’avais un policier qui la portait à chaque fois que je me déplaçais. Il y avait un endroit chez moi où il laissait cette arme. Lorsque j’étais tombé malade, je suis allé me faire soigner pendant un mois et demi à l’étranger. Le policier Byamungu qui me servait aussi de chauffeur ne s’était pas présenté parce qu’il était malade. Il est parti travailler chez le questeur du Sénat en me dépossédant de cette arme bien que c’est lui qui avait mené toutes les démarches ». 

Les parties au procès ont souhaité que la Haute cour militaire fasse comparaître un certain nombre de témoins dont l’ancien commissaire provincial de la police de la province du Nord-Kivu, le commissaire divisionnaire Vital Awashango. Pour rappel, le député Edouard Mwangachuchu et le commissaire supérieur Robert Mushamalirwa sont poursuivis pour tentative de participation à un mouvement insurrectionnel, trahison et détention illégale d’arme de guerre. La prochaine audience a été fixée le vendredi prochain à la Prison Militaire de Ndolo.