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mardi 28 février 2023

Les services de renseignement détiennent le comédien Junior Nkole de manière arbitraire (HRW)

Des agents de sécurité du gouvernement ont arrêté le 10 février 2023 l'humoriste satirique Junior Nkole dans le centre de Kinshasa, lors de la dernière attaque en date contre la liberté d'expression en République Démocratique du Congo.

Les proches de Junior Nkole ont confié à Human Rights Watch que lui et son frère Serge Nkole attendaient pour une réunion avec un contact professionnel dans le restaurant de l'Hôtel Mayotte. Vers 10 heures du matin, dans ce qui semble avoir été un piège, une douzaine d'hommes en civil, qui se sont avérés être des agents de l'Agence nationale de renseignements (ANR) de la RD Congo, se sont présentés. Ils ont brutalisé les deux hommes, les ont forcés à monter dans un 4x4 aux vitres teintées et les ont emmenés dans un bureau de l’ANR. Les autorités ont libéré Serge quelques heures plus tard, mais Junior est toujours détention.

Junior Nkole, 25 ans, semble être détenu en raison de son travail. Il est connu dans tout le pays pour ses vidéos qui dépeignent les réalités socio-économiques de la société congolaise. Actif sur les réseaux sociaux depuis 2020, il a accumulé plus de 300.000 abonnés. Les agents de l'ANR ont suggéré à un membre de sa famille que son arrestation était liée à un court sketch vidéo posté il y a un an et qu'ils considéraient comme insultant pour le président Félix Tshisekedi. Le sketch dénonçait le favoritisme ethnique (tribalisme) des recruteurs, qui n'engagent que des candidats issus de leur propre région et groupe ethnique. Dans la vidéo, Nkole - lui-même de l'ethnie Luba, comme le président Félix Tshisekedi - se fait passer pour un recruteur Luba qui rejette les candidats d'autres communautés.

Un autre frère de Junior, Pascal Nkole, lui a rendu visite à "3Z", une prison trsistement célèbre de l'ANR où il avait été transféré, près d'une semaine après son arrestation. « J’ai été autorisé à le voir sans lui parler », a déclaré son frère.  « Il a perdu du poids et son œil gauche était gonflé et rouge. Il semble avoir de la fièvre et ne pouvait pas marcher correctement. Je lui ai demandé s’il allait bien, et il a juste secoué la tête. Je ne l’ai pas revu depuis ».

En vertu du droit congolais, toute personne détenue a le droit de recevoir une aide juridique et doit être traduite devant une autorité judiciaire compétente dans les 48 heures suivant son arrestation. Nkole n'a été autorisé ni à l'un ni à l'autre, et n'a été inculpé d'aucun crime.

Le cas de Nkole met en lumière le climat d'intolérance croissante à l'égard des voix dissidentes en RD Congo, avec des attaques visant des journalistes activistes, critiques du gouvernement et manifestants pacifiques. Les autorités devraient libérer immédiatement Junior Nkole et lui permettre d'exercer sa profession et d'exprimer ses opinions sans crainte d'être arrêté. Alors que la RD Congo se prépare pour les élections prévues à la fin de l'année, le gouvernement devrait garantir le respect des libertés publiques, composantes essentielles d’un processus électoral libre, équitable et transparent. 

lundi 27 février 2023

Une attaque sur un avion opéré par le Service aérien humanitaire des Nations Unies met en péril l’action humanitaire dans l’est de la RDC

Un hélicoptère opéré par le Service aérien humanitaire des Nations Unies (UNHAS) a essuyé des tirs à 10 minutes de Goma le vendredi 24 février 2023 lors de son retour de Walikale dans la province du Nord-Kivu. C’est ce qu’annoncé un communiqué de l’agence des Nations unies, Ocha. Les trois membres de l’équipage et 10 passagers à bord de l’avion sont heureusement indemnes.

« Nous sommes profondément préoccupés par la sécurité des opérations aériennes et des acteurs humanitaires qui dépendent de ces vols pour atteindre les groupes les plus vulnérables de la population. L'opération des services aériens humanitaires en République démocratique du Congo reste indispensable pour fournir une assistance humanitaire à des centaines de milliers de personnes dans certaines parties du pays difficilement accessibles, » a déclaré le Coordonnateur humanitaire Bruno Lemarquis.

Cette dernière attaque est la deuxième au cours des six derniers mois : une première attaque ayant eu lieu en septembre 2022. En conséquence, le Programme alimentaire mondial (PAM) a décidé de suspendre temporairement tous les vols humanitaires dans les zones de conflit au Nord-Kivu et en Ituri, jusqu'à ce que des mesures supplémentaires soient prises pour garantir la sécurité des vols et des acteurs humanitaires qui les utilisent.

Malheureusement, cette suspension affectera l’axe Goma - Beni - Bunia, et l’axe Goma - Walikale - Pinga - Kibua - Masisi - Oninga - Kirumba - Rwindi - Roe et Nobili. Cette suspension aura un impact négatif sur l'acheminement de l'aide humanitaire indispensable aux personnes vulnérables dans ces zones.

« Nous appelons toutes les parties au conflit à respecter le droit humanitaire international et à épargner les acteurs et les biens humanitaires, y compris les aéronefs humanitaires. Nous devons travailler ensemble pour créer un environnement propice à l'acheminement de l'aide humanitaire aux personnes dans le besoin » a souligné M. Lemarquis.

Cette attaque intervient quelques jours après le lancement du Plan de réponse humanitaire 2023, qui vise à apporter une assistance humanitaire à 10 millions de personnes, dont la plupart se trouvent dans l’Est du pays, pour un montant de 2,25 milliards de dollars américains.


vendredi 24 février 2023

Réflexions du Dr Mukwege à l’occasion des 10 ans de la signature de l’Accord-Cadre d’Addis-Abeba sur la paix, la sécurité et la coopération en RDC et dans la région

Il y a 10 ans, le 24 février 2013, la signature de «l’Accord-Cadre d’Addis-Abeba sur la paix, la sécurité et la coopération en République Démocratique du Congo et dans la région » par onze États et quatre institutions internationales et régionales, à savoir les Nations Unies (ONU), l'Union Africaine (UA), la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs (CIRGL) et la Communauté de Développement de l'Afrique Australe (SADC), également appelés « co-Garants », avait suscité l’espoir de lendemains meilleurs après des décennies de conflits, d’instabilité, d’exploitation et de souffrance.

En effet, il s’agissait de la première initiative de paix visant à mettre fin au conflit le plus meurtrier depuis la 2e guerre mondiale et à résoudre les causes profondes de la violence et des guerres à répétition à l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC). L’État congolais, les pays de la région et la communauté internationale semblaient résolus à parvenir, grâce à une approche globale, à une paix durable en RDC et dans la région des Grands Lacs. L’objectif de neutraliser et de démobiliser les groupes armés, nationaux et étrangers, et la réaffirmation de principes de base du droit international s’ajoutaient à divers engagements de la RDC, des États voisins et de la communauté internationale.

L’État congolais s’était engagé à réformer en profondeur le secteur de la sécurité, à consolider l’autorité de l’État dans les Provinces de l’Est du pays et à promouvoir la réforme des institutions du pays. Les pays de la région avaient souscrit à respecter la souveraineté et l’intégrité du pays et à ne pas s’ingérer dans les affaires intérieures, à ne pas tolérer ni fournir une assistance aux groupes armés, à renforcer la coopération régionale, à ne pas héberger ni fournir une protection à des personnes impliquées dans des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité, des actes de génocide ou des crimes d’agression et à faciliter l’administration de la justice grâce à la coopération judiciaire dans la région.

Quant à la communauté internationale, le Conseil de sécurité de l’ONU s’engageait à rester saisi de l’importance d’un soutien à la stabilité à long terme de la RDC et de la région des Grands Lacs. Cette détermination était soutenue par un mandat renforcé de la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en RDC (MONUSCO) prévoyant une Brigade d’Intervention autorisée à mettre un terme à la violence armée par tous les moyens nécessaires et par la nomination d’un Envoyé spécial pour encourager les signataires à remplir leurs obligations au titre de l’Accord-Cadre et coordonner un processus politique global en vue de trouver des solutions durables et remédier aux causes profondes du conflit.

En outre, le Groupe de la Banque Mondiale et les partenaires internationaux, y compris l’Union Européenne (UE), la Belgique, les Etats-Unis d’Amérique, la France et le Royaume-Uni, renouvelaient également leurs engagements à demeurer mobilisés pour consolider cette stratégie pour la paix et le développement. De plus, l’Accord-Cadre prévoyait un mécanisme de suivi régional, principal organe de contrôle interne, pour dresser une fois par an au niveau des chefs d’État et de gouvernement le bilan des

progrès accomplis dans la mise en œuvre des engagements pris par les pays signataires et les « co-Garants » (mécanisme 11+4) sur la base de critères détaillés et un calendrier précis pour progresser vers la réalisation d’actions concrètes et d’objectifs spécifiques. La RDC avait aussi mis en place en mécanisme national pour superviser la mise en œuvre des engagements pris au niveau national.

Enfin, la société civile, notamment les organisations de femmes et de jeunes, était associée à l’évaluation des progrès en vue d’assurer une implémentation effective des mécanismes de suivi de cet « Accord de l’espoir », qui ne pouvait rester une « simple feuille de papier », comme l’avait dit le Président américain Barak Obama, ni demeurer l’affaire des diplomates et des institutions.

Le défaut de mise en œuvre des engagements et ses conséquences

1. Au niveau de la communauté internationale 

Quel constat pouvons-nous tirer 10 ans après la signature de l’Accord-Cadre sous les auspices de l’ONU et sous l’impulsion d’une forte volonté politique internationale ? Alors que le pays est menacé par des tentatives de fragmentation, traverse une crise de légitimité politique, fait face une résurgence de l’activisme des groupes armés et à une énième guerre d’agression et d’occupation ayant un impact dramatique sur la situation humanitaire et des droits humains, la tragédie congolaise - où le nombre de morts, de femmes violées et de personnes déplacées se comptent en millions -, ne semble plus figurer au sommet de l’agenda de la communauté des États.

La MONUSCO, dont le mandat a été renouvelé en décembre 2022, envisage un retrait en 2024 alors que l’insécurité est grandissante, que l’état de droit n’est pas restauré et que la démocratie n’est pas consolidée. Nous regrettons que, malgré son mandat issu du Conseil de Sécurité agissant sur base du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, la Force de la MONUSCO et la Brigade d’Intervention n’aient pas suffisamment mené, seules ou en coopération avec les forces de sécurité congolaises, des opérations plus effectives et exploité toutes les mesures nécessaires pour endiguer le climat d’insécurité généralisé qui prévaut toujours à l’Est de la RDC et que ces forces n’aient pas éliminer la menace posée par les groupes armés congolais et étrangers, ce qui engendre de lourdes frustrations au sein de l’opinion publique congolaise. En outre, malgré l’adoption par le Bureau de l’Envoyé Spécial du Secrétaire Général d’une « Stratégie de l’ONU pour la consolidation de la paix, la prévention et le règlement des conflits dans la région des Grands Lacs », les efforts déployés n’ont ni permis d’aboutir à un processus global conduisant à la paix durable ni de mobiliser une réelle volonté politique et la bonne foi des parties pour la mise en œuvre effective des engagements souscrits à Addis Abeba en 2013.

Pourtant, les Etats-Unis d’Amérique et l’UE, qui avaient à l’époque de la signature de l’Accord-Cadre nommé des Envoyés spéciaux pour la région des Grands Lacs, n’ont pas renouvelé ces mandats importants, signe d’un désengagement diplomatique à l’égard d’une région martyre qui reste une menace pour la paix et la sécurité internationales et qui a vocation à jouer un rôle de premier plan pour l’économie mondiale et la transition énergétique. C’est dans ce contexte que le Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC) a placé en 2021 la RDC à la première place du palmarès de la négligence internationale, en se basant sur 3 critères : le manque de volonté politique internationale, le manque d’intérêt des médias et le manque d’aide internationale.

De plus, selon les recherches de NRC, la RDC figure systématiquement dans la liste des 10 crises les plus négligées depuis de nombreuses années. Ce constat est particulièrement amer lorsque l’on sait que la situation humanitaire est l’une des plus dramatiques au monde avec un tiers de la population qui a faim, un quart qui est en besoin d’assistance humanitaire et de protection, et que le nombre de personnes déplacées – près de 6 millions, dont la majorité sont des femmes et des enfants – est le plus important en Afrique. Malgré la situation actuelle sur le terrain, qu'est-il advenu des engagements pris par les pays au titre de l'Accord-Cadre ? Force est de constater que les promesses portées par l’Accord-Cadre sont loin d’être réalisées.

2. Au niveau de l’État congolais

La RDC a failli à son engagement à mener des actions concrètes pour entamer une profonde réforme du secteur de la sécurité, incluant l’assainissement de la police, de l’armée et des services de renseignements, institutions qui demeurent infiltrées à tous les niveaux suite aux accords de paix précédents ayant intégré, en vertu du principe d’inclusivité, des éléments des groupés armés rebelles, congolais et étrangers, dans les institutions de la République. L’absence de réforme d’envergure des forces de sécurité et de défense congolaises a empêché l’État de déployer son autorité dans de larges pans du pays et place la Nation dans une position de faiblesse pour assurer la sécurité et protéger les civils, et dans une position d’incapacité à garantir la souveraineté nationale et l’intégrité territoriale. Le secteur de la justice et de l’administration pénitentiaire figure aussi parmi les réformes institutionnelles non abouties mais de première importance pour l’édification d’un état de droit, contribuant ainsi à faire perdurer la culture de la corruption et de l’impunité et à miner la confiance des citoyens dans ses institutions. En outre, l’instauration de l’état de siège depuis mai 2021 dans les Provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu n’a non seulement pas permis de neutraliser les capacités de nuisance des groupes armés - notamment les ADF, les CODECO et les FDLR -, mais a paradoxalement contribué à augmenter l’insécurité et à doubler le nombre d’exactions commises à l’encontre des civils.

De plus, ce régime, censé être d’exception mais renouvelé tous les 15 jours depuis presque 2 ans, entraine un nombre croissant de violations des droits humains et un rétrécissement de l’espace des libertés démocratiques, hypothéquant la participation des citoyens de deux Provinces parmi les plus densément peuplées du pays aux élections générales prévues en décembre 2023. Ainsi, nous prônons la sortie de l’état de siège et le retour à la gestion publique par les services de l’administration civile. Face à l’échec de la sécurisation des Provinces en conflit, les autorités congolaises ont noué une coopération sécuritaire bilatérale avec l’Ouganda et le Burundi, ce qui a contribué au pourrissement des relations avec le Rwanda et à un regain de sa politique d’interventionnisme armé.

Ensuite, la RDC a adhéré à la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC), une organisation composée en grande partie de pays voisins à la base du pillage des ressources naturelles, de la commission des crimes les plus graves et de la déstabilisation de la RDC.

Nous avions averti en temps utile les instances nationales et internationales sur les dangers de cette stratégie de pyromane-pompier consistant à rechercher la stabilisation du pays avec le concours d’États déstabilisateurs. Pourtant, Kinshasa a poursuivi cette politique de l’externalisation de sa sécurité à des pays tiers bien plus motivés par des intérêts géostratégiques et économiques que par la protection des civils. Ainsi, l’État congolais s’est engagé dans une nouvelle coopération sécuritaire sous-régionale en acceptant l’intervention d’une Force régionale de la EAC pour mettre fin à l’activisme des groupes armés, qui seront donc sur le même théâtre d’opérations que la Force de l’ONU et sa Brigade d’intervention, qui viennent en soutien aux forces de sécurité et de défense nationales sous l’autorité du Conseil de Sécurité.

Cette nouvelle Force toujours en cours de déploiement, sous financée et peu coordonnée avec la MONUSCO, entraine une sur-militarisation inquiétante dans l’Est du Congo et s’apparente à une nouvelle force d’occupation, comme le prouve le fait que les Forces armées de la RDC (FARDC) sont privés d’entrée dans les territoires occupés par le Mouvement du 23 Mars (M23) et placés sous contrôle de la Force régionale, au mépris de la souveraineté congolaise. Le rapport de force, défavorable à la RDC en raison de la faiblesse de sa réponse militaire, a abouti à des initiatives diplomatiques au niveau régional ayant conduit aux processus de Nairobi, sous l’auspice de la EAC et de Luanda, sous l’égide de l’UA, où les autorités congolaises sont contraintes de négocier avec des États agresseurs et de dialoguer avec les groupes armés nationaux et étrangers. Dans ce contexte d’insécurité accrue, de sur-militarisation de la région et de négociations en cours, les groupes armés ne sont pas enclins à rendre les armes car ils sont conscients que l’ampleur et le niveau de cruauté des crimes qu’ils commettent en toute impunité sur les civils ouvrent des perspectives à la table des négociations. En outre, les éléments des groupes armés ont affiché un déficit de confiance à intégrer le nouveau programme gouvernemental de Démobilisation, Désarmement, Réinsertion suite à la nomination comme coordinateur du programme d’un ancien rebelle proche du M23, mettant en péril la mise en œuvre de ces importantes mesures non-militaires.

3. Au niveau des pays de la région

Le non-respect des engagements par les pays de la région a davantage été la norme que l’exception, et la mauvaise foi a caractérisé le suivi réservé à la mise en œuvre de l’Accord-Cadre, notamment dans le chef du régime de Kigali. Les pays voisins ont impunément poursuivi leurs atteintes aux principes de base du droit international en violant la souveraineté et l’intégrité territoriale de la RDC et en intervenant directement et/ou en apportant leur soutien aux groupes armés pour piller et exploiter les ressources minières dont regorgent l’Est du pays, qui parviennent en grande partie sur le marché mondial via Kampala, Kigali et Bujumbura, en complicité avec une élite congolaise cupide et corrompue. Cette guerre économique imposée aux Congolais se prolonge donc et aggrave une situation humanitaire déjà dramatique. Ce tableau catastrophique a encore été exacerbé depuis fin 2021 suite à la résurgence du M23, défait en 2013 mais à nouveau soutenu directement et indirectement par les Forces rwandaises de défense (RDF), notamment en fournissant des armes, des munitions et des uniformes, comme l’atteste de nombreuses enquêtes, y compris du Groupe d’Experts de l’ONU.

Les RDF continuent non seulement d’intervenir directement en RDC mais fournissent en outre un soutien direct à un groupe armé qui occupe depuis presque 9 mois de larges pans de la Province riche en ressources minières stratégiques du Nord Kivu, entrave l’accès à l’aide humanitaire et mène la guerre non seulement aux FARDC mais aussi aux casques bleus de l’ONU ! Cette collusion entre les RDF et le M23 placé sous le régime de sanctions de l’ONU et de l’UE illustre que les autorités rwandaises méprisent l’esprit et la lettre de l’Accord-Cadre, malgré les engagements pris il y a dix ans. Cette guerre d’agression et d’occupation a déjà entrainé des conséquences humanitaires dramatiques, et les femmes et les enfants payent le plus lourd tribut et constituent l’écrasante majorité des personnes déplacées et persécutées, fuyant la peur et la terreur.

Parmi d’autres exactions commises chaque jour à l’Est du Congo, l’ONU et les organisations Human Rights Watch et Amnesty International ont documenté des atrocités de masse commises fin novembre 2022 par les éléments du M23 avec le soutien de l’armée rwandaise à Kishishe et à Bambo, à moins de 100 km au Nord de Goma, en Territoire de Rutshuru, au Nord Kivu, dans le cadre d’une campagne de meurtres, de viols, d’enlèvements, de pillage et de destruction. Portés devant un tribunal, ces actes pourraient être qualifiés de crime de guerre voire même de crime contre l’humanité. Le bilan humain de ces massacres reste difficile à déterminer à défaut de sérieuses enquêtes judiciaires nationales ou internationales, mais le nombre de personnes sans arme exécutées sommairement par balle ou à l’aide d’arme blanche se comptent en dizaines et Amnesty International a documenté sur base d’entretiens avec des survivantes et des témoins oculaires 66 cas de viol, la plupart étant collectifs et parfois en présence des enfants des femmes violées. En outre, des témoignages concordants indiquent que des commandants du M23 avaient visité des centres de santé locaux et pillé les stocks de préservatifs disponibles avant de mener leur campagne de terreur, démontrant que ces viols commis de manière massive et systématique comme une véritable méthode de guerre sont des actes prémédités et planifiés par la hiérarchie militaire et politique des forces d’occupation pour terroriser la population et l’acculer à se déplacer ou s’assujettir, et s’accaparer ses ressources.

L’Ouganda et le Burundi ont également poursuivi leur interventionnisme directement ou par le truchement de groupés armés pour s’accaparer les ressources congolaises et assoir leurs intérêts nationaux et géostratégiques. Outre leurs atteintes répétées à l’intégrité et à la souveraineté nationale et à leur soutien à divers groupés armés, les pays de la région n’ont pas non plus honoré leurs engagements à lutter contre l’impunité.

En effet, les pays de la région s’étaient engagés à faciliter l’administration de la justice grâce à une coopération judiciaire régionale renforcée et à ne pas héberger ni fournir une protection à des personnes impliquées dans les crimes internationaux les plus graves en vue de mettre un terme à l’impunité dont jouissent les auteurs et les instigateurs de la violence armée qui sévit depuis plus d’un quart de siècle à l’Est du Congo. Malgré la Déclaration de Nairobi sur la justice et la gouvernance et l’existence du Réseau de coopération judiciaire des Grands Lacs, force est de constater que la volonté politique des États concernés fait défaut pour traduire en justice les auteurs présumés de crimes internationaux commis en RDC. En effet, à ce jour, aucune poursuite par les pays tiers limitrophes n’a été engagée à l’encontre des personnes impliquées dans la commission de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, voire d’actes de génocide commis dans les Provinces martyres de la partie orientale du Congo.

A titre d’exemple, Laurent Nkunda, ancien seigneur de guerre et commandant du Congrès national pour la défense du Peuple, groupe armé dont est issu le M23, se trouve au Rwanda et n’a jamais eu de compte à rendre à la justice rwandaise, alors que le Conseil de Sécurité a appelé dans diverses résolutions toutes les parties à l’obligation de traduire en justice les responsables des crimes internationaux commis en RDC. Ainsi, la population congolaise a été plongée dans la souffrance, la peur et l'exil en raison du pillage continu et de l'exploitation illégale des ressources minières, de la persistance voire du regain d'activisme des groupes armés et des forces négatives agissant comme proxies des pays voisins, du nombre sans cesse croissant de personnes déplacées et de réfugiés et de son impact humanitaire alarmant, et de l'impunité généralisée dont jouissent les auteurs et les commanditaires des violations les plus graves des droits de l'homme et du droit humanitaire international, y compris l'utilisation de la violence sexuelle comme méthode de guerre. En outre, malgré les efforts régionaux pour désamorcer la crise dans le cadre des processus de Nairobi et de Luanda, ces initiatives diplomatiques et politiques n’ont pas réussi à « faire taire les armes » et n’ont pas enclenché la désescalade attendue : alors que les appels à la cessation des hostilités et au retrait des territoires occupés sont réitérés à chaque sommet, aucun ultimatum ni aucun accord de cessez-le-feu conclus par les chefs d’États de la région n'a été suivi d’effets. Au contraire, le M23 étend son influence, poursuit ses exactions contre la population civile et continue d’avancer aux portes de Goma, ravivant le spectre de la crise provoquée par les mêmes acteurs en 2012 lorsque la capitale de la Province du Nord Kivu et ses environs furent occupés par le M23, et mettant ainsi en lumière une impasse politique au niveau régional et les limites du principe de subsidiarité.

 

Les voies de sortie de crise

Comment sortir de cette impasse ? Comment briser le cycle infernal de la violence et de l’impunité ? Comme l’a exprimé le Pape François lors de son récent séjour en RDC : « Nous ne pouvons pas nous habituer au sang qui coule dans ce pays, depuis des décennies désormais en RDC, faisant des millions de morts à l’insu de beaucoup ». Il est en effet plus que temps de sortir la tragédie congolaise de l’indifférence et de la négligence.

1. C’est dans ce contexte que nous saluons les communiqués des Etats-Unis d’Amérique, de la Belgique, de la France, de l’Allemagne, de l’Espagne ou encore de l’UE qui, rappelant l’importance de l’intégrité et de la souveraineté de la RDC, ont condamné les crimes commis par le M23 et ont demandé la cessation du soutien du Rwanda pour contribuer à une résolution de la crise au Nord Kivu. Nous saluons aussi la prise de position récente du Conseil de Paix et de Sécurité à l’occasion de la 36e Assemblée ordinaire des chefs d’État et de gouvernement de l’UA et son appel pertinent à revitaliser d’urgence l’Accord-Cadre avec la mobilisation des institutions « co-garantes ». Nous prenons également acte de la « Stratégie renouvelée de l’UE pour la région des Grands Lacs : soutenir la transformation des causes profondes de l’instabilité en perspectives communes », adoptée par le Conseil européen ce 20 février, qui rappelle l’importance stratégique de la région et son potentiel rôle moteur pour l’ensemble du continent africain. Cette nouvelle stratégie place l’emphase sur la recherche de la paix durable, le respect de la souveraineté et de l’intégrité des États et sur l’importance de transformer le trafic des ressources naturelles en vecteur pour un commerce responsable et un développement durable. Nous appelons l’UE à nommer un Envoyé spécial pour la région des Grands Lacs pour maximiser les potentialités de ce nouvel engagement stratégique européen dans la région.

En outre, nous faisons également une recommandation simple aux politiciens, aux diplomates et aux responsables institutionnels qui cherchent à contribuer à la paix dans l'Est du Congo. Vos appels, vos demandes et vos exhortations ne sont ni compris ni respectés par le régime de Kigali. Il faut impérativement que les Etats-Unis d’Amérique, l’UE, la France, le Royaume-Uni et d’autres partenaires adoptent des sanctions politiques et économiques, et suspendent leur assistance militaire au Rwanda tant qu’il soutiendra le M23 et agressera la RDC. C’est le seul langage qui entrainera des effets concrets et mettra fin à l’ingérence rwandaise à l’Est du Congo. Nous appelons aussi la Banque mondiale, la Banque africaine de développement et d’autres partenaires multilatéraux ou bilatéraux à être guidés par une politique de conditionnalités pour que l’assistance internationale soit dorénavant liée au respect strict des engagements pris au titre de l’Accord-Cadre et au respect des droits humains.

2. Le retrait de l’EAC et de la Force régionale

Face à l’échec des processus de négociations en cours et à l’impasse politique, nous sommes partisans d’une revue de la diplomatie régionale et préconisons le retrait de la RDC de la EAC et de sa Force régionale, et appelons à une médiation sous l’égide d’un Président africain neutre, originaire d’un pays non limitrophe, pour initier une nouvelle dynamique vers une solution politique. De plus, nous appelons à une participation accrue des femmes et de jeunes aux processus politiques et de consolidation de la paix, en conformité avec les résolutions 1325 et 2250 du Conseil de Sécurité. En outre, nous invitons le régime de Kigali à entamer un dialogue inter-rwandais avec les FDLR, en vue de trouver une solution pérenne à ce groupe armé né des cendres du génocide au Rwanda. Cette milice a occasionné depuis plus de 25 ans un lourd lot de souffrances à l’Est du Congo et continue d’être utilisé comme prétexte par le régime de Kigali pour intervenir militairement à l’Est du Congo alors que, suite à diverses opérations conjointes entre les forces congolaises et rwandaises visant à les neutraliser, les éléments résiduels des FDLR ne constitue plus une menace sérieuse pour la sécurité du Rwanda comme par le passé.

3. Le commerce transparent et responsable des ressources minières

Les pays les plus économiquement avancés planifient une transition vers l’énergie verte et s’orientent vers la décarbonisation de leur économie. Ainsi, des métaux que l’on retrouve en abondance à l’Est du Congo, comme le lithium et le cobalt, seront encore davantage convoités, car ils s’avèrent essentiels pour assurer cette transition écologique. La guerre en RDC est principalement économique et s’apparente à une grande criminalité transnationale dont le Rwanda et l’Ouganda sont les acteurs principaux depuis 25 ans, en collusion avec les multinationales et certains politiciens et militaires congolais. Il est donc urgent de revoir la gouvernance minière et de mettre fin à l’exploitation et à la prédation illégale des minerais stratégiques de la RDC, qui constitue une cause profonde de la violence et des conflits. Pour enrayer l’économie de guerre à la base des souffrances des communautés à l’Est du pays et de graves violations des droits humains, il faudra donc mettre fin aux liens qui existent entre les groupes armés congolais et étrangers et les sociétés d’exploitation minière, les réseaux de contrebande et de trafics et les filières opaques d’approvisionnement transfrontalier. A titre d’exemple, une récente étude de l’ONG Global Witness démontre que depuis 2013 « seuls 10 % des minerais exportés par le Rwanda avaient été réellement extraits sur son territoire, les 90 % restants ayant été introduit illégalement à partir de la RDC. »

Ensuite, l’exportation de ces « minerais de sang » s’exportent sur les marchés mondiaux via Hong Kong, Dubai, ou encore Bangkok. Par conséquent, il ne pourra y avoir de transition énergétique propre et durable sans un commerce transparent et responsable des ressources minières de l’Est du Congo, garantissant que l’extraction des minerais n’est pas liée au travail des enfants, à l’exploitation sexuelle des femmes ou à l’activité des groupes armés. Il s’agit de s’assurer que cette transition verte cruciale pour la planète soit juste, équitable, durable et exempte de conflit pour les communautés et les pays d’où sont extraits les minerais nécessaires pour enrayer la crise climatique. L’impératif d’assurer une traçabilité complète des lieux d’extraction jusqu’au produit fini acheté par les consommateurs dans les magasins du monde entier devient donc pressant. En outre, il est primordial d’investir massivement vers la transformation des matières premières en vue de raccourcir le lien entre la mine et le lieu de transformation des minerais. Ainsi, le contrôle sur la chaîne et ses intervenants sera rendu plus aisé et le pays producteur pourra dégager une réelle plus-value. De plus, des mécanismes de contrôle et de redevabilité contraignants doivent aussi être mis en place aux niveaux national, régional et international. Enfin, les contrats léonins conclus dans le secteur minier entre les autorités congolaises et certains acteurs étatiques et non étatiques devront être revus sur la base d’un partenariat gagnant-gagnant.

4. L’impératif de la justice

Les diverses tentatives de recherches de solution politique et militaire de ces dernières décennies ont toutes échouées à stabiliser le pays et à protéger les civils, le temps est venu de mettre en avant les interconnexions étroites existants entre la prévention des conflits, la justice transitionnelle et l’instauration de la paix. La culture de l’impunité alimente la récurrence des conflits et la répétition des atrocités. Nous ne pouvons continuer de fermer les yeux sur les crimes de masse commis en RDC depuis plus d’un quart de siècle ! La justice est la pièce manquante du puzzle pour mettre fin à la violence en RDC. Il n’y aura pas de paix durable sans la justice, sans des réparations, sans la vérité, sans des réformes institutionnelles visant à la non répétition des crimes les plus graves. Le pardon et la réconciliation ne pourront venir qu’après la justice, des réparations et la vérité. Tel est le sens de nos efforts de plaidoyer auprès des autorités congolaises et des partenaires internationaux, régionaux et bilatéraux pour l’adoption d’une stratégie nationale holistique de justice transitionnelle en RDC, qui devra tenir compte de la dimension internationale des conflits et de l’interventionnisme de nombreux pays tiers dans les conflits qui endeuillent la RDC depuis 30 ans. Parmi les réformes institutionnelles à prioriser, nous insistons sur l’importance stratégique de réformer le secteur de la sécurité : il s’agit d’une condition sine qua non pour que les forces de défense et de sécurité congolaises puissent exercer efficacement leurs fonctions régaliennes, déployer l’autorité de l’État sur toute l’étendue du territoire et défendre l’intégrité territoriale et la souveraineté nationale. En outre, aux côtés de la société civile et des associations de victimes, nous plaidons pour la mise en place d’un Tribunal Pénal International pour la RDC et/ou des chambres spécialisées mixtes pour poursuivre et juger les auteurs et les instigateurs des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et des actes de génocide commis en RDC depuis le milieu des années 1990.

Ces mécanismes de poursuites et de jugements internationaux ou internationalisés devront intervenir en complémentarité avec la Cour Pénale Internationale, qui doit poursuivre ses efforts de lutte contre l’impunité en RDC, pour les crimes commis après l’entrée en vigueur du Statut de Rome. Cet impératif de rendre la justice pour les crimes du passé et du présent est non seulement une condition préalable à la réconciliation et à la coexistence pacifique en RDC et dans la région des Grands Lacs mais aussi un moyen privilégié pour consolider l’état de droit, condition indispensable pour assurer une bonne gouvernance, lutter contre la corruption endémique et créer un cadre propice aux investissements.

5. La consolidation de la démocratie

La Nation congolaise s’apprête à vivre en décembre 2023 le quatrième cycle électoral de son histoire récente pour de nouvelles élections générales avec la tenue de scrutins présidentiel, législatifs, provinciaux et locaux, et une alternance démocratique ne sera possible que grâce à la tenue d’élections crédibles, transparentes, inclusives et apaisées. Alors qu’il est crucial de sortir des crises de légitimité à répétition à la base de cycles de violence et d’instabilité politique et sécuritaire, le contexte pré-électoral est tendu. En effet, le manque d’indépendance de la Commission électorale nationale indépendante et la politisation de la Cour constitutionnelle - institutions en charge de l’organisation des élections et des recours électoraux -, la restriction de l’espace démocratique, de la liberté d’expression et d’association et un processus d’enregistrement désorganisé et tardif des électeurs augmentent le risque conflictogène des élections à venir. C’est dans ce contexte que nous appelons les partenaires stratégiques de la RDC à faire usage de tous les leviers à leur disposition pour que les prochaines élections se tiennent dans les délais constitutionnels et respectent la volonté souveraine du peuple, avec la présence d’observateurs nationaux et internationaux, notamment pour soutenir le comptage parallèle des résultats et exiger leur publication, bureau de vote par bureau de vote, afin de s’assurer qu’ils reflètent la vérité des urnes.

Conclusion

Le dixième anniversaire de « lAccord de l’espoir » correspond à une période critique où la Nation congolaise est en péril. La RDC fait l’objet pour la énième fois d’une guerre d’agression, directement et par procuration, menaçant la souveraineté nationale et l’intégrité de notre territoire et les maigres acquis de l’investissement international des 25 dernières années.

Un coût humain tragique continuera si l’on ne parvient pas à résoudre les causes profondes de la violence et de l’instabilité. Le temps est venu de sortir la tragédie congolaise de l’indifférence, de l’inaction et du silence complice de la communauté internationale qui ont contribué au pourrissement de la situation sécuritaire, humanitaire et politique, avec un impact désastreux sur le respect et la protection des droits humains. La RDC et ses partenaires doivent s’attaquer aux principales causes structurelles qui constituent les éléments moteurs des conflits qui persistent à l’Est du pays, à savoir l’exploitation et le commerce illégal des ressources naturelles et la culture de l’impunité. Le gouvernement congolais doit entreprendre sans tarder des réformes institutionnelles pour garantir le respect de l’état de droit, favoriser une culture des droits humains et rétablir la confiance dans les institutions, notamment celles en charge de garantir la sécurité et de rendre la justice. Alors que la communauté internationale s’est à juste titre soudée depuis un an pour sanctionner l’agression et l’occupation de l’Ukraine par son voisin russe et lui apporter tout le soutien et l’assistance nécessaire, nous appelons l’opinion publique et les décideurs tant nationaux qu’internationaux à utiliser tous les moyens nécessaires pour endiguer sans tarder cette nouvelle escalade de la violence dans l’Est de la RDC.

La stabilité au cœur de l’Afrique est essentielle pour la paix et la sécurité internationales, mais aussi pour l’économie mondiale et la transition énergétique. Il est urgent de mettre un terme aux agressions récidivistes des pays à la base de la déstabilisation de la RDC en utilisant le recours à un régime de sanctions et de conditionnalité de l’aide. Les pays et les institutions partenaires de la RDC, notamment les co-Garants de l’Accord-Cadre ne peuvent plus tolérer ces violations flagrantes du droit international sans réagir. Si l’on veut maintenir un état de droit respecté au niveau international, il devient impératif de mettre fin à l’indignation sélective, à l’humanisme à géométrie variable et aux politiques de double standards qui entrainent un déficit de confiance et de crédibilité dans les institutions internationales et le multilatéralisme. A défaut d’appliquer les principes d’équité et de cohérence, un réel danger guette notre système de sécurité collective et la rue africaine désabusée s'orientera vers Poutine.

La souffrance est universelle et la soif de dignité et de justice l’est tout autant. Le sang des Congolais a trop coulé. A l’instar de tous les peuples, la Nation congolaise a le droit de disposer d’elle-même, et de vivre en paix. Si les défis sont nombreux, le chemin de la paix est possible. Il passera par plus de sécurité, plus de responsabilité dans le commerce mondial, plus de justice et plus de démocratie. Je gage qu’ensemble, avec une volonté politique renouvelée de la RDC et de la communauté internationale, nous y arriverons.

Réunion des experts de l'OHADA à Kinshasa : Nécessité de l'examen de la réforme de l'arbitrage et des recrutements pour les vacances actuelles des postes ou celles en vue

La ministre d’Etat, ministre de la Justice et Garde des Sceaux de la RDC, Rose Mutombo a ouvert le 24 février 2023 à Kinshasa la réunion des experts de 17 pays membres de l’OHADA, Organisation pour l’harmonisation des droits des affaires. C’est en prélude de la conférence des ministres de l’OHADA qui est prévue du 27 au 28 février 2023 à Kinshasa.

Emanuel Sibidi Darankoum a indiqué que c'est un immense plaisir pour lui d'exprimer, à l'orée de son propos, l'infinie gratitude des Institutions de l'OHADA à l'endroit de Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, Président de la République Démocratique du Congo et Président en exercice de la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement de l'OHADA, pour son engagement ferme et non équivoque pour la cause de notre commune Organisation.

Dès l'orée de la mandature de la RDC, en effet, le Chef de l'État a clairement fixé le curseur et révélé la mesure des ambitions qu'il porte pour l'OHADA. La perspective de la convocation prochaine d'une réunion de la Conférence des Chefs d'État et de Gouvernement atteste, à suffire, de la détermination de son illustre Président à donner une nouvelle et décisive impulsion à l'OHADA.


« Je n'oublie pas non plus les Experts de l'OHADA, infatigables bâtisseurs qui, de tout temps, ont toujours su accompagner les institutions de l'Organisation dans la réalisation de leurs activités sans ménager ni leur temps, ni leur énergie. Soyez chaleureusement remerciés, Mesdames et Messieurs, pour votre dévouement au service de la Communauté des Etats membres ».

L'année 2023 qui a commencé est une année particulière pour l’OHADA. Elle marquera, en effet, la trentième année d'existence de l'OHADA, qui a été portée sur les fonts baptismaux par le Traité de Port-Louis du 17 octobre 1993. Elle marquera également le quinzième anniversaire du Traité de Québec qui, lui-même, intervenait exactement quinze ans après le Traité originaire, en vue de donner une nouvelle impulsion à l'OHADA.

Trente ans, c’est un âge éminemment symbolique. Chez l'homme, c'est l'âge qui est réputé stimuler l'imagination des personnes qui s'apprêtent à l'atteindre c'est l'âge auquel, porté par un sentiment d'invincibilité, on peut se lancer dans tous les gros projets imaginables. Par transposition à la vie des organisations, on peut dire que l'heure est venue pour l'OHADA de se réinventer tout en repoussant ses limites, afin de servir au mieux la finalité que les Pères fondateurs lui ont assignée.


« Je forme le vœu que nous puissions, chacun en ce qui le concerne, accompagner ce mouvement. Pour ce faire, il importe que nos actions, nos interventions et nos décisions soient fondamentalement motivées par l'intérêt de l'OHADA. C'est de cette manière que nous pouvons construire une organisation plus forte, plus conquérante et toujours plus inclusive, afin de servir les besoins de nos concitoyens et des générations futures ».

La ministre d'Etat et présidente en exercice du conseil des ministres OHADA, Rose Mutombo Kiese a déclaré que sa joie est d'autant plus grande que je reçois ce jour chez moi à Kinshasa, Capitale de la République Démocratique du Congo, la majorité sinon tous les Présidents des Commissions Nationales OHADA ainsi que certains hauts fonctionnaires de cette Organisation commune que qu’elle a rencontrés au Mali et au Niger.

Elle a exhorté les participants de baliser le chemin pour la réussite de la Session ministérielle prévue les 27 et 28 février 2023. Durant deux jours, ils auront à examiner le rapport du Commissaire aux comptes pour l'exercice 2020 ; le rapport du Comité des sages ; le rapport de l'audit externe sur la gestion administrative et financière de l'OHADA et le rapport d'audit interne de l'OHADA.

La ministre d'Etat, ministre de la Justice Rose Mutombo Kiese

« En dehors de ces quatre points, j'attends également de vous, l'examen de la réforme de l'arbitrage et des recrutements que nécessitent les vacances actuelles des postes ou celles en vue ».

Sa démarche s'inscrit dans la droite ligne de la volonté de tous, celle de faire avancer cette Organisation surtout au cours du mandat de la RDC qu’elle veut le plus apaisé en raison notamment de la commémoration, le 27 octobre de cette année, des 30 ans d'existence de l’OHADA.

« Comme je l'ai dit lors de ces travaux, il nous faut partir sur de nouvelles bases empreintes de cordialité et de franche collaboration entre les différentes structures de l'OHADA. A 30 ans, on est juste assez jeune, sans être encore trop vieux, pour pouvoir profiter de la vie. Ainsi, rendons à l'OHADA ses lettres de noblesse au cours de cette année trentenaire. Que son étendard soit porté encore plus haut ».

jeudi 23 février 2023

Pujilat entre deux gangs au sein de la Prison Centrale de Makala

« Deux gangs se sont affrontés dans la journée du 23 février 2023 à la Prison Centrale de Makala à Kinshasa. Les autorités pénitentiaires ont vite maîtrisé la situation. Les 22 détenus meneurs du Pavillon 3B ont été transférés à la Prison militaire de Ndolo », annonce une source pénitentiaire.

Il s’agissait au départ d’une bagarre entre deux détenus qui s’est transformés en rixe entre deux gangs. Le comité de détenus s’est impliqué pour que les pensionnaires rentrent dans leurs pavillons. La police militaire et la garde républicaine sont, par la suite, intervenues pour ramener le calme au sein de la Prison Centrale de Makala.

Les forces de l’ordre ont procédé à la somation pour dissuader les membres de deux gangs en conflit. Il ne s’agissait pas d’une tentative d’évasion. « Comme il y a une surpopulation à la Prison Centrale de Makala et que nous ne pouvons pas garder des gens en enfermement, il fallait procéder à la sommation. Et puis, nous avons commencé à faire entrer les détenus dans chaque pavillon ; c’est la technique que nous utilisons lorsqu’il y a un mouvement dans un centre pénitentiaire », a fait savoir la même source pénitentiaire.

La sérénité étant revenu, les membres de familles ont amené de la nourriture à leurs proches. Les visites se sont poursuivies normalement durant toute la journée. « Entre temps, nous sommes en train de réfléchir sur la manière d’organiser des procès en procédure de flagrance pour tous ces cas dans les 48 heures et éventuellement chercher à les transférer ailleurs et loin de la ville de Kinshasa ».

Pour le cas d’espèce, les autorités pénitentiaires envisagent d’organiser des audiences en procédure de flagrance contre les meneurs de ce mouvement qui a perturbé l’ordre et la quiétude au sein de la prison. « S’ils sont condamnés, elles verront si nous pouvons faire fi au premier aux premières causes pour lesquelles ils ne sont pas encore condamnés. Enfin, les transférer ailleurs ».


Les Etats-Unis réitèrent leur appel au Rwanda pour qu’il cesse de soutenir le groupe armé M23 et retire ses soldats de la RDC

Les États-Unis saluent le communiqué du 17 février 2023 de la 1140e réunion du Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’Union africaine sur la situation dans l’est de la République Démocratique du Congo (RDC). Nous nous joignons au CPS pour exprimer notre préoccupation face à la détérioration de la situation humanitaire, condamner les violations des droits humains commises par les groupes armés, en particulier le M23, Daech-RDC, la CODECO et les FDLR, et exiger que tous les groupes armés cessent les hostilités et se retirent sans condition de l’est de la RDC. Nous apprécions le leadership du président sud-africain Cyril Ramaphosa au CPS.

Nous sommes encouragés par le fait que le CPS a souligné l’importance de la mise en œuvre des résultats du communiqué du mini-sommet de la CAE du 17 février 2023, des processus de Luanda et de Nairobi et du communiqué de Luanda du 23 novembre 2023. Le CPS a par ailleurs souligné l’importance du soutien au Mécanisme conjoint de vérification élargi et à la Mission de l’Organisation des Nations unies de stabilisation en république démocratique du Congo (MONUSCO), ainsi que du traitement de la question des ex-combattants et du retour volontaire des personnes déplacées et des réfugiés. Nous prenons également note de la décision du CPS d’utiliser le Fonds pour la paix de l’Union africaine pour soutenir le déploiement de la Force régionale de la Communauté d’Afrique de l’Est (EACRF).

Nous demandons instamment la mise en œuvre rapide des résultats du mini-sommet de la CAE du 17 février 2023, des processus de Luanda et de Nairobi, en particulier du communiqué du mini-sommet de Luanda du 23 novembre 2022. Le chemin vers la paix est clair : nous attendons du leadership démontré lors de ces sessions à Addis-Abeba qu’il traduise les engagements en actions. Nous réitérons notre appel au Rwanda pour qu’il cesse de soutenir le groupe armé M23 et retire ses soldats de la RDC afin de faciliter la mise en œuvre de ces engagements conformément au calendrier approuvé lors du mini-sommet de la CAE du 17 février 2023. Nous réitérons également notre appel à toutes les parties pour qu’elles condamnent les discours de haine et œuvrent de toute urgence à la prévention de la violence ethnique.

En marge du Sommet de l’Union africaine des 18 et 19 février 2023, la secrétaire d’État adjointe aux Affaires africaines, Molly Phee, a rencontré João Manuel Lourenço, président de la république d’Angola, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, président de la RDC, Paul Kagame, président de la république du Rwanda, William Ruto, président de la république du Kenya, et Jeje Odongo, ministre des Affaires étrangères de l’Ouganda. Lors de chaque réunion, la secrétaire adjointe Phee a discuté avec les dirigeants régionaux de notre engagement commun à instaurer la paix et la stabilité dans l’est de la RDC et du besoin urgent de revitaliser les processus de paix. Les États-Unis continueront de soutenir et de faire progresser les initiatives diplomatiques africaines visant à résoudre le conflit dans l’est de la RDC.

lundi 20 février 2023

14 corps de détenus décédés en prison abandonnés à la morgue de Mbanza-Ngungu

« La morgue de l’hôpital général de référence de Mbanza-Ngungu compte 14 corps de prisonniers décédés en détention. Le corps le plus ancien est celui de Luzingu Manzambi déposé le 7 novembre 2022 », a déclaré le représentant de la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) Mbanza-Ngungu, Me Guy Matasilua.


Et qui plaide pour que les autorités congolaises organisent l’enterrement des prisonniers dont les corps se trouvent gardés à la morgue de l’hôpital général de référence de Mbanza-Ngungu. « Nous avons été saisis des doléances autour de cette situation. Nous avons mené des enquêtes. A ce jour, cette morgue compte 14 corps de prisonniers décédés en détention ».

En faisant le calcul du 7 novembre 2022 à ce jour, le corps de Luzingu Manzambi a passé plus de 100 jours à la morgue de l’hôpital général de référence de Mbanza-Ngungu. « Je me suis posé la question sur l’état dans lequel se trouve ce corps qui vient de passer plus de 100 jours à la morgue de Mbanza-Ngungu avec tout cela que peut avoir comme conséquence sur la santé du personnel qui travaille dans cet hôpital ainsi que la santé de la population voisine ».

« Etant le chef d’antenne de la Commission Nationale Droite de l’Homme de Mbanza-Ngungu, j’ai saisi cette occasion pour plaider afin que les autorités mobilisent des moyens afin que ces corps soient enterrés. Ça sera une occasion pour désengorger la morgue de l’hôpital général de référence de Mbanza-Ngungu qui a une capacité d’accueil réduite ». 

vendredi 17 février 2023

Mémorandum du comité permanent de la Conférence épiscopale nationale du Congo adressé à Son Excellence Monsieur Félix-Antoine Tshisekedi, président de la République Démocratique du Congo, chef de l’Etat

Excellence Monsieur le Président de la République,

1. Nous vous remercions d’avoir répondu favorablement à notre requête de vous rencontrer en votre qualité de Président de la République, Chef de l’Etat, Garant de la Nation.

2. Aussi, saisissons-nous l’occasion de réitérer à vous et à votre Gouvernement notre gratitude pour votre impulsion et implication dans les préparatifs de l’accueil du Saint-Père, le Pape François, tel que nous l’avons exprimé dans notre message du 4 février 2023.

3. Réunis à Kinshasa, du 06 au 08 février 2023, en session ordinaire de notre Comité Permanent, Nous, Cardinal, Archevêques et Evêques, membres de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO), nous sommes penchés sur la situation sécuritaire qui prévaut dans la partie Est de la RD Congo. 

Contexte

4. Comme vous le savez, la situation sécuritaire en Ituri, au Nord Kivu et au Sud Kivu demeure préoccupante.

5. Le Saint-Père, le Pape François, lors de sa visite chez nous, n’a pas manqué d’évoquer cette situation dramatique à l’Est de la RD Congo, un conflit qui semble être oublié par la Communauté internationale et qui étouffe notre pays.

6. Dans notre message du 9 novembre 2022, intitulé L’heure est grave. Notre Pays est en danger ! (cf. Néh 2,17), nous avons alerté sur la grave détérioration de la situation sécuritaire avec pour conséquences : les massacres des civils, le déplacement massif des populations et la violation des droits humains. Aujourd’hui, cette crise sécuritaire affecte tous les secteurs de la vie nationale.

Initiatives en cours

7. Face à cette crise, plusieurs initiatives militaires et diplomatiques sont prises : les prolongations de l’état de siège, la multiplication du nombre d’intervenants (FARDC, MONUSCO, les troupes de l’EAC, notamment du Kenya, Burundi, Ouganda, ainsi que les officiers du Rwanda), mais la paix est loin d’être rétablie. Par ailleurs, la présence à l’Est de notre pays de troupes ou des officiers encadreurs des pays cités comme agresseurs de la RD Congo suscite beaucoup d’interrogations.

8. Nous avons l’impression que la population congolaise est prise au piège entre guerres d’influence et la bataille pour le contrôle de ses ressources naturelles. Ces événements dramatiques ne participent-ils pas à la mise en œuvre du plan de balkanisation de notre pays ?

9. Nous saluons vivement votre diplomatie et les efforts déployés par le Gouvernement pour venir à bout de l’insécurité et contrecarrer le projet de balkanisation du pays que nous n’avons cessé de dénoncer.

Contribution de l’Eglise catholique

10. Pour sa part, l’Eglise catholique est toujours disposée à vous accompagner dans vos initiatives de paix. Veuillez trouver ici quelques propositions et actions à mener :

- Nous estimons que pour lutter contre les forces négatives qui sèment la désolation à l’Est du pays, il est nécessaire d’obtenir l’appui de leurs communautés de référence afin de les persuader de déposer les armes. L’Eglise catholique pourrait s’appuyer sur ses Commissions Justice et Paix pour impliquer ces communautés de référence.

- Considérant le danger de la balkanisation, nous avons organisé une marche dans toutes nos circonscriptions et sur toute l’étendue du territoire national, le 4 décembre 2022 pour redire « non à la balkanisation ». Face à cette menace, la meilleure barrière est de consolider la cohésion nationale et de raviver l’esprit patriotique. Il est opportun de contrôler certains leaders d’opinion qui s’illustrent par leurs propos désobligeants et les acteurs politiques qui diffusent les discours d’incitation à la haine et à l’exclusion.

-  Il importe de mettre en place un cadre national large en vue d’évaluer les accords et les alliances qui constitueraient des pesanteurs dans les efforts pour sauver la patrie en vue d’arrêter de nouvelles stratégies.

- Les camps des déplacés et des humanitaires sont exposés aux attaques des groupes armés. Il sied de garantir leur protection et prêter une assistance durable aux déplacés et aux humanitaires travaillant dans les zones de conflit.

- Face au soupçon de corruption et de détournement des fonds alloués aux soldats, particulièrement ceux qui sont au front, nous proposons de renforcer le dispositif de suivi et de contrôle ainsi que de poursuites judiciaires à l’égard de tout contrevenant.

11. Conscients de notre appartenance à la Nation congolaise et en vertu de notre mission prophétique, ce qui est au cœur de nos préoccupations, c’est le souci pour la vie de nos frères et sœurs meurtris depuis plusieurs décennies et l’avenir de la RD Congo. Il est tout indiqué de continuer la mobilisation des forces à l’interne en incitant les jeunes à s’enrôler dans l’armée, tout en cherchant l’appui de l’extérieur. Nous n’hésiterons pas à apporter notre contribution à toute initiative qui aura pour finalité de garantir la sécurité nationale, l’intégrité territoriale, la stabilité de l’Etat et de ses Institutions, la paix sociale. A cet effet, nous restons disposés à accueillir ce que vous attendez de nous.

 Kinshasa, le 8 février 2023

                                          + Marcel UTEMBI TAPA

              Archevêque Métropolitain de Kisangani

                               Président de la CENCO

  

Présidentielle 2023 : l’abstention pourrait atteindre un taux record

Près de 54 % des Congolais pourraient ne pas se rendre aux urnes pour désigner leur président si l’élection était organisée dimanche. Un possible record historique d’abstention qui profiterait à Félix Tshisekedi, candidat à sa propre succession, selon le nouveau sondage Berci, en partenariat avec Ebuteli et le GEC. Le pays s’achemine vers une abstention historique. C’est ce que révèle le nouveau sondage du Bureau d’études, de recherche et de consulting international (Berci), avec Ebuteli et le Groupe d’étude sur le Congo (GEC) de l’Université de New York. Réalisée mi-janvier à travers le pays, cette étude révèle que la participation à la présidentielle pourrait atteindre son plus bas niveau depuis 2006 en République démocratique du Congo. Seulement 46,31 % des Congolais sondés affirment qu’ils iront voter, le 20 décembre, leur futur président de la République.

Comme le suggère le graphique ci-dessus, si cette tendance se confirme, ce serait près de 20 points de moins que lors du second tour de la présidentielle de 2006, premier scrutin multipartite de l’histoire du pays, après l’accord de Sun City qui avait mis fin à la deuxième guerre du Congo. Ce serait un score légèrement en deçà de la participation déjà en dessous de 50 % lors de la dernière présidentielle de 2018. Jamais dans l’histoire politique congolaise récente, le risque d’abstention - estimé à 53,69 % - n’a été aussi élevé à moins d’une année de la présidentielle. Près de 40 % des répondants indiquent qu’ils n’iront pas voter, tandis que près de 15 % sont encore indécis. Notre précédent sondage montrait pourtant une forte manifestation d’intérêt pour l’élection à l’approche des échéances électorales. On comptait, en juin 2022, 78 % des sondés prêts à aller voter alors qu’ils n’étaient que 40 % en septembre 2021.

Le paradoxe de l’opinion politique congolaise

Résultats d’un sondage national

À onze mois des élections, comment les Congolais perçoivent-ils l’état de leur pays et des institutions de la République, le processus démocratique et le conflit dans l’Est ? Tel était l’objectif du dernier sondage, réalisé par le Groupe d’étude sur le Congo (GEC), Ebuteli et Berci en janvier 2023, par téléphone auprès de 3.632 personnes dans les 26 provinces. Les résultats seront publiés dans trois notes thématiques distinctes sur les élections, la sécurité et la gouvernance. L’opinion publique congolaise semble empêtrée dans un paradoxe : la plupart des Congolais sont de plus en plus critiques à l’égard de la façon dont leur pays est gouverné. Et pourtant, lorsqu’on leur demande pour qui ils voteraient si des élections avaient lieu dimanche prochain, une nette majorité répond que ce serait pour le président sortant, Félix Tshisekedi. Ces tendances sont claires. En janvier 2023, seulement 39 % des personnes interrogées ont déclaré que le pays allait dans la bonne direction, contre 61 % en 2019, juste après l’arrivée de Tshisekedi au pouvoir.

Bien que ce chiffre soit encore plus élevé que pendant les dernières années de la présidence de Joseph Kabila – 27 % pensaient que le pays allait dans la bonne direction en novembre 2017 et 19 % en février 2018 – il est toujours clair que le gouvernement actuel a du mal à satisfaire ses citoyens. Ces tendances peuvent aussi être observées dans la chute des opinions favorables du Premier ministre Jean-Michel Sama Lukonde et du président Tshisekedi. Le pourcentage de personnes ayant une bonne opinion de Sama a chuté de 66 % lors de sa nomination en 2021 à 29 % aujourd’hui, alors que Tshisekedi a vu sa cote tomber de 62 % en mars 2019 à 36 % en janvier 2023.

Le scepticisme se manifeste dans presque tous les aspects de la vie publique. Ils sont 40 % des répondants à penser que la sécurité dans l’est du Congo ne s’est pas améliorée depuis la déclaration de l’état de siège en mai 2021 ; 29 % disent qu’elle s’est nettement empirée. Soixante-cinq pour cent des personnes interrogées affirment que l’économie s’est détériorée depuis l’arrivée au pouvoir de Sama il y a presque deux ans, et 67 % soutiennent que le gouvernement n’est pas efficace dans la lutte contre la corruption. Le seul secteur pour lequel une pluralité de personnes interrogées (66 %) indiquent que le gouvernement a fait du bon travail est l’éducation. Ceci est probablement le résultat de l’éducation primaire gratuite, probablement la plus grande réforme menée par le régime Tshisekedi. Et pourtant, comme le montre notre première note thématique, Tshisekedi remporterait les élections par une nette marge : 50 % des sondés qui ont l’intention d’aller voter disent qu’ils choisiront le président sortant, ce qui suggère que même unifiée, l’opposition aurait du mal à le battre.

Le second serait Moïse Katumbi (17 %), Martin Fayulu arrivant en troisième position (10 %). Comment est-il possible qu’une population aussi critique à l’égard du président puisse dire en même temps qu’elle a l’intention de le réélire de façon aussi retentissante ? Premièrement, et c’est probablement le résultat le plus sombre de ce sondage, une grande partie de la population va tout simplement se tenir à l’écart – près de 54 % des répondants affirment qu’ils n’ont pas l’intention de voter. Mais la méfiance est aussi élevée envers l’opposition. Le pourcentage de personnes ayant une bonne opinion de ses leaders est en baisse, au même rythme que le déclin du président : entre mars 2021 et janvier 2023, il est passé de 46 % à 33 % pour Martin Fayulu ; pour Moïse Katumbi, de 61 % à 31 %.

Les politiciens ne sont pas les seuls à être touchés : 58 % des personnes interrogées estiment que la société civile n’a pas amélioré la gouvernance du pays. Même le cardinal catholique Fridolin Ambongo voit sa cote de popularité baisser de 67 % à 53 % au cours de la même période. Pour le prix Nobel de la paix Denis Mukwege – dont certains pensent qu’il pourrait se présenter aux élections – sa cote est passée de 78 % à 44 %. Les acteurs internationaux ne sont pas épargnés. Comme le montrera notre deuxième note thématique de cette série, une nette majorité de Congolais rejette la collaboration militaire avec les armées de la Communauté d’Afrique de l’Est – entre 64 % et 78 %, selon les pays.

Une majorité écrasante de 67 % souhaite le départ de la mission de maintien de la paix de l’ONU (Monusco), un changement spectaculaire par rapport aux 29 % de personnes qui étaient de cet avis en octobre 2016. Pas un seul des donateurs principaux du pays ne peut prétendre disposer d’une opinion clairement positive aujourd’hui au Congo. C’est une chute précipitée par rapport à la période post-électorale, où des majorités de plus de 75 % avaient une bonne opinion de la France, des États-Unis, de la Belgique et du Royaume-Uni. Les exceptions frappantes sont la Chine et la Russie – cette dernière est désormais le pays étranger le plus populaire, avec 61 % d’opinions favorables, contre 35 % en octobre 2016. Ces tendances sont troublantes.

Dans le passé, c’est l’engagement civique des Congolais qui a permis de repousser l’autoritarisme, la capture de l’État par les élites et les conflits. Au début des années 1990, c’est la société civile qui a été le fer de lance de la transition d’un régime à parti unique vers la démocratie, en se mobilisant dans les rues lorsque les élites bloquaient les progrès. Ce modèle a de nouveau été suivi lors des manifestations massives qui ont secoué le pays entre 2015 et 2018 en réponse aux tentatives de modification de la Constitution et de truquage du processus électoral. Et les politiciens, en particulier les parlementaires, ont toujours payé le prix de leurs mauvaises performances, en perdant le pouvoir dans les urnes.

Aujourd’hui, cependant, même si les Congolais soutiennent massivement la démocratie plutôt que tout autre modèle de gouvernement (77 % à la mi-2022), seuls 26 % sont satisfaits du fonctionnement de leur démocratie – c’est une baisse par rapport aux 62 % immédiatement après les élections de 2018. L’engagement civique est-il désormais sur le déclin ? Les prochaines élections constitueront un test à cet égard. Un nombre croissant de Congolais – 58 %, soit beaucoup plus que par le passé – pensent que leur destin est entre leurs mains. La méfiance envers la Ceni ne cesse d’accroître Comment comprendre cette nouvelle et brusque percée de l’abstention à 11 mois du scrutin présidentiel ? La persistance de la méfiance dans le processus électoral en cours n’est sans doute pas étrangère à cette situation. Près de 54 % des répondants ne font désormais pas confiance à la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) pour organiser des élections crédibles, libres et transparentes. Une augmentation de 8,5 points en sept mois.

La plupart des 37,4 % des sondés qui soutiennent le contraire se comptent essentiellement dans les fiefs électoraux du président Félix Tshisekedi et de ses partisans. Ce score monte jusqu’à 85 % au Kasaï Oriental, voire à près de 96 % au Kasaï. Mais pas seulement. C’est aussi le cas par exemple à la Tshuapa où près de 74 % des répondants affirment faire confiance à la Ceni. On retrouve le même état d’esprit auprès de 75 % des personnes interrogées dans la province du Lualaba. Depuis juin 2022, le président de la Ceni, Denis Kadima, n’a pas non plus réussi à rassurer les Congolais. Ces derniers sont toujours plus nombreux à ne pas lui faire confiance : près de 47 % des sondés affirment aujourd’hui avoir une mauvaise opinion du président de la Ceni. Ils étaient 44 % il y a sept mois. Une opposition au discours ambivalent Autre explication à cette possible abstention record : l’ambivalence de certains leaders de l’opposition.

En même temps qu’ils dénoncent la mainmise du pouvoir sur les institutions impliquées dans la gestion du processus électoral, la Ceni et la Cour constitutionnelle principalement, plusieurs concurrents de Tshisekedi à la course présidentielle, comme Martin Fayulu et Moïse Katumbi, appellent la population à aller massivement s’inscrire sur les listes électorales. Pour les électeurs, un tel positionnement peut paraître parfois déroutant. Seul le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD) fait bande à part. La formation politique de l’ancien président Joseph Kabila se dit « non concernée » par l’opération d’enrôlement des électeurs en cours, en attendant la mise en place d’une nouvelle Ceni réellement « consensuelle ».

Là aussi, ce positionnement souffre d’incohérence lorsque le PPRD plaide, en même temps, en faveur de la tenue des élections dans les délais constitutionnels, c’est-à-dire d’ici décembre 2023 au plus tard. Et l’abstention l’emporta, Tshisekedi aussi. Il n’est pas surprenant que cette nouvelle démobilisation politique profite au président sortant. Ceux qui veulent, à ce stade, aller glisser leur bulletin dans l’urne le jour du scrutin présidentiel sont, pour la plupart, les mêmes qui veulent accorder un second mandat à Tshisekedi. Ils sont par conséquent moins regardants sur la crédibilité du processus électoral tant que leur champion se trouve en position de l’emporter.

C’est ainsi que la majorité des 46,31 % des Congolais sondés qui ont l’intention d’aller voter à l’élection présidentielle prévue en 2023 accordent leur suffrage à Tshisekedi. Dans cette configuration, le président sortant arriverait largement en tête, avec 50,42 %. Il y a sept mois, avec un taux d’abstention moindre (13,6 %), l’intention de voter en faveur de Tshisekedi ne se hissait qu’à 31 %. Autrement dit, moins il y a de votants, plus les chances de Tshisekedi de rempiler augmentent.

À l’avantage du chef de l’État : ses électeurs sont déjà prêts. Et rien ne peut justifier leur démobilisation. Ceux qui affirment qu’ils vont voter pour Tshisekedi se comptent en majorité dans le Grand Kasaï (54,92 %), le fief électoral du président sortant et celui de son parti, l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS). Ils ne sont que très peu en revanche dans le reste du pays : seulement 10 % dans le Grand Équateur, 7 % dans le Grand Katanga, 6 % dans le Grand Bandundu, 5 % dans la Grande Orientale, 4 % à Kinshasa, 3,7 % dans le Nord-Kivu, 3 % dans le Kongo Central, 3 % dans le Sud-Kivu et 1 % dans le Maniema. Ils prient en majorité dans les églises de réveil (44 %), mais sont également catholiques (25 %), protestants (18 %), kimbaguistes (5 %) ou musulmans (3 %). Et ils habitent plus dans les milieux ruraux (70 %) que dans les centres urbains (30 %).

Comme ces chiffres le démontrent, l’opposition doit remobiliser son électorat, si elle veut inverser la tendance. Cela passe notamment par un discours clair sur le processus électoral en cours mais aussi par des propositions d’alternatives crédibles à l’offre politique actuelle du chef de l’État. Ce n’est que de cette façon qu’elle pourra convaincre les 54 % d’abstentionnistes et indécis. D’autant que les 46 % des Congolais sondés prêts à se rendre aux urnes ne leur accordent que très peu de suffrages : 17,11 % pour Katumbi et 10,04 % pour Fayulu, à titre indicatif. Une contre-performance qui persiste malgré le bilan mitigé du premier quinquennat de Tshisekedi, comme le montrera notre troisième note thématique sur ce sondage. Le vote se régionalise mais…

Comme pour Tshisekedi et le Grand Kasaï, les intentions de vote en faveur des certains candidats déclarés et personnalités politiques sont recueillies en grande majorité auprès des Congolais sondés résidant dans leurs régions d’origine. C’est le cas notamment de Jean-Pierre Bemba avec 47 % de l’ensemble de ses possibles suffrages dans le Grand Équateur. Dans le même registre, l’on trouve Vital Kamerhe et ses 38 % d’intentions de vote au Sud-Kivu ; 36 % pour Emmanuel Ramazani Shadary au Maniema ; 22 % pour Kabila dans le Grand Katanga.

Cette régionalisation du vote est beaucoup plus flagrante dans un autre cas de figure : celui d’un électorat exclusivement présent dans la région d’origine du futur candidat. Il en est ainsi, par exemple, de certains candidats possibles à la présidentielle : Modeste Bahati au Sud-Kivu, de Lisanga Bonganga dans le Grand Équateur, de Corneille Nangaa dans la Grande Orientale et de Samy Badibanga dans le Grand Kasaï. À l’inverse, quelques personnalités semblent transcender ces clivages régionaux. Dans cette catégorie, on retrouve Alain Kashala, originaire du Grand Kasaï, plébiscité au Sud-Kivu. Idem pour Delly Sesanga porté par des suffrages de l’ex-province Orientale. Katumbi et Fayulu bénéficient de plus d’intentions de vote au Nord-Kivu, respectivement avec 34 % et 20 %.

Alors que 31 % des répondants qui souhaitent voter pour le Prix Nobel de la paix Denis Mukwege, pressenti candidat à la prochaine présidentielle, se trouvent dans l’ex-province Orientale. Dans la même région, l’ancien Premier ministre Matata Ponyo compte près de 43 % de ses potentiels électeurs. Quant à son prédécesseur à la primature, Adolphe Muzito, c’est dans le Grand Kasaï qu’il engrange l’essentiel de ses possibles suffrages (44 %). Les Congolais partagés sur le respect du calendrier électoral Le 26 novembre 2022, la Ceni a publié le calendrier électoral tant attendu. Comportant des délais serrés, ce chronogramme a d’emblée suscité des doutes sur sa faisabilité. Interrogés, les Congolais se montrent très partagés sur la question : près de 37 % croient que le calendrier publié est réaliste, 38,6 % non, alors que 20 % ne se prononcent pas.

Dans les faits cependant, la prolongation de 25 jours pour l’identification et l’enrôlement des électeurs dans les provinces de l’Ouest (aire opérationnelle 1) est venue renforcer la crainte du « glissement » du calendrier. Même si la Ceni rassure que cette prolongation n’aura aucune incidence sur le calendrier. D’ailleurs, avant cette décision de la commission électorale, en janvier, au moment de la réalisation de ce sondage, 44 % des répondants considéraient déjà que la Ceni ne pourrait pas organiser les élections dans les délais constitutionnels.

Dans tous les cas, Kadima ne cesse de rappeler que le « glissement ne fait pas partie de [du] vocabulaire » de son institution. Le 10 décembre 2022, lors de son discours sur l’état de la nation, le président Tshisekedi a également abondé dans le même sens, en proclamant 2023 année essentiellement électorale. Le chef de l’État a d’ailleurs instruit son gouvernement à « ne ménager aucun effort pour la mise à disposition des ressources nécessaires à la Ceni ». Objectif : organiser, coûte que coûte, les scrutins d’ici la fin de l’année. Et l’emporter.

Méthodologie

Ce sondage a été réalisé du 14 au 17 janvier 2023 pour évaluer les quatre années de la gouvernance du président Félix Tshisekedi. L’enquête s’est déroulée auprès d’un échantillon de 4.000 répondants, dont 3.632 ont été retenus après nettoyage du fichier. La base de données utilisée provient du répertoire national d’enquêtés de Berci, répartis en 26 provinces de la République démocratique du Congo. L’originale contient des renseignements sur la répartition géographique et les caractéristiques socio-économiques des répondants : leur niveau social, leur niveau d’instruction, leur milieu de résidence et leur âge, ainsi que leurs coordonnées GPS.

Les données du sondage ont été pondérées en fonction du milieu (urbain/rural), du sexe et de la localisation géographique des répondants afin que la distribution de ces variables corresponde le plus possible aux données démographiques de l’Institut national de la statistique (INS) et de la Ceni, avec une différence de moins de 1 % pour les localisations géographiques. Les résultats de l’enquête indiquent qu’il n’y a pas de différence significative entre les données pondérées et les données brutes. Cinquante enquêteurs et six contrôleurs formés en interne dans les techniques d’enquête dite-Computer Assisted Telephone Interview (CATI), ont effectué les interviews téléphoniques et la supervision de cette enquête. Les questionnaires ont été conçus en reprenant une série de questions posées lors des enquêtes précédentes du GEC – BERCI, notamment celles relatives à l’an 1, l’an 2 et l’an 3 de Félix Tshisekedi au pouvoir, afin de pouvoir faire une analyse comparative dans la mesure du possible.

Toutes les interviews sont réalisées à l’aide de tablettes électroniques et téléchargées directement sur un serveur hébergé à distance par Ona.io, accessibles à tous en temps réel. La base des données téléphoniques utilisée pour atteindre les répondants dans les 26 provinces et sur 145 territoires que compte la RDC a été constituée lors des enquêtes face à face aux domiciles des répondants, réalisées par Berci et le GEC en 2016, puis en 2022 par Berci, le GEC et Ebuteli auprès d’un échantillon de 5.335 personnes. La méthodologie de dénombrement des ménages a été utilisée pour donner la même chance à chaque personne habitant le village ou le quartier tiré d’être éligible. La méthode d’anniversaire était appliquée pour le choix de la personne à enquêter, alors que celle de quotas a permis de garantir l’équilibre entre les genres.