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mercredi 29 février 2012

Situation humanitaire en République Démocratique du Congo


Près de 6.000 cas de rougeole et plus de 5.600 cas de choléra rapportés en RDC depuis le début de l’année.
L’extension de l’épidémie de rougeole en République Démocratique du Congo reste un sujet de préoccupation pour la communauté humanitaire. Selon le Ministère de la santé et l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 5.951 cas dont 127 décès ont été déclarés depuis le début de cette année jusqu’à la mi-février dans 11 provinces de la RDC. Le Kasaï Oriental (2.243 cas dont 51 décès), le Katanga (965 cas avec 17 décès), la Province Orientale (761 cas avec 11 décès), l’Equateur (649 cas avec 9 décès) et le Bandundu (591 cas avec 27 décès) sont parmi les régions les plus affectées par l’épidémie. La maladie touche majoritairement les enfants de moins de 5 ans non ou insuffisamment vaccinés. L’OMS, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et les autres partenaires appuient la riposte dans les nouvelles zones de santé en épidémie et renforcent la prise en charge des cas au niveau des structures sanitaires. En 2011, la RDC avait notifié plus de 134 000 cas dont 1 652 décès.
Depuis le début de cette année, l’Organisation Médecins Sans Frontières (MSF) a traité 1.091 cas de choléra dont 19 décès dans dix structures de traitement mises en place dans le District de l’Ituri (Province Orientale), en collaboration avec le Ministère de la santé. Quatre zones de santé (Bunia, Gety, Jiba, Tchomia) sont touchées par la maladie dans le District. Par ailleurs, MSF travaille en partenariat avec les acteurs locaux (secouristes de la Croix-Rouge et relais communautaires) sur les volets d’hygiène, assainissement, traitement de l’eau, et la sensibilisation. Dans la Province du Bas-Congo, la tendance est à la baisse dans la Zone de santé de Muanda où l’on a rapporté 18 cas dont un décès au cours de la semaine dernière. Dans la Province de l’Equateur, alors que la tendance était à la baisse au cours de dernières semaines, plusieurs cas suspects de choléra sont de nouveau rapportés. Au moins 12 cas suspects sont signalés dans la Ville de Mbandaka, dans la Zone de santé de Lukolela (District de l’Equateur) et à Dongo (Sud-Ubangi). Le manque d’accès à l’eau potable reste la raison principale de cette situation. Plusieurs partenaires demeurent actifs dans la prévention et l’assainissement du milieu. Depuis le début de l’année 2012, la RDC a déjà enregistré un total cumulé de 5.619 cas dont 17 décès pour l’ensemble du pays (zones en épidémie et zones en endémo-épidémie).  En 2011, la RDC avait totalisé 21.700 cas de choléra dont 584 décès. Des efforts sont en cours pour apporter la réponse et contrôler cette épidémie notamment grâce à un financement de 9,1 millions de dollars américains du Fonds central des Nations Unies pour les interventions d’urgence (CERF).
Des Journées locales de vaccination de riposte contre la poliomyélite ont été lancées le 28 février dans 36 zones de santé (ZS) ciblées des quatre provinces de l’Est de la RDC. Il s’agit de 19 zones de santé au Katanga, 9 ZS au Maniema, 4 ZS au Kasaï Orienta et 4 ZS au Sud-Kivu. Quatre ZS du Bas-Congo seront vaccinées du 02 au 04 mars 2012, en synchronisation avec l’Angola qui tient sa campagne à la même période. 93 cas de polio du type 1 avaient été rapportés en 2011. Le cas le plus récent remonte au 20 décembre 2011. L’OMS, l’UNICEF et d’autres partenaires apportent un appui technique et financier à ces campagnes.

Une flambée de paludisme signalée dans la Province de l’Equateur
Quelque 12.000 cas de paludisme ont été rapportés entre les 13 et 19 février dans les Districts du Nord-Ubangi, Sud-Ubangi et Tshuapa. Le paludisme représente 70 % des cas de consultation dans les structures de santé dans la Province de l’Equateur. Une équipe d’urgence de MSF évalue actuellement la situation pour la prise en charge et la distribution de kits de médicaments
Environ 2.000 ménages seront assistés en intrants maraîchers au Nord-Kivu
Grâce à un financement du Fonds commun (Pooled Fund), quelque 2.000 ménages déplacés depuis trois mois vont bénéficier d’intrants maraîchers sur l’axe Mpofi – Kibua (est de Walikale), dans la Province du Nord-Kivu. Cette activité, menée en partenariat avec l’ONG AVSI qui a fourni des biens non alimentaires et des vivres, entre dans le cadre du programme « Stocks stratégiques » de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), en appui au mécanisme de Réponse rapide aux mouvements de populations (RRMP). La coordination de la réponse s’est faite après une évaluation multisectorielle (MSA) du RRMP et une mission d’évaluation spécifique à la sécurité alimentaire début janvier. Rappelons que ces déplacements avaient eu lieu après les violences qui s’étaient déroulées dans le Territoire de Walikale au début du mois de décembre.”
Une foire aux semences pour lutter contre la maladie du bananier
L’ONG CARITAS Bukavu a organisé au cours de la première quinzaine de février une série de foires aux semences et outils aratoires pour combler le déficit de la production agricole de 8.000 ménages des groupements du Territoire de Kabare. Depuis septembre 2011, la CARITAS Bukavu met en œuvre un projet de lutte contre le flétrissement bactérien du bananier grâce au financement de l’ONG Catholic Relief Services (CRS). Une des activités de ce projet consiste à sensibiliser les bénéficiaires à dessoucher les plantes malades et à les remplacer par des plantules saines, ce qui affecte les ménages de cette région dont la banane reste un produit d’alimentation de base mais aussi source de revenus. Ces ménages ont bénéficié de plus de 36 tonnes de variétés d’arachides, haricot, maïs, soja et plus de 260 bêches, houes et machettes.
La mosaïque attaque le manioc dans la Province Orientale
La population de la Province Orientale est menacée d’insécurité alimentaire. La FAO signale la propagation de la mosaïque du manioc avec une virulence exceptionnelle. Le manioc étant l’aliment de base des habitants, l’équilibre alimentaire risque d’être rompu. Une enquête menée par le Programme alimentaire mondial (PAM) entre juin et août 2011 parmi les ménages déplacés, retournés et familles hôtes de la Province Orientale, avait indiqué que 3 millions de personnes étaient menacées d’insécurité alimentaire dans 16 des 24 territoires de la province.
Plus de la moitié de la population (860 personnes) de Bagulupo (55 km de Faradje, Haut-Uele) a fui cette localité pour trouver refuge dans les villages environnants et à Dungu, à la suite d’une attaque intervenue le 17 février. Environ 175 personnes sont arrivées à Dungu. Ces déplacés sont à leur troisième déplacement depuis 2008. Une évaluation rapide effectuée, la semaine dernière à Dungu par le Programme alimentaire mondial (PAM) et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), a recommandé une intervention en vivres pour une durée de 15 jours et en biens non alimentaires pour ces déplacés.
Près de 1.800 ménages bénéficient d’une assistance de vivres dans le Territoire de Rutshuru (Nord-Kivu)
Le Conseil Norvégien pour les Réfugiés (NRC) a assisté en vivres 1.783 ménages déplacés, retournés et vulnérables, à travers deux foires organisées à Kisharo dans le Territoire de Rutshuru ainsi que  de Ngumbe et Kitsuku, dans le Territoire de Lubero. Ce projet a été financé par le Bureau des affaires humanitaires de la Commission Européenne (ECHO) pour répondre aux besoins en sécurité alimentaire des populations déplacées. La valeur de l’assistance été déterminée par la taille de ménage et les besoins en sécurité alimentaire et vulnérabilité.

mardi 28 février 2012

Lancé avec pompe : le dossier ‘‘Fibre optique’’ bientôt devant les tribunaux


Le Gouvernement est en passe d’ouvrir la boîte de pandore de toutes les complicités relatives au détournement des USD 3 millions (sur les USD 12 millions), destinés à la construction de la Station d’atterrage de la fibre optique à Muanda. Tout peut arriver à travers une série de procès que risquent de lui attenter en cascades ses fournisseurs et dont l’issue peut ne pas lui être favorable. Sans raison qui vaille, l’ADG intérimaire de la Poste (SCPT), sous l’impulsion du ministère des Postes, Nouvelles technologies de la Télécommunication (PNTC), soufflé par le ministère des Finances (pourtant pas organe technique dans le dossier), décide de résilier le contrat qui lie son entreprise à la société Smart Ideas Trading (SIT), l’entrepreneur de droit indien qui construit l’infrastructure à Muanda. Une belle boulette qui va léguer à l’Etat une vraie patate chaude, selon des experts qui pensent que dans ce dossier, les conflits d’intérêt ont prévalu en lieu et place de l’intérêt général. Lorsqu’en novembre 2011 (les 2, 3 et 4), à la demande du Vice-Premier ministre Louis-Alphonse Koyagialo, le ministère des PNTC décide de révisiter le contrat signé le 25 janvier 2011 entre la SCPT Sarl et SIT, laquelle a remporté, après un conseil d’adjudication, le marché de la construction de la Station, l’option est de mettre les bouchées doubles après le temps perdu consécutif à ce détournement des fonds destinés à sa mise en œuvre et finalement récupérés jusqu’au dernier centime grâce à l’opiniâtreté de Joseph Kabila dans sa lutte contre la corruption. Des experts de la Présidence, de la Primature, de la Vice-primature (PNTC), du ministère des Finances et de la SCPT ainsi que le Représentant de l’entrepreneur recommandent, entre autres, au ministère des Finances la main levée des comptes de la SCPT où sont logés le crédit BIAC destiné à la construction de la Station d’atterrage de la fibre optique à Muanda, compte garanti par l’Etat congolais. La commission invite le Gouvernement à payer dans un délai raisonnable, par crainte des pénalités, le solde de USD 8.055.849,35 au Consortium WACS, propriétaire du backborn qui fournira la RDC en connexion Internet haut débit. Enfin, la Commission demande à SIT, qui va finalement toucher USD 8.955.849,30 au lieu de USD 12 millions, d’achever les travaux dans le respect de la date butoir du 28 décembre 2011, fortement recommandée par WACS, et qui joue sur la crédibilité de la RDC dans une démarche qui concerne nombre de pays de la côte occidentale d’Afrique, déjà prêts pour l’essai. Coup de théâtre cependant. En retour de courrier et sans véritablement entrer dans la profondeur du dossier, prétextant abusivement le caractère léonin du contrat, une façon de faire vibrer la corde sensible, le ministre des Finances proposera aussi sec, comme exutoire, la résiliation du contrat, mettant en doute la bonne foi de SIT et mettant en cause sa moralité. ‘‘L’intérêt étant la mesure de toute action, (…) il lui revient [à l’Etat, ndlr] de dénoncer ce contrat (...) et de solliciter un autre fournisseur (…)’’, écrit en censeur Matata Ponyo, repris en écho par le VPM Louis-Alphonse Koyagialo qui venait tout d’un coup de découvrir, ‘‘après l’examen minutieux dudit contrat… un déséquilibre criant équipollent au dol en défaveur de la SCPT’’ et qui entérine ‘‘la résiliation pure et simple du contrat’’. Aux yeux des analystes, cette décision s’apparente à une vengeance contre le Chef de l’Etat qui a arraché, jusqu’au dernier morceau, le bifteck de USD 3 millions de la bouche des kuluna en cravate. Des mauvaises langues voient d’ailleurs en cela un agenda caché pour écarter SIT, spécialiste dans le secteur, se positionner derrière une société écran en vue de se partager des prébendes et des commissions occultes et léguer à la RDC un travail bâclé, et tout cela, jamais sans conséquences pour les finances publiques, pour la Révolution de la Modernité et pour la justice distributive, autre cheval de bataille de Joseph Kabila pour l’assainissement du climat des affaires très critiqué en RDC.

Sordide manœuvre

A sonder les échanges de correspondances, on comprend aisément que le ministre des Finances a tout simplement ignoré les détails de l’offre technique et évoque, sans le vérifier, le caractère dolosif du contrat. SIT a évalué l’offre à USD 12 millions du fait de la somme de deux types de constructions à réaliser pour protéger l’équipement. Outre les préfabriqués, SIT avait prévu des compartiments en durs (murs anti-incendie) pour abriter les containers des équipements sensibles, de ce que la station en construction est situé à 600 m de l’océan et toute construction en acier (container) est susceptible d’être entamée par la rouille au regard de l’air humide et salé qui y circule. Ce qui déboucherait au même travail au bout d’un certain temps. Il faut relever en outre que SIT a étalé les preuves de sa bonne foi en réalisant dans un délai record de 60 jours ce qui était dans les prescrits du contrat. En accusant faussement l’entreprise indienne de déséquilibre, le ministère des Finances a fait fi des impérities de la SCPT qui n’avait jamais libéré, comme convenu, la première tranche de 80 % du montant du contrat et que, ayant succombé à la tentation, des responsables de la SCPT avait détourné, en complicité avec ceux qu’on appelle ‘‘Kuluna en cravate’’, le quart de ce montant. Faut-il indiquer en plus que SIT a préfinancé les travaux de génie civil en réalisant le beach manhole (point d’atterrage) avant le 16 février 2010, épargnant ainsi le gouvernement de l’opprobre et des pénalités de la part du fournisseur WACS. Les observateurs s’interrogent si on peut évoquer la mauvaise foi de la part de l’opérateur indien alors que la SCPT n’avait jamais honoré ses factures d’eau et d’électricité et encore moins les frais d’acquisition du terrain, honorés plutôt par SIT. ‘‘Pourquoi, comme sortie d’une léthargie, le gouvernement qui a garanti le crédit à la BIAC s’attaque à une entreprise qui a accompli sa part du contrat au prorata de ce qu’elle a reçu’’.
Et déjà, SIT, dont les travailleurs (une trentaine de compatriotes) moisissent depuis bientôt 5 mois à Muanda sans salaires, pourrait trainer la SCPT, comme stipulé dans le contrat, devant les instances judiciaires tant et si bien que les textes stipulent clairement que la SCPT ne peut s’engager avec une autre entreprise endéans 5 ans. Selon des experts, ces atermoiements assombrissent de plus en plus le climat des affaires en RDC et les banques réfléchiront désormais à deux fois avant de s’engager. En effet, la SCPT devra payer à ce jour à la BIAC des intérêts cumulatifs de l’ordre de USD 300.000. D’autre part, le bureau d’étude, BTC, qui a confirmé la qualité du travail abattu par SIT, presse lui le gouvernement à rentrer dans ces droits, sans oublier que le pays risque d’être confronté à des pénalités que peuvent lorgner des fonds vautours.
L’avenir de la fibre optique s’assombrit en RDC, laquelle risque de demeurer encore longtemps dans le Moyen-âge des télécommunications. Il n’est cependant pas tard de relancer des négociations avec la firme indienne. Et les autorités peuvent initier des pourparlers avec elle afin de régler à l’amiable cette affaire qui va éviter à la République des frais exorbitants qui peuvent découler des procès et de perdre inutilement du temps pour l’intérêt du haut débit à partir duquel devra prendre le pas la Révolution de la Modernité. Et le Chef de l’Etat Joseph Kabila Kabange n’a pas tapé à côté en y investissant près de USD 120 millions.
Emmanuel Makila

dimanche 26 février 2012

Affaire Bakungu contre Ministère public : le procès de la honte nationale… De la peine capitale pour "atteinte à la sûreté de l'Etat", à 12 mois de prison pour "haine tribale envers les sujets Rwandophones

Quelle honte nationale lorsque la Cour Suprême de Justice requalifie l’accusation sans aviser l’accusé ! Le temps donne raison au Leader de l’UNC Vital Kamerhe qui a qualifié à la RFI ce procès de politique. Nous citons : « cette arrestation répond uniquement à des objectifs politiques. C'est un montage parce qu'ils savent que les élections, en ce qui concerne Masisi, ont été refaites, alors il faut le mettre hors d'état de nuire ». Fin de citation.
RD Congo - Un député de l'opposition condamné à un an de prison pour "haine tribale"
Un député de l'opposition, accusé d'entretenir une milice dans l'est de la RD Congo et dont l'arrestation avait provoqué la mort de quatre personnes début février, a été condamné samedi à un an de prison pour "haine tribale" par la Cour suprême de justice a-t-on appris de source judiciaire. Dieudonné-Jacques Bakungu, 54 ans, élu en 2006 député du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD, au pouvoir) dans l'est du pays, mais candidat de l'opposition aux législatives de fin 2011, avait été arrêté le 2 février à Goma (est) dans sa villa, où deux de ses gardes et deux policiers avaient été tués lors de son arrestation.
Jugé devant la Cour suprême à Kinshasa, notamment pour meurtre, détention illégale d'armes et atteinte à la sûreté de l'Etat, le député a nié les faits et dénoncé un procès politique pour l'empêcher d'être candidat dans sa circonscription de Masisi (est), dans la province du Nord-Kivu, où l'élection a été annulée pour des violences et un nouveau vote doit être organisé.
La Cour suprême n'a pas suivi le ministère public qui avait requis la peine de mort, qui peut-être prononcée en RDC mais n'est plus appliquée et est commuée en prison à perpétuité. La Cour a acquitté l'accusé des faits qui lui étaient reprochés mais elle a requalifié celui d'atteinte à la sûreté de l'Etat en "haine tribale" envers "les sujets rwandophones" et l'a condamné à 12 mois de prison, a déclaré à l'AFP son avocat Me Benjamin Bakonke.
Une quinzaine d'autres accusés, pour la plupart des très jeunes gens qui ont nié les faits et dit avoir été arrêté au hasard, ont été condamnés à 12 mois de prison pour "haine tribale", ou 5 ans de détention pour meurtre ou détention illégale d'armes. Quatre autres ont été acquittés.
M. Bakungu s'était présenté au scrutin de fin 2011 sous la bannière de l'Union pour la nation congolaise (UNC) de l'opposant Vital Kamerhe, arrivé troisième à l'élection présidentielle, couplée aux législatives. Le Nord-Kivu, dont le Masisi est l'un des territoires, est, comme la province voisine du Sud-Kivu, une région instable en raison de l'activité persistante de plusieurs groupes armés locaux et étrangers.

Procès Bakungu : les faiblesses de l’accusation étalées à la CSJ
Dans son arrêt avant-dire droit, la Cour rouvre les débats ce samedi  
Consécutivement aux évènements de Goma du 2 février dernier, Dieudonné Bakungu Mithondeke est poursuivi devant la Cour suprême de justice, CSJ, avec 18 autres prévenus. L’homme, député  sortant de Goma où il était sorti maillot jaune aux scrutins de 2006, était, cette fois-ci, candidat à Masisi, creuset des drames et tragédies du Congo, et où les élections ont été annulées. Déjà, sur ces terres à problèmes, le gouvernement du maréchal Mobutu avait privé ce territoire d’élections en 1987. Difficile de ne pas voir derrière ce procès l’ombre des conflits qui ont toujours sévi ici, tel un magma qui bout, toujours prêt à exploser, à l’image du Nyiragongo si proche. Mais le procès renferme des faiblesses telles qu’il est permis de se demander si, dans ces conditions, condamner Bakungu ne relèverait pas d’une action politique visant l’élimination d’un adversaire politique, voire l’écrasement total de toute une communauté – les Hunde – autochtone devenu minoritaire sur ses propres terres.
Poursuivi pour 7 chefs d’accusation – dont rébellion, incitation des policiers à commettre des actes contraires à leur devoir, détention illégale d’armes à feu, atteinte à la sureté intérieure de l’Etat, meurtre,  – Dieudonné Bakungu a comparu sur le fond du dossier le samedi 18 février 2012. Son interrogatoire a révélé à la cour, ainsi qu’à la nombreuse assistance, deux choses capitales : la faiblesse de l’accusation, et le contexte politique dans lequel se place la trame, qui fait du Nord-Kivu une province aux réalités à nulle autre pareille. Dans sa présentation des faits, le ministère public n’y est pas allé de main morte. Il a ainsi, défini, les faits tels qu’ils se présentent selon lui. D’abord : «il circulait, dans Goma, des rumeurs faisant état d’une attaque imminente visant à expulser de la ville tous les Rwandophones (NDR : les citoyens congolais parlant le kinyarwanda, c’est-à-dire les Hutu et les Tutsi, aussi appelés dans ce procès «Banyarwanda»). Les autorités auraient alors décidé le bouclage de certains quartiers». Et puis : «les OPJ des FARDC (eh oui, vous bien lu : OPJ des FARDC, donc dans l’armée congolaise il y a des officiers de police judiciaire !) et de la PNC (Police nationale congolaise) ont été mis à contribution. Ils ont obtenu des mandats de perquisition auprès du procureur général de Goma». Et enfin : «ils ont perquisitionné partout, notamment chez monsieur Bahuma, cadre à la SONAS, et chez la concubine (sic !) de monsieur Bakungu Mithondeke, sans aucun problème. Arrivé chez monsieur Bakungu Mithondeke lui-même, les problèmes commencent avec son refus d’ouvrir aux militaires. Ces derniers reçoivent alors l’autorisation de leur chef d’escalader le mur, et c’est alors que monsieur Bakungu ordonne à ses hommes de tirer sur les militaires, d’où la réplique de ceux-ci. S’ensuit un violent échange des tirs entre les deux camps. On a trouvé un féticheur nommé Nzi au plafond de la résidence de Bakungu. C’est lui qui avait tatoué les combattants pour les rendre invulnérables. On a également ces documents compromettants qui démontrent que monsieur Bakungu avait mis en place un mouvement insurrectionnel».
 
Le décor du drame
Dans l’interrogatoire qui va suivre, l’accusé va répondre à une pluie de questions qui lui permettent de planter le décor du drame qu’il a vécu. D’abord : «ce 2 février, j’étais chez moi à la maison. Je regardais un match de la coupe d’Afrique des nations à la télévision lorsque j’ai reçu l’appel d’un  correspondant anonyme, m’informant avoir été convié une réunion au cours de laquelle il a été décidé de m’abattre, au motif que j’étais un frein à un projet de balkanisation de la RDC. Il m’a informé m’avoir même envoyé un texto dans ce sens. Après vérification, j’ai effectivement vu trouvé ce texto dans mon téléphone, et il y est toujours. Paniqué, j’en ai informé mes proches, ainsi qu’une cadre de la MONUSCO/Goma. Après, je suis allé me coucher. J’ai pris ce message au sérieux, car, lorsque j’étais vice-gouverneur du Nord-Kivu pendant la Transition 1+4, j’avais été attaqué le 12 février 2005».
Ensuite : «tard la nuit, j’ai été réveillé par ma nièce, me disant que la maison était encerclée par des militaires qui essaient de forcer l’entrée. Là, je me suis dit que ça y est. M’étant approché, j’ai échangé avec eux, ils m’ont dit qu’ils voulaient entrer. Me rappelant ce qui m’était arrivé en 2005, et le texto que j’avais reçu la veille, je ne pouvais me permettre de faire entrer des militaires à cette heure indue, c’était vers4 heures du matin et mes gardes m’ont poussé à rentrer dans la maison. C’est là que je vais entendre des fortes détonations, on a tiré comme je n’ai jamais vu, ma maison bougeait. Vers 4 heures, le général Vainqueur Mayala est arrivé dans le quartier, il m’a appelé au téléphone, et m’a demandé d’ouvrir. Je lui ai indiqué la petite porte par laquelle il est finalement entré. Arrivé dans la véranda, il s’est écrié : «pourquoi tout ça, et je ne suis même pas au courant ?» J’ai alors expliqué la situation au général, et je lui ai même transféré le message texto».
Ensuite : «c’est alors qu’un inspecteur du parquet est arrivé, disant qu’il devait perquisitionner, et me tendant un document à signer. J’ai refusé, ne pouvant signer un document que je n’avais pas lu. Il m’a alors demandé s’il pouvait faire la perquisition, j’ai accepté, et il est entré, suivi par un nombre important de militaires, qui ont commencé à tabasser mes enfants, et tous ceux qui étaient dans ma maison et ont saccagé la résidence. Par la suite, le général m’a amené, et j’ai pu me rendre compte que c’était les militaires du 802ème régiment FARDC, qui sont commandés par le colonel Padiri».
Le ministère public revient à la charge, demandant si Bakungu n’avait pas vu toutes ces douilles qui pavaient littéralement le parquet de sa maison. Ce à quoi le prévenu a répondu par la négative, informant, par la même occasion que ce sont les militaires qui ont tiré à l’intérieur de sa maison, criblant tout le plafond des balles. «Et maintenant on veut présenter leurs propres douilles comme provenant des combattants que je n’ai jamais eu», s’est-t-il défendu. Mais l’organe de la loi n’en démord pas : «vous avez échoué aux élections, et vous avez alors créé un mouvement rebelle pour agresser votre pays», soutient-il. Cette question permet à Dieudonné Bakungu Mithondeke de parler de lui, d’étaler sa vérité des événements. Comme Mandela en 1964, il fait du procès une tribune pour dénoncer des réalités politiques abjectes. «J’ai une longue vie politique. J’ai été élu à Masisi pour la première fois en 1987, le maréchal Mobutu était encore au pouvoir. J’ai été nommé vice-gouverneur en charge des questions politiques du Nord-Kivu, et j’ai été élu premier de la ville de Goma aux élections de 2006. Je n’ai jamais touché aux armes. Aujourd’hui, je suis candidat à Masisi, et je n’ai jamais échoué : les élections ont été annulées dans ma circonscription. Pourquoi ? Notamment à cause de moi. En effet, il y a eu une forte implication des militaires issus du CNDP (NDR : Congrès national pour la défense du peuple, l’ancien mouvement rebelle du brigadier général Laurent Nkunda) lors des opérations électorales. Pour ceux qui ne le savent pas, notre territoire de Masisi comprend 4 communautés : les autochtones Hunde et Tembo, et les immigrés Tutsi et Hutu. Imaginez qu’une rumeur fait état de ce qu’on fomente un mouvement rebelle visant à chasser les Rwandophones de Goma, et qu’on m’envoie un des leurs, le colonel Padiri, perquisitionner chez moi, vous voyez dans quel état d’esprit il viendrait ? En 2005, le même colonel Padiri était là lors de l’attaque de ma résidence quand j’étais vice-gouverneur. Il y a des réalités à l’Est : ceux qui parlent de plan de balkanisation du Congo ne blaguent pas. Nous sommes la seule province où il existe une catégorie d’officiers et de soldats qui ne peuvent jamais servir ailleurs qu’au Nord-Kivu. Toutes les tentatives de les muter ailleurs ont toujours échoué. Est-ce normal ? Aujourd’hui, on arrête des gens parce qu’ils sont de Masisi, parce qu’ils sont Hunde, et on les amène ici. Quand vous regardez ces jeunes gens, ce cuisinier, ce guérisseur traditionnel, cette nièce, ce lavandier, voyez-vous en eux des rebelles ? J’ai toujours servi loyalement la nation sans faire de rébellion. Les anciens rebelles, ce sont ceux qui dirigent la province aujourd’hui. L’armée est tenue par les anciens rebelles du CNDP, et les autorités politiques sont des anciens rebelles du RCD/K-ML».
  Accusations extrêmement faibles
 Le discours fait effet. Dans la grande salle de la CSJ, c’est un silence de cimetière, on entendrait voler une mouche. Le président de la composition soupire. Mais, après avoir encaissé un coup, le ministère public sort ses dernières cartouches. Qui vont se révéler des flops d’anthologie. D’abord : «je détiens ici une photo montrant monsieur Bakungu Mithondeke passant en revue des militaires. C’est la preuve qu’il entretient une force armée». Manque de chance, après avoir regardé la photo, on se rend vite à l’évidence : l’homme sur le cliché n’est pas Bakungu Mithondeke. Ensuite : «on a perquisitionné chez d’autres personnes, dont M. Bahuma de la SONAS, ainsi que chez votre concubine, sans que cela ne pose problème. Etiez-vous au courant ?» Emu, Bakungu répond par la négative pour ce qui est du supposé M. Bahuma, et, en ce qui concerne sa prétendue concubine : «depuis que j’ai épousé ma femme, je n’ai jamais eu de concubine, ni hier, ni aujourd’hui, et je n’en aurais jamais. Je vous mets au défi de me donner l’identité de cette concubine qui n’a jamais existé. Si on a perquisitionné chez elle, on doit avoir dressé un PV de perquisition dont le premier élément est l’identification de la personne.
Montrez-moi ce PV». Encore une fois, l’accusé fait mouche. Et le ministère public doit battre en retraite. Mais la reculade est à ce point désastreuse qu’il se perd dans des questions pour le moins incongrue, comme celle demandant au prévenu, civil de son état, d’il pouvait identifier et donner la marque de trois fusils d’assaut de ses gardes !
Mais il se fait tard – 18h passées – et si le président de la composition renvoi la séance à lundi, c’est en réalité à un massacre qu’il met fin. Le lundi 20 février, à l’heure convenue, le président doit encore renvoyer la séance au mardi 21 février. Et pour cause : le ministère public a oublié( !) le dossier, et ne peut donc requérir ! Ainsi dit ainsi fait, à l’audience du mardi 21 février, le procureur fait son réquisitoire, dans lequel il s’accroche, visiblement avec l’énergie du désespoir, à des PV d’audition dont les avocats de la défense avaient pourtant démontré l’irrégularité – non datés, et «aveux» obtenus sous la torture – pour réclamer la peine de mort pour 6 prévenus, dont l’Honorable Bakungu Mithondeke, et la servitude pénale à perpétuité pour les 13 autres. C’est le mercredi 22 février que les avocats de la défense ont pris la parole pour leur plaidoirie. Exercice facilité par le caractère loufoque des accusations qui avaient été portées contre leurs clients. Ainsi en est-il de ce «témoignage» du soldat Ramazani qui a soutenu, depuis Goma, qu’après avoir escaladé le mur de la résidence de Bakungu, il est entré dans la maison du député en tirant (sur qui ?) au point d’épuiser ses munitions, et d’aller se cacher dans la cuisine. L’honorable l’aurait alors poursuivi, révolver en mains, mais un autre soldat a surgi derrière et Bakungu lui aurait flanqué trois balles en pleine poitrine, et, par la suite, a vidé son chargeur dans la jambe du soldat Ramazani. On se croirait dans le scénario d’un mauvais film de série B. comment, en effet, un homme qui ajuste ses tirs dans la poitrine d’un ennemi, baisse subitement son arme pour viser cette fois-ci, la jambe, et laisser vivant un témoin gênant ? Bien plus, le certificat médical établi à Goma fait état d’ «une plaie», sans plus, à la jambe de Ramazani, ce qui n’est pas la marque d’un chargeur que l’on y aurait vidé. De même, le ministère public avait affirmé que les prévenus Nsi Muhindo et Kimbe, ce dernier candidat UNC à Masisi comme Bakungu, étaient des soldats déserteurs, sans pour autant donner, ni leur numéro mécano, ni leur lieu d’affection, ni leur unité de service. Tout aussi surprenant, le PV établi à Goma par le capitaine Mario Lukama indique seuls les corps des deux gardes de Bakungu ont été trouvés dans la parcelle, alors que deux corps des soldats étaient plutôt dans une Jeep du 802ème régiment FARDC du Nord-Kivu. Après avoir pris l’affaire en délibéré vers 20h, la cour, sans doute troublé par autant d’incohérence dans l’accusation, a décidé, à 22h30, dans un arrêt avant-dire droit, de rouvrir les débats le samedi 25 février en vue d’approfondir certains points demeurés flous.
Plus que jamais, la cour sait qu’elle joue la crédibilité de la justice congolaise. Dans cette région agitée du Kivu, son verdict aura un retentissement particulier aux réalités, à nul autre pareil, pour l’avenir de cette partie du territoire national.
Aristote Kajibwami
(La Renaissance de la Nation)