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jeudi 4 juillet 2013

Nous ne sommes pas des soldats en blouse blanche , déclare un communiqué de Msf



A Goma, au Nord-Kivu, près d’une centaine d’acteurs humanitaires déambulent dans des véhicules aux logos divers et variés. Certains, comme Médecins Sans Frontières (MSF), sont neutres et indépendants, juste là pour soigner. D’autres cumulent des mandats offensifs et d’assistance aux populations. C’est le cas des Nations Unies qui sont présentes dans les Kivus pour «aider, protéger et combattre ». Combattre… et c’est ce qui nous inquiète chez MSF. Les Nations Unies institutionnalisent la confusion des genres au détriment des acteurs humanitaires et, surtout, des populations dans le besoin.
Les Nations Unies entretiennent déjà cette confusion des genres en imposant des escortes armées aux agences humanitaires de l’ONU pour se rendre dans certaines zones ou en présentant publiquement des actions d’intérêts communautaires menées par ses troupes armées comme des actions humanitaires. A la mi-juillet, une nouvelle brigade d’intervention des Nations Unies viendra s’ajouter au tableau. Constituée de plus de 3.000 hommes, elle mènera des opérations offensives et ciblées, seule ou avec l’armée régulière
congolaise, pour stopper, neutraliser et désarmer tous les groupes armés qui défient l’autorité de l’Etat. Les Nations Unies auront ainsi trois fonctions : aider, protéger et combattre. Ces missions étant intégrées, les Nations Unies deviennent de fait une partie au conflit. Comment les populations peuvent-elles différencier le militaire de l’humanitaire, d’autant plus que ces différentes missions onusiennes sont intégrées dans la même structure et agissent sous le même commandement ? Cela ne fera que renforcer le trouble au sein de la population. Le danger est donc réel que l’aide humanitaire, et en particulier les activités médicales, soient ciblées par les différentes parties au conflit. Les exemples sont déjà nombreux d’hôpitaux pillés, de matériel médical détruit ou même de patients tués au sein des structures
médicales.
Pour assurer la sécurité de nos patients, de notre personnel, des structures et des ambulances et permettre ainsi l’accès des populations aux soins de santé, nos équipes négocient au quotidien avec l’armée congolaise, les différents groupes armés, chefs de groupement et autres autorités. Pour
négocier cet accès, il est donc primordial que l’action humanitaire reste strictement séparée des agendas politiques ou militaires. Pour nous, un malade ou un blessé de guerre est avant tout un patient et, dans le cadre de leur fonction, nos médecins ne se préoccupent pas de connaitre l’appartenance politique ou ethnique des personnes ayant besoin d’assistance.
En appliquant ces principes de neutralité et d’impartialité, nos équipes parviennent ainsi à maintenir leur présence dans les zones les plus instables. Nous travaillons actuellement dans 10 hôpitaux et dans des dizaines de centres de santé dans les régions de Ruthsuru, Masisi, Mweso, Kitchanga, Walikale, Pinga, Kanyaruchinya, Baraka, Kimbi Lulenge, Hauts Plateaux d’Uvira, Kalonge et Shabunda ainsi que dans les camps de déplacés de Mugunga, Bulengo et Rubaya. Chaque mois, des milliers de patients reçoivent gratuitement des soins de qualité. Mais qu’en sera-t-il demain si la confusion entre militaire et humanitaire entretenue de manière croissante par les Nations Unies avec le déploiement de la brigade d’intervention nous empêche d’avoir accès aux populations affectées par le cycle de violence continu dans les Kivus ?
La recrudescence des affrontements armés depuis avril 2012 a entrainé des déplacements massifs de population, tant au Nord qu’au Sud Kivu, accentuant de manière considérable les besoins médicaux et humanitaires. Rien qu’au Nord Kivu, plus de 900.000 personnes sont actuellement déplacées et survivent dans des camps ou des familles d’accueil. Lors de récent affrontements à la fin du mois de mai, les déplacés des camps de Mugunga III et de Bulengo ont été pris entre les tirs et nous avons été contraints de suspendre temporairement nos activités dans les camps.
C’est pourquoi, nous réaffirmons nos principes d’indépendance, de neutralité et d’impartialité et demandons à toutes les parties concernées - l’armée congolaise, les différents groupes armés et les Nations Unies - de respecter le caractère strictement civil des structures de santé. Les organisations d’aide doivent apporter une assistance strictement humanitaire, c’est-à-dire sans parti pris et uniquement en fonction des populations sans aggraver la confusion des genres entre agendas politique, militaire et humanitaire. Par conséquent, nous demandons aux forces armées y compris la MONUSCO de ne pas déployer de troupes à proximité ou à l'intérieur de nos structures de santé, afin d’éviter que les patients et notre personnel ne deviennent des cibles dans ce conflit. A nos yeux c’est le seul moyen efficace pour maintenir l’accès aux populations dans le besoin.

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