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jeudi 27 octobre 2011

Elections en RD Congo. Appauvrir les masses populaires pour mieux les vendre et les acheter


Quand nous poser la question de l’appauvrissement anthropologique, nous faisons allusion à tous ces mécanismes contribuant à l’appauvrissement spirituel et religieux, à l’appauvrissement culturel et politique et à l’appauvrissement socio-économique. L’hégémonie culturelle occidentale entretenue par l’école est un mécanisme d’appauvrissement culturel et spirituel. « Les intellectuels subversifs » occidentaux et africains en témoignent. (L’aventure ambiguë de Cheik Amidou Kane (1961), L’autre face du royaume etL’odeur du père de Mudimbe ou La remise en question de Mabika Kalanda, etc. sont assez éloquents sur ce sujet. Susan George (dans La pensée enchaînée. Comment les droites laïque et religieuse se sont emparées de l’Amérique) et Noam Chomsky (dans Deux heures de lucidité et Les doctrines des bonnes intentions) critiquent cette hégémonie culturelle de l’intérieur.  Jack Goody parle même du vol de l’histoire (en expliquant Comment l’Europe a imposé le récit de son passé au reste du monde (Paris, Gallimard, 2006)).
Un discours religieux répété à une masse importante de nos populations lui fait croire que  Dieu lui-même descendra des cieux pour la tirer de la misère où la gestion irresponsable de la res publica  l’a enfoncée. Le matraquage psychologique auquel recourent les pasteurs, toutes tendances confondues, pour faire passer ce message finit par atteindre son objectif chez plusieurs de nos compatriotes. Ils finissent par se convaincre que « Nzambe ye moko akosala » (Dieu, seul,  pourvoira !) Les lettres pastorales de Paul, rappelant aux chrétiens et chrétiennes qu’ils sont les collaborateurs de Dieu, ne sont  pas évoquées au cours de ce travail de matraquage psychologico-religieux.  L’objectif de ce dernier est le désengagement des chrétiens et des chrétiennes vis-à-vis de leurs responsabilités citoyennes. Manipulés à souhait par des pasteurs véreux- toutes tendances confondues-, ils arrivent à croire que les choix de  ces pasteurs sont ceux de Dieu.  Quand, corrompus pour des raisons électoralistes, ils en viennent à soutenir que leurs choix font partie des dons de Dieu et que ces dons sont irrévocables, les chrétiens et les chrétiennes répondent à l’unisson : « Amen » ! Et quand, après une prédication de ce genre, vient le moment de la collecte, « des mabonza »,  les chrétiens et les chrétiennes leur offre de leur essentiel au point de manquer,  chez eux à la maison, le minimum requis pour une vie digne. Ils se laissent acheter psychologiquement pour être mieux vendus politiquement.
Dans ce mécanisme psychologico-religieux d’appauvrissement spirituel, il y a un lavage de cerveau déresponsabilisant matériellement.
L’adhésion au discours et aux choix des pasteurs (et autres gourous) rend  incompréhensible la nécessité –indispensable en démocratie- du contrôle des gouvernants. S’ils sont choisis par Dieu et si les choix de ce dernier sont irrévocables, ils peuvent ou ne pas rendre des comptes de leur gestion de la res publica, ce n’est pas un problème : « Nzambe ye moko akosala » !
Interrogé par « Code 243 » sur son départ du gouvernement Muzito, Nzanga Mobutu explique entres autres ceci : ce gouvernement n’avait pas de conseils des ministres réguliers, le premier ministre l’est symboliquement (c’est-à-dire qu’il n’a aucune effectivité du pouvoir), il y avait manque de concertation sur les décisions engageant la res publica et un manque de vision commune sur les questions essentielles du pays, un gouvernement perpendiculaire tirait les choses dans la direction contraire du gouvernement prétendument responsable ; bref, pour lui, ce gouvernement était, pendant cinq ans, irresponsable. (Les critiques personnelles à l’endroit du fils de Mobutu ne changent rien à cette  remise en question du gouvernement au sein duquel il a travaillé.)
Malheureusement, certains ténors de ce gouvernement irresponsable vont bientôt battre campagne afin qu’ils soient reconduits à la tête du pays  pour un autre mandat de cinq ans.

Et comment procèdent-ils ? Après s’être enrichis sur le dos du peuple et cela sans cause, ils sont en train d’acheter les numéros des cartes électorales.  Avec 50 ou 30 dollars, ils achètent les numéros des cartes de nos populations auxquelles ils n’ont pu offrir ni l’eau, ni le logement, ni le courant électrique, ni les soins de santé, ni l’éducation pour nos enfants. Ils achètent les numéros des cartes de ceux et celles à qui ils ont refusé, pendant cinq ans, le droit à la vie. Ils iront, eux, voter à la place de ceux et celles  qu’ils ont achetés. Comble de cynisme ! Et même quand ils tombent dans le gouffre de ce cynisme sans fond, ils trouvent toujours des pasteurs-toutes tendances confondues- pour soutenir leur élection première « par Dieu » !

Disons qu’il y a, chez nous, un abus de la crédulité de nos populations par ceux et celles qui ont fait de leur ventre, de l’or et de l’argent, « leurs dieux » ! Cet abus enraciné dans l’égoïsme et la cupidité collective participe de l’expansion d’un système néolibéral ayant élevé l’argent au niveau de la valeur suprême après avoir dénié le droit de tous et de toutes à la vie. Ce système aux abois véhicule une conception de l’autre, du différent, assimilé à un adversaire à combattre  et/ou à éliminer.
Ravir à nos populations le droit à la vie pour mieux les acheter au nom du pouvoir pour le pouvoir et de la promotion des intérêts étrangers, tel est le drame qui se joue chez nous à un mois des élections probables du 28 novembres 2011.
L’appauvrissement anthropologique  des masses importantes de nos populations risque les conduire à reconduire, comme des moutons,  « leurs bourreaux »  aux postes de responsabilité politique vitaux pour notre devenir commun. Plusieurs d’entre eux reconduisent les idéologies (de gauche, de droite, du centre) ayant fait de l’Occident un quémandeur d’aide à la Chine. Incapables de déconstruire « la théologie universelle du capitalisme » pour « réinventer la démocratie » chez nous, (A ce sujet, nous recommandons la lecture de la conférence tenue par Jean-Pierre Badidike à Rome le 21 octobre 2011 et intitulée Crise financière et démocratie. Réinventer l’Afrique) ils veulent acheter nos populations avec l’argent qu’ils lui ont volé pour « faire de la démocratie » !   Dans l’entretemps, ils concluent des marchés avec  « les agents du capitalisme du désastre » sans aucune consultation de ces populations auxquelles ils veulent apporter la démocratie sur un plateau doré ! Au nom de Dieu !
L’illétrisme, analphabétisme politique, la faim et les autres formes de misère imposées à nos populations ont fini par en faire les proies faciles entre les mains  des « nègres de service » de tout bord. Les élections probables du 28 novembre 2011 ne changeront pas grand-chose à cette violence faite au droit de nos populations à la vie. Quel qu’en soit le vainqueur.

J.-P. Mbelu


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