APO

mardi 1 avril 2014

Convention de l’opposition politique congolaise du 31 au 2 avril 2014



Discours de Vital Kamerhe, président national de l’Unc et autorité morale de la Cvd
Chers Participants,
Je voudrais, avant toute chose, vous inviter à vous lever en mémoire de nos compatriotes du Nord-Kivu qui ont péri dans le naufrage sur le lac Albert et en votre nom à tous, renouveler nos condoléances les plus attristées aux familles éprouvées, et rappeler encore une fois au Gouvernement central, son devoir de mener à terme l’enquête qui doit éclairer l’opinion sur les causes qui sont à la base de ce grave accident. Nous demandons au Gouvernement de disponibiliser les moyens suffisants pour assister  les survivants et le retour dans les bonnes conditions de ceux qui se trouvent encore en Ouganda.

Chers Participants,
Au moment où je prends la parole devant vous en cette occasion solennelle et historique, je vois venir vers moi le souvenir puissant et la conscience aigue que la Démocratie et l’Etat de Droit pour lesquels nous nous sommes engagés ont été  le cheminement  d’une longue lutte. Des compatriotes d’horizons différents, animés d’un même idéal ont accepté de donner de leur vie voire jusqu’au sacrifice suprême pour qu’au peuple soit garanti le droit de vivre dans un pays libre. C’est pourquoi, je mesure la gravité des instants actuels qui sont une charnière entre cette volonté démocratique et le risque aujourd’hui majeur, d’un retour à l’arbitraire et à l’éclatement du consensus national qui a fait que malgré nos différences idéologiques nous avions tout de même réussi à nous mettre d’accord sur un certain nombre des valeurs qui font du jeu démocratique un jeu civilisé.
Je voudrais, chers amis, nous rappeler encore qu’aujourd’hui la famille de l’opposition politique que nous représentons et nos partenaires de la société civile dans le cadre de la plate forme Sauvons la RDC portent sur leurs épaules l’immense devoir d’amener le peuple à l’exercice de ses droits politiques, droits qui sont à ce jour mis en cause par une attitude politicienne dictée par la peur et l’arrogance des certains dirigeants qui pensent s’être exemptés d’appliquer la volonté du peuple.
Nous sommes ici pour un devoir de responsabilité à l’endroit de notre peuple pour lequel nous devons montrer le chemin de la liberté et du progrès. Nous sommes ici parce qu’il est de notre devoir, disais-je, d’élargir le champ du possible quand on cherche à nous imposer  des violations de la loi constitutionnelle et des passages en force par une majorité qui a fini de croire en ses propres capacités de porter seul l’idéal démocratique, même dans le mépris total des aspirations profondes de nos citoyens.
 Nous sommes ici pour manifester notre attachement à cette Nation, la seule que nous ayons en partage et pour laquelle nous avons prêté un serment moral celui de lui donné le meilleur de nous-mêmes et de toujours garantir les voies de l’espérance et du progrès.
Nous sommes ici parce que notre pays va mal dans tous les secteurs de la vie nationale :
- La paix n’est pas totalement rétablie sur l’ensemble du territoire national. L’insécurité et les tracasseries de tous ordres constituent le lot quotidien de nos populations (assassinats, viols, déplacements des populations, prolifération des groupes armés…) ;
- Le congolais ne mange pas à sa faim, nos enfants ne sont pas correctement scolarisés ni soignés, nos familles sont privées d’eau potable, de l’électricité et des logements décents. Hier, c’était la journée mondiale de l’électricité, on a demandé à l’occasion qu’on puisse éteindre la lumière dans tous les pays du monde, mais hélas, pour notre pays, force est de constater que celle-ci est quasiment éteinte depuis des lustres ;
- Nous venons d’apprendre, pas plus tard qu’hier à travers les médias périphériques, plus précisément à Lubumbashi, qu’un policier s’est donné la mort au Katanga parce qu’il n’arrive plus à nouer les deux bouts du mois. Alors qu’il recevait 100 USD à son recrutement, il perçoit aujourd’hui la moitié, soit une solde équivalente à 50 USD. Le sort de ce policier c’est celui de tous les salariés de l’Etat congolais, fonctionnaires, le corps professoral, académique, scientifique et administratif dans nos universités et instituts supérieurs, des étudiants sans bourse d’études, des enseignants, les médecins, infirmiers, ….
 Chers participants,
Au cours de la caravane de la paix que nous avons conduite au Nord et au Sud-Kivu, nous avons vu et attendu la précarité et les cris de détresse de nos citoyens.
Nous sommes ici pour que ces éléments recueillis à la base puissent nous permettre dans les différentes commissions de paver la route pour l’émergence d’un Congo qui va assurer le bien être aux congolais et jouer un rôle intégrateur entant que pôle de développement dans la sous-région, en Afrique et dans le monde.
Nous sommes ici pour éveiller la conscience de renouvellement de mentalité de leader et de sa nécessaire obligation d’incarner les valeurs humanistes et républicaines pour ainsi réussir la mutation sociale que notre peuple attend de nous pour l’amélioration de son vécu quotidien.
Nous devons ainsi passer à la loupe au sein des différents groupes thématiques les dossiers urgents de la République, pour qu’en tant qu’opposition constructive et société civile responsable, nous montrons à notre peuple et au monde que nous pouvons non seulement critiquer ce qui n’a pas été fait mais aussi et surtout, proposer ce que nous ferions et ferons demain.
Mettre le citoyen au centre de toute action et de toute vision devra être notre leitmotiv pour construire ce Congo de nos rêves où la dignité du congolais sera réhabilitée. C’est une véritable révolution du leadership que nous entendons instaurer, apprendre à nous oublier pour être au service de la Nation.
C’est le sens même du changement que nous avons le devoir d’imprimer en tant que leader en prenant les précautions en ce moment où nous amorçons un virage crucial de nous assurer que nous allons réellement amener le Congo au rendez-vous avec son propre destin. Ceci ne peut être possible que si, dans un esprit de dépassement de soi, que nous amenions l’ensemble de la classe politique, majorité, opposition, société civile, à intégrer ledit dépassement de soi, dans un esprit de tolérance mutuelle où les politiciens ne devraient pas confondre l’adversité politique et l’animosité. En effet, nous qui avons toujours exprimé la crainte de la balkanisation qui menace notre pays, il nous faut comprendre qu’un pays exposé ou miné par des querelles intestines des individus et des agendas personnels, est inéluctablement appelé à disparaitre ou à s’enfoncer dans la déchéance ou à vivre sous la dépendance des autres.
Regardons ce qu’est le Congo aujourd’hui, malgré les potentialités incommensurables et le taux de croissance le plus élevé d’Afrique et qui fait rêver le reste du monde, le Congo est sous la perfusion et l’assistance de la Communauté internationale. Que devons nous faire pour renverser cette tendance ? La réponse à cette interrogation viendra des réflexions que vous allez mener dans les différents ateliers de travail à travers les thématiques qui vous ont été soumises par notre commission technique.
Il est des symptômes qu’un malade ne saurait cacher devant le médecin. Notre pays est entrain d’être traversé par des turbulences que nous imputons assez régulièrement et facilement à l’étranger éludant ainsi notre propre responsabilité. Un pays en construction aussi bien sur le plan économique que démocratique, peut-il s’accommoder d’incessantes révisions constitutionnelles, cela un signe d’instabilité et de dysfonctionnement institutionnels, surtout quand ces révisions ne sont pas dictées par la volonté de résoudre une crise fondamentale évidente.
Chers participants,
Nous sommes ici parce que notre pays va mal. Il va mal dans ce qu’il a de fondamental, c'est-à-dire, le respect des règles et l’exercice des droits politiques garantis par la Constitution. Vous vous souviendrez qu’en 2006 ; à l’issue d’une période de transition nous avons participé tous à différents degrés aux premières élections libres et démocratiques depuis l’époque lointaine de l’accession du Congo à l’indépendance. Grace à l’esprit né de l’Accord Global et inclusif de Sun City, le monde entier a salué l’exemple de la République Démocratique du Congo qui venait de montrer par ces élections réussies qu’elle était en voie de panser ses profondes blessures nées des crises de légitimité. Malgré les imperfections qui n’ont pas manqué en 2006, nous avons tous salué le pas de géant qui venait d’être franchie par la classe politique.
Hélas ! Pour des raisons qu’il me serait fastidieux d’énumérer ici, les élections de 2011 ont été un fiasco. De l’intérieur du pays ainsi que de toutes les missions d’observation, cette expérience a profondément fait reculer les acquis démocratiques en matière électorale. La confiance dans nos institutions, les fractures au sein de la classe politique furent les seules descriptions possibles du chaos provoqué par ces élections qui furent un déni démocratique.
Nous avons ainsi perdu et continuons à perdre la crédibilité au sein de la communauté internationale. Désabusé, le peuple a adopté une attitude de rejet du noble engagement politique et s’est refugié dans tous les extrémismes pour échapper à la conscience de vivre la manifestation de sa volonté.  Cette situation n’ayant pas échappé à la classe politique, elle s’est mobilisée poussée par l’opposition et la société civile pour corriger dans la mesure du possible les erreurs de 2011 ; d’entamer, tant soit peu, la résolution du lourd contentieux électoral né des élections bâclées. Ainsi fut élaborée une nouvelle loi, mettant en place la Commission électorale nationale indépendante. Elle devait, quant à elle, se donner la mission sacrée de respecter la volonté du législateur en se déployant dans le cadre tracé par celui-ci. Voilà qu’une fois encore, au lieu de progresser la CENI propose le chemin du recul, celui de la négation même du peuple d’exercer ses droits constitutionnels. La CENI propose le changement du mode de scrutin en mettant en avant, pour ce faire, les raisons qu’elle ne pouvait pas évoquer à l’époque, à savoir, les questions budgétaires. La liberté comme la démocratie n’ont pas de prix. Si nous sommes prêts à donner notre vie pour elles, à plus forte raison ne pourrions pas nous saigner pour trouver les moyens nécessaires et éviter ainsi ce saut dans l’inconnu qui va, au regard des positions clairement exprimées par l’église catholique, l’église protestante, la société civile des 11 provinces, l’opposition politique, nous ramener dans des troubles que personne ne souhaite en ce moment où nous avons d’autres défis à relever.
Non, la CENI vient ainsi d’offrir un schéma qui outrepasse ses propres prérogatives, car son schéma rendant ipso facto l’obligation d’une révision constitutionnelle nous entrainerait dans les routes sinueuses de la discorde nationale.
Il doit être clair dans l’esprit de chacun de nous, que quand on dit d’une part, qu’on ne doit pas réviser la Constitution et d’autre part la CENI propose la révision de mode de scrutin passant ainsi du suffrage universel direct à un mode de désignation indirecte, c’est-à-dire, le citoyen qui jusqu’à présent à le pouvoir désigner et de sanctionner ses dirigeants, va se contenter de voir un groupe d’individus d’exercer ses droits dans l’environnement actuel miné par les antivaleurs.  
Nous disons que réviser le mode de scrutin dans la loi électorale entraine automatiquement la révision de l’article 197 de la Constitution. Et l’article 220 de la Constitution réputé verrouillé va perdre tout son sens.
Chers amis,
Distingués invités,
Nous sommes ici parce que nous croyons qu’il existe des voies démocratiques pour amener notre peuple à la victoire sur les grandes adversités qui l’assaillent, notamment la pauvreté avec son corollaire, la misère généralisée. Pour y arriver, nous nous sommes donnés le devoir d’approfondissement, car les questions politiques tout comme des questions sociales ne sont pas des questions banales, elles sont éminemment humaines et exigent pour leur maitrise un savoir faire et une concentration aigue. Nous sommes ici pour proposer aux partenaires politiques de la majorité et à la CENI d’autres voies que celles de l’affrontement et du mépris des droits démocratiques ou de révision constitutionnelle. 
Nous allons examiner toutes ces questions contenues dans les thématiques préparées par le comité préparatoire et baliser le chemin d’une paix sociale. Nous sommes l’opposition et c’est notre droit de critiquer les politiques publiques menées en notre nom ; mais nous avons aussi l’obligation de proposer et c’est ici le lieu et le moment de le faire. 
Dors es déjà, nous pouvons relever qu’il est plausible pour le pouvoir en place d’entonner le refrain du manque des moyens financiers pour justifier le retard de la poursuite du processus électoral. Mais, on oublie de souligner que, pour les concertations dites nationales, des montants importants ont été décaissés, alors même que ces assises n’étaient pas prévues au budget de 2013.
La volonté du régime de chercher à prolonger subtilement le mandat actuel transparait à travers toutes sortes des stratégies. Il en est ainsi du recensement projeté pour 2015. Cette opération est supposée précéder les élections locales, municipales et urbaines. Comment le Gouvernement va-t-il trouver le temps de faire aboutir ce recensement et au même moment avec le concours de la CENI, arriver à organiser les élections locales, municipales, urbaines pendant la même période, aucun crédit n’est prévu ni pour le recensement ni pour les opérations préélectorales telles que l’actualisation du fichier et la cartographie électorale.
C’est   là une matière sur laquelle nous devons nous pencher pour vérifier cette corrélation que le pouvoir et la CENI semblent établir comme obligatoire entre le recensement et l’organisation des élections locales, nécessaires pour nous mener vers une décentralisation effective.

Chers participants,
En définitive, vous avez une lourde responsabilité de formuler des  contre-propositions qui rassemblent toutes les filles et tous les fils du Congo, et éviter d’offrir au monde une image d’une classe politique qui est faite pour ne jamais s’entendre. Pour y parvenir, je vous exhorte à travailler dans la tolérance, le respect de l’autre, et donc, privilégier ce qui nous unit et éviter, à tout prix, de nous transformer en conspirateurs contre notre propre République et empêcher par tous les moyens le coup d’Etat constitutionnel actuellement en préparation.
Nous avons le devoir de mobiliser notre peuple de faire usage de l’article 64 de la Constitution pour barrer la route à toute révision du mode du scrutin ou tout simplement toute révision constitutionnelle.
Nous allons donc, au cours des présentes assises, adopter des stratégies communes pour les congolais de Kinshasa, des toutes les provinces et de la diaspora soient prêts comme autrefois au Sénégal à chasser la peur et défendre la Constitution de la République, fondement d’un Etat de droit.
Je ne puis terminer ce mot sans m’acquitter d’un agréable devoir, celui de vous transmettre les salutations de nos frères Mbusa Nyamwisa et Nzanga Mobutu, respectivement Présidents du RCD-KML et de l’UDEMO. Ils m’ont demandé,  avec insistance, de le faire et vous remercie pour les acclamations.
Que Dieu bénisse la République Démocratique du Congo et qu’Il nous guide dans nos travaux.
Je vous remercie.


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