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mercredi 9 mars 2011

Ouverture de l'atelier "culture et développement" , discours de l'ambassadeur Richard Zink, chef de Délégation de l'Union européenne en RDC


"Culture et Développement" un binôme intéressant et actuel. C'est un immense plaisir d'ouvrir cet atelier. C'est certainement pas par hasard que Kinshasa a été choisi pour cette rencontre des responsables politiques, des administrateurs publiques et des professionnels de l'art et de la culture afin d'identifier comment mieux intégrer la dimension culturelle dans une politique de développement. Mais aussi pour chercher comment nous, les partenaires au développement pouvons contribuer a ces efforts.

Quid de cet atelier

Cet atelier est en effet le premier d'une série qui va se poursuivre dans d'autres pays africains, caraïbes et du pacifique, en autre terme dans les pays ACP. C'est la suite du colloque international "Culture et création – facteurs de développement" qui a eu lieu en avril 2009 à Bruxelles. A cette occasions 48 Ministres des pays ACP, des deux Commissaires européens et de presque mille professionnels de toutes filières de la culture dans les pays ACP, mais aussi européens se sont retrouvé pour parler culture. Les résultats de cette conférence sont résume dans la "Déclaration de Bruxelles". Cette déclaration s'adresse à trois différents acteurs :

- les gouvernements,
- les professionnels du secteur de la culture, et
- les organisations de coopération, comme l'UE et ses 27 pays membres.

La déclaration invite à une intensification des échanges entre professionnels du secteur de la culture et décideurs politiques pour conquérir les énormes bénéfices économiques et sociaux que la production culturelle peut apporter à la société entière.

Congo: des richesses culturelles à exploiter!

Mesdames, Messieurs, distingués invités
Je le répète, ce n'est pas un hasard si ce premier atelier de sensibilisation après le colloque de 2009 se tient ici à Kinshasa. La terre natale de Kallé Jeef (le père de la rumba moderne), Franco Luambo Makiadi (le célèbre chanteur et guitariste), Me Liyolo (un sculpteur de renommée mondiale), Tshitenge N'Sana (l'homme du théâtre populaire), Chéri Samba (le tout célèbre peintre populaire) ou les sapeurs de Brazzaville est un vaste espace avec une immense richesse culturelle qui se manifeste dans de multiples langues et sous une multitude de formes. Ne dit-on pas "Kinshasa-Brazza ezali mboka moko," Kinshasa-Brazza est un seul pays, il n'y a que le fleuve qui nous sépare!

L'Europe est aussi engagée à promouvoir la culture en RDC. Permettez-moi de saluer l'œuvre, ô combien magnifique, que réalisent la Halle de la Gombe et le Centre Wallonie – Bruxelles. Ces deux espaces sont des véritables temples de la culture, sous toutes ses formes. Ils travaillent en harmonie avec différents centres culturels à travers les provinces de la RDC.

Le Congo est un véritable leader culturel en Afrique et au delà. Le Ndombolo a fait une conquête de l'Afrique et la musique congolaise est tellement présente dans d'autres pays africains qu'un ami camerounais me parlait récemment d'un "impérialisme culturel congolais". Cette richesse du patrimoine culturel et créatif congolais constitue une ressource, encore en grande partie inexploitée et en plus, renouvelable!

Mais, comme avec d’autres richesses de la RDC, le grand potentiel de l’expression culturelle, reste sans structures et sans retour financier suffisant pour le pays. La diffusion de la musique congolaise se fait sous forme de cassettes et disques souvent piratés (et ceci pas seulement ici au Congo!). Les artistes sont souvent contraints de travailler dans des conditions précaires sans électricité, sans internet, dans un environnement d'isolation où les voies de communications sont rudimentaires.

Il manque des studios d'enregistrement de bonne qualité. Il manque un système capable de collecter et redistribuer les droits d'auteurs. Pareil pour l'infrastructure servant à distribuer et diffuser convenablement les produits de l'industrie culturelle. Les espaces culturels où les artistes musiciens, peintres, sculpteurs, dessinateurs pourraient représenter leurs œuvres, mais aussi se réunir, échanger, répéter, créer d'une façon systématique sont inexistants ou très rudimentaires.

Au-delà de ce qui précède, il faudra surtout un environnement légal et administratif qui protège l'expression culturelle et les droits des auteurs. Ceci permettra une exploitation économiquement viable de la créativité. Ce nouvel environnement donnera aux artistes la reconnaissance sociale qu'ils méritent. L'activité artistique doit nourrir ses hommes et ses femmes.

Culture et développement

Le domaine culturel dépasse largement les filières conventionnelles du cinéma/théâtre, danse, musique et arts plastiques, mode, design et encore. En RDC, nous trouvons une multitude d'autres formes d’expressions artistiques comme la fabrication artisanale de vêtements, objets de culte, et architecture qui mérite une meilleure mise en valeur.

Dès lors, comment la culture peut-elle contribuer au développement d’un pays, même un pays post conflit et pauvre? Deux éléments me paraissent d’une importance particulière pour le Congo:

Premièrement, la création culturelle et artistique et sa libre diffusion ont un impact direct dans le renforcement identitaire du pays et dans sa cohésion sociale. Je reprends ici une pensée évoquée lors du colloque de 2009.
Le rôle des artistes est d'exposer le monde dans sa beauté – comme dans sa laideur. Ainsi, une société qui encourage la création artistique permet aux créateurs d’interpeller ses institutions et de remettre en question ses propres normes. Une telle société s’engage dans un discours ouvert, libre et évolutif, elle offre à tous les citoyens, pauvres et riches la possibilité de mettre en valeur leurs savoir-faire et leur créativité pour contribuer, tous, à la transformation économique, sociale et culturelle. Une telle société sera plus fière, elle aura une différente estime de soi et de sa propre histoire et son identité. Une telle société acceptera la confrontation des points de vue différents sans violences!

Il va sans dire que le rôle de la culture dans la guérison des douleurs d’une société post-conflit est immense - Une guérison qui, d’ailleurs, ne pourra jamais se faire autrement.

Le deuxième élément à noter: un grand nombre des décideurs ne sont pas conscients ou pire, ignorent l’importance économique de la culture. Prenons quelques chiffres: En Europe, la contribution de la culture au PIB de la Norvège et de la Grande Bretagne est de 3%! En 1999 l'art et la culture du Brésil représentaient 6,7 % (!) du PIB et 5% de l'emploi national. Et en France, les industries de la culture apportent même plus de revenues que le secteur agricole! Mais en Afrique aussi nous trouvons des cas impressionnants: Au Mali, par exemple, la partie du secteur culturel dans le PIB est plus importante et emploie plus de personnes que le secteur de « Banques et Assurances », il dépasse le  5% du total de l'emploi de la population active. Malheureusement je n'ai pas trouvé des chiffres comparable pour le Congo, nos statistiques ne bous offrent aucune information.

Mesdames, Messieurs, distingués invités
Un groupe d'artistes est une aussi entreprise: Les producteurs de biens artisanaux, sont des créateurs d’emplois. La culture devient ainsi une source de revenu pour les groupes défavorisés et surtout les jeunes qui restent sans perspectives de travail dans les centres urbains.

Si l’Etat met en place un environnement réglementaire et financier favorable au développement artistique, ceci encouragera la création d’une véritable industrie culturelle et artistique. Une telle industrie pourra jouer un rôle important dans la diversification économique du pays et accroître l'exportation des biens. Avec un marketing intelligent, des produits, fruit de la créativité congolaise pourront être exportés et vendus dans les pays riches à des prix intéressants.
Mesdames, messieurs, il y a tant d'opportunités économiques pour votre patrimoine culturel!

La présence d’une industrie culturelle forte, organisée et capable de se faire entendre au-delà des frontières du pays, changera, peu à peu, l’image de tous le pays. La réputation, d’un pays joue directement dans sa compétitivité internationale. Imaginez donc avec moi une République démocratique du Congo qui, au niveau l’international, serait connue beaucoup plus qu'aujourd'hui pour ses produits culturels originaux et de haute qualité, pour ses festivals de musique, de danse, sa mode, pour ces cinéastes, sa sculpture; son humour …autant de richesses et d'occasions pour l'industrie touristique aussi!

Mesdames, Messieurs, distingués invités
Nous avons fait en sorte que des artistes de tous les coins de la RDC puissent participer à cet atelier et je suis très content de voir que notre invitation a été accueillie avec autant d'enthousiasme. Vous allez partager vos expériences et vos idées pour créer un climat encore plus favorable à la culture et à l'art.

Je me réjouis également de pouvoir saluer des artistes et des représentants du gouvernement de la République du Congo. J’espère que les échanges entre artistes et décideurs des deux Congo rendront les travaux de cet atelier encore plus stimulants.

Comme vous allez peut-être le constater, nous avons été obligés à limiter le nombre de participants à cet atelier. Nous aurions voulu inviter beaucoup plus d'artistes connus de la sphère culturelle congolaise: c'est pour cela que je vous encourage, chers amis artistes et tous nos invités ici présents, a partager les discussions et résultats de cet atelier dans vos domaines culturels respectifs, dans vos journaux, dans vos discussions, dans vos quartiers, dans la rue! La discussion sur le rôle de la culture dans le développement d'un pays doit être un débat public, participatif et évolutif.

Mais comment y arriver ?

Une prise de conscience de l’importance de la culture pour le développement d'un pays et sa mise en valeur doit être le résultat d’une action concertée et d'un dialogue continu entre le gouvernement et les créateurs artistiques.

J’espère de tout cœur que cet atelier puisse apporter des indications concrètes, même à court et moyen terme. Certains résultats peuvent déjà être atteints dans de temps raisonnable comme la mise ne place d'un cadre réglementaire que puisse permettre la protection des droits d'auteur, l'extension de la protection sociale aux artistes, ou l'accès au crédit pour les petites entreprises culturelles – ici à Kinshasa comme dans toutes les provinces.

Si ce processus pourra être initié ou facilité pendant ces deux jours, l'Union Européenne sera prête à focaliser plus son attention à la coopération culturelle, a   ce secteur qui un potentiel énorme, pour un vrai développement durable.

Connaissant la créativité des congolais, j'ai confiance. La prochaine danse qui va conquérir le monde ne proviendra ni d’Europe, ni des Etats-Unis, ni des Caraïbes -mais du Congo! Et j'espère que grâce aussi aux travaux de ces deux journées les droits d'auteur et les revenus générés par cette nouvelle danse ne s'arrêterons pas en Europe ou aux Etats Unis, mais seront investi à l'intérieur du pays. 

Excellence, Mesdames, Messieurs, Distingués invités
Je vous remercie pour votre attention et je suis donc curieux de suivre les travaux de ce séminaire et ses conclusions.

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