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lundi 7 avril 2014

« Et si le Président Joseph KABILA changeait la constitution pour se maintenir au pouvoir après 2016 ? »



     Par Maître Jean Claude KATENDE : Président national de l’ASADHO
Les tentatives de la majorité au pouvoir de changer la  Constitution  pour donner la possibilité au Président Joseph KABILA de rester au pouvoir en 2016  et le silence de l’intéressé sur ce sujet, sont des signes qui ne trompent pas. L’intervention personnelle et publique  du Chef de l’Etat sur cette question aurait contribuée énormément à calmer  tous les congolais et à les mobiliser à  la réalisation des objectifs de son deuxième et dernier mandat.
Au regard des conséquences négatives générées par sa prise de pouvoir en 2011 dans les conditions (fraudes électorales généralisées, intimidations de tout genre à l’égard des forces politiques de l’opposition,  la violation des droits de l’Homme, crise de légitimité…) que tout  le monde connait,  il nous semble impossible que le Président Joseph KABILA garde encore le pouvoir en 2016 sans que les démocrates nationaux et internationaux n’en soient profondément choqués.  Sans que les acquis démocratiques obtenus sous ses deux mandats actuels ne soient sérieusement remis en cause. Quelle que soit la voie qu’il  pourrait choisir pour arriver à cette fin (faire sauter l’article 220,  changer le mode de scrutin pour l’élection du président de la République, avec referendum ou sans referendum…),  personne ne peut mesurer  les dangers que cette  démarche ferait courir à toute la nation, en général, et aux  acteurs politiques actuellement au pouvoir, en particulier.
Le choix raisonnable qui s’offre au Président Joseph KABILA est de faciliter l’organisation des vraies élections en 2016 et de passer le flambeau de manière démocratique à celui qui sera élu, qu’il soit de son camp, de l’opposition ou de la société civile.  Ce choix a l’avantage de consolider les acquis démocratiques obtenus sous ses deux mandats  et de  sauvegarder la paix.
Si malgré tout, le Président Joseph KABILA s’engage fermement à réviser la Constitution, par la voie référendaire  ou pas, pour se maintenir au pouvoir, il faut que :
1.      Les démocrates de la majorité présidentielle se désolidarisent de tous les adaptes de la révision constitutionnelle.
Nous n’avons aucun doute que dans le camp du Président qu’il y ait des hommes et femmes qui sont  totalement opposés à toute manipulation de notre Constitution.  Même s’ils ne se prononcent pas ouvertement, nous savons qu’il en a beaucoup qui désirent  que le  Président ne révise pas la constitution dans le seul et unique de se maintenir au  pouvoir.  Ils souhaitent vivement que leur «  champion » respecte les principes démocratiques inscrits dans notre constitution pour donner un bon exemple.  La déclaration du Ministre  Lambert MENDE selon laquelle «… en 2016, il y aura un passage de flambeau civilisé  entre un président qui sort et un président qui entre » indique le désir  de certains membres de la majorité présidentielle de voir le Président Joseph KABILA laisser quelqu’un d’autre de son camp entrer en compétition pour l’élection présidentielle de 2016.  00243 996100416
Si malgré tout,  les adaptes de la révision constitutionnelle l’emportaient, les démocrates devraient avoir le courage politique de quitter la majorité présidentielle pour incompatibilité de conviction.
Mais combien en République Démocratique du Congo sont- ils  capables de prendre pareille décision qui les priveraient de certains avantages qu’offre l’appartenance à la famille politique du chef de l’Etat ?  
Nous savons qu’une telle  décision que ne peut être prise que par les hommes et les femmes qui voient plus loin que les avantages politiques et financiers du moment. 
Nous en profitons pour rappeler aux démocrates de la majorité présidentielle que c’est seulement un régime respectueux des principes démocrates qui peut assurer la protection et la survie  tant à ceux qui sont au pouvoir qu’à ceux qui n’y sont pas. Un régime qui foule aux pieds les principes démocratique, quelles qu’en soient les raisons, est un régime dangereux pour tous.
Nous les encourageons à faire comme certains fidèles du Président Blaise COMPAORE  l’ont fait   en quittant la majorité présidentielle quand  ils ont constaté que leur chef n’était plus capable de respecter les principes démocratiques consacrés dans la constitution.
C’est possible que vous fassiez  aussi la même chose pour sauver notre jeune démocratie.  
2.      Les forces sociales et politiques démocratiques se coalisent.

Si le Président  Joseph KABILA s’engage dans la voie de réviser  la constitution pour se maintenir au pouvoir en 2016, les forces sociales et politiques démocratiques (partis politiques, les organisations de la société civile, les églises, les médias…) de la République Démocratique du Congo  sont appelées à coaliser pour lui réserver le sort que les forces démocratiques sénégalaises  avaient  fait subir au Président  Abdoulaye  WADE au Sénégal[1] quand il voulait  changer la constitution pour se maintenir au pouvoir.
Ces forces devront se fixer comme premier objectif de faire pression pour que la révision constitutionnelle en gestation ne puisse pas avoir lieu.
 Cette coalition doit mobiliser toute la population pour qu’ensemble nous puissions mener  un combat démocratique contre les dangers auxquels la majorité présidentielle veut exposer notre jeune démocratie.
Face à un danger imminent, il est conseillé de mettre de côté toutes les anciennes querelles et de coaliser jusqu’à ce que le danger soit mis hors de notre portée.  A travers toute l’histoire, les peuples se sont toujours coalisés pour faire face au danger. Le Président NEHRU disait, à la Conférence de Bandung en 1995 : « Plusieurs d’entre nous ont des opinions philosophiques différentes, mais vu le danger d’une guerre atomique, nous cherchons naturellement à nous entendre en dépit de nos principes divergents »[2]
Dans ce sens, la prise de position des églises catholique et protestante sur  la feuille de route de la CENI et la révision de la constitution est très encourageante.  

La convention organisée du  01au 03 avril 2014, à Kinshasa, par la plate forme « Sauvons le Congo » et les autres forces politiques et sociales  pour discuter de toutes ces questions est encore une initiative encourageante.  Nous espérons que les participants à cette convention feront tout  pour mobiliser plus de congolais afin d’empêcher la majorité présidentielle de porter atteinte aux principes démocratiques consacrés dans la constitution

Il est maintenant question qu’une plate forme plus large soit mise en place, à l’initiative des églises ou des partis politiques démocratiques  pour qu’un seul front  soit formé contre la révision de la constitution et le maintien du Président Joseph KABILA au pouvoir après 2016.

Il y a lieu de rappeler que personne physique ou morale  ne peut réussir ce combat  tout seul. Les forces sociales et politiques démocratiques sont appelées à se mettre ensemble et à mener ce combat en recourant uniquement aux armes démocratiques et non violentes.

L’heure est grave. Les socles de notre jeune démocratie sont menacés et  notre nation court un grand danger.  Unis, nous contraindrons la majorité à renoncer à son complot contre la démocratie et l’alternance politique.

3.      Les partenaires  de la République Démocratique du Congo réagissent.

Toutes les nations ont déjà eu droit à l’assistance des autres, à un moment de leur histoire, quand  elles étaient confrontées à des individus ou groupe d’individus mettant en péril la liberté des peuples ou la démocratie.
Durant la guerre d’indépendance, les américains (Etats Unis) avaient bénéficié de l’appui de la France(1778), puis de l’Espagne(1779) et de la Hollande(1780), ce qui leur a permis d’affaiblir la puissance de l’Angleterre.
Confrontée  à l’occupation allemande en 1944, la France avait reçu l’aide des américains, des anglais et des canadiens pour se libérer des allemands[3].
Il en a toujours été ainsi,  et il en sera toujours ainsi, dans l’histoire des Nations.  
Face à la majorité présidentielle qui voudrait  à tout prix modifier la Constitution pour se maintenir au pouvoir,  la démocratie congolaise est menacée et les forces sociales et politiques démocratiques ont besoin de l’aide des autres Etats (la France, les Etats Unis d’Amérique, la Belgique, l’Allemagne, l’Angleterre, le Canada…) pour arrêter cette révision qui ne vise que la confiscation du pouvoir par un groupe de congolais.
Nous nous félicitons déjà  de la prise de position de l’envoyé spécial des Etats Unis pour les Grands Lacs qui a fait une déclaration intéressante au sujet d’une éventuelle modification des constitutions au Rwanda, R.D.Congo et au Burundi[4].
Nous espérons que quand ceux qui sont déterminés à garder le pouvoir en R.D.Congo,  à n’importe quel prix, commenceront à matérialiser leur vision, les partenaires de notre pays ne se contenteront pas seulement de faire des déclarations de condamnation, mais qu’ils iront plus loin en prenant des sanctions plus fortes ( gel des avoirs, interdiction de voyage….) contre les congolaises et congolais qui auront opéré le coup d’état constitutionnel en R.D.Congo.
Face aux forces de sécurité  qui n’hésitent pas à tirer à balles réelles sur les manifestants pacifiques, les forces sociales et politiques démocratiques ont besoin de l’assistance des partenaires internationaux de la R.D.Congo pour faire face à cette situation délicate.  

4.      Le peuple protège sa démocratie.

La démocratie appartient au peuple. En République Démocratique du Congo, depuis 1990, plusieurs congolais sont morts pour l’instauration d’un Etat de droit, Etat au sein duquel chacun est capable de réaliser ses rêves.  En respect de leur mémoire, nous devons tous nous réveiller et  nous ranger en ordre de bataille pour protéger notre démocratie.
Les acquis démocratiques  qui se sont réalisés dans notre pays sont l’œuvre de beaucoup de personnes dont certaines sont déjà mortes.  Il ne peut donc être question qu’un congolais ou groupe de congolais battent en brèche lesdits acquis  par avidité du pouvoir. Il faut que le peuple les arrête en recourant aux moyens démocratiques et non violents. Notre constitution en prévoit plusieurs et ce n’est pas la peine d’y revenir.
Retenons que la vigilance du peuple est l’âme qui fait avancer la démocratie.
Rappelons-nous que la démocratie ne peut avancer que si le peuple contrôle ses dirigeants et reste vigilent.  Dans la plupart des pays africains la démocratie est perpétuellement menacée. C’est pour quoi la vigilance du peuple doit être le mot d’ordre.  
Une fois mis au pouvoir par le peuple,  les dirigeants politiques augmentent de jour en jour leurs appétits pour le pouvoir.  Sans cette vigilance citoyenne,  ils peuvent devenir des dictateurs  et capables de faire du peuple qui les a élu leur esclave.
Dans le cas qui concerne notre pays, personne n’a consulté le peuple pour lui imputer le désir actuel de réviser la constitution. Cette révision découle du vouloir d’un groupe de personnes qui veulent garder le pouvoir  dans leur intérêt et non dans celui du peuple.
C’est pourquoi le peuple devra rejeter toute constitution qui serait soumise au referendum et qui instaurerait :
-          L’élection du Président de la République par le mode de scrutin indirect ;
-          Le mandat présidentiel de 7 ans ;
-          Le mandat illimité pour le Président de la République.
Rejetons pareille constitution, car c’est un véritable recul en termes de démocratie et d’instauration d’un Etat profitable à tous les congolais.
Si le peuple sénégalais à rejeter la modification constitutionnelle proposée par le Président Abdoulaye WADE, ce que c’est POSSIBLE. Nous pouvons aussi rejeter la constitution qui serait proposée au referendum par la majorité actuelle.
Je dirais NON, tu diras NON à la constitution révisée et nous sauverons notre jeune démocratie.
  1. Les parlementaires fassent un sursaut patriotique.
En ce moment où les démocrates se battent pour protéger les acquis démocratiques consacrés dans notre constitution, les parlementaires sont d’un grand appui. C’est grâce à la démocratie qu’ils ont été élus, et donc ils peuvent travailler individuellement à sa consolidation quel que soit le corps (partis de la majorité, de l’opposition, indépendant…) auquel ils appartiennent.
C’est ailleurs ici le lieu de rappeler qu’il n’y a aucun parlementaire qui représente le Président de la République ou un parti politique. Ils représentent soit la nation ou la province. Donc ils peuvent se passer des mots d’ordre manifestement illégaux qui sont donnés par leur autorité morale,  par le Président de leur parti ou par leur parti politique chaque que les intérêts de la nation font face un danger sérieux.
La révision constitutionnelle qui est en gestation peut conduire à des dangers dont personne ne peut circonscrire les conséquences.  Raison pour laquelle nous en appelons à la conscience de tous les parlementaires pour qu’ils résistent aux sollicitations qui sont orientées vers eux pour changer la constitution.
Si les parlementaires burundais ont rejeté la modification proposée par le Président NKURUNZIZA, il y a quelques jours,  ce que les parlementaires patriotes congolais peuvent aussi le faire.
Quels que soient les avantages politiques, matériels et ou financiers qui leur seraient proposés, nous les appelons à rejeter la modification de la constitution.
S’ils se compromettent en votant la modification de la constitution, ils perdront l’opportunité qui leur est offerte d’entrer dans l’histoire par la grande porte. Mais, ils doivent etre surs que d’autres forces nationales et ou internationales se battront pour que les autorités congolaises respectent leurs engagements.
Cette réflexion vise seulement à interpeller  et à mobiliser tous les congolais pour qu’ils s’impliquent dans le combat contre la révision de la constitution.




[1] Quand en 2000, le Président WADE  accède au pouvoir, il est considéré comme le champion de la démocratie. En 2001, il fait voter par référendum  une nouvelle Constitution dont l’amendement phare  était  la réduction de la durée du mandat présidentiel de sept à cinq ans et la limitation de la présidence à deux mandats. Mais dès 2008, soit un an après sa réélection, le Président  Wade revient sur les amendements à la Constitution pour finalement rallonger le mandat présidentiel de cinq à sept ans. Puis, en juin 2011, il prévoit de nouveau de l'amender pour abaisser de 50 % à 25 % la proportion des voix nécessaires pour remporter l'élection dès le premier tour. Il est finalement contraint d'y renoncer sous la pression des forces sociales et politiques démocratiques du Sénégal. 
[2] Cité par Arnaud ZACHARIE dans son livre intitulé «  Mondialisation : qui gagne  et qui perd » , Edition le Bord de l’eau, La Muette, 2013.
[3]  C’est ce qu’on appelle  l’opération  Overlord et Neptune dans le cadre du débarquement de Normandie.
[4] Répondant  à la question suivante,  lui posée par la RFI, dans l’interview diffusée le 24 mars 2014 : Les présidents Kabila, Kagame et Nkurunziza en sont à leurs derniers mandats selon leurs Constitutions respectives. Comment réagiraient les Etats-Unis s'ils modifiaient d'une quelconque manière leurs Constitutions pour rester au pouvoir ?  Il a dit : «Ce n'est qu'une hypothèse pour le moment. Nous verrons comment y répondre si la situation se présente. Mais je tiens à répéter ce en quoi nous croyons : c'est notre expérience et notre conseil à nos amis dans ces pays, le respect de la Constitution est important, très important pour la population pour qu'elle ait l'impression de pouvoir participer et choisir son président, très important aussi pour la réputation internationale de ces pays, de prouver qu'ils peuvent avoir des transitions pacifiques. Ce que j'espère, c'est que chacun de ces dirigeants va voir à quel point c'est important que leur Constitution soit respectée. C'est ce qui va aussi conditionner la manière dont sera perçu leur héritage politique en tant que dirigeants de leurs pays ».


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