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jeudi 27 septembre 2012

RDC : Les ONG devraient tenir compte de la violence contre les animateurs de la société civile

Johannesburg, le 26 septembre 2012 - A Goma, six défenseurs des droits humains dont maître Jean-Mobert Nsenga du barreau de Goma, ont été arbitrairement arrêtés et torturés par des agents de la Police Nationale Congolaise (PNC). La raison en était qu’ils s’étaient joints à une centaine de jeunes qui tentaient de s’exprimer pacifiquement contre la violence du mouvement terroriste du M23 dans le Kivu. Me Nsenga souffre d’un traumatisme cutané et un œil gonflé, de suite de la torture subie. Il a été relâché dans la nuit du samedi 22 septembre. Rappelons que le 21 septembre était la journée internationale de la paix dans le monde.
Ce même 21 septembre à Kinshasa, des avocats qui s’étaient exprimés contre le harcèlement judiciaire du Parquet Général de la République (PGR) à l’endroit du Bâtonnier National Mbuyi Mbiye, avaient reçu des intimidations et menaces d’atteinte à leur intégrité physique. L’un de ceux qui menaient la campagne en faveur de la bonne administration de la justice, en défendant l’indépendance du Barreau National, Me Sylvain Lumu, avait été brutalisé et avait échappé de justesse à un enlèvement des services de l’Agence Nationale de Renseignements (ANR). Ces agents du service public bien identifié utilisent cette méthode illégale à travers le pays.
D’aucuns se convainc que les malheurs du bâtonnier national viennent du fait qu’il avait autorisé à une cinquantaine d’avocats de défendre pro deo (gratuitement) les familles des défenseurs des droits humains Floribert Chebeya et Fidele Bazana, dans l’affaire qui les opposent au Général John Numbi Banza Tambo et consorts devant les juridictions militaires.
A Mbuji-Mayi, des journalistes et défenseurs des droits humains vivent dans la peur ; car ils sont dans le collimateur du gouverneur de la province du Kasaï Oriental, Ngoie Kasanji. Ils avaient dénoncé des exactions des militaires des Forces armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) (à la recherchent du Colonel John Tshibangu) qui entre autres contraignent la population civile à leur donner la nourrir « au front ».
La PNC, l’ANR, les FARDC et le gouvernorat. Que des services publics de l’Etat qui devraient protéger la population, ses biens, et sécuriser le territoire national. Mais pourquoi s’attaquent-ils aux animateurs de la société civile qui viennent en appui à l’Etat pour l’émergence des valeurs démocratiques et du bien être collectif ? Pourquoi ces agents et fonctionnaires de l’Etat s’évertuent à enfreindre des valeurs morales, principes et pratiques érigés en lois de la RDC opposables à tous les citoyens ? Pourquoi vouloir ériger la terreur contre les défenseurs des droits humains, des avocats et des journalistes qui ne font que renforcer des mécanismes démocratiques ?
Il se dégage clairement que la lecture des événements soit diamétralement opposée, selon qu’on soit dans un camp ou dans un autre, pourtant « agissant tous au bénéfice de la population ». A partir de ces cas énumérés ci-avant, il y a lieu de croire que des agents de l’Etat aient une toute autre compréhension des faits qui les pousse à agir contre ceux qui pensent contribuer au bien être collectif. Les ONG, les avocats, les journalistes et les églises se trouvent ainsi dans l’obligation de développer des études qui leur permettraient de comprendre ce qui se passe réellement et adopter une autre stratégie de communication avec les citoyens qui servent sous le drapeau. Les hommes sont si aveugles, si entrainés par le besoin du moment, qu’un trompeur trouve toujours quelqu’un qui se laisse tromper.
Ce qu’on doit savoir quand on sert sous le drapeau.
Le service sous le drapeau requiert de l’information sur des notions aussi élémentaires que le devoir de n’obtempérer qu’aux ordres légaux.
Fort de l’histoire, le législateur congolais a déjà renforcé le droit en enjoignant aux agents de l’Etat sous entendant des militaires, des agents de service de police et autres forces de sécurité de ne rien faire qui puisse aller à l’encontre du droit le plus élevé que constitue l’ensemble des droits humains et des valeurs morales. Il est ainsi stipulé à l’article 28 de la Constitution que « nul n’est tenu d’exécuter un ordre manifestement illégal. Tout individu, tout agent de l’Etat est délié du devoir d’obéissance, lorsque l’ordre reçu constitue une atteinte manifeste au respect des Droits de l’Homme et des libertés publiques et des bonnes mœurs. […] ».
Et pourtant, des exécutants des basses besognes croient souvent à ce qu’ils font, adhèrent à leur mission et se mobilisent activement. Bien que des ordres donnés soient souvent assez vagues, des responsables de la mise en œuvre prennent des initiatives pour atteindre les buts fixés. Ils ajoutent donc autre chose que du simple respect des ordres.
Au regard de l’application que des cours et tribunaux ainsi que des préposés de l’administration publique font des dispositions constitutionnelles qui garantissent les droits fondamentaux, une érosion certaine à la défaveur de la population se fait remarquer. Le peuple n’est pas seulement soumis aux atrocités des milices et groupes armés qui opèrent impunément dans la région Est du pays, mais il se doit, en plus, de lutter contre le zèle des fonctionnaires, le cynisme qui nourrit l’ambition des politiques, la cruauté et l’avarice des militaires.
La violence croissante qui résulte de l’ignorance de la possibilité de refuser d’obéir aux ordres illégaux démontre de la nécessite et de l’urgente de discuter des notions telle que la théorie de « la baïonnette intelligente ». Celle-ci énonce en droit pénal la condamnation de l'obéissance à un ordre manifestement illégal. Discutant de la reforme du droit pénal congolais, le Professeur Pierre Akele Adau dit avec autorité de magistrat militaire que même l'engagement militaire ne saurait faire disparaître la conscience ou l'intelligence de ses actes. Il continue son raisonnement en des termes clairs : « la discipline militaire ne peut, dans un Etat de Droit, valoriser des modèles de comportement contraire à la loi […] Ce qui est primordial, ce n’est pas la discipline mais la légalité de cette discipline ». Donc le principe de base ne peut être la discipline seule, mais la considération de la légalité. Ainsi, on peut conclure avec Akele « qu’on obéit à l’ordre de l’autorité parce que, par définition, cet ordre et cette autorité s’appuient sur la loi. »
Tenant compte du degré de destruction de la conscience collective du fonctionnaire congolais face aux valeurs telle que le respect de la loi, de la dignité humaine et de la vie ; et au regard de la souffrance que subit la population, y compris le fonctionnaire, le policier, le militaire et l’agent de l’ANR ; des nouvelles stratégies s’imposent pour faire comprendre l’intérêt à refuser d’obéir aux ordres qui font courir le risque d’y répondre individuellement.
Ainsi donc, les églises et les animateurs des ONG qui militent pour la promotion des valeurs démocratiques et d’un Etat de droit devraient se tourner vers l’éducation des masses, afin de concilier les intérêts du peuple avec ceux des services publics notamment de la PNC, des FARDC et de l’ANR. Il y a obligation de répondre à la recrudescence de la violence, par un réarmement moral portant sur des enseignements sur la mission de chacun dans la société. Faire la promotion des valeurs de la solidarité nationale, la justice, le sens du service.

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