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mardi 10 janvier 2012

Message du Premier président de la Cour suprême de justice et président du Conseil supérieur de la magistrature aux magistrats du siège des juridictions civiles inferieures


- Messieurs les Premiers Présidents des Cours d’Appel de Gombe et Matete - Mesdames et Messieurs les Présidents des Cours d’Appel - Mesdames et Messieurs les Conseillers des Cours d’Appel de Kinshasa Gombe et Matete - Messieurs les Président des Tribunaux de Grande Instance et des Tribunaux de Commerce de la ville de Kinshasa - Mesdames et Messieurs les Juges de Tribunaux de Grande Instance et des Tribunaux de Commerce de la ville de Kinshasa - Mesdames et Messieurs les Présidents des Tribunaux de Paix de Kinshasa et du Tribunal pour Enfants - Mesdames et Messieurs les juges de Paix Il y a environ treize mois que son Excellence Monsieur le Président de la République, Chef de l’Etat, nous avait fait honneur en nous désignant à la tête de la Cour Suprême de Justice. Pendant ce temps nous avons cheminé ensemble pour tenter de redorer l’image ternie de notre justice. Dans tous ses messages son Excellence Monsieur le Président de la République est revenu sur la question de la justice comme pilier de développement de notre jeune démocratie. Très récemment, dans son discours d’investiture, le Chef de l’Etat, parlant de la révolution de la modernisation a de nouveau épinglé ce qu’il entend de la justice comme accompagnatrice de la révolution de la modernité. En notre sens, si son Excellence Monsieur le Président de la République vient de placer son nouveau quinquennat sur la révolution de la modernité en termes de visibilité des réalisations socio-matérielles et infrastructurelles, la sécurité juridique et judiciaire qui cimente le socle de l’amélioration des climats des affaires reste et demeure un des indicateurs de cette modernité. C’est pour cette raison, qu’interpellé par ce défi nous lancé par le Chef de l’Etat en termes de lutte contre la corruption, l’impunité et la complaisance que je m’empresse de vous réunir en ces lieux pour jeter en termes de bilan, un regard rétrospectif sur le parcours effectué, en dresser l’état des lieux et en projeter les bases solides de notre engagement à accompagner la venue de l’Etat émergeant. Loin de dresser un bilan exhaustif, permettez-moi de vous rappeler que l’année deux mille onze a été émaillée de beaucoup d’évènements dont le dernier en date est celui de l’investiture du Magistrat Suprême de la RDC conformément aux dispositions pertinentes de la Constitution. Point n’est besoin de revenir ici sur tout ce que nous avons réalisé étant entendu que beaucoup de choses restent encore à faire, cependant, il est plus qu’impérieux et urgent de refixer nos esprits sur le sens à donner sur le message du Chef de l’Etat quant à ce qui concerne ses attentes contenues dans son message à la nation du 20 décembre 2011sur le fonctionnement de la justice en ce qui concerne le siège. Son Excellence Monsieur le Président de la République prenant l’engagement devant la nation sur la révolution de la modernisation et faisant de la justice une de ses béquilles, a promis de mener une lutte contre trois fléaux qui continuent à ternir l’image de la justice à savoir la corruption, la complaisance et l’impunité. Si ces trois maux constituent des antivaleurs différentes, il y a lieu toutefois d’affirmer ce jour que de par leurs relations, l’impunité résulte le plus souvent des décisions judiciaires complaisantes, fruits de la corruption tant morale, financière que matérielle qui caractérisent l’administration judiciaire. Point donc n’est besoin de vous rappeler que la complaisance est une disposition ou prédisposition à chercher à plaire à quelqu’un ou à satisfaire coûte que coûte les intérêts de celui qui n’en a pas droit soit par affinité familiales, tribales, amicales voire confessionnelles. Pour le juge, il est facile de découvrir les actes de complaisance dans : -Le refus de remises règlementaires, - l’organisation des descentes inopportunes surs les lieux et le refus de celles susceptible d’éclairer réellement votre décision; -l’octroi de remises au-delà de nombres prévus et non appuyées par un juste motif ; -le prononcé des jugements avant dire droit après plusieurs mois de prise en délibéré ou à la veille des inspections ; - le prononcé des décisions ambiguës qui renvoient les parties dos à dos sans les départager par rapport au conflit qui les oppose ; -le prononcé des décisions par défaut contre les intérêts de l’Etat et les sociétés du portefeuille et leur condamnation aux dommages et intérêts exorbitants non postulés par la partie et sans aucune motivation convaincante ; -le prononcé des décisions contenant des termes dubitatifs dénotant un déni de justice ; -la suspension systématique des exécutions au moindre coup de téléphone ; -l’homologation des ventes des immeubles appartenant à l’Etat non encore désaffectés par le Ministre compétent ; -l’exigence de production par l’Etat de certificat d’enregistrement couvrant ses édifices publics ; -le prononcé des décisions qui ne font allusion dans leur motivation ni à la loi ni à la doctrine encore moins à la jurisprudence ; -l’acceptation des pièces déposées non produites aux débats. Ces actes de complaisance dont les uns sur la forme et d’autres au fond trouvent leur justification dans le seul souci de favoriser dans le temps et espace ceux-là qui dans un procès équitable ne pourrait avoir raison. Conséquence d’un état d’esprit préparé en amont, la complaisance résulte de la CORRUPTION. La corruption n’est rien d’autre que le fait de se faire remettre des sommes d’argents ou valeurs mobilières ou immobilières ou se faire promettre les mêmes sommes, valeurs ou avantages afin d’agir contrairement à son serment et à son devoir , pour changer l’opinion objective et la vérité judiciaire et trahir le sens de la justice, d’impartialité et d’objectivité. Cette situation conduit ainsi à la déloyauté, au déni de justice et au dol, provocant ainsi une fissure sociale caractérisée par un mépris du juge corrompu par le justiciable corrupteur, à la haine du corrompu par la victime et au dégoût de justice judiciaire pour donner force à la justice privée négative avec son corolaire la vengeance et le règlement des comptes par des crimes abominables. Et lorsqu’elle gangrène la justice qui constitue le dernier rempart de la société, celle-ci ne pourra jamais se relever. Selon les informations à notre possession, les faits ci-dessous constituent pour les magistrats du Siège les prédispositions à la corruption : -le non-respect du délai de prononcé sans demande de prorogation de délai de délibéré ; - l’absence de délibération et les dérobades aux séances de délibérations pour les compositions collégiales ; - la discussion avec le chef de juridiction par des présidents des chambre, des projets n’ayant pas fait objet de délibération de la composition ; - les appels intempestifs des avocats et pires de leurs clients à leurs insu pendant l’instruction et lors de délibérés ainsi que toute familiarité notoire avec les parties au procès ; - la demande des numéros de téléphones des avocats et justiciables après les plaidoiries ; - les visites par le juge ou par le biais des greffiers chez le justiciables ou chez leurs avocats, et les rencontres dans des hôtels, restaurant et autres débits de boissons où de nouvelles plaidoiries sont développées acceptée et jugées selon la conclusion des marchés… Si tous ces actes sont des actes préparatifs à la corruption, l’acceptation des promesses faites et leurs exécutions nuisent énormément à notre prestige et à l’image emblématique et sécurisante de la justice en République Démocratique du Congo. Devons-nous nous complaire dans cette situation jusqu’à devenir la risée de tous tout le temps ? Il est temps de mettre fin à tout cela pour reprendre notre place de noblesse et offrir à notre peuple une justice qui sécurise même les personnes les plus démunis possibles sans appauvrir par des condamnations aveugles et sentimentales intéressées, les investisseurs qui chez eux ne trouvent secours qu’auprès du juge et cela sans aucune compromission. Pour terminer, je tiens à attirer votre attention sur le fait qu’il n’ y a pas de justice sans sanction si non on tomberai dans le domaine de la morale, d’où notre combat contre l’impunité épinglé par le Magistrat Suprême, entendue ici comme « absence de sanctions prévues contre un manquement quelconques ou l’incapacité de nos institution à appliquer contre certains individus ou situations des sanctions appropriées à l’espèce. Cette possibilité de sanctionner qui devrait être offerte par nous les juges, qui avons la charge en toute objectivité de condamner les antivaleurs et les auteurs, d’appliquer les peines civiles ou pénales proportionnelles aux actes causant préjudices aux concitoyens et à la nation, reculons malheureusement devant nos responsabilités au lieu d’exercer courageusement les prérogatives constitutionnelles qui nous sont reconnues. Notre comportement souvent motivé non pas du fait de non établissement de manquement mais parce que aux contacts avec le justiciable dit intouchable qui est en tort, acquittons ou déboutons le demandeur ou le citant sans moindre gène ni sans trop de justification de droit. Mes chers collègues Que dois-je dire en conclusion si non vous rappeler que la corruption avec ses conséquences multiples et multiformes dont les jugements complaisant et l’impunité en constituent les engendrements le plus visible, avilit, éhonte, maudit, compromet tout élan de progrès, d’émergence, bref de développement. Nous sommes tous conscients de notre condition de travail que les autorités s’efforcent d’améliorer cependant nous ne sommes pas le seuls car plus près de nous vivent des familles au seuil de vie très précaire mais qui demeurent dans la patience. En cette période électorale où les tentations seront grande face à la recherche à tout prix de l’éligibilité, chacun de vous est invité à se surpasser pour ne pas tomber dans les abus ci-dessus décrié afin d’éviter à nos populations de situations difficiles à gérer. Avec les cinq prochaines années du quinquennat commencent un nouvel espoir qui demande de notre part une implication positive dans la vision du Magistrat Suprême et vous avise sans que je m’érige en gendarme, que je n’hésiterai pas de faire mettre à la disposition de chambres disciplinaire tout le récalcitrant. C’est maintenant le temps de prendre conscience et de vous décider pour ne pas rater le nouveau décollage, c’est aujourd’hui le temps de penser et repenser votre serment et de s’engager dans la lutte contre la corruption et ses corolaires. Ma conviction reste que le mal qui ronge et ternit l’image de la justice repose avant tout sur le manque de rigueur dans l’application des règles des formes et délais de procédures qui s’imposent aux juges afin de bien dire le droit. Juges que vous êtes, vous devez paraître en cette période de révolution de la modernité comme ces derniers restes d’hommes d’Etat dans l’état d’âme pour gagner le pari Les délais institués et imposés au juge ont été conçus : 1) Pour permettre au juge d’avoir un temps suffisant de réflexion et ce dans le temps voisins de l’instruction afin de ne pas au fil de temps dénaturer les faits 2) Pour ne pas succomber aux tentations des plaideurs malicieux qui profiteraient du temps plus long pour rassembler les moyens financiers afin d’orienter autrement l’opinion du juge J’estime au regard de ces gardes fous que la justice ne peut être sauvée par le juge que lorsque celui-ci peut rendre sa décision à une date certaine conformément à la loi et en rencontrant dans sa motivation tous les moyens soulevés par les parties. Il a été observé et on peut bien s’en rendre compte que les juges qui rendent souvent leurs décisions dans le délai et de manière motivée après avoir rencontré les parties dans tout leur moyen font rarement objet des poursuites. C’est pour cette raison que je suis revenu sur cette préoccupation dans une de mes circulaires pour insister sur le respect de délai de prononcé. Je vous invite donc à faire de vos juridictions de véritables derniers remparts pour les opprimés et les victimes des injustices socio-économiques, lieux de paix et de rétablissement de la paix t, des affaires troublées et des équilibres rompus. Pour ma part, je m’engage dans la lutte et je ne cheminerai qu’avec ceux qui feront le même train avec moi.
Je vous remercie.
 Fait à Kinshasa, le 29 décembre 2011
Le Président du Conseil Supérieur de la Magistrature Jérôme Kitoko Kimpele, Premier Président de la Cour Suprême de justice

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