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dimanche 6 novembre 2011

Il ratisse Camp Luka, cité Pumbu et Malweka - Kamerhe : la stratégie de la proximité


Dans ce Kinshasa contestataire, nul n’ose pointer son nez là-bas. «Camp Luka», le quartier coupe-gorge de Ngaliema, au centre-Ouest de la capitale, illustre, à lui seul, tous les drames du pays : pas de courant électrique, pas d’eau courante, pas de routes, pas d’urbanisation, pendant que la misère bat son plein. C’est cela le vrai Kinshasa, celui que nul ne verra sur les affiches menteuses des «5 chantiers» de Jean-Marie Kasamba. Mais c’est dans ce Kinshasa-là que Vital Kamerhe a préféré lancer sa campagne électorale. Au milieu de ceux qui vivent les affres d’une gestion ubuesque de la République. La démarche avait un sens, à plus d’un titre.
Quant aux habitants de Camp Luka, ils ont littéralement porté en triomphe leur hôte. Et adhéré à son discours. Pour un coup d’essai, c’est un coup de maître. Déjà, le samedi 29 samedi octobre, le président national de l’Unc avait rendez-vous avec tous les présidents sectionnaires de son parti à la Maison du combattant, communément appelée «Anciens combattants». Ici, encore, le symbole est fort car la commune porte le nom de Joseph Kasa-Vubu, le premier président du pays. Ce qui devait n’être qu’une rencontre entre cadres du parti a fini par devenir un meeting en règle, tant l’affluence s’est avérée nombreuse. En plus des plénipotentiaires de l’Unc, des nombreux autres congolais ont convergé sur le lieu dès qu’ils ont appris que Vital Kamerhe y était arrivé. Tout le monde voulait le voir, le toucher, le porter en triomphe, chanter pour lui. Au final, la rencontre a été un franc succès. Et c’est là que furent concoctées les stratégies d’organisation du grand meeting de camp Luka.


Rigoureuse décence
Le président de l'Unc
Le dimanche 30 octobre, c’est donc tout ce quartier de Ngaliema qui était en ébullition. Dès midi, des foules nombreuses affluent sur la place dite « Le Château», située entre les avenues Lukulu et Lufu. De nombreux jeunes improvisent des carnavals brandissant des portraits de Vital Kamerhe et de certains candidats de l’Unc et alliés, pendant que des femmes chantent exhibent des danses de l’ethnie Yaka de Bandundu, majoritaire en ce lieu. L’ambiance restera électrique, mais elle remontera de plusieurs crans lorsque, à 16 heures, le héros du jour arrive. Chemise immaculée, pantalon bleu marine, il entame une marche à pieds, les bras croisés au niveau des poignets au-dessus de la tête, l’un de ses signes de ralliement repris par des milliers de jeunes. Visiblement, Kamerhe est dans tout l’éclat de son succès et de sa vitalité.
Et lorsqu’il prend le micro, ses paroles sont marquées du sceau de la rigoureuse décence. D’abord pour faire le bilan sans complaisance du régime sortant. «En 2006, j’ai été envoyé vers vous présenter, au nom du président Kabila, la réalisation des 5 chantiers. De nombreuses choses vous ont été promises. En avez-vous vu la réalisation ?» La foule répond massivement «non». Mieux qu’un meeting, qui est par essence à sens unique, c’est une vraie communion qui s’engage entre Vital Kamerhe et les milliers d’habitants du Camp Luka.
«On vous a promis le courant électrique, l’avez-vous eu? On vous a promis l’eau courante, l’avez-vous eue ? On vous promis des routes, les avez-vous vues ? On vous a promis des écoles, les avez-vous vues ?» A chaque fois, la foule déchaînée répond par la négative. Et Kamerhe d’égrener le chapelet des réalisations dont se vante le régime Kabila. «Vous connaissez tous l’échangeur de Limeté.
C’est Mobutu qui l’a construit. Pour l’achever et arranger la route qui va jusqu’à l’aéroport, le gouvernement sort 192 millions de dollars. Vous connaissez l’hôpital du cinquantenaire.  Ce bâtiment date des années 50. Ce sont les Belges qui l’ont construit. Aujourd’hui, l’on a ajouté portes et fenêtres, et l’on nous parle de 92 millions de dollars. La Rva nous fait payer des go pass de 10 pour des voyages à l’intérieur du pays, et de 50 dollars quand nous voyageons à l’étranger. Et lorsqu’ils ont récolté 42 millions de dollars, ils en construit un petit pavillon qu’ils appellent salon présidentiel». A ces mots, la foule, horrifiée par tant de gaspillage, hurle sa colère. Le président de l’Unc peut, enfin, entrer dans le vif du sujet, à savoir l’explication de son programme. Mais il prévient : «Que chacun vienne lui-même parler en son nom. Plus question que certains envoient des gens parler en leur nom». Ce à quoi la foule s’oppose à toute venue de Joseph Kabila dans leur quartier déshérité.

«La justice élève une nation»
Vital Kamerhe explique ses priorités. La première : réhabiliter la police nationale, et l’armée. Il s’agira de mieux les équiper, la première pour mieux assurer l’ordre public, et la deuxième pour défendre l’intégrité du pays et servir de force de dissuasion contre toute agression de la Rdc.
En deuxième lieu, il faudra réhabiliter la justice. Ce chrétien convaincu a rappelé le verset du livre des proverbes 14 : 34, à savoir «la justice élève une nation». «ll ne s’agira plus de la justice des forts contre les faibles, ni de la justice des tribus et des provinces, mais d’une justice républicaine, neutre et impartiale, qui dise le droit même en faveur des faibles, des orphelins et des veuves».
En troisième lieu, Vital Kamerhe promet de restaurer la fonction publique dans son honneur d’antan. Avec elle, le fonctionnaire, devenu aujourd’hui la risée de tous. «Le fonctionnaire est l’élément essentiel dans le fonctionnement des institutions d’un pays. Regardez, la Belgique vient de totaliser deux années sans gouvernement, mais le pays fonctionne grâce aux fonctionnaires.
Nous ne devons donc pas abandonner nos fonctionnaires. Comme par le passé, nous allons, ensemble, restaurer nos fonctionnaires et nos enseignants dans leur droit à un bon salaire et à des meilleures conditions de travail».
Concernant L’administration territoriale, le président de l’Unc a fait part de sa volonté d’instaurer la décentralisation jusqu’à la base, c’est-à-dire à la chefferie. De même, il s’est engagé à combattre la corruption, le viol dont sont victimes les femmes congolaises, particulièrement à l’Est, et l’insécurité. Il s’est également engagé à enrayé le phénomène «kuluna», en organisant des centres de réinsertion où les jeunes désœuvrés seront formés pendant une période de 6 mois avant leur réinsertion dans la société.
Sur le plan social, le président de l’Unc tient à réinstaurer en Rdc le système des cartes d’ayant droit qui, par le passé, permettait aux familles des fonctionnaires de l’Etat de bénéficier des soins de santé. Quant à l’urbanisme et habitat, il s’agira de recréer le système tel que ceux dit du Fonds d’avance et de l’Onl, qui ont permis même aux gens modestes d’acheter leurs maisons à crédit. «Cela marche jusqu’aujourd’hui dans des pays africains comme le Ghana, le Maroc, et même l’Ethiopie. Pourquoi pas chez nous ?», s’est-il interrogé, suscitant des applaudissements nourris de la population.
Le lundi 31 octobre, Vital Kamerhe a récidivé au quartier Pumbu, commune de Mont-Ngafula. Le même discours, qui a connu le même accueil enthousiaste. Le mardi 1er novembre, c’est le tour de Malweka de recevoir le candidat de l’Unc. Ce quartier, popularisé par un chanteur qui en a décrit la misère, a réservé un triomphe à Kamerhe qui lui a donné des raisons d’espérer en un avenir meilleur.
A tout prendre, le numéro un de l’Unc a fait le pari de la proximité. Loin des spectacles des grands stades, il préfère, pour le moment, aller auprès des Congolais du Congo réel, loin des mirages des chantiers qui n’en sont pas un, pour leur apporter le message d’espoir.
Ce fut la stratégie adoptée en France par Jaques Chirac de 1994 et 1995, pendant que son rival Edouard Balladur menait la course en tête dans les sondages. Stratégie qui avait porté au-delà des espérances. Pour les milliers d’habitants du Camp Luka ou de la cité Pumbu, un homme leur a apporté une nouvelle espérance. Et un seul sentiment reste vivace dans le cœur cuirassé de Vital Kamerhe : l’instauration, en Rdc, d’un Etat de droit, fort, et prospère.
BELHAR MBUYI

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