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vendredi 11 mars 2011

4 juin 1969, les anciens étudiants se souviennent rarement de la répression de la marche des étudiants

Un des anciens étudiants de l’Université Lovanium, l’actuelle Université de Kinshasa – Unikin - parle de la marche pacifique des étudiants ce jour-là, qui a connu une répression musclée et sanglante de la part des militaires du régime du Maréchal Joseph-Désiré Mobutu, quatre ans après son accession au pouvoir par un coup d’Etat militaire.
Les étudiants avaient marché à la suite du non respect des conclusions du colloque de Goma. Ce colloque qui s’était tenu au premier trimestre de l’année 1969, avait rassemblé tous les étudiants des universités et instituts supérieurs de la République Démocratique du Congo avec l’Etat congolais pour discuter des problèmes en relation avec les problèmes académiques.  Les programmes que les étudiants suivaient dans les instituts et universités du pays étaient exactement calqués sur le programme belge.
Alors que les réalités que les futurs cadres du pays rencontraient sur le terrain étaient tout à fait différentes. Les étudiants de manière tout à fait pertinente, estimaient que les programmes devraient plutôt s’atteler à essayer de résoudre le problème réel qu’ils rencontraient au Congo. Ils voulaient ainsi un réajustement ou une adaptation des programmes au lieu de les calquer sur le modèle belge. L’Etat congolais était d’accord à la proposition des étudiants de l’ensemble du pays. Tout un colloque avait été organisé pour essayer de revoir, non seulement les programmes et même le rapport entre les dirigeants des instituts supérieurs et des universités et les étudiants. Mais surtout quelle devrait être la contribution des étudiants sur la manière de conduire l’université au Congo.
Subsidiairement à ces problèmes, il avait été posé le problème de l’amélioration générale des conditions de vie des étudiants, notamment la bourse, le problème de transport des étudiants... L’Etat  congolais était parfaitement d’accord avec les conclusions qui sont sorties du colloque de Goma. Les étudiants attendaient que les décisions qui avaient été prises soient d’application. Dans un premier temps, ils attendaient l’amélioration ne fût-ce que des conditions matérielles.
Les étudiants congolais étaient conscients que le changement des programmes était un processus qui devrait prendre du temps. Pour eux, ce débat devrait perdurer pendant un long moment. Ils espéraient que l’amélioration des conditions matérielles pouvait prendre cours durant l’année académique 1969. En constatant qu’ils s’approchaient vers la fin de l’année académique et qu’il n’y pas rien comme solution qui pontait à l’horizon, tous les étudiants éparpillés sur l’ensemble du pays s’étaient convenus à organiser une manifestation pacifique pour protester contre cette attitude du gouvernement.
Or, le gouvernement congolais ne s’intéressait plus à appliquer les conclusions du colloque de Goma. « Nous en tant que étudiants, nous étions en partenariat avec l’Etat. Nous étions les délégués des étudiants, des professeurs et de ce fait, nous étions des partenaires par rapport à l’Etat congolais. La responsabilité de la mise en œuvre d’un programme national était de la compétence de l’Etat congolais. C’est lui qui aurait dû prendre des mesures pour voir la manière de réajuster le programme et de remodeler le fonctionnement de l’université ».
En ce qui concerne l’amélioration des conditions de vie des étudiants, il n’y avait que l’Etat congolais qui devrait régler cette question. Dr Sondji a déclaré ignorer la décision des autorités de l’époque de vouloir réprimer la marche pacifique des étudiants. Il a estimé que le pouvoir de Mobutu voulait s’imposer parce qu’à l’époque le président Mobutu avait maîtrisé toute la classe politique en pendant les gens comme Kimba, Anani… Il était parvenu à maîtriser tout ce monde. Le seul groupe qui n’arrivait pas à maîtriser, c’étaient des étudiants. Dr Sondji est d’avis que la répression de la marche s’inscrivait dans cette logique du pouvoir. Fondamentalement, a reconnu cet ex-meneur de Lovanium, le problème que les étudiants posaient n’étaient pas en opposition au régime de Mobutu.
Les étudiants pensaient que c’était un problème de l’Etat d’une manière générale et que ça n’entrait pas contre lui. « Du fait qu’il se soit moquer un peu de nous et que nous nous voulions protester à le contraindre à respecter ne fût-ce que le problème de l’amélioration des conditions de vie des étudiants. Curieusement et à notre grande étonnement, nous avons assisté à une réaction assez brutale ayant entraîné un grand nombre de morts parmi les étudiants ».
Peu de Congolais et même des étudiants ne se souviennent pas de cette date du 4 juin. En 1969, il aurait eu une cinquantaine de morts, mais le chiffre exact n’a jamais été connu. En 1970, il n’y avait eu de morts pour la très simple raison que la manifestation s’était déroulée à l’intérieur du campus universitaire. Il en avait été de même en 1971. Cette année-là les étudiants avaient organisé d’une manière plus grandiose qu’en 1970 une marche mais à l’intérieur du campus universitaire. Ainsi, feu le président Mobutu prendra la décision de fermer l’université et d’enrôler les étudiants dans l’armée.
Les 12 meneurs parmi lesquels se retrouvaient Me Kinkela, Dr Sondji, le Professeur Kabuya… avaient été condamnés à une prison à perpétuité. Ils avaient été envoyés à la prison centrale de Luzumu. Ainsi est née l’association de Luzains. La plupart des étudiants sont restés dans l’armée pendant trois mois. C’est en cette année-là que le pouvoir prendra la décision de nationaliser l’université Luvonium pour la création de l’Unaza, Université nationale du Zaïre.
Plus de trente ans après, Dr Sondji a affirmé que les programmes ont changé et l’université est morte. Le président Mobutu, à travers la création de l’Unaza, en réalité, il voulait détruire l’Université Lovanium qui était l’une des premières universités où il y avait une certaine élite. Du fait que cette réaction est venue beaucoup plus comme une réponse pour mettre fin à ce que le régime considérait comme la perturbation, le désordre ou l’anarchie créée par les étudiants. Ca ne s’était pas inscrit dans une perspective de la réflexion de ce que devrait devenir l’université congolaise. Dans la pratique, cela s’est traduit par la destruction progressive du système d’enseignement universitaire.
« Et aujourd’hui, nous avons plutôt assisté à une dégradation continue de l’enseignement supérieur et universitaire comme d’ailleurs dans d’autres secteurs de la vie nationale. De ce point de vue, c’est le déclic à partir duquel a sonné le glas de la dégradation de tout le système d’enseignement supérieur et universitaire de notre pays », a regretté Dr Jean-Baptiste Sondji. Les étudiants en tant que les intellectuels ont été le fer de lance dans la réflexion par rapport aux problèmes généraux du pays. Si l’Etat congolais était réceptif à l’époque aux revendications des étudiants, il aurait dû prendre en compte à ce qu’ils voulaient.
Malheureusement, le pouvoir a pris ces revendications comme une opposition frontale. Et que cette situation a conduit à la ruine de l’université. « Le 4 juin, on n’en parle pas beaucoup effectivement alors que c’est une journée très importante pour une conscience des étudiants ». Dr Sondji regrette du fait que les étudiants d’aujourd’hui vivent dans des conditions difficiles. Finalement, ils ont très peu de temps pour réfléchir parce qu’ils sont tellement concentrés à survivre et que la réflexion a quelque peu diminuer. Cet ancien luzain pense que - c’est plus l’Etat qui doit prendre ce problème en mains que les étudiants eux-mêmes - l’avenir ce pays dépendra de ce que vaudra son système éducatif et universitaire qui est aujourd’hui par terre. « Nous sommes encore cette génération qui a bénéficié d’une formation relativement importante, mais nous sommes en train de disparaître un à un. A mon avis, le moment est venu de reconstituer le redressement du pays pour qu’à la tête de l’Etat que cette génération prenne le pouvoir de manière à ce qu’on relance l’université ». 

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