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dimanche 17 avril 2011

Procès de l’assassinat de Floribert Chebeya, conclusions des parties civiles à l’audience du 31 mars

Les avocats des parties civiles

Ayant prit la parole, le président du collectif des avocats des parties civiles, le bâtonnier Jean-Joseph Mukendi wa Mulumba a fait remarqué à la Cour que dès le début du procès, elles ont contesté la saisine de la Cour de céans et que par un jugement avant dire droit, celle- ci s’est déclarée saisie. Pour rappel, les parties civiles ont interjeté appel contre ce jugement, la Cour a joint cet appel au fond. Elle a maintenu sa position sur sa saisine et a continué l’instruction de l’affaire au regard du principe de célérité de la justice militaire.
Il a remercié la Cour pour son élégance, sa courtoisie et son attention dans la conduite des débats car le procès Chebeya est l’un des procès difficiles que la Cour a connu. Depuis le 1er juin 2010, le cours de l’histoire s’est arrêté pour les parties civiles, lesquelles souhaitent qu’à la fin de ce procès, la Cour marque dans l’histoire l’existence de Messieurs Chebeya et Bazana. Dans l’ouvrage « la vérité tient au bout d’un fil », dès le début de procès de Darcos, on savait qui l’avait tué mais le vrai criminel n’avait jamais fait objet d’un procès, d’autres personnes ont répondu de son crime parce que certaines personnes qui détenaient la vérité s’étaient tues par honte et d’autres par intérêt. Le vrai criminel s’est arrangé pour brouiller la Cour d’une manière ou d’une autre mais à la fin, il a été reconnu coupable.
Tout au long de ce procès, nous avons vu des renseignants qui sont venus induire la Cour en erreur pour qu’elle ne dise pas le droit. Cependant nous avons une ferme conviction et espérance que le vrai criminel dans cette affaire va répondre de son crime un jour.
La présente plaidoirie est subdivisé en huit parties à savoir : l’introduction, l’exposé des faits, la recherche du mobile et la nature du crime, l’infraction d’association des malfaiteurs, l’assassinat, terrorisme, détention illégale des armes, l’administration de la preuve, l’indemnisation, la violation des instruments internationaux et la conclusion.

Introduction

Messieurs Chebeya et Bazana étaient des défenseurs des droits de l’homme oeuvrant dans l’ONG la voix des sans voix (VSV) dont la protection est garantie par la constitution et les instruments internationaux. Malheureusement en Afrique, les défenseurs des droits de l’homme risquent chaque jour pour leur vie dans leur travail de lutte contre les violations des droits humains, de recherche de la vérité sur les violations des droits de l’homme commis, de la lutte contre l’impunité, de lutte pour l’instauration de la démocratie ; travail qui est difficilement accepté par les dirigeants et les gouvernements. Pour les décourager et les empêcher de continuer, ils font souvent l’objet d’enlèvement, d’assassinat, ils sont victimes des tortures et des traitements inhumains. En RDC, dans la plupart des cas, ils sont soit assassinés, soit enlevés et pour la majorité de ceux qui ont été assassinés, les enquêtes n’ont jamais été clôturées jusqu’à ce jour et il n’y a jamais eu de jugement concluant.
M. Chebeya, né à Bukavu, était marié à madame Annie Mangbenga Nzinga et père de 6 enfants. Il était le président de l’ONG dénommée La Voix des Sans Voix, le coordonateur de la RENADH, etc. Etudiant à l’Institut Supérieur de Commerce de Kinshasa, sous la deuxième république, il a commencé ses activités de défenseur des droits de l’homme en clandestinité en 1984. Menacé plusieurs fois par le pouvoir en place, il n’avait jamais abandonné cette lutte pour les droits humains jusqu’à ce que les défenseurs des droits de l’homme aient été reconnus. C’est à cette occasion qu’il participera à la conférence nationale souveraine. Tout au long de son travail, il a pris des positions sur les questions de l’évolution d’un état de droit ;, il a entre autre enquêté et critiqué le fameux budget du cinquantenaire, il a enquêté sur la mort d’aimé Kabila, sur le mouvement Bundi Dia Kongo (BDK) ; il a dénoncé le mauvais comportement de la police, il a écrit une lettre au roi Belge lui demandant de ne pas participer aux festivités du cinquantenaire, malheureusement cette lettre n’a pas été déposé puisse qu’il avait été assassiné.
Né à Lisala, marié à madame Marie Josée IKOKO et père de 8 enfants, Monsieur Fidèle Bazana devient membre de la voix des sans voix et chauffeur de M. Floribert Chebeya en 1999. Il deviendra également membre de la RENADHOC. Ces deux défenseurs des droits de l’homme, par le biais de la VSV et dans le cadre de leurs activités ont interpelé le gouvernement sur différentes questions des droits de l’homme, ils ont enquêté sur des dossiers dits sensibles pour le pays. 

La VSV a rappelé au gouvernement le dossier du président Laurent Désiré Kabila dont les enquêtes n’ont jamais été clôturées, elle a documenté le dossier Bundu Dia Kongo lequel rapport retrace les faits et désigne les responsables des crimes commis au Bas-Congo. Parmi ces responsables, nous avons entre autre l’IG John Numbi, M. Denis Kalume, le commandant Christian Kenga Kenga et son bataillon etc. Ce rapport documenté devait être déposé devant les instances internationales pour que justice soit rendue aux victimes et la VSV était initiatrice de cette procédure.
Elle a adressée à la l’Inspection Générale de la PNC plus de 17 correspondances qui sont restées lettres mortes. Curieusement le 28 mai 2010, en réponse à sa lettre adressée en février 2010 à l’Inspection Générale de la PNC sur les conditions carcérales ; elle recevra à son bureau une lettre d’accusé de réception.

 Exposé des faits

Le 27 mai 2010, le prévenu Mukalayi, ne respectant pas le circuit normal de l’administration, retire du secrétariat, la lettre d’accusé de réception adressée à la VSV, la remet au commissaire Mwila, son homme de confiance et élément de la PRI, et lui demande de la déposer à la VSV avec comme consigne de rencontrer M. Chebeya. Le 28 mai 2010, le commissaire Mwila arrive à la VSV, il trouva M. Olivier, membre de la VSV, il se présente à lui comme étant de l’Inspection Générale de la PNC. Il demande avec insistance à rencontrer M. Chebeya. M. Olivier lui répond que M. Chebeya est en réunion et que s’il avait un message pour lui, il pouvait le laisser. Le commissaire répond que c’est M. Chebeya qu’il cherchait et qu’il allait repasser étant donné qu’il était dans les parages puis il est parti.
Juste après son départ, M. Olivier va dire à M. Chebeya qu’un monsieur venant de l’Inspection Générale a insisté à vous rencontrer, il a dit qu’il allait revenir. Comme il avait été enregistré, M. Chebeya a demandé à M. Olivier de l’appeler. M. Olivier a appelé le commissaire Mwila qui est revenu. M. Chebeya va le recevoir et ce dernier va lui remettre l’accusé de réception de la lettre du 07 février 2010. Par la même occasion M. Chebeya va exprimer le désir de rencontrer l’Inspecteur Général de la PNC. Avant de partir, le commissaire Mwila lui promettra d’en parler à sa hiérarchie. Quant à M. Chebeya, il n’avait pas trouvé pourquoi le commissaire Mwila avait insisté de le rencontrer pour déposer juste un accusé de réception qui pouvait être déposé à la réception. C’est pourquoi nous disons que le prévenu commissaire Mwila n’avait pas seulement pour mission de déposer la lettre mais aussi de rencontrer M. Chebeya pour mieux l’identifier. Le soir du même 28 mai 2010, le prévenu commissaire Mwila a appelé M. Olivier plus de deux fois avec insistance lui demandant de dire à M. Chebeya de le rappeler, ce qui avait été fait. Dans sa conversation avec M. Chebeya, le commissaire Mwila lui dira qu’il avait parlé à la hiérarchie de son voeu et que cette dernière lui avait répondu qu’il allait l’aider à rencontrer l’IG John Numbi. Le 31 mai 2010, après s’être entretenu avec l’IG John Numbi, le prévenu colonel Mukalayi appelle M. Chebeya et lui dit que l’IG était d’accord de le recevoir un de ces quatre matins. Le 01 Juin 2010, le prévenu colonel Mukalayi appelle M. Chebeya cette fois pour lui confirmer le rendez-vous avec l’IG John Numbi entre 17h00 et 17h30. Vers 17h, M. Chebeya, accompagné de son chauffeur Fidèle Bazana, se rend à l’inspection générale de la PNC pour répondre à son rendez –vous. Et de là ils vont disparaître, l’un sera retrouvé mort et le corps de l’autre n’a jamais été retrouvé jusqu’à ce jour.
Le prévenu colonel Mukalayi s’était arrangé pour que M. Chebeya arrive à 17heures parce qu’il savait qu’à ces heures là le service de protocole et de sécurité seront déjà partis et qu’ils ne pourront pas être enregistrés. Le 02 juin 2010, on retrouve le corps de M. Chebeya sans vie, le prévenu Mukalayi met sur place une commission d’enquête avec comme chef d’équipe le prévenu major Kitungwa qui est son homme de confiance et qui se retrouvait presque partout. Ce dernier avait pour mission d’effacer les traces du crime et de brouiller les pistes de recherche. L’IG John Numbi met également sur pied une commission d’enquête mais le 4 juin 2010, il sera suspendu et l’enquête sera confiée au conseiller spécial de sécurité du chef de l’Etat.

Analyse et étique des faits présentés

La méthode de la victimologie est utilisée dans ce cas pour étudier le phénomène de la criminalité. Ce qui nous amène à présenter le portrait de la personnalité du prévenu Mukalayi.
Le prévenu Mukalayi est un personnage mythique, d’apparence de bel homme, calme, séducteur et il donne l’air d’un intellectuel et d’un homme très intelligent. Il a un caractère autoritaire, colérique, il est craint par ses collaborateurs et même par certains de ses supérieurs ; mégalomane, égocentrique et quelque fois indiscipliné. Il est imbu de lui-même et a un regard perçant.
M. Chebeya a été assassiné à 30 jours de la journée commémorative de l’Independence de la RDC, la veille de son départ pour Mbandaka où il devait travailler sur le dossier des Enyelés. Il était dans le champ visuel du prévenu Christian Kenga Kenga et vous avez constaté que ce dernier est allé habiter à quelques pas de la résidence de M. Chebeya pour bien le surveiller. Lors de l’instruction de cette affaire, le prévenu Mukalayi a prétendu devant la Cour que lorsque le prévenu Mwila est arrivé dans son bureau, il s’est souvenu du dossier Chebeya. Cela veut tout simplement dire qu’il était un projet de longue date. Le 30 juin 2010 approchant, les activistes des droits de l’homme avaient pris l’initiative d’adresser une lettre au roi Belge lui demandant de ne pas répondre à l’invitation des festivités du cinquantenaire. Il se fait que dans cette réunion, il y avait des infiltrés, agents de l’ANR qui avaient rapporté les propos au gouvernement. Le pouvoir devant faire taire les défenseurs des droits de l’homme, ils vont viser d’éliminer M. Chebeya 48 heures avant le dépôt de ladite lettre. C’est ce qui justifie la présence du prévenu Mukalayi à Mitendi le 29 mai 2010.
Le prévenu s’est rendu à Mitendi pour repérer et inspecter l’endroit. Le 31 mai 2010, il passe la nuit à la Gombe parce qu’il devait préparer la scène. Après tous ces préparatifs et après avoir parlé avec l’IG John Numbi pendant plusieurs minutes, il appelle M. Chebeya pour lui dire que l’IG le recevra un de ces quatre matins. Le 01 juin 2010, le prévenu Mukalayi appelle M. Chebeya pour lui dire que l’IG allait le recevoir vers 17heures. Continuant dans la préparation du crime, il appelle le commandant Christian Kenga Kenga, le major Paul Milambwe avec qui il était en contact permanent. Ce sont ces trois prévenus qui ont exécuté Messieurs Chebeya et Fidèle Bazana qui était un témoin gênant. Pour masquer le crime, ils vont déposer des objets auprès du corps de Chebeya pour faire croire que M. Chebeya était mort d’un arrêt cardiaque provoqué par un coït ou une aventure sexuelle.

Attitude de Mukalayi

Après avoir commis le crime, le prévenu Mukalayi s’est arrangé pour désorienter les enquêtes.
-Il achète le carburant à la police scientifique pour descendre sur le lieu du crime et il prend en charge les frais de laboratoire.
-Il demande à papa Mukalayi de préparer un communiqué de presse relatant que M. Chebeya était décédé après des relations sexuelles. -Quand il constate que le commissaire Puna de la police scientifique n’admet pas cette thèse, il panique et va demander au major Kitungwa de gérer la situation, d’attendre les photos de la scène prises par le laboratoire de la police technique et scientifique et d’arracher les scellés au commissaire Puna.
-Alerté, le général Oleko diffuse un communiqué de presse contradictoire à ce qui avait été trouvé sur la scène de crime.
Le rapport d’autopsie souligne qu’il y a plusieurs morts qui ne sont pas assimilé à une mort naturelle et conclue ceci : que « le cas Chebeya était une histoire qui pouvait se passer sans traces » c.a.d. ni vu ni connu alors que Chebeya était un homme bien connu. Nous voyons mal que le prévenu Mukalayi ait pris seul l’initiative d’éliminer M. Chebeya, il avait reçu les ordres venant d’en haut.

Le chemin du crime

Le chemin du crime est complet et bien établi parce qu’il y a eu les actes préparatoires au crime.
-Les prévenus Christian Kenga Kenga, Paul Milambwe et jacques Mugabo sont allés habiter près de M. Chebeya pour bien le surveiller.
-M. Chebeya , au nom de la VSV, avait adressé plusieurs lettres à l’inspection générale de la PNC mais il n’a jamais reçu de réponse. Curieusement, le 26 mai 2010, l’inspecteur général John Numbi va accuser réception de la lettre du 07 février 2010 ; le 27 mai 2011, le colonel prévenu Mukalyi va retirer ladite lettre du secrétariat de la PNC et va la faire déposer à la VSV le 28 mai 2010 par le prévenu Mwila qui avait pour consigne de rencontrer personnellement M. Chebeya, arrivé à la VSV, celui-ci a insisté pour rencontrer Chebeya.
-Le prévenu Mukalayi va fixer le rendez-vous à M. Chebeya après les heures de service.
-La confiscation des scellés sur ordre du prévenu Mukalayi pour lui permettre d’effacer les preuves, la levée du corps de Chebeya faite en l’absence du parquet.
-La lettre du 07 février 2010 a été réceptionnée par l’Inspecteur Général adjoint Alogabony qui assurait l’intérim de l’IG qui était en voyage, celui –ci avait déclaré ici devant la Cour que pendant l’intérim, il répond à toutes les questions lui soumis et il engage la police nationale congolaise. Mais on remarque que cette lettre ne sera signée que par l’IG John Numbi.
-Après une consultation préalable entre l’IG John Numbi et le prévenu Mukalayi, la lettre d’accusée de réception est signée le 26 mai 2010, retiré du secrétariat par le prévenu Mukalyi le 27 mai 2010 et déposée à la VSV le 28 mai 22010 par le commissaire Mwila. Cette lettre n’a été qu’un prétexte pour faciliter le contact avec la victime et l’entreprise criminelle.
-L’enregistrement dans le registre des visites au service de protocole est clôturé à la date du 01 juin 2010 à 12heures et cela était dans le but de ne pas enregistrer M. Chebeya.
-Les relevés téléphoniques renseignent que les prévenus Christian Kenga Kenga, Jacques Mugabo et Paul Milambwe ont quitté l’Inspection Générale de la PNC et se sont rendus à Mitendi ;ce déplacement a été fait pour transporter et y déposer le corps de M. Chebeya..
Pourquoi a-t-on tué M. Chebeya, comment et où a- t- il été tué ? Nous disons qu’il a été tué à l’Inspection Générale de la PNC au trône de John Numbi.

Mobile et nature du crime
Mobile

A voir les objets trouvés sur le lieu de crime et le communiqué de presse publié, cela nous laisse croire que M. Chebeya est mort d’une mort qui est la conséquence de sa passion sexuelle. Ce scénario a été mis en place pour masquer le crime commis comme ce fut le cas de la mort de Boteti et un monsieur de l’UDPS. Mais, cette scène maquillée n’a pas réussi à convaincre les victimes parce que M. Chebeya partageait sa vie entre son bureau et sa maison, il n’avait pas d’amis mais seulement des collègues activistes des droits de l’homme avec qui il partageait ses pensées.
Il y a plusieurs mobiles qui justifient l’assassinat de Chebeya :
-La demande au roi belge de ne pas participer aux festivités du 30 juin a été considérée comme un sabotage ;
-Individuellement, il a déposé une plainte contre certaines autorités du pays devant les juridictions internationales ;
-Il a traité plusieurs dossiers sensibles pour le pays tels que la contestation de la nationalité du chef de l’Etat, il a mené des enquêtes sur la mort d’Aimé Kabila, la mort de Masasu, le dossier BDK (le dossier des officiers originaires de Mbandaka qui ont été exécutés parce qu’ils étaient alliés à Jean Pierre Bemba etc.) ;
Avec tout ceci, il était considéré comme un trouble faite pour le gouvernement et il fallait le faire taire pour empêcher ses différentes actions contre l’Etat congolais, pour éviter une contre campagne électorale visant le Président de la République puisse que l’ayant fait en 2006 etc. D’une manière générale, c’était un message pour les autres défenseurs des droits de l’homme de la RDC.
Dans cette affaire, il y a eu l’intervention et une grande mobilisation des différentes autorités du pays avant, pendant et après la commission du crime. Nous pouvons expliquer cela par les faits suivants : le Procureur de la République ne remet au médecin légiste que le communiqué de presse, la désignation et le remplacement brusque du médecin légiste par un autre médecin alors le premier n’était pas empêché, les scellés sont arrachés par le prévenu Mukalayi et détenus par le prévenu Kitungwa qui à son tour va les remettre au Procureur de la République, lesquels scellés ont disparus alors qu’ils étaient entre les mains du magistrat colonel Flory Numbi. Ils n’ont pas encore été retrouvés jusqu’à ce jour. L’intervention des agents hauts cadres du service de renseignement et du bataillon Simba.

Nature du crime.

Ce crime est un crime d’Etat qui a pour objectif de museler les défenseurs des droits de l’homme qui luttent pour l’instauration d’un Etat de droit et de la démocratie. Par ses activités de dénonciation, M. Chebeya luttait pour l’instauration de la démocratie, pour l’instauration d’un état respectueux des droits des personnes. M. Bazana l’accompagnait dans toutes ses démarches. L’un étant considéré comme un élément perturbateur et l’autre témoin gênant d’un crime, tous deux ont été éliminés

L’association des malfaiteurs

Prévue et punie par l’article 156 et suivants du code pénal livre II, l’infraction d’association des malfaiteurs est définie comme toute association formée dans le but d’attenter aux personnes ou aux propriétés.

L’élément matériel -les actes posés par les prévenus-

Cet élément se matérialise par l’existence d’une association, organisation ou groupement, l’appartenance à cette organisation dont l’objectif est l’atteinte aux personnes ou à leurs biens.
L’organisation existe bel et bien.
Au mois de mai 2010, dans le but d’assassiner Messieurs Chebeya et Bazana, tous deux défenseurs des droits de l’homme et membres de la VSV, le prévenu Mukalayi a recouru aux services des prévenus Christian Kenga Kenga, Paul Milambwe, Jacques Mugabo, Georges Kitungwa, François Ngoy, Michel Mwila et Blaise Mandiangu lesquels ont adhéré à l’idée et ont formé une association.
L’instruction de la cause a démontré que certains membres de la bande se connaissent et ont travaillé ensemble dans les services de renseignement et dans la force aérienne à l’époque où l’Inspecteur Général de la PNC John Numbi était chef d’état major ; que l’IG, chef d’état major de la force aérienne avait créé une unité de défense aérienne (UDA) dans laquelle avaient été recrutés les prévenus Christian Kenga Kenga, Jacques Mugabo et Paul Milambwe et Blaise Mandiangu qui sont aujourd’hui dans le bataillon Simba ; que tous les prévenus se retrouvaient en permanence à l’inspection générale de la PNC à l’exception du prévenu Blaise Mandiangu.
L’ affinité des membres et la qualité de chacun a facilité l’organisation de la bande et la commission du crime : l’inspecteur principal colonel Mukalayi, directeur adjoint en charge des renseignements et opérations de la DGRS, l’ inspecteur Georges Kitungwa chef du département des renseignements à la DGRS et bras droit du prévenu Mukalayi, l’ inspecteur Christian Kenga Kenga commandant du bataillon Simba n’obéissant qu’aux ordres de l’IG John Numbi, Paul Milambwe, chargé de sécurité de la PNC, Ngoy Mulongoyi, chargé de la sécurité et protocole au sein de la cour et protocole de l’IG, le commissaire Michel Mwila agent de la PRI et ancien secrétaire particulier et collaborateur du prévenu Mukalayi, Jacques Mugabo garde du corps de Christian Kenga Kenga et Blaise Mandiangu secrétaire du bataillon Simba et proche de Christian Kenga Kenga.

De la qualité des membres.
Le code pénal prévoit deux catégories des membres à savoir les provocateurs et les autres membres. Il ressort clairement de l’instruction de la cause et il est incontestablement établi que le général John Numbi bien qu’il n’a pas été entendu comme prévenu devant la Cour de céans, apparait comme membre actif de cette infraction et le prévenu Mukalayi a exercé le commandement de la bande. L’IG John Numbi a exercé son commandement sur les prévenus Mukalayi, Christian Kenga Kenga et Paul Milambwe alors que le prévenu Mukalayi l’a exercé sur les autres.

Du rôle de chaque prévenu

-Prévenu Mukalayi : au courant du mois de mai 2010, s’est entretenu avec L’IG John Numbi. Il a obtenu la signature de la lettre d’accusé de réception, il a retiré la lettre au secrétariat et l’a remise le 28 mai 2011 à Mwila avec comme consignes de la déposer à la VSV, de rencontrer M. Chebeya pour mieux l’identifier. Il a obtenu un rendez-vous pour Chebeya auprès de l’IG, il a confirmé à Chebeya l’heure et le lieu du rendez-vous. Il se rend à Mitendi le 31 mai 2011 pour identifier les lieux (voir relevé téléphonique), il est en contact permanent avec l’IG John Numbi à qui il fait le rapport et les prévenus Christian Kenga Kenga et Paul Milambwe (voir relevés appels téléphoniques et sms). Le 01 juin 2010, il attend Chebeya et reste à l’inspection de la PN jusqu’à 20h pour coordonner la suite des opérations dont notamment l’envoi des SMS sur le téléphone portable de Chebeya, le déplacement du corps jusqu’à Mitendi. Le 2 juin 2010, lorsque l’on annonce la découverte du corps de Chebeya, il crée une commission d’enquête pour lui permettre d’effacer les traces des crimes. Il finance l’enquête de la police scientifique et adjoint le prévenu Kitungwa à l’équipe pour suivre toute l’enquête de près, ll donne l’ordre au commissaire Puna de ne faire aucun rapport au Procureur de la République ni à son chef et il va lui arracher les scellés. Il demande à l’inspecteur Jerry Kahuzi de participer à l’élaboration du communiqué de presse et il exige qu’il soit mentionné qu’il n’y avait pas des traces de violence sur le corps de M. Chebeya. Pour faire encore mieux, il oriente les défenseurs des droits de l’homme venus rechercher Messieurs Chebeya et Bazana à l’Inspection Générale de la PNC vers une piste qu’il savait être fausse.

-Prévenu Michel Mwila : appartient à la police des recherches et investigation (PRI), il se présente à la VSV comme agent de l’inspection de la PNC lors du dépôt de la lettre d’accusé de réception de la PNC alors qu’il n’est pas coursier, il insiste et rencontre M. Chebeya , il l’ identifie et il fait le rapport à son chef le prévenu Mukalayi. Il demande que M. Chebeya appelle et il lui dit que son chef va obtenir le rendez-vous avec l’IG John Numbi tel que souhaité.
-Prévenu François Ngoy : le 1 juin 2010, pour effacer des traces des crimes projetés, en sa qualité de responsable du protocole à l’entrée de l’inspection générale de la PNC, il demande que le registre soit clôturé à 12H. Le 02 juin 2010, il donne un faux nom et numéro à la veuve Chebeya qui était venue chercher son mari alors que celle-ci lui présentait le numéro de la personne qui était venu à la VSV, qui avait appelé Olivier et que son mari avait appelé la veille à savoir le commissaire Mwila, il oriente la veuve vers une fausse piste savoir les services judiciaires.

-Prévenu Georges Kitungwa : il participe à la commission fictive créée par le prévenu Mukalayi alors que le général UGNOM le lui avait interdit ; il récupère les scellés auprès des agents de la police scientifique et contrôle les rapports, il attend au laboratoire et récupère les photos de la scène du crime pris par la police scientifique.

-Prévenu Blaise Mandiangu : proche de son chef Christian Kenga Kenga, lors de sa détention, il fait une note à son chef intérimaire le commandant Henry Ndati et lui demande de détruire toutes ses cartes SIM pour effacer les traces de communication entre lui et son chef en fuite, il reste en contact permanent avec son chef alors ce dernier est recherché par la justice.

-Prévenu Christian Kenga Kenga : dans les six mois qui précèdent l’assassinat de M. Chebeya, il loue une maison d’habitation sur l’avenue et à quelques mètres de chez Chebeya. Il va habiter cette maison avec le prévenu Paul Milambwe rien que le mois du jour fatidique. Le 01 juin 2010 vers 16h30, il est à l’Inspection Générale de la PNC sûrement pour exécuter les deux défenseurs des droits de l’homme. Il envoie le message suivant au prévenu Mukalayi « j’ai ton challenger… ». Il est très mobile le soir du 01 juin 2010, il se rend à Mitendi pour y déposer le corps de CHEBEYA. Après Mitendi, il se rend à Righini, lieu de la résidence du prévenu Mukalayi pour lui faire le dernier rapport. Il est accompagné dans toutes ces démarches par Jacques Mugabo qui est son garde corps. Le parquet découvre des armes lourdes dans leur maison lors de la perquisition.

-Prévenu Paul Milambwe : Il habite la même maison que le prévenu Christian Kenga non loin de chez M. Chebeya. En tant que chef de sécurité de l’IG, il donne l’ordre à Kalunga le chargé de protocole de clôturer le registre des visiteurs à 12heures, il accompagne le prévenu Christian Kenga Kenga à Mitendi pour déposer le corps de M. Chebeya. L’auditorat militaire retrouve dans son bureau un bâtonnet maculé du sang.

-Prévenu Jacques Mugabo : garde du corps de Christian Kenga Kenga, il contribue à la commission de ce crime en accompagnant son chef dans toutes les actes de préparation, d’organisation et de commission. c’est pourquoi il a suivi son chef dans la fuite.

Du but poursuivi
Le but poursuivi ici était d’attenter aux personnes et à leur vie, dans le cas d’espèce assassiner les deux défenseurs des droits de l’homme Messieurs Chebeya et Bazana.

Elément moral
Aucun prévenu ne souffre d’insuffisance mentale, tous travaillent et occupent de poste de responsabilité au sein de leurs services. Les actes posés ont été commis en âme et conscience et ils savaient bien que ces sont des actes contraire à la loi et à la mission de la police.

Les preuves.

Le mode opératoire.
Le 26 mai 2010, l’IG John Numbi adresse la lettre d’accusé de réception à M. Chebeya, le directeur de la VSV, le 27 mai 2010, le prévenu Mukalayi retire la lettre au secrétariat, le 28 mai 2010, il l’a remet au commissaire Mwila pour la déposer à la VSV. Ce dernier se rend à la VSV, insiste, rencontre et identifie CHEBEYA. Cette lettre avait pour but de mettre en confiance M. Chebeya. Avant la signature de ladite lettre, le prévenu Mukalayi est en communication avec l’IG John Numbi pendant longtemps ( de 11heures à 14heures). Le 31 mai 2010, le prévenu Mukalayi se rend à Mitendi. Le même jour au soir à 21heures après plusieurs appels avec l’IG John Numbi, le prévenu Mukalayi appelle M. Chebeya avec son numéro Tigo pour lui annoncer un rendez-vous avec l’IG. Le 01 juin 2010, L’IG John Numbi est en contact permanent avec le prévenu Mukalayi (voir relevés téléphoniques), Ce contact démontre qu’ils ont collaboré pour maquiller l’assassinat et effacer toutes les traces :
-16h51’53 ‘, il appelle le prévenu Mukalayi pour vérifier si M. Chebeya était déjà arrivé,
-17h16’36’’, il appelle encore le prévenu Mukalayi pendant 121’’,
-18h41’53’’ le prévenu Mukalayi appelle l’IG John Numbi pour lui faire un rapport;
-20h28’, le prévenu Mukalayi appelle l’IG John Numbi pour l’informer que le corps de Chebeya est acheminé vers le chemin du cimetière à Mitendi ; -21h20’ il l’appelle encore pendant 168 secondes.

Les preuves proprement dites.

Les relevés téléphoniques (communication entre les membres de l’association)
Ces relevés ne souffrent d’aucune faille, elles démontrent que les différentes personnes étaient en contact permanent. Ils retracent le chemin du crime, ils démontrent que M. Chebeya est bel et bien arrivé à l’inspection générale de la police avec M. Bazana son chauffeur, qu’il y avait un flux abondant de communications entre les prévenus pendant la période suspecte qu’avec les autres policiers. Ils démontrent également qu’avant la période suspecte, il n’y avait pas de communications permanentes entre les prévenus ni avec l’IG John Numbi c'est-à-dire qu’avant l’assassinat les communications étaient presqu’inexistantes.
Lors de l’instruction, les communications suspectes entre l’IG John Numbi et le général Oleko pendant la période suspecte ont été omis d’être examiné.
-Le 27 mai 2010 l’IG John Numbi appelle le général Oleko à 11heures, 12heures et 12h10’ ;
-Le 28 mai 2010, l’IG John Numbi appelle le général Oleko à 12h48’ ;
-Le 30 mai 2010, l’IG John Numbi appelle le général Oleko à 16h32’ pendant 128 secondes ;
-Le 2 juin 2010, l’IG John Numbi appelle le général Oleko à 7h00, à 7h10 le général Oleko appelle l’IG John Numbi pendant 168 secondes, à 12h l’IG appelle le général Oleko, à 12h02’ le général Oleko appelle l’IG et aussi à 16heures.
Avant ce temps, il n’y a pas des appels permanents entre ces deux personnes. Les appels ont débuté à partir du 27mai 2010 pour déjà préparer un communiqué de presse mensonger. Le crime a été bien préparé et il a été commandité au plus haut sommet, raison pour laquelle nous disons que, c’est un crime d’Etat.

Assassinat de Fidèle Bazana.

Le 01 juin 2010, Fidèle BAZANA a accompagné M. Chebeya à l’Inspection Générale de la PNC et il n’en est jamais revenu ou ressorti. Son corps n’ayant pas été retrouvé jusqu’aujourd’hui, nous nous basons sur la présomption comme mode de preuve de son assassinat.
-M. Chebeya ne conduisait pas, il se faisait toujours conduire par son chauffeur. Le 01 juin 2010 M. Fidèle Bazana, chauffeur et membre de la VSV, l’accompagne à l’Inspection Générale de la PNC. Ne pouvant lui demander de partir sans son chef, les auteurs de l’assassinat de son chef et collègue l’éliminent parce que il était devenu un témoin gênant pour eux et pour l’Etat congolais ;
-Le véhicule qu’il conduisait s’est retrouvé à Mitendi avec le corps de M. Chebeya.

Le rapport d’autopsie.
Il y a d’autres modes de preuve qui sont : les indices, la présomption, les éléments matériels, les preuves scientifiques, etc. Les parties civiles ont émis des réserves quant au rapport d’autopsie mais sans pour autant le rejeter. Selon Rubens, le juge ne doit pas totalement se fier aux preuves techniques et scientifiques parce qu’il arrive souvent que l’expert y mette de sentiment, ce qui est le cas de notre expert le docteur Tshomba, médecin légiste. Ce rapport souffre de certaines insuffisances, c’est pourquoi dans la conclusion, il est dit que l’existence d’un rapport de la police technique et scientifique sera importante. Le rapport d’autopsie ne s’est pas basé sur les éléments du rapport de la police scientifique. Rubens dit encore dans son ouvrage de droit pénal que la photographie apporte une preuve incontestable. C'est-à-dire que la photographie prévaut sur les spéculations des personnes qui n’étaient pas sur le lieu de crime. Le mode de preuve ultime c’est l’intime conviction du juge. Mais nous avons compris qu’en prenant leur tasse de café lentement et avec douceur, ils ont fini par conclure que M. Chebeya n’était pas mort d’une mort naturelle mais d’une force extérieure.
En lisant minutieusement ce rapport, nous constatons qu’il y a contradiction avec les éléments du rapport de la police scientifique. Le rapport d’autopsie ne fait pas allusion au larynx, il renseigne néanmoins qu’au niveau du cuir chevelu, il y avait des petites traces de sang et au niveau de la boite crânienne une coagulation de sang mais malheureusement les experts n’en n’ont pas fait allusion dans leur conclusion. L’expert a spéculé alors qu’il était venu éclairer la Cour et les non avertis. Il faut prendre en compte le rapport préliminaire de médecin légiste et le rapport de la police technique et scientifique pour mieux analyser le rapport d’autopsie. La mort de M. Chebeya a été causée par une force extérieure et non par les deux pathologies qui ont été découvertes dans son corps (rapport d’autopsie)

Constats :
-Les médecins légistes n’ont vu le corps de M. Chebeya que 11 jours après sa mort ;
-Ils ont regretté de ne pas être allés sur le lieu du crime,
-ils n’avaient pour pièce de travail que le cadavre et le communiqué de presse, ce qui n’était pas facile pour eux ;
-C’est au cours de l’audience du 28 janvier 2011 que le docteur Tshomba a vu pour la première fois les photos de la scène de crime, les photos du corps de Chebeya sur lequel il y avait des traces de sang ;
-La réquisition d’information remise au médecin légiste avait deux objectifs à savoir celle de soumettre le corps à une autopsie et d’en faire un rapport, elle n’était accompagnée que du communiqué de presse mensonger.
-Les médecins légistes ont travaillé avec les moyens de bord. Docteur Tshomba a été honnête devant la Cour en disant qu’il ne pouvait pas remettre formellement en cause le rapport de ceux qui ont été sur le terrain, sur la scène du crime. Par conséquent, la Cour doit obligatoirement faire recours au rapport de la police scientifique pour des questions qui ne trouvent pas réponse dans le rapport de médecin légiste tel que le cas des traces de sang et le cou.
Les deux rapports ont des points de convergence tels que :
-La présence des traces au tour des poignets de la victime preuve qu’il avait été menotté de façon très serrée. Nous savons que la police détient les menottes.
-Des traces d’écrasement au niveau des jambes preuve qu’il avait été maintenu avec force;
-Ils évoquent l’hypothèse d’une suffocation et d’une strangulation à cause de la présence des pétéchies et ils concluent qu’il y a eu une intervention externe.
Qui a dans ce cas tué M. Chebeya ?
En lisant le procès verbal du MP à la cote 995, les fiches signalétiques des prévenus Christian Kenga Kenga et Jacques Mugabo nous renseignent que ces sont des experts formés dans la discipline antiterroriste et en arts martiaux c'est-à-dire qu’ils ont la maitrise de méthodes de donner la mort soit par trangulation soit par asphyxie sans laisser des traces. Et leur fuite n’est qu’un aveu de leur forfait.

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