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lundi 1 avril 2013

Prononcé de l'arrêt condamnant le Colonel Daniel Mukalay

I. Audience du 23 juin 2011.
C’est à 11h45 que l’audience de ce jour a été déclarée ouverte par le Premier Président de la Cour, le colonel Masungi Muna. A cet effet, il a accordé la parole à la greffière pour donner lecture de la feuille d’audience. Les avocats des parties civiles étaient présents dans la salle en observateurs car ils n’ont pas fait acter leurs comparutions. L’audience a consisté au prononcé du jugement. 

II. De la procédure.
De la lecture de l’arrêt de la Cour.
Au nom du peuple congolais, la Cour Militaire de la Gombe siégeant en audience foraine à la prison centrale de Makala rend l’arrêt dont la teneur ci-après :
a. Exposé des faits.
Le matin du 02 juin 2010 sur la route Matadi, un corps sans vie a été découvert sur la banquette arrière de la Mazda 623. Après vérification des documents s’y trouvant, il s’avère qu’il s’agissait de M. Chebeya.
Le 05 juin 2010, le président de la République convoque une réunion à laquelle étaient présents le conseiller spécial de sécurité en chef, les parlementaires, le ministre de l’intérieur et plusieurs autres personnalités. De cette réunion découlera la mesure de suspension à titre conservatoire de l’Inspecteur Générale - IG - de la Police Nationale Congolaise - PNC -, John Numbi. Le parquet Général de République va mener ses enquêtes et conclure que des indices sérieux de culpabilité pesaient sur des prévenus policiers, justiciables des juridictions militaires. C’est ainsi que le dossier sera transmis à l’Auditeur Général de la Haute Cour Militaire. L’ACIDH est une ONG des Droits Humains créée le 15 janvier 2004 avec pour objectif : Mettre fin à l’impunité en RDC.
Il est à relever que les prévenus incriminés sont des policiers dont un a le grade de colonel et donc justiciable de la Cour Militaire. C’est ainsi que l’affaire sera portée devant la Cour Militaire de la Gombe et des décisions de renvoi seront établies à cet effet.
M. Chebeya était un grand défenseur des droits de l’homme de la première génération en RDC et le père fondateur de la Voix de Sans Voix - VSV -. Il était un monsieur bien connu tant sur la scène nationale qu’internationale. 

b. En droit.
1. Quant à la forme.
De la saisine et de la compétence de la Cour.
Au début du procès, dans son mémoire unique, les parties civiles ont contesté la compétence de la Cour Militaire de la Gombe pour trois raisons : - le vernis correcteur sur les décisions de renvoi qui efface le mot Haute pour laisser les mentions Cour Militaire, - l’existence d’une plainte de madame Chebeya à l’endroit du général John Numbi, IG de la PNC, justiciable de la Haute Cour Militaire - HCM -, - la transformation du renseignant John Numbi en prévenu.
En consultant les décisions de renvoi, celles-ci saisissent la Cour Militaire de Gombe et la lettre de transmission est adressée au président de la Cour Militaire de la Gombe. La Cour ne peut pas statuer ultra petita parce qu’elle n’est pas saisie à l’égard de l’IG John Numbi et il n’appartient pas à la Cour d’inculper une autre personne que celles qui lui ont été envoyées par l’Auditeur Supérieur et elle n’a pas la possibilité de transformer un renseignant en prévenu.
Des preuves.
Le Ministère Public - MP - aidée par les parties civiles a eu recours à différentes preuves entre autres la demande de l’audition des différents renseignants, les relevés téléphoniques, l’autopsie du corps, les descentes sur le lieu du crime etc. En droit pénal, il n’y a aucune preuve qui s’impose obligatoirement au juge pénal, c’est pourquoi la Cour a confronté toutes ces preuves. Et c’est sur base de tous ces éléments de preuve contenus dans le dossier que la Cour a fondé son intime conviction.


2. Quant au fond.

Le MP a retenu les infractions ci-après :
 L’association des malfaiteurs,
 L’assassinat de Chebeya et de Bazana,
 Le détournement d’armes pour le prévenu Christian Kenga Kenga en fuite,
 La désertion simple pour les trois prévenus en fuite.
Il sied de rappeler que le juge pénal est saisi des faits et non de qualification c'est-à-dire qu’il peut disqualifier ou requalifier une infraction, référence à l’arrêt Kutino Fernando. L’ACIDH est une ONG des Droits Humains créée le 15 janvier 2004 avec pour objectif : Mettre fin à l’impunité en RDC.
3. Analyse des infractions.
a. L’association des malfaiteurs : définie par les articles 156 du CPLII est : « toute association formée dans le but d’attenter aux personnes ou aux propriétés ; elle est une infraction qui existe par le seul fait de l’organisation de la bande ». Elle présente deux caractéristiques qui sont :
 Elle est une infraction plurale : c'est-à-dire que pour sa commission, il faut au moins l’association de deux personnes ;
 Elle est une infraction autonome.
Eléments constitutifs de l’infraction
 L’existence d’une bande. Cette infraction exige la réunion d’au moins deux personnes.
· L’entente préalable : suppose qu’à l’origine de la création de la bande, il y a une personne ou plusieurs personnes chargées de recruter les membres devant faire partie de la bande et ; lors du recrutement ces derniers sont informés sur le but de leur travail. Dans le cas sous examen, quand le général Ugnom dit que le prévenu Kitungwa passait le clair de son temps auprès du colonel Mukalayi et que l’IG John Numbi a déclaré que le prévenu Mwila était souvent utilisé par le colonel Mukalayi ; ces affirmations nous ont démontré juridiquement qu’ils travaillaient en collaboration. Le prévenu Mukalayi est le numéro deux de la DGRS, chargé des opérations et le prévenu Kitungwa, en tant que chef du bureau des opérations, était sous le contrôle direct du prévenu Mukalayi. Le prévenu Mwila affecté au service d’investigations et recherches à la PRI, service qui travaille en collaboration directe avec les personnes chargées des opérations. Ils étaient en contact permanent à cause des missions de leur travail.
Le fait pour François Ngoy Mulongoyi d’avoir reçu la veuve Chebeya et de lui avoir demandé d’aller vérifier à l’ANR, à la DGRS et aux services spéciaux ne constitue pas une participation criminelle. Il a orienté la veuve dans le but de l’aider. Quant à Blaise Mandiangu, l’instruction ne nous montre pas comment il a participé de loin ou de près à la commission de cette infraction et de ce crime. Les actes posés par les prévenus Georges Kitungwa et François Ngoy Mulongoyi l’ont été dans le cadre de leur travail. La Cour n’a pas pu retenir cet élément.
· L’organisation de la bande. Il doit y avoir des moyens matériels et humains mis à la disposition des membres pour la commission des infractions ; et chaque membre doit connaitre son rôle. L’instruction pré-juridictionnelle et juridictionnelle n’ont pas permis de démonter la constitution de cet élément.

· La mise en commun des moyens matériels. La Cour note qu’il n’a pas été démontré comment les prévenus ont mis en commun leurs moyens matériels pour la commission de l’infraction.
· Le but poursuivi d’attenter à la vie des personnes ou de leurs biens. Il a été démontré que le but de cette association était de mettre fin à la vie de M. Chebeya et celle de M. Bazana qui était un témoin gênant.
L’infraction d’association des malfaiteurs est une infraction qui exige la réunion de plusieurs éléments pour être établie. Faute des éléments constitutifs surtout de l’élément essentiel qui est l’entente préalable, la Cour conclut que l’infraction n’est pas établie en fait comme en droit. L’ACIDH est une ONG des Droits Humains créée le 15 janvier 2004 avec pour objectif : Mettre fin à l’impunité en RDC.
b. L’assassinat de M. Floribert Chebeya (voir les articles 44 et 45 du CPLII).
Définie comme un meurtre commis avec préméditation, il est puni de la peine de mort.
Eléments constitutifs.
 L’acte Matériel. Le prévenu doit avoir donné la mort à une personne. Dans le cas présent, il y a eu mort d’homme.
· L’élément intentionnel est la volonté de donner la mort résolue par l’auteur du meurtre. Les parties civiles et MP ont démontré le but poursuivi par les prévenus qui ont donné la mort à M. Chebeya à savoir celui de faire taire les défenseurs des droits de l’homme. Le mobile de cet assassinat est inopérant pour le juge ; c'est-à-dire que le juge ne peut pas forcément connaitre le motif qui a poussé les auteurs à assassiner M. Chebeya.
· La préméditation est le dessein formel que l’auteur se fait. Elle se matérialise par la mise en scène au cours de laquelle l’auteur pose l’acte criminel de manière délibéré avec un sang froid.
Le prévenu, colonel Mukalayi, est l’auteur intellectuel de cette infraction. En tant que numéro deux de la DGRS, chargé des opérations, il a abusé de son pouvoir pour concevoir ce crime et il a mis à la disposition de ces complices le véhicule de la police canine. Lors de l’audience du 21 février 2011, le prévenu colonel Mukalayi dans une des questions lui posées à savoir si M. Bazana était arrivé à l’inspection général de la PNC avec M. Chebeya, il a répondu « qu’il ne savait même pas que M. Chebeya était accompagné ». Cette réponse nous confirme que M. Chebeya était bel et bien arrivé à l’inspection générale de la PNC le 01 juin 2010. A la même date, le prévenu commandant Kenga Kenga lui a envoyé deux SMS dans lesquels il a écrit pour le premier :« l’homme de droit de l’homme, son nom c’est M. Chebeya… », et pour le deuxième: « … J’ai ton chalengeur, j’attends tes ordres… ». Les relevés téléphoniques de M. Chebeya nous démontrent qu’il était pris en charge par les antennes de rond-point molard, du centenaire, de l’UPC, du stadium et du beau vent. Toutes ces antennes entourent l’inspection générale de la police.
Les prévenus en fuite Christian Kenga Kenga, Paul Milambwe et Jacques Mugabo sont les exécutants de cet assassinat - auteurs matériels -. Ils étaient au courant du dessein criminel. Leurs CV nous montrent qu’ils ont reçu une formation en anti-terrorisme et en arts martiaux. Ils sont des spécialistes qui peuvent donner la mort sans laisser de traces. Pour confirmer que c’était bel et bien la personne qu’il fallait exécuter, le prévenu Christian Kenga a envoyé deux SMS au prévenu colonel Mukalayi. Les relevés téléphoniques de son numéro retracent le chemin qu’ils ont pris pour transporter le corps de l’inspection générale de la PNC jusqu’à Mitendi sur la route Matadi où ils l’ont déposé. Ils sont rentrés par la route Kimwenza et se sont arrêtés à Righini, lieu de la résidence du prévenu colonel Mukalayi.
Les deux pathologies retrouvées dans les corps de Chebeya ne pouvaient pas lui donner cette mort subite. Une action provenant d’une force extérieure a facilité sa mort. Le rapport médical nous démontre que M. Chebeya n’a pas succombé à un coït. Pour détourner tout soupçon, les trois prévenus ont maquillé la scène. L’ACIDH est une ONG des Droits Humains créée le 15 janvier 2004 avec pour objectif : Mettre fin à l’impunité en RDC.
c. La participation criminelle 
Elle implique des actes de complicité favorisant la commission d’une infraction (Art 5 et 6 du CJM). La participation criminelle appelle la réunion de trois conditions :
 L’existence d’une infraction principale qui doit être un acte condamnable par la loi ;
· L’acte matériel de participation. La Cour impute au prévenu commissaire Mwila cet acte. En tant qu’homme de confiance du prévenu colonel Mukalayi et en allant déposer la correspondance de la VSV, il avait pour mission de mettre en place un guet-apens. Il était au courant du dessein criminel parce qu’il a réussi à mettre M. Chebeya en confiance. Il a téléphoné à deux reprises, le soir du 28 mai 2010, M. Olivier et lui a demandé de dire à M. Chebeya de l’appeler. Pour démontrer que c’était un coup bien préparé, avant d’appeler M. Olivier, il a d’abord parlé avec le prévenu colonel Mukalayi pendant plus au moins six minutes ;
· L’élément moral. Le prévenu a agi avec préméditation, il a appelé M. Olivier deux fois après son appel avec le prévenu colonel Mukalayi.
· Les actes posés par les prévenus Georges Kitungwa et François Ngoy Mulongoyi ne sont pas des actes de complicité. Ce sont des actes postérieurs à l’assassinat ; ils ont été posés dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions. Il en est de même pour le prévenu Blaise Mandiangu. Peut-on dire que le fait de demander de brûler ces cartes SIM de téléphones qui se trouvaient entre les mains de ceux qui l’avaient arrêté constitue un acte de participation criminelle ? Et peut-on poursuivre quelqu’un sur base d’une infraction commise par une autre personne ? La loi est claire sur cette question : « la responsabilité pénale est individuelle ».

d. L’assassinat de Fidel BAZANA.
La preuve de cet assassinat est établie sur base de jugement déclaratif du décès cinq mois après la disparation de M. Bazana. Madame Marie José Ikoko, le M.P et la partie civile fondent leur prétention sur la présomption de cessation de vie de M. Bazana et affirme qu’il a été assassiné. L’article 191 du code de la famille détermine le délai de l’absence qui est de cinq mois pour pouvoir déclarer qu’une personne disparue est morte. Le jugement obtenu ne peut être d’application qu’en matière civile ou commerciale. Il est interdit au juge pénal de faire un raisonnement analogique car la loi en matière pénale est de stricte interprétation. L’infraction d’assassinat suppose la commission d’un acte matériel. Cette infraction est non établie faute de l’ élément matériel et la Cour la requalifie en infraction d’arrestation arbitraire définie par l’article 67 du CPLII qui stipule qu’ « est puni d’une servitude pénale d’un à cinq ans celui qui, par violences, ruses ou menaces, a enlevé ou fait enlever , arrêté ou fait arrêter arbitrairement, détenu ou fait détenir une personne quelconque. Lorsque la personne enlevée, arrêtée ou détenue aura été soumise à des tortures corporelles, le coupable est puni d’une servitude pénale de cinq à vingt ans. Si les tortures ont causé la mort, le coupable est condamné à la servitude pénale à perpétuité ou à mort »
Éléments constitutifs.
· Élément matériel. Pour être retenu, il faut avoir enlevé ou fait enlever une personne de sa destination ou de sa résidence ou de son endroit habituel. Il a été démontré que M. Chebeya n’avait jamais conduit dans sa vie et M. Bazana qui était son chauffeur l’accompagnait toujours. Le 01 juin 2010, lorsque M. Chebeya est allé répondre à son rendez-vous à l’inspection générale de la PNC, il s’était fait accompagner par son chauffeur qui est porté disparu jusqu’aujourd’hui. Le véhicule qu’il conduisait a été retrouvé à Mitendi sur la route Matadi et à l’intérieur le corps de son patron.
L’ACIDH est une ONG des Droits Humains créée le 15 janvier 2004 avec pour objectif : Mettre fin à l’impunité en RDC.
La Cour fonde sa conviction sur les déclarations de M. Gomer Martel, sur les deux SMS du prévenu commandant Christian Kenga Kenga ainsi que les déclarations des défenseurs des droits de l’homme de la VSV sur le fait que M. Fidele Bazana avait effectivement accompagné M. Chebeya le 01 juin 2010 à l’inspection générale de la police. Il a été enlevé par les prévenus Christian Kenga Kenga, Paul Milambwe et Jacques Mugabo sur ordre du prévenu colonel Mukalayi ;
· L’élément moral se matérialise par un acte qui a été posé de manière délibérée. Fidèle Bazana a été tué parce qu’il était un témoin gênant de l’assassinat de M. Chebeya. Les auteurs ont agi en âme et conscience.
La Cour conclut que pour les prévenus Georges Kitungwa, François Ngoy Mulongoyi, Michel Mwila et Blaise Mandiangu, l’infraction n’est pas établie en fait comme en droit.
e. Le détournement des armes et minutions de guerre.
L’art. 202 CPM définit cette infraction comme un acte de sabotage et leurs auteurs sont punis de la peine de mort. L’inspecteur général divisionnaire adjoint, le général Jean Musaya Kabulu, directeur de la logistique de la PNC, l’inspecteur principal, le colonel Wumbi Bohehe Jean Pierre, chef du département de la logistique de la PIR et le commissaire Ngoy wa Kabila, S4 du bataillon Simba, chargé de la logistique ont tous déclaré que les armes détenus par le prévenu commandant Christian Kenga Kenga ne faisaient pas parti de la dotation de la police. Avec ces déclarations, la Cour requalifie l’infraction de détournement des armes en infraction de détention illégale des armes, infraction définie à l’article 5 à 9 de l’ordonnance-loi 85-035 portant régime des armes et munitions. L’article 5 dispose que « nul ne peut détenir, fabriquer, réparer, abandonner, exposer en vente, céder, distribuer, transporter, importer ou tenir en dépôt des armes de guerre ou leurs accessoires ainsi que des munitions conçues pour ces armes à moins qu’il n’ait reçu une autorisation spéciale du président de la république ». Cet article ne s’applique pas aux militaires et aux policiers mais à la seule condition que ces armes proviennent de leur dotation ou soient détenus avec l’autorisation de l’Etat. Dans le cas d’espèce les armes et munitions de guerre que détenait le prévenu Christian Kenga Kenga ne font pas partie de la dotation de la PNC et il n’avait pas reçu l’autorisation du président de la République pour leur détention. Par conséquent cette infraction est établie en fait comme de droit à charge du prévenu commandant Christian Kenga Kenga.
f. La désertion simple.
Cette infraction est constatée après six jours d’absence non justifiés (article 45 du CPM). Les éléments constitutifs sont :
· L’élément matériel. Cette infraction ne s’applique qu’aux militaires et aux policiers. Les trois prévenus en fuite sont des policiers. La directrice des ressources humaines de l’inspection générale de la PNC, l’inspecteur Amisi a dressé un PV de désertion pour Paul Milambwe, Katembo, inspecteur adjoint de la PIR, Christian Kenga Kenga et Jacques Mugabo, tous prévenus.
 L’élément moral. Les trois prévenus ont fui dans l’intention coupable de se soustraire de toute poursuite judiciaire.·
De ce qui précède, l’infraction est établie en fait comme en droit. 
g. Le terrorisme.
Le terrorisme est une infraction prévue et punie par les articles 157 et 158 du CPM. « Constituent des actes de terrorisme, lorsqu’elles sont en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par L’ACIDH est une ONG des Droits Humains créée le 15 janvier 2004 avec pour objectif : Mettre fin à l’impunité en RDC.
L’intimidation ou la terreur, les infractions suivantes : les atteintes volontaires à la vie ou à l’intégrité physique de la personne, l’enlèvement et la séquestration de la personne ainsi que le détournement d’aéronef, de navire ou de tout autre moyen de transport… Le terrorisme est puni de vingt ans de servitude pénale, s’il a entrainé une mort d’homme, le coupable est passible de la peine de mort »
Les actes commis par les trois prévenus en fuite constituent des faits de terrorisme, ils ont tué M. Chebeya, ils ont exposé sa nudité et en même temps ils ont enlevé M. Bazana. Cette scène a créée un trouble moral dans la communauté nationale de la RDC et international et surtout la désolation au sein des défenseurs des droits de l’homme qui aujourd’hui se posent la question suivante : « à qui le prochain tour ». Ces infractions ont été commis dans le but de troubler l’ordre public et de mettre la peur au sein des organisations des défenseurs des droits de l’homme pour qu’ils ne fassent plus leur travail. Des faits relevés, l’infraction est établie en fait comme en droit. 
h. Analyse des actions civiles.
Dans le dossier sous le RP 066, il y a deux catégories de parties civiles :
· les parties civiles personnes physiques qui sont : madame Chebeya, les enfants Chebeya au nombre de cinq, les frères et sœurs de Chebeya. Madame Bazana, les enfants Bazana au nombre de huit et les frères et sœurs de Bazana ;
· Les parties civiles personnes morales qui sont : la Voix de Sans Voix -VSV - et le réseau national des droits de l’homme au Congo, RENADHOC.
La loi affirme que les personnes lésées peuvent se constituer en partie civile à tout moment du procès ; cette constitution se fait par la consignation des frais au greffe de la juridiction saisie. La personne morale lésée, qui veut se constituer en partie civile, doit être en ordre avec la loi qui la crée. Les ONG présentes à ce procès doivent avoir un statut notarié, un règlement d’ordre intérieur et une personnalité juridique. Les deux catégories de personne se sont constituées valablement partie civile et ont qualité de demander la réparation du préjudice subi. Les personnes physiques ont subi des préjudices affectif, psychologique, moral, financier etc. et les personnes morales ont perdu leur père fondateur, expert, formateur etc. 

De la demande reconventionnelle des prévenus Georges Kitungwa et Michel Mwila.
Lors de la présentation de leurs moyens de défense, les deux prévenus ont demandé des dommages et intérêts aux parties civiles pour les avoir accusé injustement (action téméraire et vexatoire). La Cour constate que les frais de consignation pour la demande reconventionnelle n’ont pas été payés au greffe de la Cour comme l’exige la loi et par conséquent rejette la demande.
Du retrait des parties civiles.
A l’audience du 9 mai 2011, se basant sur l’article 256 du CJM, le premier président de la Cour a demandé aux parties au procès d’intégrer dans leurs répliques les observations sur les infractions d’homicide préterintentionnel, de meurtre et d’arrestation arbitraire. Lors de l’audience du 12 Mai 2011, les parties civiles ont demandé à la Cour de se rétracter de sa décision. Cela n’ayant pas été fait, elles ont décidé de se retirer du procès. L’article 227 du CJM stipule que « la personne lésée, qui s’est constituée partie civile après la saisine de la juridiction militaire peut se désister à tout moment de l’instance par déclaration à l’audience ou au greffe. Dans ce dernier cas, le greffe en avise les parties intéressées. » L’ACIDH est une ONG des Droits Humains créée le 15 janvier 2004 avec pour objectif : Mettre fin à l’impunité en RDC.
Voici les paroles du bâtonnier Mukendi, coordonnateur du collectif des avocats des parties civiles : « les parties civiles se retirent du procès ». Ce terme retrait est ambigu et n’a pas la même signification avec le terme désistement. La Cour estime que c’était un simple retrait et non un désistement et par conséquent elle va statuer sur les dommages et intérêts.
De la responsabilité civile de la République.
L’article 260 du Code Civil Livre III (CCL III) stipule qu’ :« on est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde… » La mission dévolue à la police est celle de la sécurisation des personnes et de leurs biens. La police est un service continu, elle travaille 24 heures sur 24 heures et elle est sous la responsabilité de l’Etat. Le dommage causé pour un cas d’abus de fonction par les agents de la République engage la responsabilité civile de cette dernière. Par conséquent la Cour dit établie en fait comme en droit la responsabilité civile de l’Etat.

Par ces motifs :
La cour déclare :
1. non établie en fait comme en droit l’infraction d’association des malfaiteurs ;
2. établie en fait comme en droit les infractions d’assassinat, d’arrestation arbitraire avec enlèvement à charge du prévenu colonel Mukalayi, le condamne à la peine capitale et ordonne sa destitution de la police nationale;
3. établie en fait comme en droit les infractions d’assassinat, d’arrestation arbitraire avec enlèvement, de détention illégale des armes, de terrorisme et de désertion simple à charge du prévenu commandant Christian Kenga Kenga, le condamne à la peine capitale et ordonne sa destitution de la police nationale;
4. établie en fait comme en droit les infractions d’assassinat, d’arrestation arbitraire avec enlèvement, de terrorisme et de désertion simple à charge du prévenu Paul Milambwe, le condamne à la peine capitale et ordonne sa destitution de la police nationale;
5. établie en fait comme en droit les infractions d’assassinat, d’arrestation arbitraire avec enlèvement, de terrorisme et désertion simple à charge du prévenu jacques Mugabo, le condamne à la peine capitale et ordonne sa dégradation ;
6. établie en fait comme en droit l’infraction d’assassinat à charge du prévenu commissaire Michel Mwila , le condamne en tant que complice à 20 ans de servitude pénale principale (SPP) et ordonne sa destitution de la police nationale;
7. la Cour ordonne l’acquittement des prévenus Georges Kitungwa, François Ngoy Mulongoyi et Blaise Mandiangu pour faits non établis à leur charge, et met les frais de justice à charge du trésor public ;
8. la Cour déclare les actions civiles recevables et fondées ;, condamne insolidum la République et les coupables au payement des dommages et intérêts de la manière suivante :

 à Madame Chebeya : l’équivalent en franc congolais la somme de 50.000 dollars américains ;
 à Madame Bazana : l’équivalent en franc congolais la somme de 50.000 dollars américains ;
 à chaque enfant Chebeya : l’équivalent en franc congolais la somme de 35.000 dollars américains ;·
 à chaque enfant Bazana : l’équivalent en franc congolais la somme de 35.000 dollars américains ;
L’ACIDH est une ONG des Droits Humains créée le 15 janvier 2004 avec pour objectif : Mettre fin à l’impunité en RDC.
 à chaque frères et sœurs de Chebeya : l’équivalent en franc congolais la somme de 20.000 dollars américains ;
 à chaque frères et sœurs de Bazana : l’équivalent en franc congolais la somme de 20.000 dollars américains ;
 à la voix de sans voix : l’équivalent en franc congolais la somme de 10.000 dollars américains ;
 au réseau national de droit de l’homme au Congo : l’équivalent en franc congolais la somme de 10.000 dollars américains.
9. la Cour ordonne la restitution du véhicule Mazda de la VSV, le véhicule Mitsubishi marque chalengeur du prévenu colonel Mukalayi, la jeep de la police canine, jeep de l’Etat congolais, les armes et munitions de guerre à l’Etat congolais, les objets du sous commissaire Blaise Mandiangu.
La Cour rappelle aux condamnés qu’ils ont le droit d’interjeter appel dont le délai est de Cinq jours à daté du prononcé du jugement. Après ce délai le jugement sera exécuté. Le prévenu Mwila a interjeté appel sur le banc.
Plus rien n’étant au rôle, l’audience est levée.
ACIDH

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