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mardi 8 mars 2011

Révision de huit articles de la Constitution, désapprobation totale au sein de l’opinion silencieuse congolaise


Le Parlement congolais réuni en congrès samedi dernier a voté la loi relative à la révision de certaines dispositions de la Constitution du 18 février 2006 à une écrasante majorité. L’opposition a boycotté la plénière qui a consacré ce qu’elle a appelé « l’assassinat » de la démocratie par la majorité au pouvoir. Les réactions ont été vives tant du côté de la majorité que de l’opposition après le vote de cette loi par les députés et sénateurs réunis pour la circonstance.
L’Association africaine des droits de l’homme-Asadho- a condamné par la voix de son vice-président Georges Kapiamba la révision constitutionnelle. Cette Ong congolaise des droits de l’homme la juge inopportune dans la mesure où les raisons avancées par le gouvernement ne tiennent pas débout. Il n’est pas question de prétendre qu’on doit procéder à la révision, notamment de l’article 71 parce que la Rdc n’a pas assez de moyens pour organiser l’élection à deux tours.
Pour l’Asadho, il s’agit d’une démarche de la majorité au pouvoir qui vise à confisquer le pouvoir et qui a donné un coup fatal au consensus politique et social qui avait été dégagé par toutes les forces politiques et sociales à l’issue de négociations de Sun City, en Afrique du sud.
Le président de l’Assemblée provinciale du Katanga, M. Gabriel Kyungu wa Kumwanza qui a assisté à cette cérémonie a  déclaré que la démocratie n’est pas un vain mot en Rdc. Il est fier de la manière dont les débats ont été dirigés. Malgré les petits couacs du départ, il s’est dit fier de la sérénité des débats et de toute la séance. M. Kyungu est content du résultat écrasant que la majorité a obtenu en infligeant un « camouflé démocratique à ceux qui se disent opposants».
Selon le président de l’Assemblée provinciale du Katanga, ce n’est pas un précédent fâcheux qu’une loi soit votée en l’absence de l’opposition. Pour lui, ce n’est pas la première fois au monde que cela arrive. Cette situation n’est donc pas unique au monde. Même dans les vieilles démocraties, a-t-il dit, il y a des lois qui se votent sans la présence des opposants qui exercent aussi leur droit. Il a indiqué que cette révision résout le problème du peuple et non de la majorité qui est là pour le représenter.
Pour certains, la majorité aurait pu avaliser ce qu’elle a déjà conçu au lieu de soumettre cette loi au vote au congrès étant donné que sa position était déjà connu. Le sénateur Amp Pius Isoyongo a dit que le Parlement a sa manière de travailler. Il est donc normal de la passer en revue pour s’assurer que tous les points ont été tenus, entendus, examinés et votés. Il a souligné qu’il faut faire les choses selon les règles de l’art.
Le député opposition Clément Kanku a promis que l’opposition usera de tous les moyens constitutionnels légaux dont elle dispose. L’opposition va se concerter puisque la démarche de la majorité au pouvoir a été anticonstitutionnelle. Elle compte saisir la Cour suprême de justice qui pourrait annuler le vote de la loi relative à la révision de certaines dispositions de la Constitution.
M. Kanku wa Bukasa a rappelé que la Cour suprême avait déjà indexé certains articles du congrès. On retrouve dans le lot l’article 17 dont s’est servi la majorité pour convoquer ce congrès. « Nous estimons que dès lors ce congrès a été biaisé à ce niveau, tout le reste pour nous n’a aucune valeur. Nous allons nous concerter au niveau de l’opposition pour trouver la formule la plus adéquate parce que la démocratie est en péril ».
Le député Amp Jacques Shesha et membre du courant rénovateur a souligné que l’initiative telle qu’elle a été prise est malheureuse. La manière dont cette révision a été conduite, le pays risque d’avoir des élections qui créeront une crise de légitimité, a-t-il fait savoir avec amertume. « Il ne faut pas suivre la majorité lorsqu’elle est dans l’erreur. La majorité, il ne faut pas seulement la dégager au sein du Parlement. La vraie majorité est la majorité silencieuse qui est en dehors du parlement. C’est elle qui a le pouvoir et nous nous n’en sommes que les mandataires ». Il a regretté que les parlementaires aient refusé de l’écouter afin qu’il développe ses arguments. Il a mentionné que les attitudes de ses collègues de la majorité sont celles qui cautionnent la frustration. Il a poursuivi que la proposition de révision de cette loia été accompagnée par une précipitation inouïe. 
Injonction du ministre de la Justice aux magistrats du parquet
Les parlementaires ont modifié l’article 149 de la Constitution. Et par voix de conséquence, tous les magistrats du parquet sont mis sous l’autorité du ministre ayant en charge la justice dans ses attributions. Le porte-parole de l’Intersyndicale des magistrats, le juge Thomas Utshudi n’a pas trouvé d’inconvénient à la révision de cette disposition. D’après lui, la Rdc s’est finalement inscrite dans la tradition constitutionnelle des autres Etats. Il a indiqué que les magistrats du ministère public exercent leur fonction sous l’autorité du ministre la Justice. Il a argué qu’il n’y a pas de problème que le pays s’inscrive dans cette tradition constitutionnelle de voir les magistrats du ministère public qui ont une nature hybride exercer leurs fonctions sous l’autorité du ministre de la Justice. 
Le ministre de la Justice en tant que membre du gouvernement en charge la politique gouvernementale en matière d’administration de la justice. « Quoi de plus normal qu’il dispose d’un pouvoir pour donner des injonctions aux magistrats du ministère public dans le sens de poursuivre ceux qui commettent des infractions. Quand le ministère public somnole, il est normal que le ministre de la Justice donne des injonctions ».
Par contre, le Syndicat autonome des magistrats du Congo-Synamac- a eu à dénoncer cet état depuis 2009. Ce syndicat n’entent pas changer sa position. Son président Nsambay Mutenda Lukusa s’est exprimé en ces termes : « Ou bien l’ont veut que la justice existe et fonctionne sans que l’on puisse avoir affaire à une justice privée soit on cherche à privilégier de tout le monde. On cherche à faire passer le message du conseil exécutif dans ses désirs vis-à-vis de la justice ».
Le Synamac pense que tout dépendra de manière intrinsèque des magistrats eux-mêmes qui vont oui ou non obéir aux ordres qui seront données. Il appartient aux magistrats de s’assumer. D’une manière équitable, le Synamac estime que ce texte est mal venu et ne peut l’accepter. « Quand on arrive à toucher aux dispositions qui ont tendances à porter atteinte du pouvoir judiciaire, tout dépendra désormais du comportement des magistrats qui peuvent soit accepter ou faire obstruction aux ordres qui seront donnés dans la mesure où ces ordres seront réputés illégaux ».
L’Asadho aussi condamne la modification de l’article 149 puisqu’au terme de l’article 220 de la Constitution, il est interdit de procéder à une quelconque modification constitutionnelle lorsqu’il s’agit d’une disposition qui assure l’indépendance du pouvoir judiciaire. « C’est une violation flagrante de l’article 220 de la constitution parce qu’en mettant les magistrats du parquet sous l’autorité du ministre de la Justice, on a détaché un corps important du pouvoir judiciaire tel que défini par cet article 149», a martelé Me Georges Kapiamba. Cette organisation des droits de l’homme envisage de mener d’autres démarches pour faire échec à cette violation de la Constitution.

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