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vendredi 21 octobre 2011

Deux ans après les incidents des Enyele en Equateur

C'était il y a presque deux ans maintenant, mais Elisabeth* entend encore les cris
de sa mère durant son viol perpétré par des hommes en armes dans une
orgie de violence nourrie par un litige sur des étangs poissonneux dans
la province Equateur, au nord de la Rdc. « Un matin, ils sont arrivés très tôt. C'était un jeudi. Nous ne savions même pas qu'il y avait la guerre », a expliqué Elisabeth, se rappelant l'attaque contre la petite ville de Dongo le 29 octobre 2009. « J'étais à l'hôpital. Je me suis cachée derrière les herbes hautes et
j'ai vu trois hommes éventrer une femme enceinte ».
Ce n'était que le début. Les yeux et le cœur encore emplis de l'horreur
et de la barbarie, elle a couru chez elle. « Des hommes armés étaient en
train de violer ma mère dans notre maison. Après le viol, ils l'ont tuée. Je me cachais dans un trou, mais je l'ai entendue pleurer », a ajouté Elisabeth, encore traumatisée. Elle a traversé la rivière Oubangui située non loin, en quête d'un refuge au Congo.
Comme elle, plus de 130.000 civils ont fui vers les pays voisins, pour la plupart au Congo. Quelque 100.000 autres ont trouvé refuge dans d'autres parties de la province de l’Equateur. Depuis, la plupart ont regagné leurs villages.
Malgré son appréhension, Elisabeth a également choisi de rentrer plus tôt cette année vers Dongo avec ses quatre enfants. Seulement 2.000 autres réfugiés congolais environ ont traversé la rivière Oubangui dans l'autre sens pour rentrer dans leurs villages d'origine. Toutefois, beaucoup reviennent régulièrement pour  surveiller leurs terres. Le Hcr vient en aide à ces rapatriés et encourage la réconciliation entre les communautés Enyele et Munzaya.
« La vie de l'autre côté de la rivière au Congo était difficile. Nous
devions louer une maison mais sans argent, sans emploi et rien à faire.
Je suis revenue à Dongo dès que j'ai entendu que la sécurité était
restaurée », a expliqué Elisabeth, qui est désormais travailleur social.
Elle est employée par le partenaire local opérationnel du Hcr, Aides,
pour aider d'autres rapatriés à reconstruire leur vie.
Les nouvelles des progrès qu'ils accomplissent arrivent aux oreilles
des réfugiés au Congo. Chaque jour, des réfugiés rentrent par leurs
propres moyens, selon un rythme régulier mais en petit nombre. Les
maisons doivent être reconstruites à Dongo. Le Hcr a financé la
construction d'un nouveau logement pour Elisabeth. Un marché fonctionne à
nouveau et les habitants trouvent des moyens de subvenir à leurs
besoins.
Elisabeth est optimiste pour l'avenir. « Je dis à mes frères qui vivent
au Congo qu'ils peuvent rentrer. Il n'y a pas de guerre, on peut
recommencer à travailler dans les champs et les enfants vont à l'école.
Nous pouvons même marcher dans la rue tard le soir », a expliqué
Elisabeth avec un sourire.
« Je rends visite aux personnes qui ont choisi de rentrer chez elles,
je recense leurs besoins, je rencontre les malades et je procède à leur
suivi. Mon rôle est de les aider à recommencer leur vie ici. A Dongo, tout le monde me connaît », a-t-elle affirmé, en expliquant son travail.
Le Hcr vient en aide aux rapatriés qui sont rentrés spontanément en
leur fournissant des produits de première nécessité, comme des bâches en plastique, des matelas, des couvertures, des ustensiles de cuisine et
des moustiquaires. Le programme d'abri géré par l'agence aide les personnes les plus vulnérables à reconstruire leur maison.
En partenariat avec d'autres agences, le Hcr gère également un programme pour encourager la réconciliation entre les communautés rivales, qui a mené à la signature d'un pacte de non-agression en mars dernier. Dans le cadre du programme de réconciliation, une radio communautaire financée par le Hcr a commencé à émettre en début de mois. Radio Racodo est basée à Dongo et elle peut être entendue par des réfugiés de l'autre côté de la rivière Oubangui. Elle a été créée pour intensifier le partage d'information et le dialogue entre les communautés rivales.
Elisabeth apprécie d'écouter la radio. « S'il y a des problèmes dans une ville ou un quartier, nous en sommes informés grâce à la radio », a-t-elle expliqué. « Je crois que c'est un bon moyen d'encourager la réconciliation », a-t-elle indiqué, en ajoutant que les programmes sur la résolution de conflit, les droits des femmes, la santé, l'hygiène et la prévention des maladies l'ont particulièrement intéressée.
Toutefois, alors qu'Elisabeth a commencé à reconstruire sa vie, la blessure morale causée par le souvenir traumatisant est toujours présente. «Je n'oublierai  jamais les hurlements de ma mère. Ils résonnent dans mes cauchemars », a-t-elle expliqué au Hcr, tout en ajoutant : « Je n'oublierai jamais, mais je peux pardonner ».
·        Nom fictif pour des raisons de protection Par Céline Schmitt à Dongo, République démocratique du Congo

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