APO

vendredi 8 avril 2011

Procès de l'assassinat de Floribert Chebeya, 22ème audience


La Cour militaire de Kinshasa-Gombe a entendu à l’audience du 7 mars 2011 le médecin légiste, le policier Puna de la police scientifique et technique, le chef de la localité Mitendi, les trois policiers de la PRI, M. Gomer Martel et M. Christopher de l’ONG la synergie Congo Culture et développement humain et M. Ilunga de l’ONG les amis de Nelson Mandela.
Le Colonel Daniel Mukalay
1. De la procédure
Médecin légiste le docteur colonel Tshomba
a. Questions des parties civiles à l’expert (suite)
Q. La réalisation d’une autopsie diffère beaucoup s’il s’agit de la médecine légale qui est destinée à l’enquête judiciaire ou de l’anatomie pathologique qui est une branche destinée aux recherches scientifiques. Les deux spécialistes qui font ce travail sont des anatomopathologistes, est-ce vrai ? R. Je suis médecin légiste reconnu par l’ordre de médecin depuis le 2 juin 2000, inscrit au tableau depuis le 27 mai 2000 et mon numéro d’ordre est le 478819.
Q. C’est une réponse d’ordre législatif, alors que sur le plan scientifique, y a-t-il lieu de confondre un anatomo-pathologiste à un médecin légiste ? R. Pour travailler comme spécialiste en médecine légale, c’est l’ordre de médecin qui vous reconnaît après vérification complète de votre dossier. Un anatomo-pathologiste peut être un médecin légal parce que les deux spécialisations ont le même cursus. Et si dans le document signé, on a utilisé le titre d’anatomo-pathologiste, c’est parce qu’en Hollande, ce mot veut dire médecin légiste. Le médecin légiste travaille en fonction des orientations que la justice lui donne, son but est de déterminer les causes d’une mort dans le souci de faciliter les enquêtes judiciaires.
Q. Est-ce que le corps de M. Chebeya a été protégé, notamment ses mains et sa tête ? R. Nous n’étions pas sur le lieu du crime pour prendre toutes ces précautions.
Q. Lors de l’autopsie, combien de photos aviez-vous prises ? R. Nous avons pris plusieurs photos que nous allons remettre à la Cour.
Q. Quelles sont les parties du corps qui ont été ouvertes pendant l’autopsie ? R. Lors de l’autopsie toutes les parties de la cavité du thorax étaient ouvertes ainsi que tout le corps.
Q. Quel est le poids normal des organes ? R. Le cerveau pèse 1,5 kilo, le cœur 2 kilos, etc.
Q. Aviez-vous eu le temps de peser les organes de M. Chebeya ? R. Oui, son cerveau pesait 1,4 kilo.
Q. Aviez-vous fait le prélèvement de contenu gastrique ? R. Oui, toutes les analyses de toxicologie ont été faites par nos amis experts internationaux et on a rien trouvé d’anormal.
Q. Comment est-ce que le rapport que vous présentez ne mentionne pas la corpulence et la présentation physique de M. Chebeya qui sont les éléments importants pour identifier la personne autopsiée ? R. Je vous renvoie à la page 7 du rapport où on a d’abord commencé par l’inspection de la personne ; il mesurait 168 cm et pesait 68 kilos. 
Les membres de la Cour

Q. Est-ce que ces deux éléments renferment la corpulence d’un individu ? R. Oui, la corpulence veut dire le schéma corporel.
Q. Le fait que la tête et les mains ne soient pas protégées, est ce que cela peut influencer sur le résultat de l’autopsie ? R. Non, si on les protège c’est pour les prélèvements des indices des criminels.
Q. C’est quoi la dysplasie haritmogène ? R. C’est une maladie héréditaire qui se situe dans le ventricule droit du cœur qui peut donner une mort subite suite aux fibrillations ventriculaires dû au stress.
Q. Est-ce que vous aviez vu les photos prises par la police technique et scientifique ? R. Non, je ne les ai jamais vues.
Q. Maintenant que vous venez de voir les photos avec le sang coulant de la bouche, est-ce que la victime vous a été présenté telle quelle ? R. Non.
Q. Est-ce qu’après avoir vu cette photo, le rapport d’autopsie peut-il avoir un effet rétroactif ? R. Non.
Q. Si la victime avait été placée dans un sachet en plastique ou tonneau, est-ce que les résultats de l’autopsie seraient les mêmes ? R. Non, quand une personne meurt dans ces conditions, il y a des traces visibles sur le visage et dans les poumons. Il y aurait eu présence des pétéchies et les yeux seraient exorbitants.
Q. Mais dans votre rapport vous soutenez qu’il y avait la présence des pétéchies congestivales et l’hypothèse de strangulation par étouffement n’est pas à écarter, qu’en dites-vous ? R. La présence de pétéchies peut aussi se faire voir dans le cas de mort subite parce que les petits vaisseaux sanguins éclatent par manque de fonctionnement.
Q. A l’audience passée vous avez dit « les choses se sont passées vite comme s’ils ne l’auront pas voulu et les criminels peut-être ont été surpris de voir M. Chebeya mourir, que voulez-vous dire par là ? R. C’est parce que nous avons trouvé deux pathologies au niveau de cœur qui peuvent causer la mort en cas de stress énorme et sûrement que M. Chebeya avait été victime de stress.
Q. Est-ce qu’il y a eu un acte extérieur provenant des acteurs? R. Oui, parce qu’il avait les traces sur ses bras au niveau des poignets et les pieds. Cela suppose qu’il y a eu usage d’une force mécanique.
Q. Quelles sont les raisons qui ont fait que vous ne puissiez pas faire l’examen de latox désidrogeniase ? R. C’est un examen qui se fait 48 heures après la mort et ici le corps nous a été présenté 10 jours après la mort.
Q. Est-ce que les proposés de la morgue ont le droit de nettoyer le corps avant de le mettre dans la morgue ? R. Non, il est strictement interdit.
Q. Vous avez dit qu’en cas de doute de ce rapport, celui du médecin néerlandais vaut parce que vous aviez déposé la version française et ce rapport est une traduction. Qui a traduit ce rapport ? R. C’est un traducteur néerlandais assermenté.
Q. Pourquoi ce traducteur n’a-t-il pas signé comme le veut la procédure ? R. Il y a le cachet de l’ambassade des Pays-Bas. J’ai lu la version néerlandaise et le traducteur a reproduit fidèlement en Français ce qui est dans la version néerlandaise. Et j’assume ce rapport en cas de contestation.
Q. D’où pouvaient provenir les traces se trouvant sur les mains et les pieds de M. Chebeya ? R. Sûrement qu’il y a eu une force mécanique extérieure.
b. Questions de la défense
Observation : la défense prend acte du rapport du médecin légiste parce qu’il a éclairé la Cour sur les circonstances de la mort de M. Chebeya qui est dû à la présence de deux pathologies qui peuvent donner ou accélérer la mort en cas de stress. En ce concerne le stress, M. Chebeya était un activiste des droits de l’homme et en tant qu’activiste des droits de l’homme, la personne subit le stress déjà tous les jours.
Q. Si vous étiez sur la scène de crime et ayant observé qu’il y avait du sang sur les lèvres du M. Chebeya, qu’auriez vous fait ? R. J’allais le constater et le mettre à profit pour mon travail de médecin légiste.
Q. Dans le scellé reçu est ce que vous aviez constaté la présence du sang ? R. Non.
Q. Est-ce que dans le cas de M. Chebeya, ces deux pathologies constatées pouvaient-elles provoquer une mort subite ? R. Oui, parce qu’elles perturbent la stimulation du muscle cardiaque, mais placé dans un contexte de stress, elles accélèrent la mort.
Q. Quelle est la nature de lien causal de ces deux pathologies ? R. En général il y a ceux qu’on appelle les âmes sensibles, c'est-à-dire les personnes très saintes qui ne supportent pas le choc et il faut toujours voir comment leur annoncer une nouvelle. Il y a aussi ceux qu’on appelle les âmes fortes, eux n’ont pas de très grand problème, ils supportent le choc. La fréquence normale du cœur est de 220 larges, le battement du cœur s’accélère en secrétant beaucoup d’adrénaline dans le cas de stress, d’angoisse, des activités physiques etc.
Q. Quelles sont les conditions de conservation dans une morgue ? R. La température d’une morgue est de 4 à moins 12 degrés.
Q. Est-ce que le corps placé dans cette température transpire comme tout objet solide placé dans ces mêmes conditions ? R. Il ne transpire pas au contraire il se décongèle.
Q. Est-ce que le stress est assimilé à une peur continue ou irrésistible ? R. La peur peut conduire au stress.
c. Questions du civilement responsable (RDC)
Q. Est-ce que les traces trouvées sur les avant-bras et pieds sont voisins à la période du décès ou bien c’était avant la mort ? R. D’après les analyses, ces sont des traces ante mortem. Ces lésions remontent de dix minutes à une demi-heure avant la mort.
Observation : la RDC prend acte du rapport du médecin légiste.
d. Questions du MP
Q. Pouvez-vous nous donner l’évolution de ces deux pathologies pour qu’elles représentent un risque de mort subite ? R. Quant à la dysplasie, elle évolue avec l’âge, c'est-à-dire plus l’âge avance plus le risque d’une mort subite dû à cette maladie augmente. La myocardite lyncophositaire est un virus qui attaque le muscle cardiaque et qui peut vous atteindre à tout moment. Et ce virus présente un risque permanent de mort subite.
Q. Selon vos explications, ces deux pathologies sont d’origine héréditaire, est-ce que les maladies héréditaires sont elles contagieuses ? R. Non.
Observation : Nous constatons que dans ce cas, chose étonnante une maladie héréditaire devient contagieuse parce que M. Chebeya a contaminé son chauffeur qui a disparu jusqu’aujourd’hui.
Commissaire Principal Puna
a.       Questions de la Cour
L’inspecteur principal Puna a déjà comparu devant la cour à plusieurs reprises. Il est agent de la police technique et scientifique.
Q. La cour vous a fait revenir pour que vous expliquiez votre rapport sur la scène de crime ? R. Le 2 juin 2010, le colonel Van va nous demander de descendre à Mitendi parce qu’on avait découvert un corps sans vie sur la route et cette information venait du colonel Mukalayi. Nous sommes arrivés sur le lieu vers 11heures et avons trouvé une foule de gens avec certains objets entre leurs mains. Nous avons d’abord commencé par sécuriser le lieu en traçant le périmètre de sécurité et en fixant le lieu par des prises de photos. Nous nous sommes avancés vers le véhicule et nous avons vu un monsieur allongé sur le siège arrière du véhicule, pantalon et sous vêtement baissés jusqu’au niveau des cuisses. Nous avons fait sortir le corps du véhicule pour l’examiner et nous avons constaté qu’il avait des lésions au niveau des avant-bras et le sang coulait de la bouche, du nez. Tout le corps était déjà rigide à l’exception de la tête dont le cou tournait dans tous les sens.
Nous avons constaté qu’il y avait un problème au niveau de pharynx et larynx parce qu’à chaque fois que j’appuyais au niveau du cou il y avait du sang qui coulait de la bouche, c’est la raison pour laquelle nous avons dit dans notre rapport que le médecin légiste puisse déterminer l’origine de ce sang.
Q. Comment aviez-vous pu identifier la victime ? R. Nous avons trouvé dans le véhicule la carte de la Sonas  en son nom et sa carte de membre de la Voix de Sans Voix (VSV) où il y avait sa photo, dix cartes de visite en son nom, et quatre cartes des agents de la Monuc.
Q. Quand aviez-vous constaté les traces de sang ? R. Quand nous avons sorti le corps du véhicule pour l’examiner et c’est en voulant le retourner que nous avons vu le sang.
Q. D’où venait ce sang ? R. De la bouche.
Q. Est-ce que les lésions des avant-bras étaient profondes ou superficielles ? R. A la main gauche c’était un peu profond et superficielle à la main droite ; cela est visible dans les photos.
Q. Le médecin légiste a dit qu’il n’avait rien constaté d’anormal au niveau du cou, comment conciliez-vous cela avec vos constats ? R. Quand on parle de l’autopsie, on examine l’extérieur et l’intérieur du cadavre pour savoir quelles sont les causes de la mort. Nous, agents de la police scientifique, ne faisons qu’un examen externe et nous avons constaté cette anomalie au niveau du cou. C’est la raison pour laquelle nous avons recouru au médecin légiste pour un examen approfondi. D’habitude c’est un travail continue, le médecin légiste nous consulte toujours pour avoir les données de la scène du crime. Nous avons toujours travaillé avec le docteur Nzuzi. Mais dans ce cas, c’est seulement aujourd’hui dans la salle que j’apprends qu’il y avait un rapport du médecin légiste.
Q. Quand vous dites que la tête tournait dans tous les sens, qu’est-ce que cela veut dire parce que le médecin légiste nous a dit que pour que la tête tourne dans tous les sens, il doit y avoir fracture de la colonne vertébrale ? R. Normalement le phénomène de la rigidité cadavérique commence par la tête pour atteindre tout le corps dans la minute qui suit. Jamais une partie du corps peut entrer dans cette étape et l’autre restait, c’est anormal. Quand nous avons sorti le corps du véhicule, la partie des épaules jusqu’au pied était déjà rigide c'est-à-dire solide et très lourd alors que la tête allait au-delà de 90 degré ; c’est très visible sur les photos que nous avons prises. Raison pour laquelle nous avons demandé dans notre rapport au médecin légiste de déterminer la cause de la mort.
Q. Est-ce qu’au niveau du cou, il y avait des traces visibles que le cou avait été tordu ? R. Non, il n’y avait pas de traces visibles sur le cou et peut-être qu’il avait été tordu de l’intérieur parce que c’est possible.
Q. Vous soutenez que le cou a été tordu, et aujourd’hui que vous venez d’entendre le rapport du médecin légiste qui dit que le cou était normal, est ce que vous continuez à soutenir votre position ? R. Oui, je maintiens ma position parce que j’étais sur la scène de crime et j’avais vu le corps et avec les autres amis nous avons même pris des photos. Alors que le médecin légiste n’a vu le corps que dix jours après. Normalement il devait nous consulter pour avoir des renseignements.
Q. Est-ce que le fait que M. Chebeya ait passé dix jours à la morgue peut rendre son cou rigide bien qu’ayant été tordu ? R. C’est au médecin légiste de nous expliquer.
b. Questions du MP
Q. Est-ce que vous confirmez avoir trouvé certains objets entre les mains de la population ? R. Oui je confirme.
Q. Est-ce que vous confirmez que le médecin légiste n’a pas recouru à vous pour son travail ? R. Il ne m’a jamais cherché et je le vois seulement ici à l’audience. Généralement dans ce genre de scène, le médecin légiste me (nous) consulte toujours avant de commencer son travail pour avoir des données parce que c’est une continuité de travail.
c. Questions des parties civiles
Q. Est-ce que vous pouvez identifier les personnes qui avaient les documents de M. Chebeya quand vous êtes arrivés sur le lieu de crime ? R. Ils étaient en tenue civile et nous leur avons demandé de remettre ces objets à l’endroit où ils les avaient pris.
Q. Après le décès, combien de temps faut-il pour que la rigidité cadavérique se forme? R. Il y a trois phases, la première phase va de 2 à 4 heures. C’est le début et il peut être rompu. La deuxième phase de 4 à 12 heures, à cette phase la rigidité s’intensifie et il y a encore la possibilité de la rompre et enfin la troisième phase allant de 12 à 36 heures, la rigidité devient définitive c'est-à-dire qu’on ne peut plus la rompre.
Q. Aujourd’hui le corps de M. Chebeya a été déjà enterré, est-ce qu’il y a possibilité de compléter votre rapport en allant le déterrer ? R. Non, c’est une question à laquelle le médecin légiste peut vous répondre.
Q. Vu les objets trouvés dans le véhicule, à quoi pouvez-vous conclure : qu’il y a eu un arrêt cardiaque, un homicide ou un meurtre ? R. L’arrêt cardiaque doit et est toujours constaté par le médecin. Nous, nous avons examiné le corps de l’extérieur avec tous les objets trouvés sur le lieu. Nous avons conclu que ce n’était pas une mort naturelle que c’est un meurtre.
Q. Comment aviez-vous jugé le comportement du colonel Mukalayi quand il vous a arraché le scellé ? R. J’ai condamné cette attitude qui était illégale.
Q. Combien de fois avez-vous déjà fait ce travail ? R. Plusieurs fois, mais pour les cas avec la même scène d’infraction, c’est la deuxième fois. La première fois lors de la mort de M. Botethi. Nous sommes arrivés sur terrain et nous avons trouvé des objets similaires à cette scène.
d. Questions de la défense
Q. A quoi étaient dues les lésions sur les bras de M. Chebeya ? R. Aux menottes, vous remarquerez que les traces et les plaies sur les bras sont au même niveau.
Q. Concernant le point pour lequel vous nous renvoyez au médecin légiste, pouvons-nous nous fier à son rapport sur ces questions ? R. Je ne sais pas vous le confirmez, parce que nous n’avons pas collaboré avec lui dans le travail. Sachant que la police scientifique existe, il devait nous contacter comme cela se fait sous d’autres cieux.
Q. Est-ce que ce n’est pas vous qui avez arrêté la rigidité cadavérique au niveau du cou quand vous aviez sorti le corps du véhicule ? R. Non, c’était pour nous un constat anormal.
Q. Pourquoi n’aviez- vous pas constaté ce sang dans le véhicule ? R. Le sang a coulé quand on a sorti le corps du véhicule et en voulant le retourner pour l’examiner, c’est alors que nous avons constaté que le sang coulait.
Q. Aviez-vous trouvé l’équipe du bourgmestre et du chef de quartier sur le lieu du crime ? R. Nous avions trouvé quatre personnes : l’OPJ Mukendi, le policier Ngole, le chef du quartier et l’autre dont j’ai oublié le nom. Le bourgmestre n’était pas là.
Q. A qui aviez-vous remis la clé du véhicule ? R. Je l’ai déposée à l’endroit ou je l’avais trouvée. Quand on a identifié les objets trouvés sur le lieu, le policier Ngole me demandera de lui remettre la clé du véhicule parce que c’est lui qui ira déposer le corps à la morgue.
Q. En votre qualité d’expert, est-ce que vous deviez laisser la clé du véhicule à l’endroit où vous l’aviez trouvé alors qu’elle constituait un élément devant être scellé? R. Si nous avons laissé la clé, c’était pour permettre qu’on puisse déplacer le véhicule.
Q. Avez-vous une base des données des empreintes digitales ? R. Oui.
Q. Est-il possible d’avoir les empreintes digitales d’une personne qui a opéré avec les gants ? R. Oui, c’est possible si elle a utilisé ses gants plus de trois minutes parce que la sueur traverse toujours le gant. Pour ceux qui sont informés, ils changent toujours de gants après chaque minute de l’opération pour ne pas laisser leurs empreintes.
Q. Est-ce que la rigidité cadavérique peut être interrompue par la manipulation du cadavre ? R. C’est au médecin légiste de nous éclairer sur cette question.
Renseignant Kasongo
a. Questions de la Cour
Kasongo Simon, chef de la localité du quartier Mitendi dans la commune de Mont Ngafula.
Q. Connaissez les officiers se tenant à votre droite ? R. Non.
Q. Où étiez-vous le 2 juin 2010 ? R. A la maison.
Q. Qu’aviez vous appris ? R. Vers 7 heures du matin, j’ai vu les gens courir vers la grande route Matadi en disant qu’on n’était venu jeter un mort sur la route. Je vais appeler le chef du quartier pour lui donner l’information. Il va me demander de descendre sur le lieu pour recueillir des informations précises. Quand je suis arrivé sur le lieu, j’ai trouvé le commandant sous CIAT, deux éléments de la police de circulation routière ainsi qu’une foule de gens. Cinq minutes après, le chef du quartier est arrivé et je me suis retiré.
Q. Qu’aviez-vous entendu ce jour là ? R. La population disait qu’on avait amené une personne morte à Mitendi.
Q. N’aviez vous pas entendu dire qu’il y avait deux véhicules de la police qui étaient venu déposer la victime dans le véhicule que vous aviez vu ? R. Non.
Q. Le chef du quartier a dit que c’est vous qui lui avait d’abord donné cette information ? R. Non, moi je ne lui avais pas parlé de deux véhicules de la police.
b. Questions du MP
Q. Reconnaissez-vous avoir appelé le matin du 2 juin 2010 le chef du quartier pour l’informer que deux véhicules de la police étaient venus jeter un corps sans vie dans un véhicule sur la grande route ? R. Non, je ne lui avais pas dit ça.
Q. Reconnaissez-vous avoir appelé votre chef du quartier ? R. Oui, je lui avais dis qu’il y avait un cas de mort.
Observation : nous constatons que le renseignant ici présent ne veut plus accepter tout ce qu’il avait déclaré au chef du quartier, nous l’avons invité pour venir confirmer tout ce qu’il avait dit au chef du quartier.
c. Questions des les parties civiles
Q. Est-ce qu’il y a des concessions appartenant à des autorités de la police dans votre localité ou bien à coté ? R. Non.
Q. Pouvez-vous nous situer la cité de millenium par rapport à Mitendi ? R. C’est à 3 à 4 kilomètres du lieu où j’habite, Joli parc et la cité du millenium ne sont pas sous mon administration.
Les trois policiers qui avaient escorté M. Gomer Martel et M. Gomer lui-même
Le commandant Jonas Mbaya, l’Officier de Police Judiciaire Yobila, le sous commissaire Mbata et Jonas ont été entendus à l’audience passée, la Cour leur a demandé de revenir pour permettre à la défense de poser ses questions.
a.       Questions de la défense
Q. M. Gomer, plusieurs renseignants qui sont passés ici et qui avaient vu le corps de M. Chebeya ont déclaré qu’il portait une chemise blanche avec ligne noir manche longue, est-ce que vous continuez à confirmer que la chemise de M. Chebeya était de couleur claire ? R. Oui.
Q. Est-ce que vous confirmez toujours avoir vu M. Chebeya dans la grande salle de l’Inspection Générale de la PNC ? R. Dès le premier jour, j’ai parlé du hall et je ne sais pas qu’est-ce que vous entendez par grande salle. Et j’ai même bien précisé que cette salle pouvait être utilisée comme réception, nous l’avons tous vue lors de la descente.
Q. Quelle relation entretenez-vous avec le colonel Mukalayi ? R. Aucun.
Observations :
- M. Gomer n’est jamais arrivé à l’Inspection Générale de la PNC à 20 heures étant donné que le commandant Jonas avait reçu l’ordre de l’amener à 18 heures et cet ordre devait être exécuté sur base de la discipline et le respect des ordres de la hiérarchie qui est très important dans l’armée et la police qui ont le même règlement.
- M. Gomer a été acheminé seul à l’Inspection Générale de la PNC quand il dit qu’il était avec son frère avec qui il a été arrêté, ce sont des mensonges.
- Arrivé à l’Inspection Générale de la PNC, ils étaient entrés par l’entrée principale et étaient ressortis par l’entrée du coté de la RTNC.
- En conclusion M. Gomer n’a jamais vu M. Chebeya, ceci est pour dire qu’il a donné des fausses déclarations à la Cour et nous demandons que l’article 130 du Code pénal livre II lui soit appliqué.
M. Robert Ilunga et M. Christopher Ngoy
a. Questions de la Cour
Ilunga Numbi Robert, défenseur des droits de l’homme, directeur exécutif de l’ONG Les Amis de Nelson Mandela. Ngoy Mutamba Christopher, opérateur économique, acteur de la société civile et activiste des droits de l’homme, directeur exécutif de l’ONG Synergie Congo Culture et Développement Humain.
Q. M. Robert, connaissez-vous les officiers se tenant à votre droite ? R. Je connais seulement le prévenu colonel Mukalayi.
Q. Quelle relation entretenez-vous avec lui? R. Aucun.
Q. Dans quelle circonstance l’avez-vous connu ? R. Le 2 juin à 2 heures du matin, j’avais reçu un message de la VSV me disant que M. Chebeya et M. Fidele ont disparu. Ils étaient allés répondre au rendez-vous de l’Inspecteur Général de la PNC à l’Inspection Générale de la PNC et ne sont pas rentrés. J’ai appelé pour avoir des précisions, après j’ai envoyé le message à tous les collectifs des ONG pour donner l’information. Vers 7 heures du matin, je me suis rendu au bureau de la VSV avec deux de mes collaborateurs. Arrivés sur place, ils me diront qu’un certain Michel de la PNC était passé déposer une correspondance de la PNC et l’avait appelé pour lui dire que l’Inspecteur Général (IG) était d’accord pour le recevoir. J’ai appelé le Michel en question et je lui ai demandé s’il était avec M. Chebeya hier à l’Inspection Générale de la PNC. Il a répondu non. J’ai appelé le conseillé spécial de la Présidence en matière de la sécurité pour me renseigner et lui expliquer que M. Chebeya avait rendez-vous avec l’IG PNC hier et depuis lors ils n’étaient pas rentrés. Il va me dire qu’il n’était pas informé et qu’il allait vérifier l’information. En plus, il m’a demandé de me renseigner d’abord à l’Inspection Générale. Nous sommes allés avec mes collaborateurs, deux membres de la VSV et la femme de M. Chebeya à l’Inspection Générale pour vérifier. Arrivés à la réception, ils nous dirons que M. Chebeya et Bazana n’étaient pas arrivés à l’inspection.
Nous avons vérifié le registre, leurs noms n’y figuraient pas. Nous avons demandé à voir l’IG John Numbi. Juste quand nous allions entrer à l’intérieur, j’ai reçu un appel m’informant que l’on venait de retrouver le corps de M. Chebeya vers Mitendi mort sans son chauffeur Fidele Bazana. Nous sommes entrés à deux, les autres collègues étaient restés à l’extérieur. Je leur ai demandé de ne pas informer madame Chebeya du décès de son mari. A l’intérieur, on va nous orienter vers deux majors qui étaient dans la cour et qui parlait avec Maître Jacob de l’OCDH. Nous avons posé le problème, quand je parlais, l’un des majors recevra un appel et dans sa conversation il disait « que je suis avec les défenseurs des droits de l’homme qui sont venus chercher M. Chebeya et Bazana qui seraient venus ici hier soir. La personne qui l’avait appelé lui dira de nous demander de l’attendre ». Les deux majors vont nous diriger dans un couloir et nous faire entrer dans une salle mentionnée « MESS ». Dix minutes après, l’un d’eux viendra nous prendre et nous fera entrer dans un bureau et c’est à cette occasion que je vais faire la connaissance du colonel Mukalayi parce qu’il s’était présenté.
Je vais poser le problème, il nous dira que M. Chebeya devait rencontrer l’IG hier, qu’il l’avait attendu jusqu’à 20 heures mais il n’était pas venu, nous pouvons vérifier le registre. Je lui répondrais que ça ne servait à rien parce que nous l’avons déjà vérifié, ni son nom ni celui de son chauffeur n’y figurent pas. Il me dira, il faut essayer de chercher ailleurs. Je vais lui demander si c’était possible qu’une personne invitée ici pour un rendez-vous avec l’IG pouvait se retrouver mort ? Il nous dira il faut poser la question au chauffeur sûrement qu’il doit connaître où se trouve M. Chebeya. Je lui dirais ça ne sert à rien M. Chebeya est mort. Il sera étonné et va nous posera la question suivante : « vous êtes déjà au courant ?». Il nous dira s’il faut faire une enquête et elle doit être orientée vers le chauffeur parce que c’est la seule personne qui peut nous dire la vérité sur les circonstances de cette mort. Il nous demandera également si on pouvait mener l’enquête ensemble. Je lui répondrais non et que chacun mène ses enquêtes de son coté.
Quand tout au long du procès, il déclare avoir quitté son bureau à 18 heures, moi ça m’étonne parce que le 2 juin 2010 dans son bureau, il nous a dit que le 1er juin 2010 il avait quitté son bureau à 20 heures attendant l’arrivée de M. Chebeya qui devait être reçu par l’IG.
Q. M. Christopher connaissez-vous les officiers se tenant à votre droite ? R. Je connais seulement le colonel Mukalayi.
Q. Quelle relation avez-vous ? R. Aucun.
Q. Dans quelle circonstance l’aviez vous connu ? R. Nous sommes le 14 mars 2010, j’avais une conférence à saint Rombau, et, en pleine conférence, les agents de l’ANR arrivent me prennent avec deux de mes collaborateurs et nous embarquent pour leur bureau se trouvant en face de la Primature. Nous serons enregistrés vers 23 heures et je serais entendu de 23 heures à 5 heures du matin du 15 mars. J’ai trouvé soixante personnes dans la cellule où on m’avait mis. Vers 16 heures, on nous a extraits à Kin-Mazière et les policiers qui nous avaient amené ont dit « allons chercher les autres ». Une heure après, un deuxième groupe de gens entrent et parmi eux il y avait Chebeya et Dolly de la VSV. Avant leur arrivée, la capitaine Georgette Sengabu était venue m’identifier, quand elle le faisait un colonel est venu et m’a dit « bonjour Christopher, qu’est-ce que tu fais ici ? » La capitaine s’est interposée pour dire c’est mon client, le colonel s’est fâché et lui a demandé si elle était capable de m’entendre et que mon dossier ne relevait pas de sa compétence. Quelques minutes après l’arrivée des autres, on nous a tous sorti dans un couloir où était un Monsieur habillé en boubou avec les lunettes. Je me suis dit qu’au moins cette fois, nous sommes en face d’un homme sérieux. Ce monsieur avait deux téléphones un gros et un petit et il nous a dit que le petit téléphone c’est Kamerhe et le gros téléphone c’est le président Thabo Mbeki. Il va nous demander « lequel de ces deux est important ?». Je ne comprenais rien, il va pointer un de mes collaborateurs et il va lui demander de répondre. Ce dernier répondra que c’est Vital Kamerhe. Il va piquer une crise de colère et nous dire que nous étions des fous et il nous a demandé de nous asseoir par terre, chose faite. Il nous a terrorisés et menacés de mort. On va nous remettre dans le cachot et nous sortir une heure après pour nous entendre.
J’ai été interrogé par la capitaine Georgette Sengabu, parmi les questions posées, il a voulu savoir « qu’est-ce qu’il y avait entre Chebeya et moi », réponse : rien. Elle demandera encore « comment est ce que le 14 mai j’ai organisé une conférence dans la commune de Kinshasa sur la démission du président de l’Assemblée nationale M. Vital Kamerhe et Chebeya à son tour a organisé une autre conférence avec le même thème dans la commune de Barumbu à Saint Robert ». Je lui ai dis que je ne savais pas, chacun est dans son organisation qui fonctionne indépendamment les unes des autres. Nous sommes restés une semaine à Kin-Mazière. Le dimanche on m’amènera dans une salle, un monsieur du conseil de sécurité de l’Etat que je connais me dira que je vais vous libérer aujourd’hui mais que Floribert Chebeya va rester ici. Je vais lui demander pourquoi, il va me répondre nous n’étions pas de la même organisation, nous n’étions pas arrivés le même jour et nous n’avions pas organisé nos conférences le même jour. J’ai engagé une discussion avec lui, lui disant que nous sortirons d’ici tous et que personne ne va rester. Il va appeler et me dire que c’était impossible. Pendant que l’on parlait, il était tout le temps au téléphone, il recevait des ordres de quelqu’un. Je vais donner la situation à Floribert, ce dernier va me dire : « vous sortez au moins vous savez où vous m’avez laissé comme ça vous pourrez mener des actions de l’extérieur ». Nous avons été libérés, quelques jours plus tard on va libérer Floribert.
Un mois après, dans une réunion organisée par la FIDH qui nous avait aidés pour la libération de Floribert, je vais demander à F. Chebeya qui était le monsieur en boubou qui nous avait traumatisés. Il me dira que c’est le colonel Daniel Mukalayi. Il est le numéro deux de la DGRS, c’est un monsieur dangereux, il faut beaucoup se méfier de lui. Et quand je regarde aujourd’hui dans le box des prisonniers le prévenu Mukalayi c’est bel et bien la personne qui nous avait menacés de mort.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire