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jeudi 1 décembre 2011

Dans un rapport préliminaire, la Mission d'observation électorale de l'Union européenne a constaté une forte mobilisation de l’électorat dans un processus insuffisamment maîtrisé

INTRODUCTION
La mission d’observation électorale de l’Union européenne (MOE UE), dirigée par Mariya Nedelcheva, députée européenne, disposait, pour ces scrutins présidentiel et législatif, de 147 observateurs répartis dans l’ensemble des onze provinces de la République Démocratique du Congo sur 35 bases urbaines et rurales, plus les 9 zones de Kinshasa.
La MOE UE poursuit son observation des développements post-scrutins, particulièrement la compilation des résultats et le contentieux. En outre, elle espère que la CENI respectera son engagement de publier les résultats détaillés par bureau de vote afin de garantir la transparence du processus électoral.
Cette déclaration est préliminaire et la MOE UE ne tirera aucune conclusion définitive avant la fin de la tabulation et l’annonce des résultats. Un rapport final, reprenant l’ensemble de nos observations, sera rendu public après publication des résultats définitifs des élections législatives.
Une délégation du Parlement européen, composée de six membres et dirigée par M. Andrés Perello Rodriguez, s’est jointe à la Mission et a souscrit aux conclusions de la MOE UE.

CONCLUSIONS PRÉLIMINAIRES
 Les élections présidentielle et législatives du 28 novembre marquent une étape essentielle dans le processus de consolidation démocratique de la République démocratique du Congo. Après les premières élections libres et pluralistes organisées en 2006 avec l’assistance de la communauté internationale, les élections de 2011 ont, au contraire, été largement financées par le Gouvernement congolais et organisées par la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI).
 Le cadre juridique est en général conforme aux normes internationales. Il a été marqué par la révision constitutionnelle de janvier 2011 qui a institutionnalisé le passage à un scrutin présidentiel à un seul tour permettant l’élection d’un président par la majorité relative du corps électoral.
 La loi électorale n’a pas prévu de mesures de mise en place pour l’application du principe constitutionnel de la parité homme-femme.
 Mise en place en février 2011, la CENI n’a reçu qu’au mois d’avril le mandat d’organiser l’ensemble du cycle électoral 2011-2013, comprenant les scrutins présidentiel, législatif, provincial et local.
 La composition politique de la CENI, dont quatre commissaires sur sept sont affiliés à la majorité présidentielle, pourtant réalisée dans un relatif consensus à sa création, n’a cessé d’alimenter de fortes critiques à l’approche des scrutins, notamment au sein d’une partie de l’opposition congolaise.

 Le fichier électoral biométrique, comprenant 32.024.640 inscrits (dont 49,68% de femmes), ne fait pas l’objet d’un consensus parmi les partis politiques et son intégrité reste encore contestée à ce jour par les partis d’opposition.
 Cette élection présidentielle compte onze candidats. Aucune femme n’a cependant brigué l’investiture suprême alors qu’elles étaient quatre candidates en 2006. Sur les 18.864 candidats, on ne compte que 12 % de candidatures féminines, en légère diminution par rapport à 2006.
 Les préparatifs électoraux ont connu de nombreuses difficultés en raison d’infrastructures insuffisantes et d’un calendrier très serré. La CENI n’est pas parvenue à tenir les délais légaux pour la publication des listes des électeurs et leur l’affichage par bureau de vote avant le scrutin. La cartographie électorale a été communiquée tardivement aux partis politiques ; la liste détaillée des bureaux de vote n’a été disponible que durant la dernière semaine du scrutin.
 Une communication déficiente entre la CENI et les acteurs du processus a eu des répercussions négatives sur la transparence et le climat de confiance.
 Une sécurisation insuffisante du matériel électoral sensible a eu pour conséquence la circulation de plusieurs bulletins de vote pour la présidentielle et la députation, alimentant un climat de suspicion vis-à-vis du scrutin.
 En l’absence du mécanisme de contrôle prévu par la loi, aucune contrainte réelle n’a été imposée aux partis et aux candidats en matière de financement de leurs campagnes. La MOE UE a observé d’une part l’utilisation des ressources de l’État en faveur des candidats de la majorité présidentielle, d’autre part que l’interdiction de toute propagande sur les édifices publics n’a pas été respectée.
 Si la campagne a commencé conformément au calendrier électoral le 28 octobre 2011, elle a été marquée par de multiples incidents (atteinte des libertés publique et des libertés d’expression, allégations d’arrestations de candidats, limitations au niveau de la presse) notamment à Mbuji Mayi (Kasaï Oriental), Kisangani (Province Orientale), Mbandaka (Équateur) et Kinshasa.
 Tout au long de la campagne électorale, l’accès des candidats a été fortement déséquilibré dans la majorité des médias publics et privés analysés. La Radio Télévision Nationale Congolaise (RTNC) n’a pas joué son rôle de service public négligeant le principe d'égalité et d’équilibre en matière d'information.
 Initialement prévus le 28 novembre 2011, les scrutins se sont poursuivis les jours suivants, le 29 et 30 novembre 2011. Ils ont enregistré une participation généralement élevée sur l’ensemble du pays. Les bureaux de vote ont, pour la plupart, ouvert à l’heure. De manière générale, la MOE UE a relevé une bonne maîtrise des procédures de vote par les membres des bureaux de vote, même si le contrôle de l’encre à l’entrée des électeurs n’a pas été systématique. L’utilisation intempestive des registres de dérogation ont fait souvent office de registre des omis.
 Les témoins des candidats/partis politiques ont assuré une représentation pluraliste dans la grande majorité des bureaux de vote observés. Toutefois, ces derniers n’ont pas eu systématiquement accès à une copie certifiée des résultats.
 De multiples incidents ont été observés à Kananga, Mbuji Mayi (incidents à la suite d’allégation de fraude et de bourrages d’urnes), Kinshasa (actes de violence à la suite du mauvais fonctionnement de bureaux de vote), Lubumbashi (attaque par un groupe armé), Tshikapa (11 centres de bureaux de vote pillés ou brulés).
 Une dynamique de rapprochement de dix missions d’observation nationale sous une seule ombrelle a été réalisée sous l’impulsion de l’École de Formation Électorale en Afrique Centrale. Cette dynamique a permis la présence d’observateurs dans la majorité des 63.865 bureaux de vote.
 L’absence effective de Conseil Constitutionnel fait de la Cour Suprême l’instance compétente pour le contentieux électoral. Or cette dernière a fait l’objet depuis le début du cycle électoral, de critiques de l’opposition car jugée comme partisane parce que tous ses membres ont été nommés par le pouvoir exécutif. La révision de la loi électorale au mois d’août 2011 a modifié les procédures en matière de contentieux sur les résultats. Les changements ont consisté à remplacer un traitement en séance publique par un traitement à huis-clos.

CONTEXTE POLITIQUE
Organisées par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) et très largement financées sur les ressources nationales, ces élections présentent deux différences importantes par rapport à celles de 2006. D’une part, l’élection présidentielle est désormais une élection à un seul tour puisque, depuis la modification constitutionnelle de janvier 2011, le Président de la République est élu à la majorité simple des suffrages exprimés. D’autre part, l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) qui, depuis plus de trente ans, constitue l’une des principales forces politiques de l’opposition, a décidé de participer à la compétition électorale, abandonnant sa stratégie de boycott des institutions et des élections adoptée en 2003.
La période préélectorale a surtout été marquée par des tentatives de l’opposition pour présenter une candidature unique et un programme commun face au Président sortant. Ces tentatives ayant échouées, le Président Kabila a finalement affronté dix candidats, Étienne Tshisekedi (UDPS), Léon Kengo, actuel Président du Sénat, Vital Kamerhe, ancien Président de l’Assemblée nationale, Mbusa Nyamwisi, Nzanga Mobutu et Oscar Kashala qui avaient tous déjà été candidats en 2006, Adam Bombole, ancien député et cadre du MLC récemment exclu du parti ainsi que trois nouveaux candidats Aneka Djamba Jean, Kakese Malela François et Mukendi Kamama Josué.
Aux législatives, l’enregistrement de 18.864 candidats présentés par plus de 400 partis politiques, dont près d’une quarantaine sont de création toute récente, a compliqué singulièrement le choix de l’électeur. La réticence de certains candidats à la députation à mentionner leur appartenance politique ou leur préférence pour la présidentielle n’a pas facilité la lecture des enjeux du scrutin.

CADRE JURIDIQUE
Le cadre juridique électoral a été marqué par : i/ la révision constitutionnelle de janvier 2011 qui a introduit un seul tour pour l’élection présidentielle, un système qui est généralement déconseillé dans des sociétés dominées par des tensions ethniques ou régionales; ii/ la volonté de la CENI de respecter à tout prix la durée du mandat présidentiel à cinq ans, a fait du 6 décembre la date limite pour la publication des résultats provisoires, nonobstant les difficultés techniques et logistiques.
Concernant la loi électorale, elle est conforme aux normes internationales. Les amendements introduits en août 2011 mettent en place de nouvelles garanties pour le scrutin comme le droit des témoins des partis politiques à avoir une copie du procès-verbal. Néanmoins, des vides importants subsistent : l’absence d’une procédure effective sur le devoir de la CENI de veiller à la régularité du processus, la non-régulation des finances des partis politiques, ou encore l’absence de sanctions pour certaines infractions comme l’achat de cartes d’électeurs, une activité condamnable car contraire au principe de libre formation de la volonté de l’électeur.
En dehors du respect du délai constitutionnel, la Mission a constaté que le cadre juridique électoral n’a pas été respecté dans son entièreté : les délais légaux concernant la publication des listes des électeurs et l’affichage des listes électorales par bureau de vote, l’interdiction de tout affichage de propagande sur les édifices publics, la participation des agents de la fonction publique et l’utilisation des ressources de l’État à des fins de propagande électorale, le fait que, dans beaucoup de circonscriptions, des maires et des bourgmestres étaient à la fois candidats à la députation sans avoir eu à démissionner de leurs postes. Pourtant, ni la CENI, ni le parquet n’ont diligenté des actions pour empêcher ces violations à la loi électorale.
En outre, la MOE a noté que l’absence d’une législation conforme au droit de manifestation et garantie par la Constitution, a permis que les autorités, parfois sans justification suffisante, limitent cette liberté politique nécessaire à la conduite de la campagne électorale, comme au Kasaï Oriental. La CENI a cependant rappelé publiquement dans ce cas les principes inscrits dans la loi électorale.

ADMINISTRATION ÉLECTORALE
Mise en place en février 2011, la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) n’a reçu, qu’au mois d’avril, le mandat d’organiser l’ensemble du cycle électoral 2011-2013, comprenant les scrutins présidentiel, législatif, provincial et local. Prenant la relève de la Commission Électorale Indépendante, alors en charge des précédentes élections, la CENI est, pour la première fois, seule aux commandes du processus électoral à tous les niveaux alors que l’appui de la communauté internationale n’est plus aussi important qu’en 2006. Toutefois, la composition politique de la CENI, dont quatre commissaires sur sept sont affiliés à la majorité présidentielle, pourtant réalisée dans un relatif consensus à sa création, n’a cessé d’alimenter de fortes critiques à l’approche des scrutins, notamment au sein d’une partie de l’opposition congolaise.
Afin de remplir sa mission, la CENI s’est appuyée désormais sur ses propres ressources techniques et logistiques ainsi que sur celles de l’État. Les acteurs internationaux, en particulier la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la Stabilisation en République Démocratique du Congo (MONUSCO), en charge du précédent cycle électoral, sont devenus des partenaires techniques de la CENI, chargés de lui apporter assistance sur le terrain.
Exerçant ses nouvelles responsabilités dans un contexte politique et organisationnel difficiles, la CENI et les autorités congolaises ont dû faire face à d’importants défis techniques et logistiques pour mener à bien, dans des délais très courts et dans un pays immense, ces scrutins présidentiel et législatif.

PRÉPARATION DES SCRUTINS
La distribution du matériel électoral a été l’un des principaux enjeux de l’organisation des scrutins législatif et présidentiel. Tout d’abord, les contraintes logistiques inhérente à la taille et la géographie du pays, les choix des fournisseurs (en Europe, en Afrique et en Asie) et le calendrier électoral finalement serré ont exercé un goulot d’étranglement au moment de la distribution vers les plates-formes régionales (système reposant sur 15 hubs principaux et 210 sous-hubs), tant pour le matériel sensible que non-sensible, malgré une mobilisation quasi-continue des moyens aéronefs de la CENI et de ces partenaires internationaux. Ensuite, le couplage des deux élections a posé d’importants problèmes techniques à la Commission : répartition et taille des bulletins, multiplication des urnes, imprimés électoraux différentiés, etc. Enfin, dans la plupart des territoires observés, l’acheminement du matériel a été marqué par de sérieuses difficultés logistiques, notamment en raison du manque de moyens humains, de transport et de carburant à la disposition des antennes locales. Tout ceci a entraîné de nombreux retards et obligé la Commission à distribuer du matériel électoral jusqu’au jour même des scrutins avec des succès plus ou moins relatifs. Une distribution inégale du matériel dans le pays a alors été constatée par nos équipes d’observateurs dans la plupart des provinces du pays.
Également, le plan de déploiement du matériel électoral a été affecté par la finalisation très tardive de la cartographie des bureaux de vote et de la liste des électeurs. La CENI n’a au final achevé l’impression et la publication de ces listes que quelques jours avant le 28 novembre interrogeant la capacité des électeurs à retrouver leur bureau de vote le jour du scrutin et mis les partis politiques et les candidats indépendants en difficulté, notamment pour finaliser le nombre exact de mandataires à mobiliser et à former.
Par ailleurs, la formation en cascade des personnels électoraux, commencé le 15 octobre à Kinshasa, a finalement été réduite, pour certains territoires, en raison de contingences à la fois matériel, financière, logistique et humaine. Assurée au niveau des centres de formation puis des centres de vote, pour les deux derniers échelons, elle s’est parfois déroulée sur une seule journée au lieu des trois jours initialement prévus. Les efforts de formation ont également été affectés par le manque de communication claire de la CENI concernant l’accès puis la rotation des témoins des candidats/partis politique aux bureaux de vote ainsi que le caractère tardif de certaines décisions de l’administration électorale comme pour la l’autorisation du vote des électeurs en possession de leur carte mais absent des listes trois jours avant le début des scrutins ou bien la distribution d’une copie des résultats par bureau de vote aux témoins.

ENREGISTREMENT DES ÉLECTEURS ET DES ÉLECTRICES
L’opération de révision du fichier électoral s’est déroulée sur l’ensemble du territoire dans plus de 12.000 centres d’inscription durant le premier semestre 2011. Cette révision des listes électorales s’est achevée en septembre avec près de 119.941 corrections. Le fichier électoral consolidé compte finalement 32.024.640 inscrits, dont le 49,68% des femmes. Cependant, les défaillances techniques qui ont entouré son élaboration alimentent de nombreuses récriminations : difficultés d’accès aux centres d’inscription, faible niveau de sensibilisation lors de la révision des listes, taux importants d’erreurs de saisies et/ou de traitement. Surtout, un manque de transparence et d’explications méthodologiques claires a entouré la finalisation du nombre total d’électeurs du fichier, particulièrement les opérations de nettoyage.

DÉROULEMENT DE LA CAMPAGNE
Conformément au calendrier électoral, la campagne a démarré le 28 octobre pour se terminer le 27 novembre 2011. Elle a débuté très timidement, en l’absence de personnalités de l’opposition réunies à Johannesburg pour d’ultimes tractations autour d’une possible candidature commune. Joseph Kabila et Vital Kamerhe ont été les seuls à tenir quelques rassemblements pendant la première semaine, l’un au Maniema qui avait massivement voté pour lui en 2006, l’autre dans les quartiers populaires de Kinshasa. L’interview donné le 7 novembre par Étienne Tshisekedi à partir de l’Afrique du Sud dans laquelle il appelait ses partisans à « attaquer les prisons et à libérer les prisonniers politiques » a constitué l’un des points marquants de la campagne en même temps qu’une polémique sur l’incitation à la violence à l’occasion des élections. En faisant écho au discours du président de l’UNAFEC Kwungu wa Kumwaza, il a contribué à raviver les souvenirs des évènements dramatiques qui avaient eu lieu au Katanga en 1993.
Selon les observateurs de la MOE de l’UE, Joseph Kabila, Vital Kamerhe et Étienne Tshisekedi ont rassemblé durant la troisième semaine de campagne des foules importantes dans leurs régions d’origine et leurs fiefs respectifs (Katanga/Maniema, Sud-et Nord-Kivu et Kasaï/Kinshasa). À l’approche du jour du scrutin, les activités de campagne se sont intensifiées avec l’entrée en lice des autres candidats à la présidentielle qui ont commencé à sillonner le pays le plus souvent accompagnés par les candidats locaux à la députation.
L’absence de subvention publique aux partis politiques et l’inexistence d’un contrôle réel sur les dépenses de campagne ont à l’évidence aggravé l’inégalité des moyens à la disposition des candidats aux deux scrutins. Par ailleurs, l’absence de spécimen de bulletins de vote, pour les deux scrutins, mis à disposition des candidats et des partis politiques n’a pas permis l’indispensable sensibilisation de l’électorat dans le cadre de leur campagne.
Très largement centrée sur l’enjeu présidentiel, la campagne a été émaillée de nombreux incidents. Les plus significatifs se sont concentrés dans cinq provinces l’Equateur, le Katanga, le Nord-Kivu, le Kasaï Occidental et le Kasaï Oriental où une fillette a été tuée par balle le premier jour de campagne. Toutefois, les appels au calme, les condamnations des discours inflammatoires et quelques initiatives locales de médiation ont permis de garder la violence sous contrôle jusqu’au jour du scrutin.

MÉDIA
Depuis le 21 octobre 2011, la MOE UE a réalisé une analyse quantitative et qualitative journalière d’un panel des médias audiovisuels et écrits. Depuis le début de la campagne électorale, l’accès des candidats a été fortement déséquilibré dans la majorité des média publics et privés. La Radio Télévision Nationale Congolaise (RTNC) n’a pas joué son rôle de service public négligeant le principe d'égalité et d’équilibre en matière d'information. J. Kabila a ainsi reçu 86% du temps consacré aux candidats présidentiels au journal télévisé contre 7% à L. Kengo, 3% à V. Kamerhe et 1% à E. Tshisekedi. Le plus souvent, les médias privés appartiennent à des hommes politiques. Ces médias ont clairement avantagé les candidats de leur parti ou coalition, limitant ainsi l’accès aux autres acteurs. Par ailleurs, une grande partie du temps d’antenne était constituée de spots, chansons, magazines et autres programmes payants, autorisées sans contrainte sur l’ensemble des médias, qui ont créé ainsi un profond déséquilibre entre les candidats. Parmi les radios analysées, seules Radio Okapi et Top Congo, dans leurs émissions journalières d’information, ont réalisé une couverture équilibrée des candidats à la présidentielle.
La couverture médiatique des femmes candidates est restée négligeable dans l’ensemble des médias analysés. En effet, le temps qui leur est dédié n’est que de 4% sur les télévisions analysées et 1% sur les radios.
Afin d’assurer un accès équitable aux différents candidats à la présidence, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de Communication (CSAC) a organisé des émissions d’une heure, sur une trentaine de médias audiovisuels publics et privés avec un panel de huit journalistes sélectionnés. Durant cette campagne, le CSAC n’a pas joué son rôle de régulateur avec impartialité. Ainsi, il n’a pas garanti le droit à un accès équitable des candidats et des partis politiques, surtout dans les médias publics. Sa mise en place tardive, l’insuffisance de moyens humains, matériels et financiers, l’absence de représentants provinciaux et le partage du même bâtiment avec la RTNC, sont autant d’éléments qui ont contribué à fragiliser son mandat.
La campagne électorale a été émaillée par des actes de violence contre les médias et les journalistes. Certains dérapages des médias ont également contribué à l’accroissement des violences contre les journalistes, notamment à Kinshasa, au Katanga et au Maniema. Les médias appartenant à des candidats y ont fait preuve d’un langage incendiaire en mettant en péril la sécurité des journalistes. L’augmentation de l’intolérance politique était à la base de plusieurs cas de violations de la liberté d’information constatées et rapportées par les observateurs long terme sur le terrain, la MONUSCO et les organisations non gouvernementales locales.

ÉDUCATION CIVIQUE ET SENSIBILISATION DES ÉLECTEURS ET ELECTRICES
La sensibilisation des électeurs, pour le cycle électoral de 2011, a essentiellement été assurée par la Fondation Internationale pour les Systèmes Électoraux (IFES) en coopération avec la CENI. Pour cela, IFES s’est notamment appuyée sur des sessions de sensibilisation à la base, en collaboration avec des Organisations Non Gouvernementales locales, sur des campagnes médiatiques ou bien encore sur des caravanes motorisées. Toutefois, travaillant principalement sur l’éducation civique, mais aussi en raison de moyens limités, IFES n’a pu développer un important programme de sensibilisation au vote au regard du calendrier électoral serré et du grand nombre d’électeurs à toucher.

GENRE ET PARTICIPATION DES FEMMES
La Constitution consacre le principe de la parité homme-femme. Toutefois, la discrimination continue à l’égard de la femme pour sa pleine participation à la vie politique et à la gestion de la chose publique. Pour l’enregistrement de candidatures, aucune mesure pour la mise en place de la parité n’est prévue.
Plusieurs facteurs pèsent aujourd’hui pour arriver à la pleine participation des femmes sur la scène politique. Les barrières traditionnelles et culturelles, le manque de confiance de la femme en elle-même, les violences faites aux femmes et l’analphabétisme sont les raisons évoquées. Les femmes constituent 49,68 % de l’électorat congolais. Les deux régions des Kivu, où nous notons la forte présence de militaires, qui sont exclus du vote; se distinguent par un pourcentage plus élevé de femmes enrôlées.
Des formations destinées aux candidates ont été organisées tardivement au cours du processus électoral. Le manque de soutien, notamment financier, apporté par leurs partis politiques a été soulevé par les candidates.

DROITS HUMAINS
La RDC a ratifié les principaux instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits humains. La Constitution reconnait des nombreux droits et libertés liés au processus électoral dans son titre II. Le respect de facto des droits et libertés civiques et politiques a été enfreint à plusieurs reprises tout au long du processus électoral.
Nos équipes d’observation ont rapporté des incidents à caractère électoral tout au long de la campagne et sur l’ensemble du territoire. La liberté de manifestation et d’expression est celle qui a été le plus souvent remise en cause ; il en va de même du droit à l’intégrité physique et à la vie et enfin du droit à la liberté et la sécurité. Kinshasa, les Kasaï, le Katanga et les Kivu auront été les plus affectés par ces violations. La fréquence de ces cas est restée stationnaire bien que marquée pour un début de campagne émaillé de multiples incidents à Kinshasa, Mbandaka et à Mbuji Mayi. La dispersion violente de militants par les forces de l’ordre publique, avec un usage disproportionné de la force publique, a été observée à Mbuji Mayi, Kinshasa, Goma.
Les affrontements entre militants ont affecté la situation sécuritaire pendant la campagne. À Kamina, Kinshasa, Kisangani, Lubumbashi, les militants de la majorité contre ceux de partis de l’opposition se sont confrontés de façon régulière. La présence des jeunes sportifs en vue d’actions violentes, notamment de kuluna, lors de rassemblements électorales ont été rapportée par nos équipes d’observation à Kinshasa et à Mbandaka.
La lutte contre l’impunité est un élément essentiel en vue de la construction de l’État de droit en RDC. Les efforts de l’État dans ce sens doivent se poursuivre et se renforcer, et faire lumière sur les événements violents pendant la campagne, le jour du scrutin et après, notamment en ce qui concerne le comportement des forces de l’ordre.

LE SCRUTIN
À l’occasion des scrutins présidentiel et législatif, la MOE UE avait un dispositif d’observation de 71 équipes réparties dans toutes les provinces du territoire congolais. Les scrutins du 28 novembre 2011, prolongés les 29 et 30, ont enregistré une participation, généralement, élevée sur l’ensemble du pays. Également, en participant largement aux scrutins, que ce soit en tant qu’électrices ou bien comme membres de bureaux de vote, les femmes ont confirmé leur forte implication dans le processus malgré un nombre faible de candidates aux scrutins.
Les bureaux de vote ont, pour la plupart, ouvert à l’heure. Toutefois, l’ouverture d’un certain nombre a été retardée, souvent en raison de l’absence du matériel électoral sensible, notamment dans les provinces du Kasaï Oriental, Kasaï Occidental, du Katanga, du Bandundu, et dans plusieurs centres de vote de la capitale. Par ailleurs, un nombre important d’électeurs ont eu beaucoup de difficultés à trouver leur bureau de vote. De manière générale, la MOE UE a relevé une bonne maîtrise des procédures de vote par les membres des bureaux de vote, même si le contrôle de l’encre à l’entrée des électeurs n’a pas été systématique. Le secret du vote a généralement été garanti. Les observateurs de la MOE UE ont cependant constaté une sensibilisation insuffisante des électeurs aux procédures de vote, notamment dans l’utilisation des bulletins de vote à la députation, qui s’est souvent traduite par un ralentissement des opérations. Pour finir, les observateurs ont noté l’utilisation intempestive des registres de dérogation, faisant office le plus souvent de registre des omis, illustrant ainsi le manque de communication claire de l’administration électorale en direction de ses démembrements.
Les témoins des candidats/partis politiques ont assuré une représentation pluraliste dans la grande majorité des bureaux de vote observé. Des cas d’accès refusé à des témoins par des présidents de bureaux de vote ont toutefois été rapportés par les observateurs dans 10 % des bureaux de vote visités. Enfin, les témoins n’ont pas eu systématiquement accès à une copie certifiée des résultats, pourtant prévue par la loi électorale et garantie clef de la transparence et donc de l’acceptation future des scrutins.
Soulignant l’attachement des électeurs congolais au processus électoral, ils se sont, en général, exprimés dans le calme, en dépit d’incidents graves ayant causé la mort de plusieurs personnes particulièrement au Kasaï Oriental, au Katanga et à Kinshasa (incidents à la suite d’allégations de fraudes et de bourrages d’urnes, actes de violence à la suite du mauvais fonctionnement de bureaux de vote ou encore destructions de bureaux de vote).
La sécurisation du processus électoral, généralement effectuée par les agents de la Police Nationale Congolaise (PNC), a néanmoins été caractérisée par plusieurs difficultés, tel que le versement tardif de fonds. Aussi, l’intégration d’éléments militaires, et même parfois de gardes privés comme à Kinshasa, dans le processus de sécurisation des opérations de vote et de compilation des résultats suscite de fortes inquiétudes.

TRANSMISSION DES RÉSULTATS
Parfois ouverte dans la continuité des scrutins ou bien le lendemain, la phase de compilation des plis électoraux au niveau des Centres Locaux de Compilation des Résultats est toujours en cours d’observation par nos équipes. Constituant une étape clef du processus électoral, une attention particulière y est portée par notre Mission.

SOCIÉTÉ CIVILE ET OBSERVATION NATIONALE
Une dynamique de rapprochement de dix missions d’observation nationale sous une seule ombrelle a été réalisée sous l’impulsion de l’École de Formation Électorale en Afrique Centrale. Cette dynamique a permis la présence d’observateurs dans une majorité des 63.865 bureaux de vote.

CONTENTIEUX ÉLECTORAL
La Cour Suprême de Justice (CSJ), en l’absence effective de la Cour constitutionnelle prévue par la constitution, est une institution clé puisqu’elle est chargée du contentieux électoral en sus de la proclamation des résultats définitifs des élections présidentielles et législatives. Pourtant, l’opposition ne croit pas à son indépendance car ses magistrats sont nommés par le Président sur proposition du Conseil Supérieur de la Magistrature, une institution dont il nomme aussi indirectement les membres. L’indépendance de la CSJ est aussi remise en question pour la nomination de 18 nouveaux magistrats à la CSJ, en plein milieu de la campagne électorale, nomination qui pourrait violer les conditions établies par le statut des magistrats.
La révision de la loi électorale au mois d’août 2011 a modifié les procédures en matière de contentieux des résultats, en remplaçant un traitement contradictoire en séance publique par un traitement à huit clos, plus opaque, où un magistrat mène l’instruction et récolte tout le nécessaire pour régler le contentieux. Dans une situation où les acteurs politiques n’ont pas confiance en l’indépendance du pouvoir judiciaire, cette solution n’est pas appropriée.
La publication des listes provisoires de candidats par la CENI a été très contestée. Néanmoins, presque la totalité des recours ont été rejetés comme irrecevables pour des raisons de forme. Le cas le plus controversé faisait référence à l’apparition, dans les listes provisoires de certaines circonscriptions, d’un nombre de candidats supérieur au nombre de sièges, ce que la loi électorale considère comme une cause de radiation des candidats du parti politique concerné. La CENI a expliqué que cette situation avait été causée par des erreurs techniques informatiques. Mais les listes définitives ont été publiées aussi avec de nombreuses erreurs. Pour régler la situation, la CENI a donné un délai supplémentaire, qui n’était pas prévu par la loi. En dépit de nombreux contacts, la MOE UE n’a pas eu accès aux arrêts relatifs aux candidatures, une situation très préoccupante car la CSJ est aussi soumise au principe de transparence.
Pendant la campagne électorale, le nombre de plaintes écrites déposées à la CENI ou au parquet reste relativement bas : au niveau local, deux de l’UDPS, un de l’UNC et un du MLC. Au niveau du bâtiment central de la CENI, des affiches à l’effigie du Président candidat sur des édifices publics ont donné lieu à une plainte de la part de l’UNC. L’UDPS a déposé une requête sollicitant la radiation du candidat Kabila pour l’utilisation de biens publics dans sa campagne dans tout le pays. Le jour du scrutin, l’UNC a déposé une requête dénonçant au moins 66 cas de fraude commis par la majorité présidentielle, la conduite négligente de la MONUSCO par rapport aux irrégularités du processus électoral, la prolongation illégale du scrutin le 29 novembre par la CENI, et par la suite en demandant la correction ou l’annulation du scrutin. Pourtant, la CENI n’a diligenté aucune enquête ni eu recours au parquet pour sanctionner les contrevenants. Le parquet n’a, pour sa part, poursuivi aucune infraction à la loi électorale. Cette situation a mis en cause le respect du principe de sécurité juridique.
La Mission souhaite exprimer ses remerciements au Gouvernement de la République démocratique du Congo et la CENI. Elle exprime sa reconnaissance à la Délégation de l’Union Européenne à Kinshasa, aux missions diplomatiques des États membres, aux missions d’observation nationale et internationale ainsi qu’au partenaire de mise en œuvre UNOPS pour leur assistance tout au long de cette mission. Cette déclaration est également disponible sur le site web de la Mission : http://www.moeue-rdc.eu et sur la page de la mission sur le site facebook : http://www.facebook.com/moeue.rdc
Mission d’observation électorale de l’Union européenne en République démocratique du Congo
Grand Hotel, Kinshasa
Website : www.moeue-rdc.eu

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