APO

mardi 4 septembre 2012

Conférence de presse du porte-parole du gouvernement



(Du 3 septembre 2012)
Le point principal de notre communication de ce jour porte sur le dossier de l’agression perpétrée contre notre pays à partir du territoire du Rwanda. Cette agression fait l’objet de débats en cours dans les médias nationaux et globaux ainsi qu’au sein du Comité des sanctions du Conseil de sécurité des Nations Unies et au Rwanda même où des officiels multiplient des déclarations en sens divers à ce sujet.
L’événement de la fin de la semaine aura été le grand spectacle son et lumière offert gratuitement par les autorités du Rwanda sur le retrait de quelques 300 de leurs militaires qui auraient, selon leur version, continué à bivouaquer sur notre territoire sur base de l’Opération Umoja Wetu dans le cadre duquel nos deux pays avaient organisé la traque conjointe des FDLR par les FARDC et les RDF début 2009.
La première chose à dire à ce sujet, c’est que les observateurs rwandais qui sont supposés avoir été retirés en la circonstance avaient pour mission la surveillance de la frontière Rwanda – RDC de concert avec leurs homologues de la RDC. Ils n’ont strictement rien à voir avec l’Opération Umoja Wetu qui a, comme on le sait, définitivement pris fin en date du 25 février 2009 et n’a jamais, je dis bien jamais, été prorogée. Il est tout de même curieux que le gouvernement rwandais qui a régulièrement accusé la RD Congo de soutenir les FDLR cherche aujourd’hui à faire croire en l’existence d’accords secrets entre les deux Etats pour une sorte de tacite prorogation de l’opération anti-FDLR Umoja Wetu. Quand faut-il croire Kigali ? lorsqu’il nous accuse auprès de la Communauté internationale d’appuyer les forces négatives des FDLR ? ou lorsqu’il essaye de soulever l’opinion publique congolaise en suggérant qu’il existerait un accord secret autorisant la projection des troupes rwandaises sur notre territoire même après l’agression de ce pays contre le nôtre ? Dans ce cas précis, à force de mentir, les Rwandais ont fini par s’entremêler les pinceaux.
La vérité la voici : longtemps après la défunte ops Umoja Wetu un accord bilatéral avait organisé un mécanisme de surveillance aux frontières entre la RDC et le Rwanda. Il s’agissait du déploiement dans ce cadre, d’une centaine d’officiers de renseignements militaires de part et d’autre afin de se rassurer mutuellement face aux accusations réciproques de déstabilisation.
Il importe de noter que les soldats rwandais  que le Rwanda montre à profusion au moment où ils quittent notre pays, sont pour la plupart des hommes de troupes. Ils sont de loin plus nombreux que la centaine d’officiers convenue par le mécanisme de vérification. Les soupçons de déstabilisation de la RDC par le Rwanda ayant été confirmés par diverses sources toutes crédibles  (Monusco, HRW, Experts des Nations Unies), il est clair pour le Gouvernement congolais que l’armée rwandaise a profité du retrait de ces officiers de renseignement membres du mécanisme conjoint de vérification pour exfiltrer quelques uns de ses éléments infiltrés en RDC pour attaquer les FARDC aux côtés du groupe fictif M23. On ne peut expliquer autrement le fait que cette unité prétendument affectée à une action conjointe avec les FARDC ne soit pas passée par un poste frontalier contrôlé par les FARDC, préférant rentrer au Rwanda par une zone sous contrôle de la pseudo-mutinerie du M23. Pire, Kigali a refusé toute présence de la Monusco au titre de témoin international de ce mouvement de retrait. Nous ne pouvons donc confirmer ni le statut, ni le nombre des personnes armées qui ont été exhibées dans les médias par le Rwanda.
Toute la publicité tapageuse qui a accompagné ce départ ne change donc aucune donnée quant à la réalité de l’agression rwandaise contre la RD Congo. Prétendre qu’il n’y a pas agression du simple fait du spectacle de troupes quittant une zone d’observation est une vaine et lamentable tentative de falsification de la vérité.
Bien plus, c’est le Gouvernement congolais qui a demandé et obtenu le démantèlement du mécanisme bilatéral de surveillance frontalière devant l’accumulation des preuves de l’agression rwandaise. Il lui a été substitué un autre mécanisme élargi à tous les pays de la région. En affirmant effrontément avoir initié unilatéralement ce démantèlement, le Rwanda a donc menti une fois encore.
Comme on peut s’en rendre compte, la duplicité et le mensonge sont omniprésents dans toutes nos interactions avec le gouvernement rwandais alors que la RDC avait, au cours de ces trois dernières années, parié sur la bonne foi de ce pays voisin pour porter ensemble un projet de pacification et de réhabilitation des peuples de la région dans leurs droits élémentaires. Un pari qui risque d’être perdu si des pressions efficaces ne sont pas exercées sur le gouvernement de ce pays agresseur.   
Le gouvernement rwandais s’agite parce qu’il digère mal son échec diplomatique dans la énième crise qu’il a suscitée chez nous. La magie des mots ne peut plus abuser le monde et faire disparaître ou atténuer sa responsabilité dans la déstabilisation du Kivu. Sur ce dossier, la position du gouvernement de la RD Congo est circonscrite en un mot : résistance. Notre résistance à l’agression du Rwanda nécessite un soutien de la Communauté internationale à travers une action décisive du Conseil de sécurité qui reste un complément indispensable si on veut obtenir un changement de comportement de la plupart des dirigeants de ce pays qui évoluent encore au stade primaire des légendes chimériques, infamantes, arrogantes et méprisantes dans leur gestion d’une crise majeure dont ils portent la lourde responsabilité.
Un membre du Gouvernement du Rwanda vient ainsi d’apporter une preuve de la forfaiture des autorités de ce pays à l’Est de la RDC. Il suffit en effet de lire l’entretien du général James Kabarebe, ministre de la défense du Rwanda, avec Colette Braeckman du quotidien belge Le Soir pour se rendre compte de la pertinence des conclusions des experts onusiens qui présentent cet officiel rwandais comme le maître d’œuvre de la déstabilisation du Kivu.
Tout en déclinant avec une précision, dont les raisons sont plus qu’évidentes, les motivations de tous les protagonistes de la guerre, le Rwandais James Kabarebe se lance tête baissée dans un vibrant plaidoyer pour justifier les comportements criminels les plus abjects de la pseudo mutinerie du M23 que son gouvernement présente pourtant comme une affaire purement congolaise.
L’implication du Rwanda dans la déstabilisation du Kivu se déduit fort aisément de ses allégations selon lesquelles le Gouvernement congolais aurait eu tort de refuser d’«écouter (ses) conseils » le pressant d’accéder aux revendications fantaisistes de ses créatures du M23. C’est dans un piège mortel que la RD Congo a failli être entraîné par les autorités rwandaises pour qui la coopération sécuritaire anti-FDLR n’a été considérée que comme une opportunité pour le lancement du groupe criminel et antipatriotique M23.
Le général rwandais Kabarebe est sorti du bois pour voler au secours de ses créatures du M23, un mouvement prétendument congolais dont il devient carrément l’avocat des thèses les plus farfelues.
On sait que le M23 a tenté de faire croire que les accords de Goma de 2009 entre le Gouvernement congolais et plusieurs mouvements armés qui opéraient alors dans les Kivu dont le CNDP, son ancienne dénomination, n’auraient pas été respectés. Sans convaincre grand monde. Les faits établissent, au-delà de tout doute raisonnable, que l’accord de paix de Goma a été respecté comme l’a établi sans ambages l’ancien président nigérian Olusegun Obasanjo qui en avait assuré la négociation ainsi que le suivi de la mise en oeuvre. Sur le plan politique, les cadres de l’ex-CNDP occupaient dans le pays des fonctions importantes notamment dans le gouvernement provincial du Nord-Kivu et dans l’administration territoriale. Sur le plan militaire, des grades ont été reconnus aux ex-combattants du CNDP dont certains, élevés aux rangs d’officiers généraux et supérieurs des FARDC ont occupé, et occupent, des fonctions stratégiques. Que les traîtres à la solde des Rwandais aient signé leurs revendications pour l’obtention de grades en leurs qualités d’officiers généraux ou supérieurs illustre bien le paradoxe de cette revendication. Leur exigence de constituer au sein des forces armées de la République des petites principautés communautaires que le ministre rwandais de la défense se permet de soutenir relève de l’existence d’un complot pour miner de l’intérieur les FARDC, entretenir leur fragilité et faciliter la déstabilisation de l’Est de notre pays.
Comment expliquer autrement l’inertie consistant à vouloir imposer à un pays tiers une organisation militaire dans laquelle, contrairement à ce qui se fait au Rwanda, les officiers et hommes de troupes décideraient eux-mêmes de leur affectation, de leur localisation et de leurs missions. M. Kabarebe sait très bien que ce qu’il demande pour ses poulains du M23 ne correspond à aucun mode d’organisation d’une armée moderne, professionnelle et républicaine.
Dans son apologie du M23, le ministre Kabarebe se contredit d’une part, tout en reconnaissant l’intégration des ex-CNDP dans l’armée, une intégration est un processus et qui de ce fait ne peut être que progressive, il tient pour justificatif de la mutinerie de ses poulains le prétexte que ces ex-miliciens n’auraient pas été traités comme les autres membres de l’armée. D’autre part, il s’époumone pour réclamer que ces ex-CNDP soient traités comme une catégorie à part, différemment des autres unités de l’armée, récusant dans la foulée la seule procédure par laquelle l’égalité de traitement aurait été pleinement assurée, à savoir : l’insertion réelle des ex-combattants dans différentes unités où ils ne devraient plus être identifiés comme éléments du CNDP, mais simplement FARDC. De toute évidence pour Monsieur Kabarebe, la logique est à géométrie variable suivant qu’il s’agit du Rwanda ou de la RDC. Bien plus, M. Kabarebe oublie dans ses analyses d’expliquer pourquoi la majorité des ex-membres du CNDP n’a pas répondu favorablement à ses injonctions les appelant à trahir les Intérêts Nationaux de leur pays.
S’agissant du retour des réfugiés congolais dans leur pays qui est un autre prétexte mis en exergue par le général Kabarebe pour justifier la déstabilisation du Kivu, il convient de rappeler qu’après l’accord tripartite Rwanda – RDC – HCR, le processus de rapatriement des ressortissants congolais réfugiés dans divers pays de la région avait été bel et bien engagé et se déroulait de manière convenable avant que la guerre imposée à la RDC par lui-même et ses affidés ne vienne en compromettre la poursuite normale.
Les propos arrogants et discourtois du ministre rwandais à l’encontre du leadership congolais sont révélateurs d’un état d’esprit malsain dans les hautes sphères du pouvoir au Rwanda à l’égard de la RDC et de son peuple. Il n’y a pas en RDC des problèmes de gouvernance à même de justifier le présent conflit au Nord-Kivu. Affirmer le contraire nous conduirait à poser la question de savoir pourquoi de tous les neuf voisins de la RDC, seul le Rwanda souffrirait des conséquences de cette prétendue mauvaise gouvernance étant donné qu’avec tous nos autres voisins, les relations sont au beau fixe. Par ailleurs, où donc le gouvernement rwandais aurait-il reçu le mandat pour exercer une sorte de tutelle sur la gouvernance de la République démocratique du Congo ? Devons-nous croire que le gouvernement auquel appartient M. Kabarebe se donne la mission de combler le vide de leadership qu’il y aurait au Congo qu’il prétend voir au Congo ? Si oui, au nom de quel principe ?

N’est-ce pas pour le moins téméraire pour ledit gouvernement qui organise des élections au score « soviétique » de plus de 95%, terrorise et muselle son opposition, veuille donner des leçons de bonne gouvernance démocratique à qui que ce soit ? Il n’a aucune autorité morale pour ce faire.
Il est indispensable que le Rwanda mette fin à sa fuite en avant qui ne favorise pas le retour à la paix et à la stabilité dans la région des Grands Lacs. Il est aussi utile de rappeler, comme l’a déjà fait le Ministre congolais des Affaires Etrangères Raymond Tshibanda au Comité des sanctions du conseil de sécurité de l’ONU, qu’ "Une telle implication d'officiels de haut rang en fonction dans une armée étrangère en soutien à une rébellion est constitutive d'un acte d'agression qu'il appartient au Conseil de sécurité de constater conformément au chapitre VII de la Charte".
Le Président de la RD Congo et son gouvernement ont été bien inspirés de ne pas offrir la moindre brèche à l’idée d’une légitimation même symbolique de la balkanisation du pays que recherchent les ennemis de la paix à travers des négociations entre les institutions nationale légitimes et des groupes à la solde des prédateurs étrangers. 
N’en déplaise au ministre de la défense du Rwanda le M23 est une force négative comme l’a reconnu l’Union Africaine. Prétendre que ses  membres proviennent aussi des milieux hutu, nande, voire kasaïen ne change rien à l’affaire. En effet, la RD Congo a pris la résolution de ne coller aucune forme d’étiquette ethno-tribale aux affaires de l’Etat. Il en est (théoriquement) de même  au Rwanda où il est interdit de faire référence à cette catégorisation sous peine de poursuites pour divisionnisme. Dans son interview au journal américain Metro, le président rwandais Paul Kagame dit rejeter « les habitudes des Occidentaux de voir l’Afrique et notre région sous le prisme erroné et suranné du tribalisme et de l’ethnicité. Le Rwanda moderne rejette cette approche primitive. Nous nous en tenons à notre identité nationale rwandaise et nous poursuivons nos intérêts nationaux nonobstant les affiliations tribales… ». Question : en développant une analyse tribalo-ethnique de ses basses que de toute évidence M. Kabarebe ne partage lui qui développe une vision tribaliste pour soutenir ses basses œuvres au Congo.
Pour la RD Congo, un criminel est un criminel, qu’il soit hutu, nande, kasaïen ou tutsi. Avec un tel discours, s’il avait été un officiel congolais, le général Kabarebe aurait très certainement subi des sanctions aussi sévères que celles que le notre gouvernement a infligé et continue d’infliger à des compatriotes qui se sont égarés sur ce versant négatif de l’ethnicité.
Pour terminer, prétendre comme l’affirme M. Kabarebe que les faits établis par plusieurs sources indépendantes les unes des autres seraient le fait d’une manipulation des experts de l’ONU par la RDC relève ni plus ni moins de l’affabulation et n’apporte aucune crédibilité aux dénégations du Rwanda face à des évidences matérielles.
S’agissant du mode de résolution du conflit, le Gouvernement de la République Démocratique du Congo s’en tient aux résolutions pertinentes d’Addis-Abeba et ne doute pas que le sommet de la CIGRL de septembre à Kampala confirmera les avancées significatives enregistrées en vue de la constitution de la force internationale neutre. C’est l’option la moins coûteuse en vies humaines pour rétablir la paix et la stabilité dans cette région.
En tout état de cause, la République Démocratique du Congo demande avec insistance au Comité des Sanctions des Nations Unies de faire justice aux trop nombreuses victimes congolaises de cette énième agression gratuite du Rwanda en prononçant des sanctions à l’encontre des responsables de ce pays cités comme principaux soutiens du M23 dans le rapport des Experts.
Parallèlement à cette requête, notre Gouvernement continue de demander que le mandat de la Monusco soit élargi et renforcé et que la composante militaire de la Monusco soit réaménagée afin de permettre à cette force internationale, déjà présente depuis plusieurs années dans la région de protéger plus efficacement les populations civiles,  de surveiller et contrôler la frontière avec le Rwanda et de neutraliser les 2 principales forces négatives, le M23 et les FDLR. Ce que le gouvernement congolais demande n'implique pas nécessairement l'augmentation de la taille de la composante militaire de la Monusco. Il s’agit simplement de quelques aménagements aussi bien dans son mandat, dans ses règles d'engagement que dans la composition de ses troupes.
La RDC exprime sa reconnaissance à ceux des Etats qui ont exprimé leur solidarité avec les populations congolaises à nouveau meurtries et aux efforts de son gouvernement pour une paix durable sur l’ensemble de son territoire autant que sur la région des Grands-lacs.
Je vous remercie.
Lambert Mende Omalanga
Ministre des Médias, chargé des Relations avec le Parlement et de l’Initiation à la Nouvelle Citoyenneté

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