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lundi 19 août 2013

Analyse de l’arrêt rendu par la Cour Suprême de Justice Dossier Eric Kikunda Bolembo



Par déclarations actées le 20 juin 2011 à la PCM et confirmées par requête déposée les 16 et 19septembre 2011 au Greffe de la CSJ, Messieurs Yangambi Libote Firmin & Kikunda Bolembo Eric, respectivement 1er et 2ème demandeurs, sollicitant la cassation de l’arrêt RPA 042/10 rendu contradictoirement le 14/06/2011 par la HCM, dans la cause les ayant opposées au MP. Cette juridiction, après avoir dit non établie l’infraction de tentative de l’organisation d’un mouvement insurrectionnel, acquitta le prévenu Elia Lokundo Georges, condamna le 1er demandeur à 20 ans de SPP, Olangi Makenge Benjamin et le 2ème demandeur à 10 ans SPP chacun et confirma la décision entreprise pour le surplus, tout en ordonnant la restitution de la voiture Peugeot 305 couleur bleue à son légitime propriétaire.






Contre cet arrêt, les pourvoyants ont formulé les moyens de cassation ci-après :

·         Le 1er moyen est tiré de la violation des articles 19 al.1 de la Constitution, 86, 91, 94 & 100 du COCJ consacrant l’incompétence « ratione personal » de la HCM à juger les demandeurs en cassation, civils de leur état , en ce que cette juridiction a, en appel sous RPA 042 jugé et condamné les demandeurs, après avoir dit non établis ni en fait ni en droit les infractions à charge du Colonel Elia Lokundo Georges, ce seul militaire an banc des accusés, alors que selon les dispositions invoquées du moyen, les demandeurs ont, pour juge naturel le Tripaix, le TGI & la C.A.

Le moyen n’est pas fondé, car le juge s’est basé sur les dispositions de l’art. 203 CPM pour juger & condamner les demandeurs.

La CSJ observe que cet article ne fait aucune distinction entre un civil et un militaire ; et s’applique à tout individu détenteur sans titre ni droit des armes ou munitions de guerre.

Elle note par ailleurs que le problème de la prorogation de compétence est sans incidence sur le cas sous examen.

·         Le 2ème moyen est tiré de la violation de l’article 156 al.1 de la Constitution, en ce que la Cour Militaire a jugé et condamné les demandeurs au motif que les faits infractionnels mis à leur charge auraient été commis en collaboration avec le Colonel Elia Lokundo Georges militaire de son état qui a été purement et simplement acquitté, alors que selon la disposition sus-évoquée la HCM ne pouvait plus être compétente pour connaître des faits infractionnels mis à charge des civils par leur état.

Ce moyen n’est pas non plus fondé pour les mêmes raisons retenues à la réponse au 1er moyen.

·         Le 3ème moyen est déduit de la violation de l’article 5 de la loi organique n°06/020 du 10 octobre 2006 portant statuts des magistrats et de l’article 66 CJM, en ce que la HCM a fait foi aux actes de poursuite litigieux posés par un magistrat qui n’a pas prêté serment avant d’entrer en fonction et  par conséquent sans qualité.


Développant le moyen, les demandeurs relèvent que la fonction dont il est question dans la loi est celle à laquelle le magistrat civil ou militaire est appelé. Autrement dit, à chaque nouvelle fonction, correspond un nouveau serment. Or, pour ce cas sous examen le magistrat instructeur n’a pas prêté serment depuis sa promotion au grade supérieur.

Le moyen n’est pas fondé. En effet, la formule de serment n’est pas la même pour les magistrats civils et militaires, l’article 13 du statut des magistrats ne renvoie qu’à l’article 5 dudit statut et non à l’article 66 du CJM.

Ainsi, au regard de la législation actuelle, le magistrat militaire ne prête serment qu’une seule fois.

·         Le 4ème moyen est pris en violation des articles 21 de la Constitution, 271 § 3 de la CJM et §7 CPP, en ce que la HCM s’est contredite dans la motivation de son arrêt en ce qui concerne la torture, ce qui équivaut à l’absence de motivation, alors que selon les dispositions susvisées « tout jugement doit être motivé ».

Développant le moyen, les demandeurs soulignent que sans prendre soin des exigences médicales le Juge a basé sa décision de condamnation sur leurs seules déclarations contenues dans les PV dressés par l’OMP dans les circonstances caractérisées par la torture et n’a pas corroboré à suffisance les éléments de la détention des armes par le 2ème demandeur.

En fait, ils soutiennent qu’il n’y a pas de preuve de détention matérielle d’armes par eux parce qu’aucun PV de saisie d’armes n’a été dressé à leur charge ni celle des instructions données par téléphone, car aucun relevé téléphonique n’a été visé dans le dossier.

Le moyen n’est pas fondé car, comme l’a si bien constaté le Juge d’appel, il n’a pas été démontré au vu des éléments du dossier que les prévenus auraient été torturés devant l’OMP et même devant le Juge ils se sont librement prononcés.

·         Le 5ème moyen est tiré de la violation des articles 21 de la Constitution, 254 à 264 & 271 CJM et 14 de la Convention internationale relative à l’élimination de tous les traitements cruels, inhumains et dégradants, en ce que la HCM a basé sa motivation sur les aveux obtenus par la torture alors que selon ces articles, on doit rejeter des débats obtenus de la sorte.

Développant le moyen, les demandeurs renseignent que la HCM au 20ème feuillet de l’arrêt attaqué ligne 24 à 38 a considéré …… les déclarations obtenues lors des enquêtes menées dans la présente cause dont l’OMP a tiré exclusivement leur portée, teneur et leur contenu et  qu’ainsi elle aurait dû déclarer nuls les PV de l’OMP qui sont eux-mêmes par conséquents nuls et le seul effet en vertu des principes « Nitril ex nitrilon » au « Frais omni-corrupit ».


Le moyen n’est pas fondé car il n’y a pas eu de contradiction.

En effet, la CSJ relève que le jugement d’appel n’a pas expressément dit que « le prévenu YANGAMBI n’a pas détenu matériellement les armes » ; le jugement  sur ce point a été suffisamment motivé et comme l’a si bien motivé le Juge d’appel, les aveux ont été obtenus librement devant l’Officier du Ministère Public.

·         Le 6ème moyen est pris de la violation des articles 33 CCL1, 25 et 26 CPP ainsi que les articles 202 à 204 CJM, en ce que la Haute Cour Militaire a accepté purement et simplement les décisions de renvoi, alors que ces décisions contenaient des erreurs sur la date de la commission des faits infractionnels spécifiquement sur les années, et auraient dû être déclarées nulles

En tant qu’il vise l’article 33 CCL1, le moyen et st irrecevable car manque de base légale ;

En tant qu’il vise les autres dispositions, le moyen est irrecevable car ces dispositions sont étrangères ;

·         Le 7ème moyen est pris de la violation des articles 25 et 26 CPC et 202 CJM en ce que la Haute Cour Militaire a jugé que l’exception relative à la prescription devrait être soulevée à tout moment du procès ;

Le moyen n’est pas fondé car le jugement attaqué a répondu en se basant sur d’autres éléments ayant donné suffisamment des renseignements sur l’année ;


·         Le 8ème moyen est détruit de la violation du principe selon lequel en cas de conflit des lois, le juge saisi d’un litige doit appliquer la loi la plus douce ou le moins sévère, en ce que la Haute Cour Militaire a appliqué contre les demandeurs  la peine la plus ………..alors qu’en vertu de ce principe elle devait appliquer la plus douce ou le moins sévère ;

Développant le moyen, les demandeurs relèvent qu’il existe un conflit des lois contre l’article 30 de l’Ordonnance-Loi n° 85-035 du 03/09/1985 portant Régime des armes et l’article 203 CPM dans la mesure où l’Ordonnance-Loi précitée punit la détention illicite d’armes, de 5 à 10 ans et il la porte au double en cas de circonstances aggravantes …………au caractère des zones op, ………………… de la commission si la détention aura été commise ; tandis que l’article 203 CPM punit les mêmes faits de détention illicite d’armes de 20 ans …………….., le juge aurait dû appliquer la loi la plus douce, la moins sévère, à savoir l’Ordonnance-Loi précitée ;

Pris correctement de la motivation de l’Ordonnance du 14 mai 1886, le moyen n’est pas fondé car les deux textes régissent deux situations différentes ;

Aucun moyen n’étant retenu, les pourvois seront rejetés ;

C’est pourquoi ;

-          La Cour Suprême de Justice, siégeant comme cour de cassation en matière répressive ;
-          Le Ministère Public entendu ;
-          Rejette les pourvois ;
-          Met les frais d’instance à charge des demandeurs.

La Cour a ainsi jugé et prononcé à son audience publique du 12 juillet 2013 à laquelle ont siégé les magistrats Martin Bikoma Bahinga, Président, Numbi Bavinga, Ibanda Mulumba, Massani Matshi, Conseillers en présence de l’OMP représenté par le 1er AGR, Chihi Ndumuka et avec l’assistance de Munzenze, Greffier du Siège.



Après lecture de cet arrêt rendu par cette « haute juridiction » congolaise sous RP 3757 en catimini en date du 12 juillet 2013 au lieu du 15 juillet 2013 comme initialement annoncé par le Président de la chambre, sieur Bikoma en date du 08 juillet 2013, il y a lieu de relever ce qui suit :
  Quant à la forme
Il y a des graves violations de la loi premièrement celles de  l’art 21 al 1 de la Constitution qui dispose : « Tout jugement est écrit et motivé. Il est prononcé en audience publique » deuxièmement celle de l’art 43 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant Organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de droit commun qui veut qu’une ordonnance du reste motivée soit prise et notifiée aux parties lorsqu’on a dépassé le délai ou la date du prononcé fixée.

 Il est de principe que le jugement est prononcé en audience publique et en présence des prévenus ou requérants, pourquoi n’en a-t-il  pas été le cas dans le dossier d’Eric ? Pourquoi est-ce que le juge n’a pas respecté la date fixée c'est-à-dire le 15 et a préféré prononcer en catimini le 12 juillet ? Par ailleurs, l’affaire ne figurait aucunement  sur l’extrait du rôle de cette date là en violation des dispositions de l’article 25 de l’arrêté d’organisation judiciaire du 20 aout 1979 qui dispose : « Le greffier établit un extrait du rôle pour chaque audience.
Cet extrait mentionne les causes introduites ou renvoyées pour ce jour; il est affiché au greffe et à la porte de la salle d’audience au moins huit jours avant la date de l’audience pour la Cour suprême de justice et au moins deux jours avant pour la Cour d’appel et le tribunal de grande instance ».

Quant au fond
Cet arrêt est critiquable et ce, à tout point de vue. C’est un déni de justice car il est inimaginable de penser que tout le temps qui a été consacré pour ce dossier en plénières accouche d’une « petite » souris. Comment justifier l’agitation du Général Tim Mukunto Kiyana ainsi que de l’ANR autour du dossier jusqu’au point d’organiser « une soustraction » du dossier au greffe de la CSJ s’ils savaient que rien ne serait ébranlé. Il est à noter que toutes ces agitations ont eu lieu après que l’avis du Ministère Public ait été rendu public lequel proposait « une cassation totale sans renvoi ».
 L’on  se souviendra des propos du même Général après sa visite en prison et dernièrement  après le transfèrement d’Eric Kikunda à la Prison militaire de Ndolo il me défiera en disant que la Cour Suprême de Justice ne casserait pas cet arrêt car au cas  contraire, il aurait beaucoup à y perdre.
Analysant les différents moyens exposés par les requérants, prenons d’abord le 3e moyen sur le défaut de qualité de l’Officier du Ministère Public. C’est sur ce moyen que le Ministère Public au niveau des plénières s’était appesanti dans son avis car estimait-il que les autres moyens devenaient superfétatoires par rapport à celui là. Dans cet arrêt, le juge n’a pas mentionné cet avis même s’il n’y est pas lié. A ce sujet, lorsque nous avions soulevé la question au 1er degré, nous avions repris un arrêt de principe de la même CSJ en ces termes : «le magistrat n’entre en fonction qu’après avoir prêté serment prévu par les dispositions statutaires le régissant. La prestation de serment confère au magistrat la qualité pour exercer les fonctions auxquelles il est appelé. Par conséquent, les actes juridictionnels accomplis par le magistrat avant sa prestation de serment sont nuls. (CSJ, RP 41/CR du 26 mars 1999, MP C/ Talangai et consort, in Lukoo, La jurisprudence congolaise en droit pénal, Vol 1, 2006, p.247). Cette note de plaidoirie se trouve bel et bien dans le dossier judiciaire avec toutes les références légales appropriées.
Il est vrai qu’en tant que militaire, on ne prête serment qu’une seule fois mais ici, on a visé plutôt la qualité de magistrat lequel  doit renouveler son serment chaque fois qu’il y a promotion ou permutation. Tel a été le cas en l’espèce, donc, la réponse du juge n’est pas appropriée. Il y a quelques jours, des dizaines des magistrats militaires ont été élevés en grade, tous attendent la cérémonie de renouvellement de ce serment car c’est la loi qui l’exige et pendant tout ce temps, ils ne prestent pas.
Quant aux 4e et 5e moyens sur la torture, la Haute Cour Militaire avait dans son arrêt rendu sous RPA 042/10 le 14/06/2011 reconnu qu’il y avait eu  torture des prévenus au niveau de la police et par conséquent elle avait déclaré nuls tous les procès verbaux établis au niveau de la Police. Les procès verbaux établis au niveau du parquet étant le prolongement de ceux provenant par la Police, en principe, ils devraient également être écartés du débat car les prévenus s’étaient présentés devant le Ministère Public dans un état piteux et continuaient à être brutalisés dans le véhicule par les policiers devant l’auditorat. Il y a lieu également de rappeler qu’en aucun moment, les prévenus n’avaient été assistés par des Avocats comme le veut la loi.
L’art 47 al 5 de la loi portant statut des magistrats punit disciplinairement le magistrat qui omet d’informer l’inculpé sur ses droits personnels garantis par la constitution. Le Juge omet de tirer les conséquences des droits accordés à la victime des tortures dans la Convention contre la torture, les traitements inhumains, cruels et dégradants (entrée en vigueur le 26 juin 1987, conformément aux dispositions de l’art 27 de l’Ordonnance-loi n°89-014 du 17/02/1989, Journal Officiel, n°5 du 01/03/1989, p.8).
Concernant le 8e moyen, il ne devrait même pas y avoir débat car l’ordonnance –loi 85-035  du 3 septembre 1985 portant régime des armes et munitions (texte attaché) est plus large que l’art 203 Code pénal militaire et comporte cette même prévention mais en sanctionnant de 5 à 10 ans de servitude pénale selon le cas. (article 36 : Les infractions aux dispositions des articles 5, 6 et 10 alinéas 2, 12, 13, 15, 30 et 31, alinéa 2 de la présente ordonnance-loi sont punies d’une servitude pénale de 5 à 10 ans et d’une amende de 10.000 à 50.000 zaïres.

« Les peines prévues ci-dessus sont portées au double lorsque ces infractions sont commises dans une partie du territoire national où ont lieu des opérations militaires».

Eu égard à tout ce qui précède, pour nous il y a violation manifeste de la loi mieux un déni de justice car le juge refuse délibérément de dire le droit notamment en ne motivant pas suffisamment sa décision. Or, il est de jurisprudence constante de la même Cour Suprême de Justice qu’en cas d’absence ou de motivation insuffisante, la décision devra être cassée.

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