APO

mercredi 17 août 2011

Avant-projet de Loi relative aux Chambres spécialisées pour la répression des violations graves du droit international humanitaire : organisation, fonctionnement, droit applicable, compétence et procédure

Exposé des motifs

A.- Le contexte de la création des chambres spécialisées

L’initiative gouvernementale de la création des chambres spécialisées pour la répression des violations graves de droit international humanitaire est comme portée par un double courant d’exacerbation et de frustration d’un côté, et de maturation de l’engagement pour la lutte contre l’impunité, d’autre part.

1.     Exacerbation des populations congolaises

Exacerbation des populations congolaises, meurtries par les violences criminelles consécutives à la guerre ou post-conflit, frustrées dans leur besoin de vérité et de justice, de répression et de réparation, de non-recommencement et de paix, de restauration de ce que ces violences ont pu détruire en elles et de réconciliation.

La demande populaire de justice est d’autant plus forte qu’elle est attisée par une criminalité de guerre et post-conflit quasi quotidienne. Face à cette demande, l’offre de justice est plutôt modeste : qu’elle vienne de la justice institutionnelle en reconstruction ; ou des mécanismes de justice transitionnelle, réparatrice ou restauratrice qui d’ailleurs, depuis les expériences inachevées de la Conférence nationale souveraine et de la Commission vérité et réconciliation de la période de Transition, peinent à dépasser le cadre informel et fort étriqué des boutiques juridiques ...

L’évaluation de l’offre congolaise de justice est à cet égard significative de l’énorme déficit judiciaire. Si l’on prend comme base de référence les 617 cas répertoriés par le rapport « mapping » entre 1993 et 2003 ainsi que la douzaine de décisions de justice rendue par les tribunaux militaires jusque récemment,  on peut mesurer l’importance du déficit judiciaire dans ce domaine et dans un contexte où précisément la justice militaire semble être le seul prétoire qui accueille ce contentieux. Certes, les efforts qu’elle fournit sont louables, ainsi que le souligne d’ailleurs Avocats Sans Frontières dans une prochaine publication sur les recueils des décisions rendues par les juridictions militaires en matière de crimes internationaux. Les jugements de Songo Mboyo en juin 2006, de Kilua en juin 2007 ; les affaires Gedéon à Kipushi en mars 2009, Lieke à Kisangani en juin 2009, Kakado à Bunia en août 2010 comptent en effet parmi les fleurons de notre jurisprudence dans ce domaine. Mais, quantitativement, ils demeurent peu significatifs. Bien plus, ils ne concernent que quelques criminels de bas niveau. Rien d’étonnant que la plupart de ces décisions proviennent des tribunaux militaires de garnison qui ne jugent essentiellement que des militaires et policiers de niveau égal ou inférieur à celui d’officier subalterne. En fait, la réaction de la justice militaire reste fort timide dans l’application du principe dit du « défaut de pertinence de la qualité officielle ». Elle s’appuie notamment sur le concept d’ « hommes en armes » pour ne pas les identifier par rapport à leur corps d’attache, ou celui de « militaires incontrôlés » pour éviter de remonter à leurs commandants ou supérieurs hiérarchiques qui devraient voir leur responsabilité pénale engagée, du fait des actes posés par leurs subalternes qu’ils n’ont pas su ni pu contrôler ou contre les agissements desquels ils n’ont eu aucune prévention et n’ont pris aucune précaution.

Si on tourne le regard vers la justice de droit commun, elle apparaît comme complètement déconnectée du règlement du contentieux des crimes internationaux au motif que ceux-ci ne sont pas prévus par le code pénal ordinaire, alors même que le monisme juridique institué par l’article 215 de la Constitution offre une base solide pour invoquer les dispositions du Statut de Rome en droit national.

On comprend, dans ces conditions, que les justiciables congolais aient placé de grands espoirs à la juridiction de la Cour pénale internationale. Mais elles se sont vite rendu à l’évidence que cette dernière ne peut résorber à elle-seule le déficit judiciaire en matière de crimes internationaux et que, en réalité, la première responsabilité en cette matière revient aux juridictions nationales comme le suggère le principe de complémentarité et de subsidiarité qui fonde précisément le fonctionnement de cette haute juridiction dans ses rapports avec les juridictions nationales.

C’est l’un des enjeux des réformes que le gouvernement met en œuvre dans le secteur judiciaire. Le processus de ces réformes est ardu ; mais des efforts en profondeur sont petit à petit déployés pour améliorer l’accessibilité, le rendement et la crédibilité de la justice ; rehausser le taux de prise en charge judiciaire de la population ; rationnaliser la fonctionnalité de la chaîne judiciaire ; mettre en place un cadre législatif et réglementaire conforme à une justice indépendante, redevable et efficace ; etc.  A terme, les réformes engagées devraient impacter positivement la demande de justice même en matière des crimes internationaux. En attendant, le caractère pressant de la demande citoyenne pour la réduction de l’impunité dans ce domaine appelle à des actions formelles et institutionnelles immédiates. La création des chambres spécialisées s’inscrit dans cette logique.

2.     Maturation de la volonté politique d’agir

Cette création intervient dans un contexte de maturation de la volonté politique au plan national et international.

Au plan national, si le gouvernement congolais optait il y a quelques années pour un système « pas de justice sans paix », sa politique actuelle inverse ces termes pour considérer qu’il ne peut pas y avoir de « paix sans justice ». La politique dite « Tolérance zéro » traduit ces préoccupations en mettant en œuvre des actions visant à lutter contre l’impunité des pratiques de corruption mais plus largement, à la répression de toutes infractions, y compris les violations massives des Droits de l’Homme afin que leurs auteurs soient poursuivis.

La République Démocratique du Congo s’est interrogé plusieurs fois sur le choix du dispositif pour lutter contre l’impunité de ces crimes et divers mécanismes juridictionnels et de justice transitionnelle ont été mis en œuvre avec plus ou moins de succès. Toutefois, quels que soient les débats qui ont pu entraver la répression des crimes internationaux commis sur le territoire de la RDC, il n’en reste pas moins que cette dernière a développé une coopération exemplaire avec la Cour pénale internationale (CPI) à qui a été déférée la situation de la RDC.

La RDC a ratifié en 2002  le statut de Rome instituant la CPI et, pour les crimes commis après juillet 2002, la RDC a déjà déféré les cas à la CPI et certains Congolais y ont été remis.  Cependant, les poursuites engagées devant la CPI n’ont pas pu produire les résultats escomptés, notamment parce que certains pays dont les armées ont combattu sur le sol congolais ne reconnaissent pas la juridiction de la CPI.

De plus, l’ensemble de ces affaires devant la CPI ne rend pas compte de l’ampleur du déficit judiciaire en matière de répression des crimes internationaux, et leur traitement piétine. Par ailleurs, conformément à son Statut, la CPI ne peut que mener des enquêtes sur les crimes commis depuis juillet 2002, laissant ainsi impunis nombre d’auteurs des exactions antérieures. La CPI ne peut, et n’a pas vocation, à juger l’ensemble du volume de ce contentieux ; d’autres dispositifs doivent donc être mis en place.

A côté de cette collaboration active avec la CPI, la République Démocratique du Congo a créé en 2003 une Commission Vérité et Réconciliation. Pour autant son existence jusqu’en 2006 n’a pas permis de voir la production d’un rapport et aujourd’hui cette Commission est considérée comme « mort-née » essentiellement en raison des circonstances politiques de la Transition.

Il est cependant évident que les mécanismes judiciaires, quels que soient leur nombre et leur qualité, ne peuvent à eux seuls vider le contentieux des violations graves du droit international humanitaire perpétrées dans un contexte de conflit. Pour un certain nombre de cas, bénins ou graves, la punition seule ne suffira pas ; le simple pardon non plus. Dans un certain nombre de cas, les principes et règles du procès pénal s’avèreront incapables d’aller au fond des vérités historiques nécessaires à la restauration de la mémoire collective et à la production des catharsis individuels et collectifs indispensables à la purgation des passions, à la libération et la liquidation d’affects longtemps refoulés dans le subconscient et responsables de traumatismes psychiques ou sociaux souvent cachés mais réels, causés par les représentations dramatiques des événements vécus. Les coutumes congolaises offrent sans aucun doute divers mécanismes rituels d’abréaction, c’est-à-dire de libération émotionnelle, de réaction d’extériorisation par laquelle on se libère d’un refoulement affectif. Il convient d’identifier ces mécanismes et de les exploiter. Certains pourront l’être dans le cadre des procédures judiciaires et exigeront aux juges d’accepter d’accueillir dans le déroulement du procès certaines initiatives rituelles coutumières. D’autres ne s’en accommoderont pas et nécessiteront un cadre spécifique de palabre pour une meilleure médiation et une meilleure conciliation. Ce cadre de palabre, il faut le créer en nous inspirant de nos traditions et de nos expériences, ainsi que des expériences réalisées par d’autres peuples dans les mêmes circonstances.

Dans cette perspective, on peut s’interroger sur l’opportunité du recours à une autre expérience du genre « Commission Vérité et Réconciliation », et dans quelles conditions ; suivant quelles modalités. Faut-il, comme le suggèrent certaines ONGs des droits de l’homme que la proposition soit préalablement soumise aux victimes des violations des droits de l’homme pour avis avant de la soumettre au Parlement ? Il est certain. Le Rapport du Projet  « mapping » en parle dans ce sens aux pages 495 - 499 dont voici un extrait : « Pour éviter les erreurs du passé, un sérieux et vaste processus de consultation de la population doit être mené, dans un climat non politisé, afin que l’action de la CVR repose sur des bases et un mandat crédibles dont elle aura besoin pour pouvoir établir la vérité. Ce vaste processus consultatif devra servir à « recueillir en particulier les avis des victimes et des survivants et à préciser les fonctions, les points forts et les limites de l’action des commissions de vérité ».

S’agissant de la création d’un tribunal ad hoc pour les crimes commis en RDC, cette possibilité a été envisagée dans le passé et, en 2003, du haut de la tribune des Nations Unies, le Président Joseph Kabila Kabange a plaidé pour la création d’un Tribunal Pénal International pour la République Démocratique du Congo afin de poursuivre les auteurs de ces crimes.  Sa demande fut ignorée par les Nations Unies et la communauté internationale qui réclament aujourd’hui le jugement des auteurs présumés des violations massives des droits de l’homme commises depuis 1993. Ainsi, le Gouvernement congolais a renoncé à cette option pour des raisons de faisabilité, matérielles et financières, notamment en l’absence de soutien de la communauté internationale.

C’est pourquoi, après avoir observé les réticences de la Communauté internationale à la création des tribunaux pénaux internationaux et, vu les résultats mitigés des tribunaux précédemment crées tels le tribunal pénal international pour l’ex Yougoslavie, pour le Rwanda, Sierra Léone, etc., l’option gouvernementale est maintenant arrêtée : la responsabilité du contentieux de la répression des crimes internationaux revient aux juridictions congolaises, à travers l’instauration de Chambres  spécialisées au sein des juridictions congolaises.

Au plan international, la publication du rapport sur le « Mapping » des crimes internationaux en RDC de 1993 à 2003 constitue sans aucun doute le signal diplomatique le plus fort de la maturation de la volonté politique des Nations Unies à s’engager fermement dans la réduction de l’impunité en cette matière. Il ne fait pas de doute non plus que s’associent à cette volonté les grandes puissances au premier rang desquelles les Etats-Unis se montrent particulièrement actifs. Faut-il rappeler par exemple que le Congrès américain a adopté en mai 2010 une loi demandant à l’administration Obama de mettre au point une stratégie globale pour aider les Etats de la région, notamment la RDC,  à désarmer la LRA, à capturer et à traduire en justice ses responsables, à protéger les civils et à accroître l’aide humanitaire aux populations victimes. Il y a aussi la loi Dodd-Franck (Wall Street Reform Consumer Protection Act) sur les minerais des conflits [1] votée par le Sénat américain le 15 juillet 2010. Ces dispositifs associés par exemple au processus de Kimberley devraient pouvoir agir dans le sens de faire obstacle au financement des conflits dans notre région. En tout état de cause, ils sont l’indicateur d’une dynamique internationale positive dans laquelle la RDC entend s’inscrire pour la répression des crimes internationaux.



B.- La répression des crimes internationaux par les juridictions congolaises : l’économie générale de l’avant-projet

Ainsi, il revient aux juridictions congolaises d’assumer leurs responsabilités en matière de justice et ce choix inscrit la prise en charge de ce contentieux dans une perspective de développement, de réhabilitation du système judiciaire congolais et, en définitive, de renforcement de l’Etat de droit.

Il ne fait plus aucun doute qu’il revient à la RDC de prendre en charge la répression des crimes considérés comme les plus graves, toutefois au vu des difficultés auxquelles les juridictions congolaises sont confrontées, il s’agit de mettre en place des mécanismes garantissant des poursuites et la tenue de procès respectant les standards internationaux.

1. Intégration au sein des juridictions congolaises et apport d’un élément d’extranéité

Le dispositif des Chambres mixtes fut précédemment examiné et fut alors écarté en raison de la disparité du régime dont bénéficieraient les magistrats nationaux et internationaux, qui selon le Ministère de la Justice pouvait conduire à une véritable discrimination. De plus, la RDC se heurtait, là aussi, à des difficultés pratiques de mise en œuvre proches de celles rencontrées pour l’établissement d’un Tribunal ad hoc. Cependant, aujourd’hui ce dispositif apparaît comme celui offrant davantage de garanties pour la tenue de procès respectant les standards internationaux : d’une part il permet une prise en charge judiciaire congolaise, d’autre part, il intègre un élément d’extranéité, à travers la présence de juges internationaux qui permettent la transmission de l’expérience internationale et une distanciation utile pour le jugement de ces crimes. En outre, sa faisabilité apparaît plus certaine au regard de la pression internationale en faveur d’un dispositif de répression des crimes internationaux intégrant un élément international.

Ces Chambres spécialisées sont créées par une loi, conformément à l’article 149 de la Constitution qui dispose à son aliéna 5 : « La loi peut créer des juridictions spécialisées ». Elles sont directement intégrées dans le système judiciaire congolais, plus exactement au niveau des cours d’appel.

Pour des raisons d’économie, les cours d’appel ont été regroupés en 4 pools disposant chacun d’une chambre spécialisée de premier degré et en 3 pools disposant chacun d’une chambre spécialisée d’appel. Il est en effet créé au sein des Cours d’appel de Kinshasa/Matete, de Lubumbashi, de Bukavu et de Kisangani une chambre spécialisée de premier degré pour la répression du crime de génocide, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.  Le ressort de la chambre spécialisée de premier degré :
(a)  de la Cour d’appel de Kinshasa/Matete comprend la ville-province de Kinshasa, les provinces de Bandundu, du Bas-Congo et de l’Equateur ;
(b) de la Cour d’appel de Lubumbashi comprend les provinces du Katanga, du Kasaï occidental et du Kasaï oriental ;
(c)  de la Cour d’appel de Bukavu comprend les provinces du Sud-Kivu, du Nord-Kivu et du Maniema ;
(d) de la Cour d’appel de Kisangani comprend la province orientale et la province de l’Equateur. est celui de la Cour d’appel au sein de laquelle elles sont instituées.

De même, il est créé au sein des Cours d’appel de Kinshasa/Gombe, de Goma et de Kananga une chambre spécialisée d’appel pour la répression du crime de génocide, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Le ressort de la chambre spécialisée d’appel :
(a)  de la Cour d’appel de Kinshasa/Gombe comprend la ville-province de Kinshasa, la province du Bandundu, la province du Bas-Congo et la province de l’Equateur ;
(b) de la Cour d’appel de Goma comprend les provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu, du Maniema et de la province orientale ;
(c)  de la Cour d’appel de Kananga comprend les provinces du Kasaï occidental, du Kasaï oriental et du Katanga.

La composition des chambres spécialisées comporte la possibilité de juge ad litem, c’est-à-dire une ouverture aux magistrats étrangers. Cette composition hybride est voulue pour renforcer l’indépendance, l’intégrité et les capacités des magistrats congolais. A côté de ces garanties d’indépendance, les magistrats ad litem internationaux interviendront aussi comme appui (volume du contentieux, apport de moyens en matière de poursuites) et comme renforcement des capacités (transmission d’une expérience en matière de répression de crimes internationaux et de jurisprudence pénale internationale). Ils bénéficieront des mêmes pouvoirs que les juges nationaux à l’exception qu’ils ne pourront pas être chef de juridiction. Ce système a pour avantage d’être moins coûteux que l’instauration d’un Tribunal ad hoc par exemple ou encore que des Chambres mixtes instaurées par l’ONU.

Le caractère « mixte » de ces Chambres confère une présence temporaire de magistrats internationaux, c’est-à-dire limité dans le temps afin d’accompagner la réforme judiciaire en cours sans toutefois priver la justice congolaise de rendre justice.

Ainsi, pour accompagner la réforme judiciaire en cours, et notamment renforcer l’indépendance des magistrats, des magistrats internationaux seront intégrés, au niveau des poursuites, des juridictions de jugements, et des greffiers. Cet élément d’extranéité, par la présence de juristes internationaux a pour objectif d’éviter les interférences politiques ou de commandements militaires qui pourraient advenir. S’il ne fait aucun doute qu’il revient à la RDC de prendre en charge la répression des crimes considérés comme les plus graves, des mécanismes garantissant des poursuites et la tenue de procès respectant les standards internationaux doivent être mis en place.

2.  Une inscription dans le cadre de la réforme judiciaire

Le choix des juridictions nationales, à travers l’instauration de Chambres spécialisées, correspond aussi à la volonté de renforcer et d’accélérer le processus de réforme institutionnelle de l’appareil judiciaire et sécuritaire tant pour l’inscrire dans un développement durable et non plus d’actions ponctuelles de sortie de crise que pour restaurer la légitimité de la justice nationale au sens large.  Le choix des juridictions congolaises relève d’une volonté du gouvernement congolais de prendre en charge la répression des violations massives des Droits de l’Homme dans une perspective de développement et non d’un dispositif limité aux seuls « contextes de crise ».

Ainsi, la prise en charge judiciaire de la répression des crimes internationaux s’inscrit dans la volonté plus large de crédibiliser et de renforcer le corps de la magistrature, comme en témoignent le recrutement et la formation de 2000 magistrats en 2010. Plus encore, le recours aux autres options pourrait avoir un effet démobilisateur sur le relèvement du système judiciaire national, soulignant ainsi l’importance de miser sur le renforcement de la justice nationale pour lui permettre de lutter contre l’impunité, y compris pour les crimes internationaux.

Dans cette perspective, la création de ces Chambres spécialisées s’inscrit dans la droite ligne de l’une des préoccupations majeures qui président à l’organisation des institutions de la 3ème République, à savoir la lutte contre l’impunité. Elle correspond aussi aux engagements pros dans le cadre du « Contrat de Gouvernance » établi par le Gouvernement en février 2007 qui mentionnait la nécessité de concentrer ses efforts « sur la lutte contre l’impunité afin de restaurer la confiance dans la justice, renforcer la protection des droits de l’homme et lutter contre les arrestations et les détentions illégales ». Ces engagements ont été confirmés par la feuille de route du ministère de la justice, publiée en janvier 2009, qui affirme deux objectifs fondamentaux, à savoir la lutte contre l’impunité et l’amélioration de la crédibilité du système judiciaire. A ce titre, les crimes internationaux ne sauraient être écartés de la compétence des juridictions congolaises sous peine d’entamer la crédibilité et la légitimité même des juges nationaux et de la politique pénale du gouvernement. Cette perspective n’est pas nouvelle et à titre d’exemple, dans le cadre du Comite Mixte de la Justice un groupe thématique relatif aux « crimes internationaux » a été créé le 4 mars 2010. Trois axes de travail avaient été dégagé : d’une part, des questions relatives au cadre juridique (notamment la question de la pertinence d’établir une circulaire ou une loi de mise en œuvre, un texte relatif aux peines), d’autre part les modalités de la mise en œuvre de l'organisation des poursuites et des jugements, enfin des débats relatifs aux enjeux sociaux de la production judiciaire (mise en place d'un système d'indemnisation et/ou de réparation, établir des lieux de mémoire). Ainsi, la création de Chambres mixtes spécialisées présentées par cet avant projet de loi embrasse l’ensemble de ces préoccupations. En effet, il concerne tant la définition d’un cadre juridique mais aussi les moyens de mise en œuvre pour une prise en charge judiciaire effective.

De plus, le  système moniste de la RDC qui a ratifié le Statut de Rome en 2002 conforte ce choix et permet d’ores et déjà aux juges congolais d’appliquer ces normes internationales ayant autorité supérieure à la loi selon les termes de la Constitution du 18 février 2006. Cependant, cette application au sein des juridictions congolaises reste aujourd'hui limitée. En effet, bien que les juridictions militaires aient rendu des décisions dans environ une douzaine d’affaires, les juridictions civiles sont restées quant à elles timides en la matière. Ce constat nécessite de mettre en place un dispositif visant à soutenir une telle application d’autant que l’avant-projet du nouveau code pénal prévoit un mécanisme de répartition de compétences entre les juridictions civiles et militaires qui, de fait, équivaut à un transfert vers les juridictions civiles. En ce sens, les dispositions d’adaptation du Traité de Rome en droit interne, si elles ne sont pas indispensables d’un point de vue juridique stricto sensu, pourront permettre de vaincre les résistances des juridictions civiles à se prononcer sur ces contentieux et à encourager l’orientation prise par les juridictions militaires dans leur interprétation extensive des infractions du Code pénal militaire[2].

Par ailleurs, la création des Chambres spécialisées s’inscrit dans la perspective des principes axiologiques défendus par le projet du nouveau Code pénal. En effet, le projet du nouveau Code pénal[3] énonce les droits de la victime à la vérité, à la réhabilitation et à la réparation, et prévoit la création d’un Fonds d’indemnisation des victimes et l’élaboration d’un Programme national de réparations basé sur la consultation des victimes pour mettre en place différents types de réparations individuelles, collectives, matérielles, morales, coutumières ou symboliques à octroyer, ainsi que des interventions conservatoires ou provisionnelles d’urgence. Ainsi, la création des Chambres spécialisées s’inscrit dans une perspective complémentaire de la Réforme de l’ensemble du corpus juridique congolais et assure une cohérence du projet de société tel que défini par la Constitution du 18 février 2006.

3.  Une prise en charge congolaise pour répondre aux attentes des justiciables congolais

La proximité avec les lieux de perpétration des crimes, donc avec les victimes, les témoins et les auteurs présumés permet d’une part, de faciliter les enquêtes et la saisine de ces Chambres et d’autre part, d’avoir un impact plus fort sur les populations congolaises et dont la société civile est dans l’attente des jugements. L’idée est de rapprocher la justice des justiciables et nombre d’ONG préconisent le système de Chambres spécialisées.

La prise en charge par les juridictions congolaises viendra répondre aux fortes attentes de la société civile qui voudrait voir s’ouvrir des procès. En ce sens le jugement des crimes internationaux par les juges congolais est emblématique de la capacité du pouvoir judiciaire congolais à affirmer son indépendance du pouvoir politique et à insuffler une nouvelle dynamique dans les rapports avec les justiciables. A ce titre, la mise en œuvre de la justice nationale congolaise, proche ici d'une "justice de proximité", constituerait le gage pour les congolais d'une prise en charge judiciaire effective de l'usage politique des massacres.

4. Missions

Les Chambres spécialisées matérialisent la lutte contre l’impunité, en d’autres termes, permettent de poursuivre et de juger des violations massives des droits de l’homme, des comportements susceptibles d’être qualifiés d’infraction internationale commis sur le territoire de la République Démocratique du Congo. Elles auront pour mission d’organiser les enquêtes, les poursuites et les jugements des personnes présumées responsables de crimes internationaux.

Les juridictions établies examineront la responsabilité pénale des prévenus, détermineront et prononceront la peine en cas de déclaration de responsabilité pénale ainsi que les modalités d’exécution des peines.

Elles comprendront une unité de la police et du parquet, qui dans certaines provinces doit s’articuler avec les programmes intervenant dans ce secteur (STAREC, violences sexuelles, Uhaki Safi, PARJ, etc.).

5.  Organisation et procédure

L’avant-projet de loi sur les chambres spécialisées intègre les éléments de mise en œuvre du Statut de Rome. Il s’agit d’appuyer cette mise en œuvre. En effet, bien que la Constitution congolaise reconnaisse l’autorité supérieure des Traités internationaux qu’ils aient été signés antérieurement ou postérieurement à une loi congolaise, une loi d’adaptation du Traité de Rome est nécessaire afin d’assoir une politique pénale forte en la matière et de redynamiser les juridictions civiles en la matière.

Situées au sein du ressort des Cours d’appel, elles seront compétentes pour juger des crimes internationaux sur le territoire de la RDC. Onze Chambres seront ainsi créées (une par province), elles comporteront chacune deux degrés de juridictions. Un règlement intérieur sera élaboré.

6. Ancrage au cadre législatif en gestation

a)    Cohérence avec le Projet de loi organique portant Code de l’organisation et des compétences des juridictions de l’ordre judiciaire et l’avant projet du nouveau Code pénal

Les Chambres mixtes spécialisées seront créées au sein des Cours d’appel. Les juges appelés à siéger sont au nombre de 5, conformément à l’article 45 alinéa 2 du Projet de loi organique portant Code de l’organisation et des compétences des juridictions de l’ordre judiciaire qui dispose :
« La Cour d’appel siège au nombre de 3 juges.
Toutefois, elle siège au nombre de 5 lorsqu’elle est appelée à connaître du crime de génocide, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. »

b)    Cohérence avec le Code pénal

La responsabilité pénale engagée est, tant celle des personnes physiques que celle des personnes morales, et conformément à l’avant projet du Code pénal, aucune précision n’est nécessaire quant à la responsabilité pénale des personnes physiques.

L’action publique et la peine, en matière de génocide, crime contre l’humanité et crime de guerre sont imprescriptibles.

Les principes de détermination de la sanction seront similaires à ceux développés par l’avant projet du Code pénal.

La compétence matérielle est définie par les infractions de crime de guerre, crimes contre l’humanité et génocide.

c)     Principes directeurs en matière de procédure pénale

La procédure pénale est similaire à celle du droit interne. Néanmoins, des précisions pour ce qui concerne les actes de procédure, le statut de témoin et de victime, les droits de la défense interviennent au regard de la spécificité des actes matériels des crimes internationaux.

7. Moyens de mise en œuvre

L’adoption d’un cadre juridique est indispensable pour la poursuite et le jugement des auteurs d’infractions internationales mais ne suffit pas pour une répression efficace et effective. En effet, des moyens de mise en œuvre sont nécessaires, moyens financiers mais aussi en termes de ressources humaines (formation des acteurs judiciaires et structures d’accompagnement des témoins et victimes) pour mettre en place un contentieux de qualité.

a)    Ressources humaines et garanties d’un contentieux de qualité

L’instauration de ces Chambres est sous tendue par l’idée de créer un  dispositif visant à renforcer l’indépendance, l’intégrité et les capacités des magistrats et des avocats pour obtenir toutes les garanties d’un contentieux de qualité.

·        Renforcer les capacités des magistrats des Chambres mixtes spécialisées

En 2007, le Plan d’action du Ministère de la Justice considérait « la méconnaissance des normes internationales relatives au droit international et aux droits de l’Homme par les acteurs judiciaires »[4] comme un problème majeur. Par ailleurs, si depuis cette date certaines ONG et agences internationales ont pu dispenser des formations en droit pénal international et droit international humanitaire à l’égard des magistrats et/ou des avocats, il reste que l’ensemble de ces actions ne sont pas coordonnées quant au fond, à la durée et à la couverture géographique qui reste essentiellement limitée à l’est du pays. Ainsi, qu’il s’agisse du Ministère de la Justice et Droits Humains ou de ces agences, tous s’accordent à dire qu’un renforcement des capacités en la matière est indispensable. Des sessions de formation continue doivent être organisées à l’attention de ces magistrats tant en droit pénal international, droit international humanitaire, victimologie, droits des défenseurs des droits humains etc.

·        Monopole de représentation par des avocats dont les capacités seront renforcées

Afin de construire un contentieux de qualité, les Chambres spéciales ne pourront voir plaider devant elles que les avocats qui y sont autorisés, système similaire à celui existant pour les avocats devant la Cour Suprême de Justice[5]. L’appui à la rédaction et à la mise en œuvre d’une loi vise à instituer un monopole de la représentation devant les Chambres spécialisées afin de garantir un contentieux de qualité.

De même que pour les magistrats, une formation continue doit être assurée pour les avocats « La liste la plus récente des avocats autorisés à plaider devant la CPI comprend 28 avocats congolais sur un total de 264. Au vu des crimes internationaux et des graves violations des droits humains commises en RDC, il est essentiel que la profession juridique bénéficie de connaissance et d’une formation adéquates »[6] . De même, certaines ONG insistent sur la nécessité de « former les magistrats sur les droits des Défenseurs des Droits Humains, garantis par la Déclaration des Nations Unies du 9 décembre 1998, dont celui d’observer les procès et de rendre publiques leurs observations, ainsi que sur les normes du procès équitable»[7].

b)     Accompagnement des témoins et des victimes

L’expérience de la collaboration avec la CPI a permis d’identifier un certain nombre de difficultés dans le déroulement des poursuites (notamment la mise en œuvre des actes d’enquêtes, la vérification de ces actes par les magistrats) nécessitant de mettre en place un suivi pour la mise en état des affaires avant saisine. De plus, la RDC a vu s’ouvrir devant ses propres juridictions quelques procès en matière de crimes internationaux et davantage en matière de violences sexuelles[8].

Les bailleurs de fonds n’interviennent pas directement en matière de répression des crimes internationaux mais nombreux sont ceux qui disposent d’un programme d’appui à la lutte contre les violences sexuelles, notamment le plan STAREC (stabilisation et reconstruction de l’Est du Congo[9]) qui vise à restaurer l’autorité de l’Etat lancé par le gouvernement en 2009. Certaines de ces actions se sont traduits par l’appui aux procès pour violences sexuelles notamment à travers la tenue d’audiences foraines (Avocats Sans Frontières) ; la MONUC a fait état de la mise en œuvre d’un programme de protection des témoins, Pro-Justice (financé par l’USAID) se concentre sur la formation, la sensibilisation et l’assistance judiciaire au seul Sud-Kivu, l’American Bar Association aux deux Kivu et le PNUD en Ituri, et aux Nord et Sud-Kivu se focalisent sur la lutte contre les violences sexuelles et le programme de l’Union Européenne « Uhaki Safi » qui, selon l’évaluation du programme REJUSCO[10] dont il est la continuité, doit consolider le système judiciaire à l’est du pays en matière de prise en charge judiciaire des violences sexuelles car un rapport d’étape mentionne que 2 % de cas médicalisés sont judiciarisés.

Le déroulement des procès pour violences sexuelles est riche d’enseignements pour le futur dispositif des Chambres mixtes spécialisées décidées par le gouvernement congolais ; champ comprenant des incriminations qui se recoupent avec celle des crimes internationaux et présentant des problématiques similaires avec les procès pour crimes internationaux notamment en matière de protection des victimes.

Là encore, les difficultés rencontrées concernent la mise en œuvre de la loi congolaise du 20 juillet 2006 relative à la répression des violences sexuelles organisant des mécanismes de protection des victimes. De manière non exhaustive on peut citer la possibilité d’audiences à huis- clos, la consultation d’un médecin et d’un psychologue etc. De même, la RDC a ratifié un certain nombre de Conventions internationales (Convention relative aux droits de l'enfant, Statut de Rome, Déclaration sur les Principes Fondamentaux de Justice pour les Victimes de Crimes et d'Abus de pouvoir de l'ONU) qui prévoient une telle protection. Pour autant, toutes ces prescriptions ont été jusqu’à présent difficilement mises en œuvre alors même que ces victimes souffrent d’un traumatisme certain et sont parfois sont rejetées par leur entourage, à tout le moins stigmatisées[11]. A cela, il faut ajouter les difficultés propres à la saisine des juridictions et parfois les auteurs présumés de ces violences appartiennent à des groupes armés, les forces armées ou la police. De plus, le manque de moyens financiers empêche les tribunaux d’organiser les soins médicaux et psychologiques, de mettre en œuvre les mesures de protection lors des déplacements et/ou la réinstallation des victimes[12].

Ainsi, certains programmes relatifs à la lutte contre les violences sexuelles recoupent le secteur des crimes internationaux mais de manière très ponctuelle et la mise en œuvre des principes de protection des témoins, victimes, magistrats, voire des auteurs présumés, s’avère d’autant plus cruciale pour la tenue de procès pour crimes internationaux dont la répression reste encore un secteur orphelin de l’aide. Pour autant, l’évaluation du programme REJUSCO signale la capacité de changement des juridictions de l’Est congolais, l’appropriation de ces programmes par les magistrats, les condamnations pour crimes contre l’humanité sur la base du droit pénal international, condamnations de militaires pour violences sexuelles, laissant augurer de résultats similaires en matière de crimes internationaux si des coopérations décident de s’y engager.

De même, le Plan d’action pour la Réforme de la Justice mentionnait « l’existence de menaces et de violations à l’encontre des défenseurs des droits de l’homme en raison de leurs activités pour la promotion et la protection des droits de l’Homme, et à l’encontre des victimes et des témoins en raison de leur participation à un procès, l’insuffisance des moyens et limitation de l’Etat pour assurer la protection des personnes menacées »[13]. Ce Plan d’action matérialisé par la Feuille de route du Ministère de la Justice en 2009 reprenait à son compte les recommandations du Bâtonnier national préconisant « la mise en place d’un programme étatique pour la protection des victimes et témoins »[14].

Ainsi, les moyens de mise en œuvre comportent la mise en place d’une unité chargée d’organiser, de préparer les saisies des juridictions nationales et d’encadrer les témoins et victimes ainsi que de suivre les affaires en cours de procédure.
Ses missions consistent à :
-          mettre en état les affaires à travers le suivi des actes de poursuites,
-          saisir les chambres spéciales et suivre le déroulement des procès constituer un dispositif visant à la protection des témoins
-          mettre en place un dispositif d’accompagnement des victimes (mise en place d'un service d'accompagnement des victimes dans les tribunaux saisis, formation d'une équipe de psychologues). A ce titre, ce dispositif peut être conçu comme un projet pilote dans la perspective d'un élargissement à l'ensemble des contentieux
-          particulièrement dans le contexte de la RDC où la très grande majorité des preuves sont recueillies par témoignages. En outre, ce recueil des preuves nécessite de mettre en place un système d’archivage organisé par cette unité.

En d’autres termes son rôle est double : d’une part de mettre en œuvre les compétences disponibles (notamment des enquêteurs formés) et d’autre part d’instaurer une protection des acteurs aux procès (magistrats, témoins, victimes, auteurs présumés). Cette unité sera composée de juristes, psychologues, enquêteurs et un personnel administratif chargé de la gestion. Elle sera située au sein du Conseil Supérieur de la Magistrature et disposera de l’appui du Ministère de la Justice et des Droits Humains.

Telle est l’économie générale de l’avant-projet de loi sur les chambres spécialisées.


Le Parlement a voté
Le Président de la République promulgue
La loi dont la teneur suit :


Chapitre 1 : De la création et de l’organisation des chambres spéciales

Article 1er
Il est créé au sein des Cours d’appel de Kinshasa/Matete, de Lubumbashi, de Bukavu et de Kisangani une chambre spécialisée de premier degré pour la répression du crime de génocide, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. 

Le ressort de la chambre spécialisée de premier degré :
(e)  de la Cour d’appel de Kinshasa/Matete comprend la ville-province de Kinshasa, les provinces de Bandundu, du Bas-Congo et de l’Equateur ;
(f)   de la Cour d’appel de Lubumbashi comprend les provinces du Katanga, du Kasaï Occidental et du Kasaï Oriental ;
(g)  de la Cour d’appel de Bukavu comprend les provinces du Sud-Kivu, du Nord-Kivu et du Maniema ;
(h) de la Cour d’appel de Kisangani comprend la Province Orientale et la province de l’Equateur. est celui de la Cour d’appel au sein de laquelle elles sont instituées.

Article 2
Il est créé au sein des Cours d’appel de Kinshasa/Gombe, de Goma et de Kananga une chambre spécialisée d’appel pour la répression du crime de génocide, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.

Le ressort de la chambre spécialisée d’appel :
(d) de la Cour d’appel de Kinshasa/Gombe comprend la ville-province de Kinshasa, la province du Bandundu, la province du Bas-Congo et la province de l’Equateur ;
(e)  de la Cour d’appel de Goma comprend les provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu, du Maniema et de la province orientale ;
(f)   de la Cour d’appel de Kananga comprend les provinces du Kasaï occidental, du Kasaï oriental et du Katanga.

Article 3
Les chambres spécialisées de premier degré sont composées de cinq membres, dont un président et deux conseillers, tous magistrats de carrière, ainsi que deux conseillers ad litem.

Le président et les conseillers sont de nationalité congolaise.

Les conseillers ad litem sont de nationalité congolaise ou étrangère. Ils peuvent être ou non magistrats de carrière. Ils sont dans tous les cas juristes de formation, ayant une expérience professionnelle ou judiciaire de cinq ans au moins en matière de droit international humanitaire et justifiant des capacités morales indispensables à l’exercice de cette fonction.

Article 4
Le président, les conseillers et les conseillers ad litem sont nommés par le Président de la République sur proposition :
(a)  du Conseil supérieur de la magistrature en ce qui concerne les magistrats ;
(b) du Barreau national en ce qui concerne les conseillers issus du corps des avocats ;
(c)  du Ministre ayant la justice dans ses attributions en ce qui concerne les conseillers issus d’autres corps professionnels juridiques ainsi que des conseillers de nationalité étrangère recrutés sur la base des accords internationaux bilatéraux ou multilatéraux.

Article 5
Les conseillers ad litem, de nationalité congolaise ou étrangère, sont désignés pour un mandat de trois ans. 

Les fonctions de conseillers ad litem cessent par l’expiration du mandat, la démission,  la déchéance,  l’empêchement, les incompatibilités, le décès.


Article 6
Avant d’entrer en fonction, les conseillers qui ne sont pas issus du corps de la magistrature congolaise ainsi que les conseillers ad litem prêtent, à l’invitation du Président de la juridiction dont ils relèvent le serment suivant : « Je jure de remplir loyalement et fidèlement, avec honneur, dignité et intégrité mes fonctions de magistrat ».

Article 7
Les fonctions de président, de conseiller ou de conseiller ad litem d’une chambre donne droit mensuellement à des indemnités spéciales de risque dont le montant est fixé par le Ministre ayant la justice dans ses attributions à charge du Trésor public et/ou des fonds souscrits dans le cadre des accords internationaux bilatéraux ou multilatéraux.

Article 8
Les chambres spécialisées siègent avec l’assistance d’un greffier et le concours du Ministère public.

Article 9
Les fonctions du ministère public près les chambres spécialisées sont exercées par des Procureurs spéciaux établis au sein des parquets généraux près les Cours d’appel de rattachement desdites chambres.

Ils sont assistés par un ou plusieurs premiers avocats généraux et des avocats généraux.

Les Procureurs spéciaux, les premiers avocats généraux et les avocats généraux près les chambres spécialisées sont tous magistrats, de nationalité congolaise ou étrangère, nommés par le Président de la République, sur proposition :
(a)  du Conseil supérieur de la magistrature en ce qui concerne les magistrats de nationalité congolaise ;
(b) du Ministre ayant la justice dans ses attributions en ce qui concerne les magistrats de nationalité étrangère recrutés sur la base des accords internationaux bilatéraux ou multilatéraux.

Article 10
Il est créé au sein des parquets près les chambres spécialisées des unités spéciales d’enquêtes et de poursuites des violations graves du droit international humanitaire, en abrégé UNEP. Elles sont dotées des ressources humaines, techniques et matérielles nécessaires pour la conduite des investigations relatives aux crimes relevant de la compétence des chambres spécialisées.

Les unités spéciales d’enquêtes et de poursuites sont placées sous la supervision des Procureurs spéciaux près les chambres spécialisées.

Elles sont composées des enquêteurs, psychologues, anthropologues et autres spécialistes de police technique et de police scientifique nécessaires aux investigations spécifiques des violations graves du droit international humanitaire.

Article 11
L’organisation et le fonctionnement des unités spéciales d’enquêtes et de poursuites sont fixés par un arrêté du Ministre ayant la justice dans ses attributions, sur proposition de l’Assemblée générale des juges des chambres spécialisées et des officiers du ministère public près ces chambres.

Article 12
Outre les enquêtes policières et judiciaires spécifiques liées aux violations graves du droit international humanitaire, les unités spéciales d’enquêtes et de poursuites sont chargées :
(a)  de mettre en état les affaires à travers la constitution et la consolidation de la documentation relative aux faits en cause, le suivi des investigations, des actes d’enquêtes et de poursuites ;
(b) d’organiser et de préparer les saisies des chambres spécialisées et de suivre le déroulement des procédures ;
(c)  d’encadrer les témoins et victimes impliqués dans les procédures d’enquêtes préliminaires, d’instruction préparatoire et d’instruction à l’audience, notamment en mettant en place un dispositif d’accompagnement psycho-social et sanitaire des témoins et des victimes ;
(d) de suivre les affaires en cours de procédure ;
(e)  de mettre en place et d’organiser un système d’archivage pour la conservation et la documentation des preuves des faits allégués ;
(f)   de mettre en œuvre les compétences indispensables aux investigations en matière de violations graves du droit international humanitaire ;
(g)  de mettre en place et d’organiser un dispositif de sécurisation et de protection de tous les acteurs au procès, à savoir les magistrats et autres personnels judiciaires, les témoins, les victimes, les auteurs présumés.

Article 13
Le Ministre ayant la justice dans ses attributions garantit l’articulation des unités spécialisées d’enquêtes et de poursuites avec les différents programmes, projets et activités des partenaires et organisations intervenant dans le secteur de la lutte contre l’impunité des violations graves du droit international humanitaire.

Article 14
Le personnel judiciaire auxiliaire participant au fonctionnement des chambres spécialisées et des unités spéciales d’enquête et de poursuites est prélevé indistinctement dans le corps de la justice civile et dans celui de la justice militaire, de la police nationale et de la police judiciaire, sans préjudice des appuis en personnel extérieur qui pourraient être sollicités et négociés dans le cadre des accords bilatéraux ou multilatéraux de coopération judiciaire.

Chapitre 2 : Des sources de la légalité criminelle et du droit applicable

Article 15
Sans préjudice des dispositions de la présente loi, les chambres spécialisées pour la répression des violations graves de droit international humanitaire appliquent les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et du droit international humanitaire régulièrement ratifiés par la République Démocratique du Congo, en particulier, en ce qui concerne le crime de génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité :
(a)  le droit du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, en tant qu’il constitue le droit international coutumier commun des Etats pour la répression des crimes graves du droit international humanitaire et en tant qu’il exprime les principes élémentaires d’humanité préexistant au Statut[15] ;
(b) les Conventions de Genève du 12 août 1949 et leurs protocoles additionnels I et II en tant qu’ils constituent le droit applicable aux conflits internationaux et au aux conflits internes ;
(c)  la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide ;
(d) la Convention contre la torture ou autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;
(e)  la Convention relative aux droits de l’enfant[16] ;
(f)   les lois et coutumes de la guerre ;
(g)  les accords internationaux spécifiques conclus par la République Démocratique du Congo avec l’Organisation des Nations Unies ou ses agences, les organisations régionales ou sous-régionales, ou avec d’autres Etats en vue de la répression des violations graves du droit international humanitaire ;
(h) les dispositions pénales congolaises conformes aux instruments internationaux ratifiés par la République Démocratique du Congo ;
(i)    la loi de mise en œuvre du statut de la Cour pénale internationale.

Article 16
Les dispositions communes aux cours et tribunaux édictées aux articles 58 à 83 du code de l’organisation et de la compétence judiciaires, portant sur le greffe et l’huissariat, le service d’ordre intérieur et l’itinérance, les délibérés, la récusation, le déport et le renvoi d’une juridiction à une autre pour cause de sûreté publique ou de suspicion légitime sont, mutatis mutandis, applicables aux chambres spéciales.

Article 17
L’ensemble des normes mentionnées à l’article 15 ci-dessus forme la loi pénale applicable par les chambres spécialisées.

Elles donnent sens et contenu au principe de la légalité auquel sont soumis tous les actes posés dans le cadre du processus de la répression des crimes considérés.

Elles sont d’interprétation stricte. En cas d’ambiguïté ou de doute, elles sont interprétées en faveur de la personne qui fait l’objet d’une enquête, de poursuites et de condamnation.
Chapitre 3 : De la compétence des chambres spécialisées

Section 1 : De la compétence matérielle des chambres spécialisées

Article 18
Les violations graves du droit international humanitaire – à savoir le crime de génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité – telles que définies par le statut de la Cour pénale internationale, et avant lui par les Conventions de Genève ainsi que les lois et coutumes de la guerre, et telles que définies par la loi de mise en œuvre du statut de la Cour pénale internationale, relèvent de la compétence matérielle exclusive des chambres spécialisées, quelle que soit la qualité de leurs auteurs et complices, sans qu’il ne soit tenu compte ni des immunités, ni des privilèges de juridiction reconnus à ces derniers à quelque titre que ce soit, ni des règles de compétence personnelle.

Les chambres spécialisées connaissent également des entraves à la saisine de la justice, des entraves à l’exercice de la justice, des atteintes à l’autorité de la justice et des atteintes à l’administration de la justice, telles que définies par la loi de mise en œuvre du statut de Rome, commises en relation avec les poursuites ou la répression des violations graves de droit international humanitaire dont elles sont saisies.

Toutefois, le Président de la chambre spécialisée de première instance ainsi que le Procureur spécial près cette juridiction peuvent, en raison de la moindre gravité des faits dont ils sont saisis, les déqualifier et les renvoyer au parquet près le Tribunal de grande instance territorialement compétent.

Section 2 : De la compétence temporelle des chambres spécialisées

Article 19
La compétence des chambres spécialisées à l’égard des violations graves du droit international humanitaire est applicable quelque soit le moment de la commission des actes ou des faits incriminés pour autant que leur imprescriptibilité laisse courir l’action publique jusqu’à ce qu’intervienne un jugement d’acquittement ou de condamnation, à moins que l’action publique s’éteigne par le décès des auteurs et complices de ces infractions.

Elle couvre les faits relevant de sa compétence matérielle commis de 1990 à ce jour jusqu’à ce qu’intervienne une loi transférant cette compétence aux juridictions pénales ordinaires.

Toutefois, la compétence temporelle des chambres spécialisées s’exerce pour une période de dix ans prenant cours à dater de l’entrée en vigueur de la présente loi. Des évaluations à mi-parcours de l’exercice de cette compétence s’effectuent, sous les auspices du Parlement, tous les trois ans. Elles apprécient les indicateurs d’efficacité des chambres spécialisées et les indicateurs d’effectivité de leurs décisions ainsi que le niveau du renforcement des capacités des juridictions pénales ordinaires appelées à prendre à terme le relais des chambres spécialisées.

Section 3 : De la compétence territoriale et personnelle des chambres spécialisées

Article 20
Les chambres spécialisées sont compétentes à l’égard des violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de la République dans leurs ressorts respectifs.

Les violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de la République par des Congolais ou par des étrangers, sont punies conformément aux dispositions de la présente loi, sans préjudice des instruments internationaux conclus ou ratifiés par l’Etat congolais.

Ces violations sont réputées commises sur le territoire de la République dès lors que l’un de leurs faits constitutifs a eu lieu sur ce territoire.

Le territoire de la République comprend :
(a)  l’espace terrestre délimité par les frontières de la République ;
(b) les lieux diplomatiques ou consulaires ;
(c)  les eaux territoriales ;
(d) l’espace aérien au-dessus du territoire terrestre et des eaux territoriales ;
(e)  les navires et aéronefs immatriculés en République Démocratique du Congo.

Article 21
Les actes incriminés au titre des violations graves du droit international humanitaire sont réputés commis :
(a)  à l’endroit où sont accomplis les faits qui les constituent ;
(b) dans l’un quelconque des lieux où est réalisé l’un des éléments constitutifs de ces infractions ;
(c)  dans les divers lieux où se prolonge ou se renouvelle le fait ;
(d) à l’endroit où est commis l’un des faits dont la répétition est nécessaire pour constituer l’infraction ;
(e)  au lieu du fait, de son but immédiat ou de son résultat.

La tentative est réputée commise à l’endroit où est commis le fait qui constitue un commencement d’exécution.

Article 22
La compétence des chambres spécialisées s’exerce à l’égard des personnes physiques et des personnes morales dans les conditions de responsabilité déterminées par les dispositions des articles 23 et 24 de la  présente loi.

Les chambres spécialisées connaissent notamment des violations graves du droit international humanitaire mises à charge des militaires, policiers et autres membres des groupes armés, que ces faits aient été commis en temps de paix ou en temps de guerre ou sur une région où se déroulent des opérations de maintien et de rétablissement de l’ordre public.

Article 23
La responsabilité pénale des personnes physiques pour des faits de violation grave du droit international humanitaire est individuelle. Nul ne peut être poursuivi, arrêté, détenu ou condamné pour fait d’autrui.

Le supérieur hiérarchique répond personnellement des défauts de prévoyance, de précaution, de contrôle qui lui sont imputables et qui ont occasionné, favorisé ou provoqué chez ses subordonnés ou des personnes placées sous son commandement ou son autorité des actes de violation grave du droit international humanitaire, et cela conformément au droit du statut de Rome de la Cour pénale internationale et à la loi de mise en œuvre de celui-ci.

Article 24
Eu égard au principe de l’irresponsabilité pénale de l’Etat qui résulte de son statut international, seules les personnes physiques qui, à quelque titre ou qualité que ce soit, le représentent ou agissent en son nom, peuvent engager leur responsabilité pénale pour les infractions de droit international pénal ou de droit international humanitaire.

Seules les personnes physiques, à l’exclusion de toute personne morale, peuvent engager leur responsabilité pénale pour les infractions de droit international pénal ou de droit international humanitaire relevant de la compétence des chambres spécialisées.

Toutefois, les personnes morales de droit privé ou de droit public autre que l’Etat qui participent comme coauteur ou complice aux faits de violations graves de droit international pénal ou de droit international humanitaire restent justiciables au regard de la loi pénale nationale devant les juridictions congolaises.

Article 25
Sans préjudice des causes d’exonération de la responsabilité pénale prévues par les dispositions visées par les dispositions du statut de Rome et de la loi de mise en œuvre de ce statut, nul n’est responsable pénalement si, au moment du comportement en cause :
(a)  il souffrait d’une maladie ou d’une déficience qui le privait de la faculté de comprendre le caractère délictueux ou la nature de son comportement ou de maîtriser celui-ci pour le conformer aux exigences de la loi ;
(b) il était dans un état d’intoxication qui le privait de la faculté de comprendre le caractère délictueux ou la nature de son comportement ou de maîtriser celui-ci pour le conformer aux exigences de la loi, à moins qu’il se soit volontairement intoxiqué dans des circonstances telles qu’il savait que, du fait de son intoxication, il risquait d’adopter un comportement constituant une infraction, ou qu’il n’ait tenu aucun compte de ce risque ;
(c)  le comportement dont il est allégué qu’il constitue une infraction a été adopté sous la contrainte résultant d’une menace de mort imminente ou d’une atteinte grave, continue ou imminente dirigée contre sa propre intégrité physique ou celle d’autrui, et s’il a agi par nécessité et de façon raisonnable pour écarter cette menace, à condition qu’il n’ait pas eu l’intention de causer un dommage plus grave que celui qu’il cherchait à éviter.

Article 26
 L’erreur qu’elle soit de fait ou de droit, exonère la responsabilité pénale, du moment qu’elle est invincible.

L’erreur est dite invincible lorsqu’elle aurait pu être également commise par une personne d’une diligence moyenne, compte tenu des intérêts en présence et des circonstances concrètes de l’espèce.

Article 27
Le fait qu’une des infractions constituant une violation grave du droit international humanitaire a été commise sur ordre d’un gouvernement ou d’un supérieur, militaire ou civil, n’exonère pas son auteur de sa responsabilité pénale.

L’ordre de commettre un génocide, un crime contre l’humanité et un crime de guerre est manifestement illégal.


Article 28
Les infractions constitutives de violations graves du droit international humanitaire sont imprescriptibles et ne sont susceptibles ni d’amnistie, ni de grâce et ne peuvent bénéficier d’aucune mesure de réduction de la peine.

Toutes mesures d’amnistie, de grâce ou de réduction de peine prise en faveur des personnes qui se sont rendues coupables de ces violations sont réputées nulles et non avenues.

Section 4 : De la compétence universelle des chambres spécialisées

Article 29
La présente loi est applicable à toutes violations graves du droit international humanitaire commises par un Congolais hors du territoire de la République.

Il est fait application du présent article lors même que le prévenu aurait acquis ou perdu la nationalité congolaise postérieurement au fait qui lui est imputé.

Article 30
La présente loi est également applicable aux violations graves du droit international humanitaire commises par :
a)     un Congolais ou par un étranger hors du territoire de la République lorsque la victime est de nationalité congolaise au moment des faits ;
b)    un étranger dont l’extradition a été refusée à l’Etat requérant par les autorités congolaises aux motifs soit que le fait à raison duquel l’extradition avait été demandée est puni d’une peine ou d’une mesure de sûreté contraire à l’ordre public congolais ; soit que la personne réclamée aurait été jugée dans ledit Etat par un tribunal n’assurant pas les garanties fondamentales de procédure et de protection des droits de la défense.

Article 31
Les dispositions de l’article 30 ci-dessus ne peuvent être appliquées qu’à la requête du ministère public ou du ministre ayant la justice dans ses attributions, précédée d’une dénonciation officielle, transmise par le gouvernement du pays où le fait a été commis et qui avait requis l’extradition.


Article 32
Dans les cas visés à l’article 30, aucune poursuite ne peut être exercée contre une personne justifiant qu’elle a été jugée définitivement à l’étranger pour les mêmes faits et, en cas de condamnation, que la peine a été subie, a été remise ou prescrite.

L’auteur poursuivi à l’étranger à la requête de l’autorité congolaise ne peut plus être poursuivi en République Démocratique du Congo pour le même acte:
-       s’il a été acquitté à l’étranger par un jugement définitif ;
-       s’il a subi la peine prononcée contre lui à l’étranger, que celle-ci lui ait été remise ou qu’elle soit prescrite.

Si l’auteur poursuivi à l’étranger à la requête de l’autorité congolaise n’a pas subi la peine prononcée contre lui, il l’exécute en République Démocratique du Congo; s’il n’en a subi qu’une partie à l’étranger, il exécute le reste en République Démocratique du Congo. Le juge décide s’il doit exécuter ou poursuivre en République Démocratique du Congo la mesure qui n’a pas été subie à l’étranger ou qui ne l’a été que partiellement.

Si, en raison de tels actes, l’auteur a été condamné à l’étranger et qu’il y a subi la totalité ou une partie de la peine prononcée contre lui, le juge impute la peine subie sur la peine à prononcer.

Article 33
La présente loi est applicable à quiconque commet à l’étranger un crime ou un délit que la République Démocratique du Congo s’est engagée à poursuivre en vertu d’un accord international :
(a)    si l’acte est aussi réprimé dans l’Etat où il a été commis ou que le lieu de commission de l’acte ne relève d’aucune juridiction pénale ;
(b)    si l’auteur se trouve en République Démocratique du Congo et qu’il n’est pas extradé ou remis à la Cour pénale internationale ou à toute autre juridiction pénale internationale ;
(c)     et si, selon le droit congolais, l’acte peut donner lieu à l’extradition, mais que l’auteur n’est pas extradé.

Article 34
Le juge fixe les peines de sorte que l’auteur ne soit pas traité plus sévèrement qu’il ne l’aurait été en vertu du droit applicable au lieu de commission de l’acte.

Article 35
Sous réserve d’une violation grave des principes fondamentaux du droit constitutionnel et des traités internationaux pertinents ratifiés par la République Démocratique du Congo, l’auteur ne peut plus être poursuivi en République Démocratique du Congo pour le même acte :
(a)  s’il a été acquitté à l’étranger par un jugement définitif ;
(b) s’il a subi la peine prononcée contre lui à l’étranger, que celle-ci lui ait été remise ou qu’elle soit prescrite.

Article 36
Si, en raison de cet acte, l’auteur a été condamné à l’étranger et qu’il n’y a subi qu’une partie de la peine prononcée contre lui, le juge impute cette partie sur la peine à prononcer. Il décide si la mesure ordonnée et partiellement exécutée à l’étranger doit être poursuivie ou imputée sur la peine prononcée en République Démocratique du Congo.

Article 37
La loi présente loi est également applicable lorsque l’auteur n’est pas de nationalité congolaise et que le crime ou le délit n’a pas été commis contre un ressortissant congolais, uniquement si la demande d’extradition a été rejetée pour un motif autre que la nature de l’acte.


Chapitre 4 : De la procédure applicable par les Chambres spécialisées

Article 38
La procédure applicable par les chambres spécialisées est celle définie par le code de procédure pénale ordinaire, sans préjudice des procédures spéciales à déterminer par le règlement intérieur de ces juridictions, tel qu’établi par l’assemblée générale des présidents des chambres spécialisées et des procureurs près ces juridictions.


Section 1 : Des droits de l’accusé et de la protection des victimes

Article 39
Toute personne accusée d’une infraction de la compétence des chambres spécialisées et faisant l’objet des poursuites :
(a)  est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été établie par un jugement définitif ;
(b) doit être assistée, dès l’arrestation et à tous les stades de la procédure, par un avocat ou un conseil de son choix, ou à défaut par un avocat ou un conseil commis d’office conformément au droit commun à moins qu’elle ait renoncé volontairement à son droit d’être assistée par d’un conseil ;
(c)  n’est obligée de témoigner contre elle-même, ni de s’avouer coupable ;
(d) ne peut être soumise à aucune forme de coercition, de contrainte ou de menace, ni à la torture ni aucune autre forme de peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant ;
(e)  bénéficie gratuitement, si elle n’est pas interrogée dans une langue qu’elle comprend et parle parfaitement, de l’aide d’un interprète compétent et de toutes traductions que rendent nécessaires les exigences de l’équité ;
(f)   et ne peut être arrêtée ou détenue arbitrairement.

Article 40
La personne visée à l’article 39 bénéficie des droits suivants dont elle est informée avant d’être interrogée :
(a)  être informée immédiatement ou au plus tard dans les vingt-quatre heures des motifs de son arrestation et de toute accusation portée contre elle, et ce dans une langue qu’elle comprend ;
(b) être immédiatement informée de ses droits ;
(c)  garder le silence, sans que ce silence soit pris en considération pour la détermination de sa culpabilité ou de son innocence.

Article 41
Toute personne gardée à vue :
(a)  est relâchée à l’expiration d’un délai de quarante-huit heures si elle n’est pas mise à la disposition de l’autorité judiciaire compétente ;
(b) a le droit d’être immédiatement en contact avec sa famille et son conseil.

Article 42
Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention :
(a)  a le droit d’introduire un recours devant la chambre du conseil qui statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention n’est pas conforme aux motifs et selon la procédure déterminée par le code de procédure pénale ainsi que le règlement de procédure des chambres spécialisées ;
(b) a le droit à une juste et équitable réparation du préjudice causé par une arrestation ou une détention illégale.

Article 43
Dans le cadre de la répression des violations graves du droit international humanitaire, la juridiction saisie prend les mesures propres à protéger la sécurité, le bien-être physique et psychologique, la dignité et le respect de la vie privée des victimes.

L’action répressive des chambres spécialisées tendent notamment à rendre effectif l’accès des victimes à la justice et de répondre à leurs besoins de vérité, de sécurité, de réhabilitation et de réparation.




Section 2 : De l’organisation des droits de la défense et de l’assistance des parties civiles

Article 44
L’officier de police judiciaire ou le magistrat instructeur, lors de la première audition de toute personne soupçonnée d’avoir commis un crime de violation grave du droit international humanitaire, doit l’avertir de son droit de choisir un défenseur parmi les avocats inscrits aux barreaux de la République Démocratique du Congo ou dans un barreau étranger, ou toute personne de son choix sous réserve des dispositions légales en vigueur.

Mention de l’accomplissement de cette formalité doit être faite au procès-verbal d’audition à peine de nullité de la procédure et sans préjudice d’éventuelles sanctions à l’encontre de l’officier de police judiciaire ou du magistrat instructeur.

Le défenseur pourra assister aux interrogatoires, confrontations et perquisitions effectuées dans le cadre de l’enquête. Il aura également accès aux différents procès verbaux rédigés avant son intervention.

Ne peuvent assister les personnes soupçonnées : les parlementaires, les magistrats, les greffiers, les fonctionnaires de l’administration générale, les agents et officiers de police judiciaire ainsi que les personnes déjà condamnées pour crimes et délits.

L’absence du défenseur ne pourra retarder le déroulement de l’enquête.

Le défenseur pourra faire les observations qu’il estime utile à la défense de son client. Ces observations seront consignées dans le procès-verbal d’audition.

A l’issue de l’enquête, le défenseur pourra en outre déposer des observations écrites qui seront jointes au dossier de l’enquête préliminaire.

Article 45
Le gardé à vue ou l’inculpé peut, aussitôt après la notification de sa garde à vue ou de son inculpation, communiquer librement avec son conseil. L’interdiction de communiquer ne s’applique pas à celui-ci.

Article 46
Devant le magistrat  instructeur, le conseil assiste aux interrogatoires, auditions et confrontations de son client. A cet effet, il est avisé, à la diligence du greffier, quarante-huit  heures au moins à l’avance lorsqu’il réside au siège de l’instruction.

La procédure doit être tenue à la disposition du conseil 24 heures avant chaque interrogatoire ou confrontation.

Nonobstant les dispositions qui précèdent, le magistrat instructeur peut procéder à un interrogatoire immédiat et à des confrontations si l’urgence résulte soit de l’état d’un témoin en danger de mort, soit de l’existence d’indices sur le point de disparaître, soit encore s’il se transporte sur les lieux.

Article 47
Si l’avocat se présente au lieu de garde à vue, il peut entrer librement en contact avec son client, vérifier les procès-verbaux de début et de prolongation de garde à vue, assister, à la demande de son client aux interrogatoires et confrontations.

En cours d’interrogatoire le conseil ne peut intervenir que pour poser des questions et  après y avoir été autorisé. Si cette autorisation est refusée, il peut demander acte du refus.

Article 48
Avant de communiquer  le dossier au Procureur pour ses réquisitions de clôture, ou, s’il n’y a lieu à cette communication avant de clôturer son information, le magistrat instructeur doit mettre le dossier à la disposition du conseil.

Le conseil a trois jours pour en prendre communication au greffe de l’instruction. S’il ne réside pas au siège de l’instruction, l’avocat doit faire connaître dans les trois jours de l’avis qui lui est donné, s’il entend prendre communication du dossier au greffe de sa résidence. Le dossier est alors transmis au magistrat instructeur de la dite résidence qui le tiendra trois jours à la disposition de l’avocat.

Article 49
Tout prévenu d’un délit qui justifie de son indigence peut obtenir la désignation d’un avocat pour l'assister devant le tribunal, s’il en existe au siège de la juridiction et dans la limite d'une charge  raisonnable imposée à ceux-ci.

A l’audience de la chambre spécialisée, au niveau de la première instance ou de l’instance d’appel, l’assistance d’un conseil est obligatoire.

Si l’accusé n’a pas fait choix d’un conseil, le président de la chambre spécialisée ou le magistrat qu’il délègue à cet effet lui en désigne un d’office.

A défaut d’avocat, le président peut désigner toute personne qu’il juge apte à assurer efficacement la défense.

L’avocat ou le conseil désigné d’office peut prendre connaissance de toutes les pièces du dossier, sans déplacement et sans qu’il puisse en résulter de retard pour la marche de la procédure. Il peut prendre ou faire prendre copie de toutes pièces, aux frais de son client.

Section  3 : Des personnes dont le témoignage ne peut être reçu.

Article 50
La partie civile ne peut être entendue en témoignage.

Les condamnés à la dégradation civique ne peuvent être entendus comme témoins mais seulement pour donner de simples renseignements.

Le dénonciateur, qu’il ait agi de sa propre initiative ou en vertu d’une obligation légale, peut être entendu en témoignage, mais le président doit faire connaître sa qualité.

S’il s’agit d’un dénonciateur récompensé pécuniairement par la loi, les parties ou le ministère public peuvent s’opposer à son audition.

Section 4 : De l’audition des témoins, du serment et du faux témoignage.

Article 51
Les témoins doivent, sur l’interpellation qui leur est faite, faire connaître leurs noms, prénoms, âges, professions et domiciles, s’ils sont parents ou alliés de l’accusé ou du prévenu, de la personne civilement responsable ou de la partie civile, et s’ils sont à leur service.

Le cas échéant, ils doivent préciser quelles relations ils ont eu avec l’accusé ou le prévenu, le civilement responsable ou la partie civile.
Avant de commencer leur déposition, les témoins prêtent serment de dire toute la vérité, rien que la vérité. Cela fait, les témoins déposent oralement. Chaque fois qu’une telle formule ne paraîtra pas susceptible d’engager suffisamment le témoin à dire la vérité, celui-ci pourra être invité à prêter serment dans les termes et suivant les formes prescrites par la loi ou la coutume particulière du groupe social auquel il appartient. Suivant la nature des faits qu’ils ont à rapporter, ils peuvent être autorisés à utiliser des notes.

Article 52
Le Procureur spécial ou le président de la chambre spécial peut décider, soit d'office, soit à la demande du témoin ou de la personne à l'égard de laquelle l'action publique est engagée dans le cadre de l'instruction, de l'inculpé, de la partie civile ou de leurs conseils, soit sur réquisition du ministère public, qu'il ne sera pas fait mention dans le procès-verbal d'audition de certaines des données d'identité, s'il existe une présomption raisonnable que le témoin, ou une personne de son entourage, pourrait subir un préjudice grave à la suite de la divulgation de ces données et de sa déposition.

Les raisons qui sont à la base de cette décision sont indiquées dans un procès-verbal.

L'ordonnance du Procureur spécial ou du président de la chambre spécialisée par laquelle il accorde ou refuse l'anonymat partiel n'est susceptible d'aucun recours.

Le procureur spécial tient un registre de tous les témoins dont des données d'identité, conformément à cet article, ne figurent pas au procès-verbal d'audition.
Il prend les mesures raisonnablement nécessaires pour éviter la divulgation des données d'identité, visées à l'alinéa 1.

Article 53
Le magistrat instructeur procède à l'audition du témoin à l'endroit et au moment indiqués dans la convocation ou la citation. Il prend toutes les mesures raisonnablement nécessaires pour tenir secrète l'identité du témoin.

Le ministère public, la personne à l'égard de laquelle l'action publique est engagée dans le cadre de l'instruction ou l'inculpé, la partie civile et leurs conseils peuvent soumettre au magistrat instructeur, avant et pendant l'audition du témoin, les questions qu'ils souhaitent voir poser.

Le magistrat instructeur empêche le témoin de répondre à toute question susceptible de conduire à la divulgation de son identité. Il peut ordonner que  la personne à l'égard de laquelle l'action publique est engagée dans le cadre de l'instruction ou l'inculpé, la partie civile et leurs conseils ne puissent assister à l'audition du témoin. Dans ce cas, lecture sera faite du procès-verbal aux différentes parties ainsi qu’à leur conseil. Ceux-ci pourront prétendre à une nouvelle liste de question qui sera également posé au témoin. Une lecture finale de la déposition sera par la suite faite aux parties en cause.

Article 54
Le témoignage du témoin protégé sera lu à l’audience mais sa présence physique ne sera généralement pas requise.

Pour la recherche de la vérité, le Président de la Chambre spécialisée pourra décider d’entendre ce témoin en audience de cabinet sans la présence des parties. Il invitera les parties à lui communiquer une liste de questions qu’elles souhaitent voir posées au témoin. Lecture du procès-verbal sera donnée à l’audience publique.

Article 55
Le témoin qui a prêté serment à l’audience, n’est pas tenu de le renouveler s’il est entendu une seconde fois au cours des débats. Le président lui rappelle s’il y a lieu, le serment qu’il a prêté.

Article 56
Les enfants au-dessous de l’âge de dix-huit ans sont entendus sans prestation de serment.

Sont également entendus sans  prestation de serment:
(a)     le père, la mère et tout autre ascendant de l’accusé, prévenu, coaccusé ou co-prévenu ;
(b)    le fils, la fille ou tout autre descendant ;
(c)    les frères et sœurs ;
(d)    les alliés au même degré ;
(e)    le mari ou la femme, même après leur divorce.

Néanmoins, l’audition sous serment des personnes énumérées au deuxième alinéa ci-dessus n’entraîne pas nullité si, ni le ministère public, ni aucune des parties ne se sont opposés à la prestation de serment.

Article 57
Si après les débats à l’audience, la déposition d’un témoin entendu sous serment parait fausse, le président, soit d’office, soit à la requête du ministère public ou d’une des parties, peut ordonner spécialement à ce témoin de demeurer dans la salle d’audience jusqu’au prononcé de la décision de fond.

En cas d’infraction à cet ordre, le président peut faire garder ce témoin par la force publique ou même décerner mandat de dépôt.

Après lecture de la décision sur le fond, le témoin peut être jugé séance tenante ou cité pour une audience ultérieure.

Le président peut aussi ordonner que le témoin soit conduit sans délai au parquet aux fins de poursuite. Dans ce cas, il adresse au parquet un procès-verbal rapportant les faits et dires du témoin de nature à établir le faux témoignage.

Section 5 : Des voies de recours

Article 58
Les décisions rendues par les Chambres spécialisées sont susceptibles d’opposition et d’appel dans les mêmes conditions qu’en droit pénal ordinaire.

L’opposition est portée devant la chambre qui a rendue la décision par défaut. L’appel est formé devant la chambre spécialisée d’appel territorialement compétente.

Les arrêts des chambres spécialisées sont susceptibles de cassation en cas de violation de la loi, sur pourvoi formé par le Procureur spécial ou par la partie à laquelle il est fait grief, dans les conditions prévues par le code de procédure pénale ordinaire.


Chapitre 5 : De la coopération indispensable à l’efficacité des chambres spécialisées

Article 59
Le gouvernement de la République détermine avec les Nations Unies, les Etats et autres organisations et partenaires bilatéraux et multilatéraux de la sous-région, de la région et de la communauté internationale un cadre spécifique de coopération garantissant l’opposabilité et l’effectivité des décisions des chambres spécialisées, notamment l’effectivité de leur exécution grâce à un système pénitentiaire efficace et crédible.

Les accords conclus dans ce cadre constituent de plein droit des sources conventionnelles des normes applicables par les chambres spécialisées. Ils renforcent la nature hybride de ces juridictions en légitimant et consolidant sa dimension internationale et en garantissant leur indépendance et leur efficacité.


Chapitre 6 : Des dispositions finales

Article 60
Sont abrogées toutes les dispositions antérieures contraires à la présente loi qui entre en vigueur six mois après sa promulgation, période durant laquelle doivent être apprêtées les conditions juridiques, pénitentiaires, techniques, matérielles, diplomatiques et en personnel pour la bonne mise en œuvre des chambres spécialisées.

Fait à Kinshasa, le ... ...  ...


Joseph KABILA KABANGE     


 



[1] La réforme Dodd-Frank Act exige que les entreprises publient, pays par pays, les commissions qu'elles versent aux gouvernements pour exploiter leurs ressources pétrolières, gazières et minières. Objectif : enrayer la corruption, permettre à la société civile de ces pays de demander des comptes sur l'utilisation de l'argent reçu par les entreprises, et limiter les conflits liés à l'exploitation de ces ressources. Les compagnies pétrolières, gazières et minières enregistrées auprès de la Securities and Exchange Commission (SEC) seront donc tenues de révéler publiquement leurs revenus ainsi que les versements, pays par pays, qu'elles effectuent auprès des gouvernements concernés. Une mesure d'autant plus importante que 90% des compagnies pétrolières et gazières internationales et 80% des entreprises du secteur minier sont cotées à la bourse américaine.
Cette mesure est réclamée depuis 2002 par la coalition d'ONG « Publish What You Pay » (Publiez ce que vous payez), qui dénonce la « malédiction des ressources » des pays pauvres, certes riches en pétrole, gaz et minerais, mais dont la population subit la corruption et les conflits liés à l'exploitation de ces ressources. Global Witness, très active en RDC notamment, a ainsi salué un « nouveau projet de loi sans précédent, qui encouragera une surveillance publique accrue et des pratiques commerciales responsables». « En plus d'aider la population des pays pauvres bien que riches en ressources, ces dispositions serviront les intérêts gouvernementaux et commerciaux américains à travers le monde en promouvant la stabilité et les investissements d'entreprise responsables », a ajouté Corinna Gilfillan, membre de l'ONG. Calvert, fonds d'investissement socialement responsable américain, se félicite particulièrement de cette nouvelle réglementation, dont il est l'un des acteurs. L'investisseur est en effet l'auteur d'un rapport sur le sujet ayant servi de référence aux débats législatifs, et s'est engagé depuis des années dans la lutte pour la transparence des industries extractives. En France, le CCFD-Terre Solidaire, le Secours catholique, Oxfam et la plateforme « Publiez ce que vous payez » saluent « une étape décisive vers la transparence du secteur extractif (…) Les citoyens et les associations du Nigeria, du Cambodge, de Birmanie ou encore des deux Congo disposent à présent d'un outil essentiel pour contrôler le niveau des recettes publiques et veiller à leur affectation en faveur du développement économique, agricole et des services essentiels » soulignent les associations.
[2] A ce titre, on peut souligner que dans certaines affaires, les juridictions militaires ont opté pour une interprétation large de certaines incriminations, telle le viol, dans une perspective similaire de celle des juridictions pénales internationales.
[3] L’avant projet du Code pénal (livres 1 et 2), élaboré par le Comité Technique pour la Réforme du Code pénal que préside le professeur Akele, sera validé par la Commission Permanente de Réforme du Droit Congolais au courant du mois de décembre 2010.
[4] Ministère de la Justice, Comité Mixte de  Justice,  « Plan d’actions pour la réforme de la justice », République Démocratique du Congo, 2007, p40.
[5] Voir l’ordonnance-loi n°79-02B du 28 septembre 1979 portant organisation du Barreau, du corps des défendeurs judiciaires et du corps des mandataires de l’Etat.
[6] Consortium International pour la Coopération Juridique, International Bar Association’s Human Rights Institute (avec le soutien de l’Open Society Initiative for Southern Africa, Ministère suédois des Affaires étrangères), « Reconstruire les tribunaux et rétablir la confiance : une évaluation des besoins du système judiciaire en République Démocratique du Congo », août 2009, p35.
[7] Sophie Roudil, Isabelle Fery (collaboration), Rapport d’observation du procès d’appel « Maheshe » devant la Cour militaire du Sud-Kivu (R.D.Congo) et suivi des recours. Et points de repères sur le cadre juridique de l’observation des procès et la protection des défenseurs des droits humains », Protection international, mars 2009.
[8] En l’absence de publication de la jurisprudence, il est difficile de rassembler de façon exhaustive l’ensemble des décisions.
[9] Les principaux bailleurs de fonds sont les coopérations britannique, italienne, suédoise,  l’Union Européenne, le PNUD.
[10] Financé par la Belgique, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Suède et la Commission européenne, ce programme (2007-2010) concerne l’Ituri, les Nord et Sud Kivu. Il s’est focalisé sur le renforcement de la fonctionnalité des lieux de justice, du fonctionnement de la justice et le rétablissement de la confiance des populations dans le système judiciaire. Les aspects genre (avec un accent particulier sur la lutte contre les violences sexuelles) et la protection de l’enfant ont été intégrés au programme en 2009 grâce à des contributions additionnelles de la Grande-Bretagne et de la Suède. Le programme REJUSCO a déjà été évalué à plusieurs reprises et ses évaluations ont mis en évidence un impératif général de consolidation de la gouvernance judiciaire.
[11] Une étude effectuée en Ituri a montré que presque 40% de la population souffrait de symptômes cliniques sévères de stress post-traumatique.
[12] Dans certains cas, des fonctionnaires de la justice ont fait preuve d'inventivité et  montré leur détermination à protéger victimes et témoins. En Ituri, lors d'un procès pour crime de guerre, un juge a organisé la protection et l'hébergement d'un témoin clé  en demandant l'aide de fonctionnaires de la Mission de l'Organisation des Nations unies en République démocratique du Congo (MONUC). Dans quelques autres cas, des juges et des procureurs ont utilisé leurs fonds personnels pour payer l'hébergement des victimes ou leur transport en toute sécurité  jusqu'au tribunal. Mais ce soutien relève de l'improvisation et les fonctionnaires des tribunaux n'ont pas de fonds propres.
[13] Ministère de la Justice, Comité Mixte de  Justice,  « Plan d’actions pour la réforme de la justice », République Démocratique du Congo, 2007, p36.
[14] Ministère de la Justice, « Feuille de route du Ministère de la Justice pour l’exercice 2009 », p7.

[16] Cette convention incrimine notamment l’enrôlement d’enfants dans les forces armées, la participation d’enfants aux combat, les violences sexuelles sur les enfants, etc. Cfr, Gérard Balanda Mikuin Leliel, Les éléments de politique criminelle et les infractions  découlant d’instruments internationaux ratifiés par la RDC, in Réforme du code pénal congolais, ss. la direction de Akele Adau, tome II, p. 250.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire