APO

jeudi 18 août 2011

Projet de loi portant création, organisation et fonctionnement de la cour spécialisée des droits de l’homme et celui portant promotion et protection des défenseurs des droits de l’homme et des dénonciateurs d’actes de corruption et de détournement des deniers publics



Le ministre de la Justice et des Droits humains, Emmanuel-Janvier Luzolo Bambi Lessa a présenté devant les sénateurs deux projets de loi après l’ouverture de la session extraordinaire. Par sa lettre du 9 août 2011, le Rapporteur du Sénat lui a invité pour présenter deux projets de loi.
Le premier portant création, organisation et fonctionnement de la cour spécialisée des droits de l’homme et le deuxième est celui portant promotion et protection des défenseurs des droits de l’homme et des dénonciateurs d’actes de corruption et de détournement des deniers publics en République Démocratique du Congo.
A.   Concernant le premier projet de loi
Deux points seront abordés notamment la justification et l’intérêt de l’institution de la cour et le résumé du projet de loi.
1.     Justification et intérêt de l’institution de la Cour
Dans le cadre de la répression des crimes graves internationaux commis en Rdc avant le 31 juillet 2002, date d’entrer de la cour pénale Internationale, le gouvernement vient d’apprêter ce projet de loi portant institution d’une Cour spécialisée des droits de l’homme qu’il soumet présentement à votre examen.
Il vous souviendra que le 13 juin 2011, j’étais devant l’Assemblée pour le projet de loi portant institution des Chambres spécialisées au sein des juridictions congolaises et j’ai conclu ma présentation en indiquant quelques amendements recommandés par la Commission Permanente de Réforme de Droit Congolais principalement la conversion des chambres spécialisées en une Cour spécialisée.
Pour nous conformer à la procédure, le conseil des ministres a adopté le texte dans sa nouvelle version de la cour spécialisée des droits de l’homme, au cours de sa dernière réunion. Comme on le sait, les crimes de la compétence de la Cour pénale internationale commis dans notre pays ne sont pas poursuivables s’ils l’ont été avant le 31 juillet 2002.
Cela a créé un grand fossé d’impunité qui regorge notamment les exactions dénoncées dans le projet du rapport mapping de la Haut commissaire des Nations unies aux droits de l’Homme.
Et pour réparer les familles des victimes congolaises – plus ou moins 5 millions de morts, le gouvernement congolais a renoncé à la création d’un tribunal ad hoc pour les crimes commis en Rdc, pour des raisons de faisabilité matérielle et financière, notamment en l’absence de soutien de la Communauté internationale bien qu’en 2003, du haut de la tribune des nations unies, le président Joseph Kabila avait plaidé pour la création d’un Tribunal pénal international pour la République Démocratique du Congo afin de poursuivre les auteurs de ces crimes.
Ainsi, de la résolution du conseil de sécurité des Nations unies à New York, à la décision du conseil des ministres  à Kinshasa, en passant par le segment de haut niveau du conseil des droits de l’homme à Génève, l’option gouvernementale nouvelle est maintenant arrêtée : la responsabilité du contentieux de la répression des crimes internationaux revient désormais aux juridictions congolaises, à travers l’instauration de la cour spécialisée au sein de nos juridictions.
Il y a lieu de noter que la publication du rapport sur le « Mapping » des crimes internationaux en Rdc de 1993 à 2003 constitue sans nul doute l’indicateur d’une dynamique internationale positive dans laquelle notre pays entend s’inscrire pour la répression des crimes internationaux.
Dans ce sens, la création d’une cour spéciale des droits de l’homme s’inscrit dans la vision des principales axiologiques défendus par le projet du nouveau code pénal dans une perspective complémentaire de la réforme de l’ensemble du corpus juridique congolais et assure une cohérence du projet de société tel que défini par la Constitution du 18 février 2006.
La prise en charge par les juridictions congolaises viendra donc répondre aux fortes attentes de la société civile qui voudrait voir s’ouvrir des procès. A ce titre, la mise en œuvre de la justice nationale congolaise, proche ici d’une « justice de proximité », constitue le gage pour les Congolais d’une prise en charge judiciaire effective des massacres commis sur le territoire congolais.
La cour spécialisée des droits de l’homme matérialise la lutte contre l’impunité, en d’autres termes, elle permet de poursuivre et de juger des violations des droits de l’homme, en particulier les violences sexuelles faites à nos mères, filles, sœurs congolaises, des comportements susceptibles d’être qualifiés d’infraction internationale commis sur le territoire de la Rdc.
Elle aura pour mission d’organiser les enquêtes, les poursuites et les jugements des personnes présumées responsables de crimes internationaux. Le choix d’une juridiction nationale, à travers d’une cour spécialisée des droits de l’homme, correspond aussi à la volonté de renforcer et d’accélérer le processus de la réforme institutionnelle de l’appareil judiciaire et sécuritaire tant pour l’inscrire dans un développement durable et non plus d’actions ponctuelles de sortie de crise que pour restaurer la légitimité de la justice nationale au sens large.
II. Le résumé du projet
Le projet de loi soumis à votre examen prévoit la création d’une cour spécialisée des droits de l’homme. Il comprend six chapitres.
-         Le premier chapitre traite de la création et de l’organisation  
La Cour sera établie à Kinshasa et son ressort est tout le territoire de la République. Elle compte une chambre de première instance et une chambre d’appel et siège avec des juges et des juges ad litem. Il est institué un parquet près la Cour. Il est créé une unité spéciale d’enquête et de poursuite auprès du parquet.
La composition de la cour prévoit la possibilité de juge ad litem, c’est-à-dire une ouverture des magistrats étrangers. Cette composition hybride est importante car elle permet de renforcer l’indépendance, l’intégrité et les capacités des magistrats congolais.
A côté de ces garanties d’indépendance, les magistrats ad litem internationaux n’interviendront aussi comme appui - volume du contentieux, apport des moyens en matière de poursuites - et comme renforcement des capacités - transmission d’une expérience en matière de répression de crimes internationaux et jurisprudence pénale internationale -.
Ils bénéficieront des mêmes pouvoirs que les juges nationaux, sauf qu’ils ne pourront pas  être chef de juridiction. Cette formule rappelle la situation de la Cour suprême de justice au moment de sa création en 1968.

-         Le deuxième chapitre traite des sources de la légalité et du droit applicable
La loi pénale applicable concerne d’une part les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et du droit international humanitaire régulièrement ratifiés par la Rdc et d’autre part, les dispositions pénales congolaises conformes à ces instruments. En outre, les normes communes aux cours et tribunaux sont mutatis mutandis applicables.
-         Le troisième chapitre traite de la compétence
D’abord, la compétence matérielle concerne les crimes de guerre, crime contre l’humanité et le génocide. Ces crimes sont punis de la peine de mort pour se conformer aux peines prévues par le code pénal congolais pour les crimes du genre qui sont punis de la peine la plus grave.
Ensuite, la compétence temporelle couvre les faits allant de 1990 à ce jour.
En troisième lieu, la compétence territoriale et personnelle concerne les violations commises sur le territoire de la Rdc par des Congolais ou des étrangers. La responsabilité pénale est individuelle. Les personnes morales sont aussi justiciables.
Enfin, la compétence universelle est applicable à quiconque commet les crimes au Congo ou à l’étranger aux conditions fixées.
-         Le quatrième chapitre traite de la procédure applicable
Il s’agit de la procédure définie par le code pénal ordinaire. Le chapitre prévoit par ailleurs les droits du suspect et de l’accusé, les droits des victimes et témoins, l’organisation des droits de la défense et l’assistance des parties civiles, le témoignage et les voies de recours.
-         Le cinquième chapitre traite de la coopération avec la Cour
Le gouvernement déterminera avec les Nations unies et les organisations bilatérales et multilatérales le cadre spécifique de coopération.
-         Le sixième chapitre traite des dispositions finales qui concernent l’entrée en vigueur six mois après la promulgation de la loi, afin d’apprêter les conditions de son fonctionnement.


B.   Concernant le deuxième projet de loi :
Deux points sont à développer notamment les motivations juridiques et sociologiques de ce texte et les grandes lignes de ce projet de loi.
1.     Les motivations juridiques et sociologiques de ce projet de loi
Dans le cadre de la promotion et de la protection des droits de l’homme sur toute l’étendue du territoire national et dans le but d’approfondir le partenariat entre les pouvoirs publics et la société civile, le gouvernement a apprêté ce projet de loi portant promotion et protection des défenseurs des droits de l’homme et des dénonciateurs d’actes de corruption et de détournement de deniers publics en République Démocratique du Congo.
L’élaboration de ce projet de loi s’inscrit d’une part, dans la continuité d’autres initiatives déjà prises en matière des droits de l’homme par la Rdc et, d’autre part, dans le cadre de la mise en œuvre de la politique générale du gouvernement dans le domaine des droits de l’homme, dans la triple mission lui assignée dans le secteur de la justice par le chef de l’Etat congolais : lutte contre l’impunité, lutte contre la corruption et réforme de la justice.
La mise en place d’un cadre juridique national spécifique de protection des défenseurs des droits de l’homme et des dénonciateurs d’actes de corruption découle de plusieurs textes juridiques tant nationaux qu’internationaux.
Sur le plan national, il convient de rappeler la Constitution de la Rdc qui, en ces articles 37 et 203 alinéa 1er, cimente les relations entre les pouvoirs publics et les Ong des droits de l’homme.
De plus, la loi n° 004/01 du 20 juillet 2001 prévoit la tutelle des Asbl.
Sur le plan régional, il y a lieu de mentionner la Résolution 69 - XXXV – 04 sur la protection des défenseurs des droits de l’Homme en Afrique adoptée en juin 2004 par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, instance à laquelle la Rdc est membre.
Enfin, sur le plan international, il convient de citer principalement, d’une part, la Résolution 53/144 du 9 décembre 1998 portant Déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme qui a été adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies, ainsi que, d’autre part, la Convention des Nations unies de lutte contre la corruption, qui a été ratifiée par la Rdc et qui exige aux Etats membres de prendre les mesures requises pour son application.

Sur le plan sociologique, ce projet de loi répond à trois impératifs majeurs, à savoir :
-         En tant que vecteurs des réalités démocratiques, les défenseurs des droits de l’homme doivent avoir un statut juridique protégé pour leur permettre de travailler quotidiennement ;
-         La corruption et le détournement des deniers publics soumettent le peuple à la pauvreté violant ainsi les droits de l’homme de la deuxième génération ;
-         Il est scandaleux de constater en Rdc que beaucoup de gens sont de plus en plus licenciés de leur travail simplement pour avoir dénoncé les actes de corruption et de détournement des deniers publics. Il faut impérativement leur assurer une protection juridique nécessaire pour la promotion de la bonne gouvernance.
II. Les grandes lignes du projet de loi
Le projet de loi soumis à l’examen des Sénateurs congolais comprend quatre titres consacrés respectivement :
-         aux dispositions générales ;
-         aux droits et devoirs des défenseurs des droits de l’homme ;
-         aux droits et devoirs des dénonciateurs d’actes de corruption et de détournement des deniers publics ;
-         et enfin à la responsabilité de l’Etat congolais.
La majeure partie des dispositions de projet de loi répond aux standards internationaux admis en la matière, compte tenu de l’universalité des droits de l’homme, sans préjudice des particularités liées à la législature nationale.

1.     Au niveau des dispositions générales, le projet de loi définit essentiellement ce qu’on doit entendre par « défenseur des droits de l’homme » et même par « dénonciateur ». Ces définitions permettent de circonscrire le champ des bénéficiaires de cette loi.
2.     Quant aux différents droits garantis tant aux défenseurs des droits de l’homme qu’aux dénonciateurs, ils sont principalement et fidèlement tirés de la Résolution de l’Assemblée générale des Nations unies du 9 décembre 1998 portant Déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme.
C’est le cas notamment :
-         Du droit de se réunir pacifiquement ;
-         Du droit de former les organisations non gouvernementales, de s’y affilier et d’y participer ;
-         Du droit de publier, de communiquer à autrui ou diffuser librement des idées et information sur tous les droits de l’homme, en conformité avec la législation internationale ;
-         Du droit de soumettre des critiques et propositions touchant à l’amélioration du fonctionnement des organes et institutions de l’Etat.

3.     S’agissant des devoirs prévus dans le projet de loi, il y a lieu de noter qu’ils découlent essentiellement des articles 27 à 29 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, texte ratifié par la Rdc.
Leur consécration permet d’équilibrer les droits reconnus dans le projet de loi.
Ainsi, un défenseur des droits de l’homme a notamment le devoir :
-         de préserver le développement harmonieux de la famille et d’œuvrer en faveur de la cohésion et du respect de cette famille, de respecter à tout moment ses parents, de les nourrir, et de les assister en cas de nécessité ;
-         de servir la communauté nationale en mettant ses capacités physiques et intellectuelles à son service ;
-         de préserver et de renforcer l’indépendance nationale et l’intégrité territoriale de l’Etat et, d’une façon générale, de contribuer à la défense de son pays, dans les conditions fixées par la loi ;
-         de travailler, dans la mesure de ses capacités et de ses responsabilités, et de s’acquitter des contributions fixées par la loi pour la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la société.

4.     S’agissant enfin de la responsabilité de l’Etat congolais, il y a lieu de noter que le projet de loi prévoit des mesures de protection spéciale des défenseurs des droits de l’homme - lorsqu’ils sont l’objet de menaces tant physiques que juridique, exemple en cas de licenciement-
Ce projet de loi a bénéficié du concours indéniable de la société civile lors de son élaboration. Il constitue une manifestation évidente de la volonté des autorités publiques nationales de respecter les engagements pris par la Rdc lors de l’Examen périodique universel du Conseil des droits de l’homme en mars 2010, et d’œuvrer pour l’assainissement du cadre d’expression des libertés publiques garanties par la Constitution.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire