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mercredi 21 octobre 2015

Les Etats-Unis se tiennent aux côtés du peuple congolais pour traduire en justice tous ceux qui commettent des atrocités contre des civils innocents

Discours du Sous-secrétaire d’Etat Sewall -- Kinshasa, RDC (le 20 octobre 2015)
Bonjour à tous. Merci de votre présence cet après-midi et j’aimerais commencer par remercier le Père Nyembo et le CEPAS d’accueillir cet événement aujourd’hui. Je souhaite aussi saluer un certain nombre d’autres personnes parmi nous, l’Ambassadeur Swan et d’autres membres du corps diplomatique, ainsi que les distingués représentants du gouvernement et membres du parlement.
Je suis vraiment fort ravie d’être ici à Kinshasa parmi vous. Je comprends pourquoi les gens appellent cette ville Kin-la-belle. Elle rayonne de chaleur et d’énergie à travers sa nourriture, sa musique et, surtout, à travers sa population.
C’est ma première visite en République démocratique du Congo, mais l’engagement des Etats-Unis envers ce pays est très profond et durable. C’est perceptible à travers le dévouement remarquable de l’Ambassadeur Swan et de ses collaborateurs, à travers notre nouvel Envoyé Spécial pour la région des Grands Lacs, Tom Perriello, et au regard des nombreuses visites effectuées par de hauts responsables américains dans ce grand et beau pays.   
Cet engagement des Etats-Unis est, à mes yeux, surtout visible à travers la manière dont les Etats-Unis continuent de chercher à communiquer avec et de soutenir l’ensemble de la société congolaise—non seulement le gouvernement mais aussi les gens ordinaires—comme les étudiants et les parents que j’ai rencontrés un peu plutôt dans la journée ou les activistes de la société civile avec qui je m’entretiendrai à Goma ou encore les chefs religieux que je rencontrerai à Beni.
Parce qu’après tout, la vraie force d’un pays réside dans son peuple—c’est vrai pour la République démocratique du Congo comme ça l’est pour les Etats-Unis d’Amérique.
Les nations prospèrent quand les gouvernements protègent non seulement les vies de leurs citoyens, mais respectent aussi leurs droits humains essentiels—quand les citoyens peuvent, en toute paix et sécurité, exprimer leurs préoccupations et leurs espoirs à l’égard de l’avenir et décider ensemble d’un destin collectif.
Au cours des derniers jours, j’ai rencontré beaucoup de vos concitoyens et ils sont tous d’avis qu’il y a un long chemin à parcourir avant que la RDC ne parvienne à réaliser pleinement ses potentialités. Mais ils ont aussi exprimé un espoir prudent touchant les progrès continus que ce pays a réalisés et a continué de réaliser depuis les années de violence et de carnage les plus sombres, il y a plus d’une décennie.
Comme vous le savez, ces dernières années, le pays s’est classé en pole position dans cette région en termes de croissance économique. Il a engrangé des succès gagnés de haute lutte, quoiqu’incomplets, contre des groupes armés tels que le M23, et cela a assuré une certaine sécurité à des communautés qui avaient été longuement affectées par le conflit—même si beaucoup reste à accomplir pour mettre un terme à la violence. Le gouvernement a aussi pris les premières mesures nécessaires pour tenir les auteurs d’atrocités horribles perpétrées contre les civils responsables de leurs actes—que les auteurs de ces crimes se battent contre l’Etat ou en son nom.
Et en 2006, comme vous vous en souviendrez, plus de 18 millions de Congolais on fait un formidable pas en avant en participant au premier scrutin démocratique organisé au cours des 40 années précédentes. Après tant de sang versé, l’élection a puissamment affirmé la volonté des Congolais de se mettre ensemble afin de régler leurs différends pacifiquement et de dégager une voie commune pour aller de l’avant. Et un grand nombre de personnes—ici et dans le monde entier—avaient bon espoir que ce progrès représenterait une nouvelle ère de mouvement continuel vers un avenir plus pacifique, juste et démocratique pour ce pays.
Cependant, près de dix ans plus tard et au moment où d’autres élections pointent à l’horizon, beaucoup de Congolais s’inquiètent de plus en plus du fait qu’en dépit des progrès réalisés sur plusieurs fronts les réformes politiques ont marqué le pas. Il y a de plus en plus de spéculations selon lesquelles ceux qui sont au pouvoir pourraient ne pas y renoncer et que les élections, si elles devaient se tenir, ne reflèteraient pas la voix du peuple.
La RDC entre donc dans une phase critique actuellement : l’avenir sera-t-il écrit par les puissants ou par le peuple ?
Et le verdict de l’histoire est clair au sujet de cette question : le progrès à long terme d’un pays ne dépend d’aucun dirigeant, si ce n’est des citoyens. Quand tous les hommes et toutes les femmes ont la possibilité de forger l’avenir de leur pays, ils s’investissent davantage dans la construction de cet avenir. Quand ils disposent de moyens pacifiques pour résoudre leurs différends et quand les gouvernements respectent leurs droits fondamentaux, ils sont moins susceptibles d’avoir recours à la violence.
Beaucoup de personnes dans la région estiment que l’incertitude entourant la tenue d’élections démocratiques peut susciter de l’inquiétude. La lutte pour le pouvoir, comme nous ne l’ignorons pas, peut exacerber ce qu’il y a de plus mauvais en ceux qui le détiennent et les pires choses en ceux qui le convoitent. Ceux qui sont au pouvoir peuvent être tentés de changer les règles du jeu en leur faveur en ignorant ou allongeant, par exemple, les limitations du nombre de mandats, en reportant les élections ou en annulant complètement les scrutins. Ces personnes cherchent à justifier leurs actions en prétendant qu’ils sont seuls capables d’assurer la stabilité, la prospérité et le progrès de manière continue.
Nous n’avons toutefois pas à chercher bien loin pour comprendre que ces trois objectifs sont menacés par le fait de refuser aux citoyens le droit de faire prévaloir leurs voix.
Considérez le Burkina Faso, où la tentative du Président Compaoré de prolonger son règne de 27 ans contre la volonté du peuple a provoqué un soulèvement populaire et une année de troubles qui a culminé en un putsch avorté le mois dernier.
Au Burundi, le Président Nkurunziza a plongé le pays dans la violence, paralysé l’économie et soumis sont peuple à des souffrances indicibles en défiant l’Accord d’Arusha et en cherchant à s’accorder un troisième mandat.
Des organisations internationales telles que la Banque Mondiale ont retiré leur appui financier, et les fonctionnaires risquent d’être bientôt impayés. Depuis le mois d’avril, plus de 200.000 personnes se sont réfugiées dans les pays voisins—y compris nombre des citoyens Burundais les plus talentueux et les plus brillants. L’Union Européenne a pris des sanctions contre plusieurs personnes coupables d’avoir encouragé la violence, et les Etats-Unis ont publié des interdictions de voyager. Les Etats-Unis sont actuellement en train de considérer la prise de nouvelles mesures afin de rendre responsables de leurs actes ceux qui chercheraient à déstabiliser davantage le pays—qu’ils se trouvent à l’intérieur ou à l’extérieur du pays.
Au Burkina Faso et au Burundi, les dirigeants ont placé leurs intérêts politiques égoïstes au-delà de la voix du peuple—cela s’est traduit par plus de violences, moins de croissance et encore moins d’amis au sein de la communauté internationale.
Bien que le Rwanda ait réalisé des progrès remarquables au cours des dix dernières années contre toute attente, augmentant la croissance économique et l’alphabétisation des jeunes et abaissant de façon spectaculaire le taux de mortalité infantile extrêmement bas, il n’a pas suivi le rythme du progrès sur le plan politique.
Il y a eu des tentatives claires dans ce pays de bâillonner les esprits critiques au sein de la société civile, dans les médias et au sein de l’opposition politique. Et ceux qui font entendre leurs voix vivent souvent dans la crainte et sont souvent harcelés ou intimidés. Certaines personnes ont tout simplement disparues. Tandis que nous célébrons les progrès du Rwanda, bien entendu, leur pérennisation exigera des autorités qu’elles fassent confiance au peuple et le respect du processus démocratique et de ses droits fondamentaux.
Le Président Kagame a exprimé à maintes reprises son engagement à respecter la limitation de la durée des mandats inscrite dans la constitution et les Etats-Unis s’attendent à ce qu’il respecte sa parole.  
De l’autre côté du fleuve ici, en République du Congo, le Président Denis Sassou Nguesso a tiré son pays d’une guerre civile traumatisante et aidé à consolider la paix. Sous sa houlette, le Congo-Brazzaville a assisté à des progrès en termes de développement d’infrastructures et a joué un rôle positif dans les initiatives sécuritaires régionales, y compris le Golfe de Guinée et la crise qui sévit en République Centre Africaine. Cependant, la décision du Président Sassou d’organiser un référendum sur une nouvelle constitution qui lui permettrait d’exercer un autre mandat est profondément inquiétante.
Cette constitution proposée a été rédigée à huis clos, n’a bénéficié que d’observations fort limitées du public et n’a pas été largement disponible afin d’être présentée aux électeurs pour examen. En outre, le référendum est prévu de se tenir avant la mise en œuvre d’améliorations de la gouvernance électorale convenues par les parties qui pourraient renforcer la crédibilité des résultats. Certains membres de l’opposition ont été arrêtés arbitrairement et détenus, ces derniers jours. Et, au cours des derniers jours, la police a tiré à balles réelles sur la foule, blessant plusieurs partisans de l’opposition. Les Etats-Unis demandent vivement à toutes les parties, y compris le gouvernement et l’opposition, d’engager un dialogue et de s’abstenir de toute action violente qui pourrait saper la paix chèrement acquise que tous les citoyens méritent.
Comme le Président Obama l’a déclaré à la tribune des Nations Unies le mois passé, «les dirigeants qui modifient leurs constitutions pour rester au pouvoir ne font que reconnaitre qu’ils ont échoué à bâtir un pays prospère pour leurs concitoyens ». Les vrais leaders ne définissent pas leur héritage en raison de la durée de leur pouvoir, mais plutôt par rapport à ce qu’ils réalisent durant leurs mandats afin de poser un fondement sûr pour des progrès durables.

La République démocratique du Congo a maintenant l’occasion historique de bâtir ce fondement en assurant le premier transfert pacifique de pouvoir de son histoire. Elle devrait accomplir cela en respectant sa constitution et en organisant des élections nationales libres et équitables dans les délais afin d’élire un nouveau président et une nouvelle législature.
Sans conteste, il existe d’énormes défis à surmonter avant le mois de novembre de l’année prochaine afin d’organiser un scrutin vraiment équitable et crédible en RDC. Le pays a besoin de ressources adéquates et de préparation, qu’il s’agisse de la nécessité de mettre à jour la liste des électeurs, de sensibiliser le public sur le processus électoral, de concevoir un calendrier électoral réaliste qui donne priorité aux élections nationales et d’améliorer la sécurité pour permettre une large participation à travers le pays. Le gouvernement, l’opposition et la société civile doivent résoudre ces problèmes urgemment pour garantir l’existence d’un processus électoral qui permette que les élections se tiennent avant la fin de 2016, conformément à la constitution.
Les Etats-Unis croient en l’urgence de la tenue d’un forum inclusif qui permettrait aux leaders politiques et aux responsables de la société civile de résoudre ces questions et de dégager un consensus large sur la voie à suivre. Mais cela doit se produire rapidement ; les discussions ne peuvent servir de prétexte pour retarder les choses.
Malgré ces défis, il est manifeste que le peuple congolais attend impatiemment de prendre date avec l’histoire et d’inaugurer le premier transfert pacifique de son histoire. Les manifestations du mois de janvier ont souligné sa détermination d’écrire sa propre destinée et de s’opposer à toute tentative d’ignorer sa voix.
Les Etats-Unis continueront de se tenir aux côtés des Congolais pour aider à faire entendre leurs voix. A cette fin, nous avons décaissé plus de 62 millions de dollars américains pour financer un éventail d’initiatives—comprenant de l’aide aux partis politiques pour leur permettre de mieux atteindre et représenter tous les citoyens congolais, un appui à la société civile pour sensibiliser les électeurs sur leurs droits et leurs responsabilités et une formation en faveur d’observateurs électoraux pour les aider à mieux surveiller les abus. Nous travaillons aussi avec le Congrès des Etats-Unis en vue du déboursement d’1 million de dollars américains supplémentaires pour renforcer la sécurité avant et après les scrutins, afin de réduire les risques de violences pendant cette période vulnérable.
Mais les Congolais méritent mieux qu’une élection libre et équitable—ils méritent une société libre et équitable. Et, je le souligne encore, les Etats-Unis sont prêts à vous aider. L’an dernier, nous avons travaillé avec des gouvernements de la région pour aider à lancer le Centre africain pour la justice, qui aide les personnes les plus pauvres et les plus vulnérables à se défendre au sein du système juridique.
Nous fournissons 2 millions de dollars supplémentaires pour l’Accountability Initiative qui  a été lancée par le Secrétaire d’ Etat John Kerry l’an dernier, afin de lutter contre relative aux violences sexuelles, par l’entremise d’approches juridiques créatives. $1 million supplémentaire soutiendra les cliniques d’aide juridique et les audiences foraines pour que davantage de Congolais puissent avoir accès à la justice. Le mois dernier, nous avons investi $1 million additionnel au Sud Kivu pour professionnaliser le système de justice civil et pour aider à apprendre à 50.000 femmes à l’utiliser.
Malgré ces efforts de notre part et de la part d’autres partenaires internationaux, il revient, en fin de compte, au gouvernement de respecter les droits de l’homme essentiels et le besoin de justice des citoyens. Et nous sommes préoccupés à cet égard.
Du meurtre brutal du célèbre défenseur des droits de l’homme, Floribert Chebeya, à la détention continue de tant d’activistes comme Christopher Ngoyi, Cyrille Dowe, Jean-Claude Muyambo, Vano Kiboko et Ernest Kyaviro, le gouvernement a affiché sa volonté de violer les droits fondamentaux de ses citoyens sous le prétexte douteux de la sécurité nationale. Au mois de mars, des jeunes activistes ont été arrêtés tandis qu’ils essayaient simplement de gagner l’engagement de davantage de leurs pairs dans le processus politique.
Deux de ces jeunes gens, *Fred Bauma et Yves Makwambala, ont été détenus pendant plusieurs mois sans avoir accès à un avocat, et quatre autres activistes ont été emprisonnés à Goma après avoir manifesté contre cet état de fait.
Nous savons que la RDC est confrontée à de réels défis sécuritaires, mais de jeunes activistes pacifiques ne font pas partie de ces défis. En fait, les violences surviennent souvent quand les gens n’ont pas d’exutoire pacifique pour faire entendre leurs voix ou quand les gouvernements violent leurs droits fondamentaux.
Il suffit de regarder l’est du pays, où des groupes armés prédateurs tels que le FRPI et un grand nombre de milices Mai Mai ont cherché à résoudre leurs différends politiques en prenant les armes contre l’Etat et en commettant des atrocités horribles contre les civils.
Les Etats-Unis appellent le gouvernement et la MONUSCO à reprendre leurs opérations conjointes contre ces groupes armés pour mettre un terme aux violences et préserver l’intégrité territoriale de la RDC. Tant que les communautés dans l’est du pays continueront de vivre dans l’ombre de la violence et de la terreur, elles n’obtiendront jamais la stabilité et les progrès à long terme qu’elles méritent et que ce grand pays pourrait rendre possibles.  
C’est pourquoi les Etats-Unis se tiennent aux côtés du peuple congolais pour traduire en justice tous ceux qui commettent des atrocités contre des civils innocents. Dans cet esprit, nous saluons la coopération du gouvernement avec la Cour Pénale Internationale et sa politique de « tolérance zéro » envers les violences sexuelles et les violences basées sur le genre commises par les forces de sécurité.
Les violences sexuelles et les violences basées sur le genre sont malheureusement répandues, même dans les endroits situés loin des conflits armés, et affectent les femmes et les hommes mêmement. Nous ne pouvons oublier les milliers de garçons congolais et de jeunes hommes en âge de servir dans des opérations militaires qui ont été victimes de viols systématiques et de meurtres aux mains de groupes armés.
Le gouvernement congolais a réalisé des avancées importantes pour s’attaquer à ces crimes. Au mois de mars, l’armée congolaise et de membres du gouvernement ont signé l’engagement de lutter contre le viol en période de guerre et exigeront de tous les commandants de renforcer leur système afin de juger les auteurs présumés de violences sexuelles. Nous saluons cette action qui crée un précédent. Les courts militaires ont à présent condamné plus de 180 personnes—y compris des membres des forces de sécurité—pour des crimes liés aux violences sexuelles.
Et le mois dernier, 12 soldats gouvernementaux et un général des FARDC ont été condamnés pour avoir commis des violences sexuelles, ce qui est la preuve la plus éclatante que personne n’est au-dessus de la loi. Ce n’est toutefois qu’un commencement, étant donné l’ampleur du problème. Justice doit encore être faite pour beaucoup de victimes de violences sexuelles et les Etats-Unis, avec son cœur et ses programmes, se joignent au peuple congolais en appelant à des efforts renouvelés pour que justice soit rendue et pour prévenir la violence en premier lieu.
A l’approche des élections, le peuple congolais exige beaucoup de son gouvernement : il demande des scrutins crédibles et un transfert pacifique du pouvoir, de la sécurité, de la justice et à être protégés des violences. Mais le peuple congolais ne demande, en vérité, qu’une chose très simple, très humaine et réellement universelle : le droit de forger son propre avenir. Nous invitons le gouvernement à entendre son appel et à considérer les exemples de ceux qui ne l’ont pas fait—en fin de compte, le chemin menant au progrès durable passe par le peuple, et ne le contourne pas.
Merci beaucoup.
*Fred Bauma et Yves Makwambala ont été détenus sans avoir accès à un avocat pendant sept mois. Ils sont toujours en détention préventive.

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