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lundi 1 avril 2013

Lettre ouverte au chef de l’Etat Joseph Kabila



Excellence Monsieur le Président de la République,
(Avec nos sentiments respectueux et déférents)
M’adressant au premier citoyen de la République et magistrat suprême, l’honneur m’échoit préalablement de justifier et de préciser l’objet de ma démarche dont le point de focalisation n’est autre que la crise de la justice, laquelle surdétermine toutes les autres crises que connaît le pays.
En effet, qu’elle s’inspire de la conception naturelle de l’équité, de la loi ou du droit positif, la justice constitue partout à travers le monde et au sein des nations ou des Etats modernes, une valeur humaine fondamentale qui légitime tout édifice  social.
Il se trouve que chez nous l’univers de la justice connaît une situation de crise profonde et généralisée. Celle-ci explique le processus débridé de la faillite aussi bien de l’Etat, de la démocratie que du régime. Voilà qui pose la question cruciale du rapport de l’Etat à la société. En effet, son impuissance face à la criminalité qui gagne tous les domaines de la vie ne peut nullement favoriser la «Révolution de la modernité» ainsi que le développement économique et social.
Par engagement patriotique mais aussi et surtout par conscience nationale, il m’est apparu de mon devoir citoyen de vous entretenir humblement de cette collective impasse existentielle, en votre qualité de symbole de l’unité nationale, arbitre du fonctionnement régulier des institutions et de la continuité de l’Etat.
Pour bien appréhender le déficit de la justice et ses conséquences désastreuses sur l’état de la Nation, j’ai pris en compte quelques indicateurs significatifs pour asseoir ma démarche.

1. Dimensions de la crise de la justice
1.1.    De la distribution de la justice
Comme introduction à ce point relatif à la distribution de la justice en RDC, je mets en exergue cet adage : « A tout seigneur tout honneur ». En effet, le peuple congolais reconnait que c’est sous votre haute direction qu’une vaste réforme de la justice a été mise en chantier à travers la politique sectorielle de la justice. Toute une série des mesures prises durant votre premier mandat ont posé les bases d’une nouvelle justice notamment la nouvelle Constitution qui affirme les droits et libertés fondamentaux et restructure le système judiciaire en réorganisant le Conseil supérieur de la magistrature et en instituant une Cour de cassation, un Conseil d’Etat et une Cour constitutionnelle, sans oublier d’autres lois particulières, décrets et règlements modifiant et complétant le Code pénal. Ainsi la loi n°005/006 modifiant et complétant le Livre II du Code pénal congolais introduit en matière de corruption, les principales innovations par rapport aux dispositions en vigueur :
-(i) la distinction entre la petite corruption et la grande corruption ; cette dernière visant principalement : (a) les actes de corruption commis dans le cadre de la passation des marchés publics et de travail, des fournitures et des services, de l’octroi des droits miniers, des carrières et des concessions forestières ou du processus de privatisation ou de désengagement de l’Etat dans les entreprises publiques ; (b) les actes de corruption ayant pour but l’entrave à la bonne administration de la justice et ; (c) les actes de corruption commis dans le cadre d’une organisation criminelle;
- (ii) les actes de corruption visant aussi bien un agent public qu’un particulier;
- (iii) la réaffirmation du rôle du pouvoir judiciaire dans la prévention, la détection et la répression de la corruption et des infractions similaires;
- (iv) la protection des dénonciateurs des actes de corruption (témoins, experts et victimes et leurs familles) contre les actes de représailles ou d’intimidation et leur absolution de toute poursuite pénale pour dénonciation faite de bonne foi devant l’autorité judiciaire compétente agissant dans le cadre d’une procédure judiciaire;
- (v) l’introduction des mécanismes d’entraide judiciaire et d’extradition en matière d’enquêtes, de confiscation et des poursuites judiciaires contre les actes de corruption commis hors du territoire national ou dans le cadre d’une organisation criminelle et enfin ;
-(vi) la réévaluation des taux d’amende devenus très modiques.
La réforme du secteur de la justice s’est étendue dans le secteur privé avec la promulgation de nouveaux codes des investissements et du travail, un nouveau code minier avec ses principaux décrets portant mesures d’exécution, un nouveau code forestier. Dans le domaine de la régulation des télécommunications, l’Autorité de régulation des postes, téléphones et télécommunications (ARPTC) a été créée sur pied d’une loi-cadre édictée à cet effet.

Excellence Monsieur le Président de la République,
L’histoire reconnait donc que dès le début de votre mandat, les instruments normatifs ont été mis en place, avec pour objectif global de rapprocher la justice du justiciable tant en ce qui concerne la facilitation de l’accès aux services judiciaires dans leur ensemble qu’en ce qui concerne l’amélioration qualitative de l’offre de justice. Ce volet a induit un certain nombre d’activités concrètes, à savoir: l’implantation progressive des tribunaux de paix, le recrutement et la formation des magistrats, la réduction du coût de la justice ...
Aujourd’hui, avec pertinence, l’histoire s’interroge: pour quels résultats ? Question d’autant fondamentale qu’il apparait clairement que l’échec du pouvoir judiciaire et la mauvaise distribution de la justice traduisent la responsabilité et l’impuissance même de l’Etat, son incapacité à assurer la sécurité commune, à subvenir aux besoins des citoyens dont il a pourtant la responsabilité du destin collectif.

1.2. Justice - sécurité nationale, intégrité du territoire et gouvernance politico-administrative
Excellence Monsieur le Président de la République,
Depuis près de deux décennies, la RDC est victime des guerres d’agression et mutineries récurrentes qui ont mis en mal la sécurité collective, la souveraineté nationale et l’intégrité de notre territoire. Si la non professionnalisation de l’armée et l’obsolescence de son équipement constituent la cause cardinale de nos débâcles militaires, on reconnait aussi que les détournements des soldes des militaires, la vente des armes par la hiérarchie militaire ainsi que d’autres trahisons ont fini par émousser la combativité de nos soldats sur le champ de batailles. Ceci est d’autant préjudiciable à la souveraineté nationale que ceux qui avaient commis ces crimes se retrouvent, par d’inexplicables et répétitives amnisties, entrain de jouir d’une liberté qu’ils ne méritent pas.
Et, dans un pays où l’armée elle-même est un corps dont la cohérence a été fragilisée par d’innombrables mixages et brassages, on doit pouvoir affirmer sans l’iota d’un doute que l’impunité a été à la base de la liquéfaction de notre armée, avec pour conséquences majeures nos déboires sur les champs de bataille et l’instabilité politique de la RDC. Il est donc regrettable de relever que dans un pays doté d’instruments normatifs et de textes pour punir les coupables, la non application de ces règles et l’impunité soient à la base de la déstructuration de toute la puissance de l’Etat. Ainsi la lame de fond qui gangrène toute la gouvernance nationale porte sur le non respect des lois et règlements de la République.

Excellence Monsieur le Président de la République,
Du point de vue de l’expérience de la démocratisation, il y a lieu de faire état d’un certain nombre de ratés. A titre d’exemple, le contrôle du pouvoir législatif sur le pouvoir exécutif, tant au niveau central que provincial, demeure biaisé faute d’un contrôle parlementaire objectif et responsable qui soit conforme à la lettre et à l’esprit des textes en vigueur, tant et si bien que l’institution parlementaire ne bénéficie pas d’un large crédit au sein de l’opinion nationale et internationale.
Ici, apparaissent, dans leurs grandeurs incommensurables, l’injustice, les iniquités, les incuries et l’inefficacité de l’architecture institutionnelle de notre pays. En effet, doit-on s’interroger, lorsqu’un citoyen congolais veut dénoncer une incurie imputable à l’Etat, lorsqu’il veut s’insurger contre la mal-gouvernance du pays, lorsqu’il veut se plaindre d’une violation révoltante des droits de l’homme, ... Auprès  de qui va-t-il s’adresser? Peut-être au pouvoir législatif, quand il s’agit de scélératesses posées par une autorité du pouvoir exécutif ! Mais quelle suite heureuse attendre des élus, pour peu que l’opinion nationale s’imagine que la majorité parlementaire est le pouvoir exécutif au parlement et que le gouvernement serait l’instrument exécutif de la majorité parlementaire ! Et la justice ? Les juges, les magistrats et les avocats seraient des électrons libres! Qui dit le droit et qui sert l’intérêt général, l’intérêt du peuple ? Pour quelles raisons l’arbitre, le garant institutionnel, serait-il devenu impuissant ?
En vérité, les pouvoirs législatif, exécutif, et judiciaire demeurent encore consubstantiels. Entre eux, la séparation des pouvoirs est dans le texte, la connivence des institutions dans les faits. Montesquieu a pensé que : «Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ». Cette célèbre évocation, extraite de son œuvre, De l’esprit des lois, ne demeure-t-elle pas un triste vœu pieux chez-nous? Parce qu’un tel transplacement des rôles et des attributions ne peut que donner lieu au parlementarisme de façade et à la justice fortement instrumentalisée. Encore une fois on doit pouvoir affirmer que la non application des dispositions constitutionnelles et légales séparant les pouvoirs classiques pour en assurer l’efficacité et l’humanité a conduit à la confusion des pouvoirs, à l’inefficacité gouvernementale et à l’impuissance de l’Etat.

1.3. Justice-économie et développement
Excellence Monsieur le Président de la République,
Il est surprenant que la RDC, pays doté d’un arsenal juridique et judiciaire abondant, tant civil que militaire, ait acquis la réputation d’un pays où les investissements ne sont pas sécurisés et où le climat des affaires est resté longtemps délétère !
En effet, les rapports de «Tranparency international» de ces dix dernières années, classent systématiquement la RDC parmi les pays où la corruption est très élevée. Ici le pillage des biens de l’Etat est un sport national ! Les contrats miniers sont octroyés dans des conditions qui frisent le hold-up financier, l’Etat étant spolié comme un bien sans maître ! Ainsi s’explique ce paradoxe: la RDC produit et exporte actuellement plus de cuivre qu’il y a trois décennies! Pourtant, plus qu’hier, la situation socio-économique ne s’est guère suffisamment améliorée, les flux financiers vont dans les poches des individus, nationaux et étrangers, tous liés dans des entreprises de prédation, pillage, enrichissement illicite, délit d’initié; blanchiment d’argent et diverses opérations maffieuses !
La conséquence de cet état des choses est que, malgré les réformes et les lois attractives, très peu d’investisseurs se risquent en RDC parce qu’ils savent que dans notre pays, il y a un hiatus entre les lois,  les parquets et les tribunaux ! Entre les lois et leur application, s’intercalent de nombreux magistrats corrompus, des juges abusifs, des avocats véreux et des politiciens inconscients, tous liés dans « une association pour la violation volontaire des lois et règlements sur fond d’un clientélisme antipatriotique». Ainsi l’absence de la justice dessert totalement le Congolais, l’économie et le développement du Congo.

1.4. Justice, équité et droits socio-économiques
Excellence Monsieur le Président de la République
S’agissant des droits socio-économiques et culturels, c’est avec plaisir que nous nous rappelons que la RDC est signataire du «Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels », adopté à New-York le 16 décembre 1966 par l’Assemblée Générale des Nations Unies dans sa résolution 2200 A (XXI). Ce Pacte édicte des droits protégés auxquels tous les peuples doivent accéder absolument, à savoir : droit au travail, à l’orientation, à la formation (Art.6) ;droit aux conditions de travail justes et favorables (art.7) ;droit à un niveau de vie suffisant pour soi-même et pour sa famille, y compris une nourriture, un vêtement, et un logement suffisant (art.11 par.1) ; droit d’être à l’abri de la faim et de l’insécurité alimentaire( art.11 par.2) ; droit de jouir d’un meilleur état de santé, sécurité sanitaire et couverture maladie universelle (art.12) ; droit à l’éducation, y compris la gratuité progressive de l’enseignement secondaire et de l’enseignement supérieur (Art.13) ; pleine application de la gratuité de l’enseignement primaire pour tous (art.14),...
L’accès, par des peuples, à ces droits protégés, fonde la quintessence de la politique sociale et économique de tout Etat moderne, en référence à la notion de la Justice comme équité et de la justice sociale, qu’elle soit distributive ou redistributive. Il est à déplorer que la RDC soit devenue l’un des rares pays en Afrique où le social de la population est le plus naufragé, faute d’une véritable politique assurancielle qui soit basée sur des mécanismes concrets et efficaces de protection, de solidarité sociale et de correction de trop grandes inégalités. En effet, dans notre pays, les salaires des fonctionnaires, militaires, policiers et enseignants sont généralement très microscopiques, c’est-à-dire ne permettant pas, comme disait Patrice-Emery Lumumba dans son célèbre discours de 30 juin 1960 « … de prendre soin des êtres qui nous sont chers, nos enfants, et de les envoyer à l’école,... ». La pauvreté conduit le Congolais à des bizarreries comportementales suicidaires.
A ce sujet, il suffit de rappeler le phénomène bien connu au sein de l’administration et des services publics, où le personnel éligible à la retraite refuse d’aller en pension du fait que, pour la plupart, celle-ci reflète le spectre de la mort et de la descente aux enfers. Parce que la sécurité sociale, malgré des campagnes médiatiques pompeuses de certaines entreprises congolaises, n’est que de la poudre aux yeux: ce qu’on paie à un retraité qui a cotisé toute sa vie, ne lui permet, mensuellement, que de manger médiocrement pendant quatre jours du mois, sans compter l’exclusion inhumaine aux soins médicaux ! Faute d’une politique sociale, aucune statistique n’est produite sous l’égide de l’Etat sur l’évolution du chômage dans notre pays. Par ailleurs, l’Etat n’a pas déterminé le SMIG, laissant ainsi un vide qui profite aux employeurs sans foi ni loi !

1.4.1. L’Accès à l’eau potable
Excellence Monsieur le Président de la République,
La RDC est considérée comme le château d’eau douce de l’Afrique. Pourtant, malgré ces potentialités, notre pays présente un tableau des plus tristes: 83% des Congolais n’accèdent pas à l’eau potable selon le rapport du Renadhoc. Pourtant, dans ce secteur, l’Etat devrait avoir une politique durable et cohérente.
Le Congolais a l’impression d’être victime d’une véritable politique des inégalités avec pour objectif de précariser sa vie à l’infini ! Cette anxiété existentielle est d’autant plus légitime qu’il apparaît clairement, comme dans le cas de la justice en général, que même la mise en exécution d’un vaste programme d’alimentation en eau initié bruyamment ne produit pas les résultats escomptés faute de contrôle et de sanctions.

1.4.2. L’Accès à l’électricité
L’eau n’est pas la seule denrée rare en RDC, il y a aussi l’électricité !  En effet, comme dans le cas de l’eau, il est légitime de s’interroger: comment la RDC, dont le potentiel électrique est parmi les plus élevés au monde et dont la capacité installée est suffisante pour offrir du courant électrique à sa population, ne fournit du courant qu’à moins de 1% de sa population, selon le dernier rapport du Renadhoc ? Une telle situation traduit un discrédit de la politique mise en œuvre. D’autant plus que, il y a dix ans, c’était plus de 9% de notre population qui accédait à l’électricité.
Aujourd’hui faute d’électricité, nos enfants étudient à la lampe tempête et à la bougie. Faute d’électricité, la RDC présente le taux le plus faible d’accès à l’internet donc aux nouvelles technologies de l’information! Sans électricité permanente, il y a impossibilité, pour les entrepreneurs congolais, de mettre en place la petite industrie de base: la meunerie, la menuiserie, la pâtisserie, la réfrigération. L’absence d’électricité induit la recrudescence de l’insécurité.
Là aussi, entre les réformes annoncées, les financements consentis et la réalité sur le terrain, il y a un hiatus. Il y a 10 ans, près de 10% des Congolais accédaient à l’électricité et aujourd’hui, il y a moins de 1% ! Quels sont les problèmes insolubles qui se greffent, depuis des décennies, sur l’eau et l’électricité au Congo ? La persistance de ces problèmes traduit-elle l’incapacité du Congolais à gérer la SNEL ou la REGIDESO ? C’est la volonté politique qui manque pour placer l’homme qu’il faut à la place qu’il faut, l’encadrer, le sanctionner, positivement ou négativement. Nous sommes convaincus que ce ne sont pas les têtes ni les moyens qui manquent !
Ici, tout partenariat étranger est appelé de tous les vœux par la population. Laisser perdurer l’incurie des gestionnaires actuels est une injustice et une violation du droit constitutionnel.

Excellence Monsieur le Président de la République,
Vos Compatriotes ne sont pas seulement privés d’eau et d’électricité, ils accèdent aussi très difficilement à la nourriture! Ainsi, le rapport FAO révèle que 75% de vos compatriotes accèdent très difficilement à un repas par jour ! Comment peut-on, en effet, penser que ce grand pays, jouissant du soleil et de la pluie toute l’année, puisqu’à cheval sur l’Equateur, puisse manquer de nourriture pour son peuple si ce n’est que par l’absence d’une justice distributive?
Depuis plusieurs décennies, le projet «Agriculture, priorité des priorités» n’a produit aucun fruit parce que les moyens financiers et matériels ont été gaspillés ! Alors que dans d’autres parties du monde l’Agriculture constitue le socle de tout développement, au Congo, l’agriculture n’est pas suffisamment soutenue par une politique agricole durable fondée sur une quotité budgétaire suffisante dans le cadre d’un projet national à court, moyen et long terme. Ce faisant, l’Etat consacre ses faibles recettes à l’importation des denrées de consommation de base ! C’est franchement contre-productif.

Excellence Monsieur le Président de la République,
Depuis les dernières élections, votre  vision de développement émaille l’espace politique Congolais. C’est la « Révolution de la modernité ». Et chaque jour qui passe, on voit des ministres et des PDG inaugurer des tronçons routiers par ici et par là! Pourtant le dernier rapport Mo Ibrahim sur les infrastructures classe la RDC juste au dessus de la Somalie! Et pour cause ? Comme dans tous les autres secteurs de la vie nationale, la magouille, la tarification fantaisiste du kilomètre routier, les commissions et retro-commissions, les marchés de gré à gré, ... gangrènent la construction des routes et d’autres infrastructures en RDC ! La conséquence est qu’aujourd’hui, quelques semaines à peine après leur livraison, apparaissent déjà des nids de poule et autres vices d’aménagement ! Comme nous l’avons dit, le non respect de la loi, la corruption et l’impunité gangrènent aussi ce secteur de grande visibilité pour votre quinquennat.
Comme autres retombées sociales de la crise de la justice et des droits de l’homme, l’on peut épingler les fléaux des enfants de la rue, du phénomène Kuluna, de la dépravation des mœurs, de la faiblesse du taux d’accès à l’enseignement primaire, de la faible réussite dans l’enseignement secondaire, de l’exclusion au service, de santé etc. .... A en croire ces quelques indicateurs, il s’avère impossible que la RDC atteigne tous les OMD (Objectifs millénaires pour le développement) d’ici deux ans.
En définitive, il y a lieu d’affirmer qu’à l’allure où sévit la crise de la justice, le principal danger que court le pays est celui de voir l’Etat produire et reproduire une société de l’individualisme, de l’ethos du moi, de l’inculture et de l’inhumanité qui n’est autre que la société HOBESIENNE ou d’animalité, celle où chacun cherche à se débrouiller pour soi, où le sens de service public s’évanouit, et où l’homme devient un loup pour son semblable !

2. Vers quelles voies de sortie?
Excellence Monsieur le Président de la République,
Le principal enseignement qui se dégage des développements ci-haut, est que la faillite de la justice est à l’origine de la faillite de l’Etat et de la société congolaise toute entière. Un tel contexte de profonde désintégration sociétale rend impossible la moindre cohésion entre Congolais, chacun prenant conscience de l’écart qui se creuse entre la classe des riches et celle des pauvres. Voilà qui contribue à l’effritement de la puissance publique de l’Etat, avec comme conséquence le refuge dans sa province, sa tribu ou dans les activités illicites afin d’échapper ou d’atténuer la misère sociale.
Pour sortir d’une situation aussi gravissime, il incombe à la plus haute autorité, qui incarne le pouvoir d’Etat et sa légalité, d’en prendre toute la mesure, d’en scruter les voies d’éradication avant qu’il ne soit trop tard, au lieu de laisser chacun de nous réduire le pays à sa famille, à son groupe d’intérêts !
Les voies de sortie à préconiser postulent de nouveaux retournements en profondeur, moyennant l’élaboration et la mise en œuvre d’une véritable politique de sauvetage judiciaire destinée à combattre la maladie dans toute sa métastase. Cette politique est à bâtir sur le postulat selon lequel, seule la justice est capable de réguler la société et l’Etat, de redonner l’espoir à tous, de favoriser la cohésion et l’unité nationales, d’impulser l’économie et le bien-être de la population. Elle devra s’articuler autour de quelques idéaux:
1. Viser une véritable justice transitionnelle qui induit le devoir de mémoire et d’équité pour les six millions de morts ainsi que de nombreuses victimes des viols et violences humaines;
2. Briser le cycle des inégalités, de la pauvreté et de la misère sociale en canalisant et en capitalisant toutes les frustrations de la masse autour du projet de la justice distributive et redistributive de la richesse nationale;
3. Réfléchir en profondeur sur la manière dont la RDC entend, au regard des intérêts fondamentaux du peuple et de ses valeurs de justice et de liberté, se projeter dans la sous-région, dans le reste de l’Afrique et dans le monde, moyennant des choix stratégiques;
Refonder l’Etat et la République sur base de «l’esprit des lois», ouvrant ainsi le plus grand chantier de la justice, de la loi et du droit, condition de la grandeur de la Nation, un challenge auquel chaque Congolais est appelé à compétir, sous votre impulsion directe et votre haute gouverne.
Cette politique devra avoir comme finalité : construire un pays, un Etat et une société bâtis sur le sens et le respect des normes, de la loi, du droit, de la justice et de l’équité en tant que valeurs d’humanité et conditions de la grandeur de tout peuple et de toute la nation.

Excellence Monsieur le Président  de la République,
Que des commentateurs trop zélés et antipatriotiques   ne viennent pas auprès de vous déformer le sens de mon propos. Je ne cherche pas le pouvoir. Rapporteur du Sénat, je suis au pouvoir avec vous.  Dans le même bateau.  Je suis convaincu qu’avec l’action judiciaire, en toute équité, à travers les Cours et les tribunaux,  notre crédibilité  s’en retrouverait  accrue. Nous redonnerons espoir au peuple, nous rassurerons davantage les entrepreneurs et les investisseurs dans l’effort d’amélioration du climat des affaires.
Excellence Monsieur le Président de la République,
En vous remerciant de tout cœur de l’attention que vous aurez à porter à la présente, je vous prie de bien vouloir agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de ma très haute considération.
Fait à Kinshasa, le 30 mars 2013
Modeste Mutinga
Sénateur

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