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lundi 14 janvier 2013

L’ECC devenue une dictature : l’arbitraire dans la gestion de l’Eglise

A l’origine du protestantisme congolais, c’est l’oeuvre des missionnaires venus de l’Occident à partir de 1878. Ils furent baptistes, méthodistes, presbytériens (Réformés et églises presbytériennes), mennonites, pentecôtistes, disciples du Christ, Assemblées de Dieu, évangéliques, etc. Cette diversité confessionnelle est représentée par trois modèles ecclésiologiques : épiscopal, congrégationaliste et synodal. Ces modèles vivent en harmonie et côte à côte au sein de l’Eglise du Christ au Congo.
Dès ses débuts, l’Eglise du Christ au Congo, l’ensemble des églises protestantes en RDC, fut confrontée aux questions sociales (éducation, santé, …), de droits humains, de violence et d’injustice, de Traites des noirs (esclaves), de l’exploitation abusive des Congolais sous Léopold II, roi de Belgique, et aussi de la colonisation belge.
Elle a été à l’avant-garde de tous les changements qui ont eu lieu dans le pays. Aujourd’hui, le pays est engagé dans un processus de démocratisation, un processus qui souffre encore de ses tares de jeunesse. L’ECC en a une longue expérience qui se justifie surtout par sa longue tradition démocratique fondée sur sa théologie, son organisation et ses pratiques. C’est dans ce processus actuel où l’ECC ne sert malheureusement plus de modèle et sa contribution tarde à se ressentir. Alors qu’au regard des défis toujours renouvelés, l’ECC par ses communautés membres et ses fidèles, devrait « proclamer et vivre la puissance libératrice de l’Evangile de manière crédible. »
Nous prendrons pour exemple, Mgr Marini, actuel « Président National » de l’ECC. Il est né le 30 mars 1938 à Zeu. Après avoir dirigé sa communauté, l’ECC-20è-CECA pendant une dizaine d’années à Bunia, il est élu en 1981 (alors âgé de 41 ans), Vice-Président National de l’ECC par le Synode national à Lubumbashi. Responsabilité qu’il exercera jusqu’en 1998, avant d’être élu comme Président National de l’ECC, en succédant à l’Evêque Bokeleale, admis à la retraite par le Synode national.
Notons que ce dernier avait dirigé cette Eglise de 1969 à 1998, soit pendant 29 ans. De 1998 à ce jour, Mgr Marini excelle dans la violation permanente des textes légaux de l’ECC, voire du pays. Il veut s’éterniser à la tête de l’ECC, comme le fut Mobutu à la tête du Zaïre pendant 32 ans. De 1981 à ce jour, Marini va aussi totaliser 32 ans à la présidence de l’ECC, d’abord comme Vice-Président (17 ans), puis comme Président (15 ans).
L’Eglise du Christ au Congo dans sa configuration actuelle est l’émanation du Conseil Protestant du Congo (Cf. sa personnalité civile obtenue par Ordonnance royale du 23 avril 1941)2. Lors du Synode national tenu à Kinshasa en août 1998, Mgr Marini est élu pour un mandat de 4 ans. A l’approche de la tenue de la XIIIe session ordinaire du Synode national de 2002 au cours de laquelle la fin de son mandat devrait être constatée afin de procéder à l’élection du nouveau Président national, Mgr Marini convoque le Comité Exécutif National en lieu et place du Synode National. Au menu de ces assises, le Comité Exécutif statue sur le vide juridique ainsi constaté par la fin du mandat du Président National de l’ECC et proroge le mandat de deux ans de ce dernier. Et ce, en violation des textes légaux. Car, il n’était pas de la compétence du Comité Exécutif National ni de maintenir le Président National à son poste, moins encore de modifier les textes légaux qui ne peuvent l’être que par la décision du Synode national à la majorité qualifiée de deux tiers de ses membres effectifs ou représentés (Art. 44 du ROI). La loi en la matière ne dit pas le contraire : « Les statuts de l’association sans but lucratif ne peuvent être modifiés que par décision de la majorité des membres effectifs », souligne le Décret-Loi n° 195 du 29 janvier 1999 portant réglementation des associations sans but lucratif et des établissements d’utilité publique.
Selon l’art. B 1 de la Constitution de l’ECC (non modifié et repris dans le Journal Officiel du 1er septembre 2005), le Comité Exécutif National est l’émanation du Synode National. Il a pour mission :
- de décider de la convocation du Synode National ;
- d’étudier et de proposer les dossiers à soumettre à l’examen du Synode National (Ordre du
jour et calendrier) ;
- de décider du lieu et de la date de la tenue du Synode national ;
- de veiller à l’exécution des actes, résolutions et recommandations du Synode national et d’en évaluer l’exécution ;
- d’étudier tous les dossiers qui lui sont soumis par le Président national de l’ECC ;
- de gérer les urgences pendant l’intercession du Synode national et de lui faire rapport ;
- de voter sur proposition du Président National de l’ECC le budget annuel de la Présidence Nationale de l’ECC ;
- d’approuver les comptes annuels certifiés de l’ECC.
Avant de commenter cet article par rapport à la violation des textes régissant l’ECC par le Président actuel de l’ECC, il sied d’interroger les ROI de l’ECC quant aux compétences du Comité Exécutif National. Le ROI reprend textuellement l’art. B 1 de la Constitution en son article 22 en ces termes :
Les compétences et la composition du Comité Exécutif national sont définies à l’article 8, littéras B1 et B2 de la Constitution.
Alors que le mandat du Président National de l’ECC élu en 1998 devant se terminer en 2002, il sera prolongé non par le Synode national, mais plutôt par le Comité Exécutif National. Pour réussir ce coup d’Etat constitutionnel Mgr Marini en complicité avec le CEN acquis à sa cause, évite de convoquer la XIIIe session du Synode National. Les communautés membres de l’ECC, de surcroit les délégués qui s’attendaient à répondre présents à ce grand rendez-vous de l’ECC vont tout simplement être surpris de voir Mgr Marini continuer à diriger leur Eglise comme si de rien n’était. D’ailleurs son prédécesseur, le défunt Evêque Bokeleale réagit en qualifiant cette situation de vide juridique en 2002 et d’imposture.
Alors comment comprendre cela, si ce n’est que par le goût du « pouvoir pour le pouvoir » par Mgr Marini qui le conduit à confondre le pouvoir temporel et la responsabilité spirituelle. En effet, l’année 2002 est marquée par les tractations politiques en vue de la fin des conflits armés et de la partition du pays depuis la guerre d’agression et d’occupation par les pays voisins dont l’Ouganda, le Rwanda, le Burundi, en 1998. La raison évoquée de ne pas faire venir les délégués du Synode national des différentes provinces du pays ne tient pas. Car, deux ans auparavant, soit en 2000, l’Eglise du Christ au Congo en collaboration avec d’autres partenaires oecuméniques avait réussi à organiser à Kinshasa la Consultation Nationale à laquelle avaient pris part les représentants de toutes les couches de la société congolaise, y compris les délégués de l’ECC, même des parties alors « occupées ». La raison se trouvait donc ailleurs, à savoir réunir le CEN facilement manipulable à sa cause. En outre, il fallait qu’à l’amorce de la dernière étape des négociations politiques en Afrique du Sud, Mgr Marini se présente en tant que Président National de l’ECC, afin de prétendre représenter les Protestants à un des postes de responsabilités politiques. Ce qui fut fait. A l’issue des tractations, il sera désigné à Sun City (RSA) comme Président du Sénat de transition, soit de 2003 à 2006.
Propulsé à ce poste, Mgr Marini s’arroge alors le droit de violer la Constitution de l’ECC pendant qu’il dirige le Sénat, l’Institution chargée de doter le pays de la nouvelle Constitution. La combinaison de la fonction du Président du Sénat et celle du Président National de l’ECC va préjudicier le fonctionnement de cette dernière. C’est la descente aux enfers : une des conséquences néfastes fut le disfonctionnement institutionnel, le trafic d’influence, la corruption, la manipulation, résultant de la confusion de ces deux fonctions dans la même personne. On ne savait plus distinguer à quel moment Mgr Marini agissait en tant que Président national de l’ECC, c’est-à-dire un pasteur et comme Président du Sénat, un politicien (politique).
Le CEN est pris dans le jeu pour prolonger sans respect des textes de l’ECC le mandat du Président national de l’ECC qui passe de 4 ans 6 ans. Le temps pour lui de préparer les membres du Synode national à avaliser son coup deux ans plus tard. Lorsque le Synode national se réunit en 2004, les délégués se trouvent désormais devant un Marini super puissant qui prend part à la table des grands et devant qui personne dans l’ECC ne peut faire tête. Résultat, le coup de 2002, relatif à la prorogation de son mandat, est tout simplement avalisé sans une autre forme de procès. Parmi les résolutions majeures :
- La modification des textes légaux dont la prorogation du mandat du Président national de
quatre à six ans renouvelables une fois ;
- La périodicité de sessions du Synode national qui passe de deux à trois ans ;
- La modification de l’âge de l’admission à la retraire qui passe de 65 à la fourchette de 70 à 75 ans.
Ces modifications seront légalisées à travers la publication de la Constitution et du Règlement Intérieur révisé de l’ECC dans le Journal Officiel du 1er Septembre 2005. A l’examen approfondi de ces modifications, il parait clairement qu’elles tentent de régler le sort de Mgr Marini. L’Eglise du Christ au Congo reconnait le principe de fin de mandat comme le stipule l’article 30 du Règlement Intérieur révisé :
. Fin du mandat du Président National et des Vices-Présidents Nationaux
o Le mandat du Président National, du 1er Vice-Président National et du 2ème Vice-Président National prend fin en cas de :
1. Admission en âge de retraite (70-75 ans) ;
2. Son expiration (6 ans) ;
3. Incapacité physique constaté ou déclarée ;
4. Méconduite ;
5. Démission ;
6. Appréciation du Synode National.
Le mérite de cet article est de démontrer que l’ECC en tant qu’Institution ecclésiastique a prévu des garde-fous afin d’empêcher que ses dirigeants s’éternisent dans l’accomplissement de leur mission. Toutefois, cette bonne intention a toujours souffert des humeurs de ces mêmes responsables, chaque fois qu’ils se trouvent à l’approche de l’échéance pour aller en retraite. C’est ainsi qu’il faut comprendre les modifications intervenues en 2004. A cette époque, Mgr Marini né en 1938 est âgé de 66 ans. Dans les anciens textes qui sont modifiés en 2004, l’âge de la retraire était fixé à 65 ans. Il se trouve sous le coup de la loi et ne pourrait plus ni diriger l’ECC ni être éligible. C’est pourquoi, il propose la fourchette de 70 à 75 ans et le mandat de six ans, en vue de la session du Synode national de 2008. A cette session, il est âgé exactement de 70 ans. Normalement, si Synode avait respecté l’art. 30, alinéa 1, il devrait admettre Mgr Marini à la retraire. Rien n’est fait dans ce sens. Toutefois, le principe est rappelé uniquement en ce qui concerne les Communautés et les Synodes provinciaux.
Alors que selon l’esprit de cet article, il s’agit du Président National et des Vice-Présidents National. Consacrant l’autonomie des Communautés, l’ECC reconnait à ces dernières le droit de s’organiser selon leurs statuts. Mgr Marini ne se sent pas concerné par la loi de l’ECC. La jungle continue. Le Synode prend la résolution 31/SN/2008 intitulée : De la mise en retraite des serviteurs de Dieu. Vu les difficultés qu’éprouvent quelques Communautés et Synodes provinciaux pour mettre à la retraite les serviteurs de Dieu ayant atteint l’âge fixé par le Règlement Intérieur de l’ECC ;
Compte tenu du respect strict du Règlement Intérieur de l’ECC en son article 30 stipulant la mise en retraite des serviteurs de Dieu ayant l’âge de 70 à 75 ans ;
Etant donné que la mise en retraite constitue non un rejet, mais une sortie pour se reposer après de lourds travaux durant plusieurs années ;
Le Synode National :
1. soutient l’application du Règlement Intérieur article 30 à l’endroit de tous les Serviteurs de Dieu ayant atteint l’âge de la retraite (70 à 75 ans d’âge) ;
2. autorise la sortie en retraite de ceux qui ont atteint au moins 30 ans de carrière et qui demandent la retraite soit à cause de maladie, d’incapacité physique, d’indisponibilité personnelle ;
3. demande aux Communautés de l’ECC, aux synodes Provinciaux et à la Présidence Nationale, d’organiser une sortie honorable des Serviteurs de Dieu concernés ;
4. demande aux Serviteurs retraités de mettre à profit leur temps de repos en mettant par écrit leurs expériences.
Cette résolution fut une lettre morte. Car, elle ne connut aucun début d’exécution ni en 2008, moins encore en 2010. A la session d’Août 2010, Mgr Marini se représente alors qu’il est âgé de 72 ans, donc concerné naturellement par l’esprit et la lettre de l’article 30. Il se représente, alors qu’en plus du dépassement de l’âge, sa communauté par la bouche de son Président communautaire, lui retire toute confiance. Une de conditions d’être candidat Président National est d’être recommandé par sa communauté d’origine. Il fait fi de toutes les lois de l’ECC qu’il est censé respecter et faire respecter.
A cette session du Synode national, les délégués s’attendaient à ce que par élégance, dignité, honorabilité et grandeur d’esprit que le Président National de l’ECC serve de modèle. Au contraire, il s’accroche désespérément. Quant à la modération du Synode, elle semble ne rien voir, ne rien entendre. L’application des textes légaux de l’ECC n’est pas à l’ordre du jour. Mgr Marini est présenté comme celui remplissant toutes les conditions d’éligibilité. Pour quelqu’un âgé de 72 ans, quelle plaisanterie ? Un acte de plus dans la violation des textes légaux de l’ECC. Comment comprendre cet entêtement qui frise l’obstination, si ce n’est que par la volonté de se maintenir au pouvoir à tout prix ?
Le fait de fouler au pied les textes de l’ECC n’est-il pas une manière de paralyser son fonctionnement afin de l’affaiblir comme Institution et de la transformer en un bien privé ? Ces intentions avérées ne sont-elles pas des homonymes du clientélisme, du trafic d’influence, de la manipulation, qui caractérisent tout système dictatoriale ? L’ECC est-elle devenue une dictature ? Comme c’est le cas maintenant, alors là, l’Eglise protestante au Congo agit comme une force qui tire toute la République Démocratique du Congo vers le bas. Elle agit désormais à contre-courant par rapport aux efforts que fournissent les Institutions étatiques actuelles issues des élections pour asseoir la démocratie et relancer ainsi le développement et la reconstruction du pays. Par ailleurs, l’ECC ouvre elle-même un champ de l’exercice de l’illégalité propre à tout système d’arbitraire et d’injustice qui ronge son existence et la prépare lentement mais surement à sa propre destruction.
Dans ce contexte, l’illégalité a été gagnée au coup de la corruption, de l’achat de conscience, des fausses promesses, et de tous les autres maux qui rongent depuis de décennies notre pays et l’empêchent de décoller. Par ses dirigeants, l’ECC a manqué de fidélité à son Seigneur et elle faillit à sa vocation d’être la lumière du monde et le sel de la terre (Mt 5.13-16). Elle fait comme tout le monde. C’est Jésus-Christ, le Chef de l’Eglise (Eph 5.23), qui en sort trahi et le peuple de Dieu qui se voit être dirigé par les mauvais bergers qui prennent soin d’eux-mêmes au détriment des brebis à leur charge (Ez 34).
Y-a-t-il une voie de salut ? Le respect des textes reste une des voies privilégiées. Il garantit la crédibilité et la justice conditions sine qua non pour la gouvernance de développement et le maintien d’une communauté de paix. A ce propos, la session prochaine du Synode en août 2013, devrait impérativement inscrire à son ordre du jour l’admission de Mgr Marini à la retraite, d’autant plus qu’à cette date, il aura 75 ans révolus. Si l’ECC voudrait être crédible et ainsi soutenir le processus de démocratisation. Il en va de son image. La retraite est statutaire. Le Synode national y a même donné une dimension valorisante en ces termes : « la mise en retraite constitue non un rejet, mais une sortie pour se reposer après de lourds travaux durant plusieurs années ; ». C’est un temps à profit pour se reposer et écrire les expériences ». Ce qui manque d’ailleurs à l’ECC. Quand est-ce que Mgr Marini se consacrera à cette tâche ?
L’intention est de se maintenir à tout prix, mieux de s’accrocher au pouvoir, comme disent les profanes, car dans l’Eglise il ne s’agit pas d’un pouvoir, mais d’une responsabilité, d’un service à rendre au peuple de Dieu, au nom de Dieu. Cette intention est soupçonnée aujourd’hui, encore, avec les tractations pour la suppression du système de mandat à la Présidence National de l’ECC. Une commission ad hoc travaille à ce sujet. Elle tente de préparer le coup qui n’avait pas réussi 2010. En effet, pendant la session du Synode National 2010, Mgr Marini avait distribué la lettre circulaire n° 349/SG/ECZ/80 du 28 mai 1980 que son prédécesseur publia contre le mandat dans l’ECZ à l’époque.
Dans cette lettre l’Evêque Bokeleale justifiait sa lettre en ces termes : « à chaque fin de mandat d’un dirigeant d’Eglise, la course au poste engendre des conflits, et même divise la communauté,… » Y-avait-il en 2010 un conflit latent ou ouvert qui allait détruire l’ECC ? Loin de là. Sinon qu’on avait à faire à un homme qui avait pris goût du pouvoir, se servait de sa position de Président National de l’ECC pour obtenir des avantages matérielles, financiers auprès de tiers afin de subvenir à ses besoins familiers et de sa fondation qui porte son nom. Lorsque la lumière cesse d’être lumière, elle devient ténèbres. Et un pays, où l’Eglise devient ténèbres ou les reflète n’a aucun avenir et n’a aucune chance d’être un canal des bénédictions. D’une part, ses dirigeants déçoivent et démotivent par leur mauvais témoignage et de l’autre Dieu ferme ses oreilles pour écouter leurs prières et ses mains pour déverser ses bienfaits sur son peuple, dont la prospérité et la paix. En lieu et place de la bénédiction, c’est la malédiction qu’il déverse sur eux. Car, ils l’énervent par leurs actes. Et lorsqu’ils parlent au peuple, c’est en leur nom, afin de gagner de l’argent, et non au nom de Dieu qui ne se reconnait plus en eux.

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