APO

jeudi 17 avril 2014

La condamnation de Mme Senechal Laurence est injuste



Kinshasa, le 16 avril 2014 – L’Association Congolaise pour l’Accès à la Justice (ACAJ) est vivement préoccupée par la condamnation de Mme Senechal Laurence, de nationalité belge, à 6 mois de prison ferme par le Tribunal de Paix de Kinshasa / Gombe pour « tentative de déplacement d’enfant à l’étranger ».
Dame Laurence avait adopté, en avril 2013, un enfant qui se trouvait sous la tutelle de l’Etat dans un orphelinat de la place, suivant un jugement devenu irrévocable. L’enfant ainsi devenu belge par l’effet de l’adoption n’attendait plus que de rejoindre sa nouvelle patrie qu’est la Belgique et, les démarches étaient en cours lors qu’en date du 25 septembre 2013 l’Administrateur Général de la Direction Générale de la Migration (DGM) va adresser la lettre n° D6/DG/DGM/450/DCPPF/55/013 aux ambassades établies en RDC leur annonçant la suspension de la procédure d’adoption internationale pendant 12 mois de toutes autorisations de sortie des enfants adoptés.
Considérant que son cas n’était pas concerné par la lettre précitée car non seulement antérieur mais surtout couvert par un jugement d’adoption devenu irrévocable, Dame Laurence va se décider de se rendre en Belgique avec son enfant adopté le 14/04/2014. Mais elle va être arrêtée à l’aéroport de N’djili vers 20 heures par la DGM et sera déférée en flagrance devant le Tribunal de paix de Kinshasa-Gombe pour notamment tentative de déplacement illicite d’enfant. Après une audience qui a duré plus ou moins deux heures, elle sera condamnée, sous RP 24081/II, à 6 mois de prison ferme avec arrestation immédiate et au paiement de la somme de 300.000 francs congolais pour « tentative  de déplacement d’enfant conformément à l’article 186 de la loi portant protection de l’enfant».
L’ACAJ note que :
1. Pour justifier le fondement de cette décision le tribunal s’est basé principalement sur la lettre n° D6/DG/DGM/450/DCPPF/55/013 aux ambassades établies en RDC, mais pourtant fondamentalement illégale. Car l’Administrateur Général de la DGM n’a pas compétence de suspendre les effets d’une décision judiciaire et moins encore du code de la famille  en matière d’adoption. En vertu du principe de parallélisme de forme, une décision administrative ne peut pas suspendre l’exécution d’une loi, en l’occurrence la loi n° 87-010 portant code de la famille qui organise en son titre III l’adoption d’enfant en RDC.
2. Le juge a fait une très mauvaise application de l’article 186 de la loi portant protection de l’enfant car, en l’appliquant à un enfant qui a déjà la nationalité belge et surtout qu’au terme de l’article 10 alinéa premier de la Constitution la nationalité congolaise est une et exclusive et ne peut être détenue concurremment avec une autre. Une personne qui acquiert une nouvelle nationalité perd les droits liés à la nationalité congolaise.
3. Dame Laurence amenait un enfant devenu belge par l’effet de l’adoption judiciaire, dans sa seconde patrie, et que la DGM ne pouvait plus s’y opposer si pas faire obstruction à l’exécution d’une décision judiciaire d’adoption devenue définitive.
L’ACAJ dénonce :
1. Le recours par le Tribunal de paix de Kinshasa-Gombe à la procédure de flagrance, inconstitutionnelle, car violant notamment le droit à un procès juste et équitable. Et dans le cas d’espèce le procès a été fondamentalement expéditif, il a commencé vers 21 heures pour se terminer vers à 23 heures par le prononcé d’un jugement sur dispositif, et ce, en violation de l’article 21 de la Constitution qui prescrit que tout jugement soit écrit et motivé.
2. La volonté tant de la DGM que du tribunal de rétroagir la mesure administrative et illégale de suspension d’adoption en RDC aux adoptions intervenues avant le 25 septembre 2013.
3. Le silence coupable des autorités gouvernementales, depuis le 25 septembre 2013, face à l’excès de pouvoirs matérialisé par la lettre de l’Administrateur de la DGM du 25 septembre 2013.
4. La violation flagrante, et curieusement cautionnée par le Tribunal de paix de Kinshasa/Gombe, de l’article 151 de la Constitution qui interdit au Pouvoir exécutif de notamment s’opposer à l’exécution d’une décision de justice.
5. Les entraves faites à ce jour l’exercice du droit de recours (l’appel et la transmission sans délai du dossier au juge d’appel de Dame Laurence par la Présidente du tribunal au motif qu’il faudrait encore aux membres de la composition de temps pour finaliser la rédaction du jugement.  

Eu égard à ce qui précède, l’ACAJ recommande :
· Aux Avocats de Dame Laurence, d’exercer toutes les voies de droit pour obtenir l’examen de l’appel et la relaxation  de leur Cliente ainsi son droit de voyager avec son enfant ;
· Aux Cours et tribunaux, de décréter le caractère inconstitutionnel de la procédure de flagrance et faire preuve d’indépendance;
· A l’Administrateur de la DGM, de rapporter sa lettre n° D6/DG/DGM/450/DCPPF/55/013 car illégale et consulter le Procureur Général de la  République pour l’adoption d’une politique de prévention de trafic d’enfants congolais respectueuse des lois en vigueur et droits déjà acquis ;
· Au Ministre de l’Intérieur, de veiller au respect, par les responsables de la DGM, des lois de la république en matière d’adoption et sanctionner ceux qui abusent ou excédent de leurs pouvoirs.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire