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mercredi 24 juillet 2013

Feu Augustin Katumba, ses révélations publiées dans son livre post mortem «Ma vérité»



Mardi, 23 Juillet 2013 - Congo News
Les morts ne sont pas morts dit un adage africain. Et bien ce vieux proverbe vient de se vérifier plus d’une année après la disparition dans un crash d’avion, en février 2012, d’Augustin Katumba Mwanke (AKM), le conseiller présidentiel le plus puissant. Vous ne rêvez pas, feu Augustin Katumba Mwanke a pris la parole pour laver son « honneur » car dit-il la décennie qu’il a passé au pouvoir a été un « vrai calvaire ».
A. Katumba s’est plaint d’avoir « été affublés de tous les qualificatifs associés à tous les noms de réputation peu glorieuse : le diable de l’ombre, le carrefour de tous les chemins de dérive, le mauvais esprit par qui le mal congolais puise ses racines et sa sève de turpitude », sont là quelques noms d’oiseaux dont on l’accablait. Cette liste hideuse de diabolisation demeure le menu de toutes les chancelleries occidentales et dans bien de salons huppés du microcosme Kinois dit-il, l’a poussé à sortir de son mutisme pour « lever les équivoques et les mensonges qui verdissent à l’ombre du mensonge » poursuit-il. Autre chose qui a poussé « le tout puissant AKM » à prendre la parole c’est la souffrance qu’a endurée sa famille : sa femme Zozo et ses enfants (4), ses parents et ses amis. Le natif de Pweto a ainsi parlé de son parcours scolaire et professionnel, de son exil en Afrique du Sud (vraie galère), de sa spectaculaire ascension au sommet de l’Etat, de sa vision du Congo ainsi que de ses animateurs d’hier, d’aujourd’hui et de demain. Feu le président Laurent Désiré Kabila, Moïse Katumbi Chapwe, Joseph Kabila, Vital Kamerhe, Gabriel Kyungu Wa Kumwanza, Dan Gertler, Moïse Ekanga, etc. sont là une brochette des personnalités que AKM a décrites. Cette parole Katumba Mwanke dit AKM l’a prise le jeudi passé 18 juillet à l’Hôtel Karavia de Lubumbashi, devant un parterre des invités venus notamment de Kinshasa. En fait Katumba Mwanke avait un livre en projet avant sa mort brusque dans le Kivu, ce projet a été découvert les tiroirs de son bureau dans sa résidence de Pweto au Katanga. C’est son ami Hacen Lebatt, professeur mauritanien, l’adjoint de Ketumile Masiré lors du lancement du processus politique en 2001, qui a pris le soin de faire aboutir car il ne cessait de lui conseiller d’écrire un livre au regard de sa riche expérience politique. AKM lui promettait de s’y pencher et avait finalement commencé à mettre quelque chose par écrit. Le projet a donc été conduit par Lebatt avec le concours de la maison de presse française EPI Nice. La parole de AKM a été libérée à l’occasion du vernissage de son livre post mortem « Ma vérité » préfacé par Abdoulaye Yerodia Ndombasi et postfacé par l’ombrageux et maladroit Evariste Boshab. Ce rendez-vous politico-littéraire a été présidé par le gouverneur du Katanga en personne Moïse Katumba Chapwe. Presque tous les proches de Katumba Mwanke avaient répondus présents comme Fridolin Kasweshi, Moïse Ekanga et Pascal Kinduelo. La rédaction de Congonews vous propose une recension de ce livre pour percer le mystère Katumba Mwanke. Dans cet ouvrage de 212 pages, Katumba Mwanke y assène ses pics, même si il s’en défend, à ses adversaires politiques, et il étale au grand jour sa vénération pour M’Zee Laurent-Désiré Kabila et Joseph Kabila qu’il appelle le Boss. L’avenir politique de la RDC aussi l’intéresse, là il voit plutôt Moïse Katumbi Chapwe le gouverneur du Katanga promit à un grand destin. Toute de suite, quand on feuillette l’ouvrage de AKM, on s’aperçoit que la préface est de Abdoulay Yerodia Ndombasi, ex-dircab et ministre des Affaires étrangères de M’Zee. Cela est quelque peu curieux quand on sait que le compagnon de M’Zee ne portait pas particulièrement AKM dans son cœur et trois autres hauts cadres du PPRD : Vital Kamerhe, feu Samba Kaputo et Théophile Bemba. « La bande à quatre » les appelait-il avec dédain. La prise de parole de AKM a été édifiante aussi sur le système de conservation de pouvoir mis en place par lui autour d’un Think Tanks qui s’appelait COST (comité de stratégie) dont les membres étaient : AKM lui-même (coordonateur), Vital Kamerhe, Daniel Ngoy Mulunda, Theophile Bemba, Evariste Boshab, Pierre Lumbi, Samba Kaputo, Didier Etumba. On se rend compte aussi dans ce livre que l’amateurisme transpirait au sommet de l’Etat avec les pseudo-révolutionnaires. Comme lorsque M’zee lui demande à AKM d’aller accueillir le président mozambicain à la hâte. Il fut accueilli sans tapis rouge. Anecdote qui fait rire mais qui en dit long sur cet apprentissage au sommet de l’Etat. Dans ce livre il y a plein d’anecdotes comme ça. Son ascension commence véritablement avec sa nomination au poste de gouverneur du Katanga en 1998 en remplacement de Gäetan Kakudji nommé ministre de l’Intérieur. Beaucoup comme Kyungu Wa Kumwanza ne lui ont pas facilité la tâche confie-t-il.
Ses pics d’abord : Kyungu et Kamerhe
AKM n’est pas tendre avec Gabriel Kyungu Wa Kumwanza, actuel président de l’Assemblée provinciale du Katanga et dernier gouverneur mobutiste de la province cuprifère selon ses propres termes. A Kyungu, AKM reproche la campagne de diffamation dont il a fait l’objet quand il fut nommé gouverneur du Katanga. AKM dit que la tradition voulait que le gouverneur de la province du Katanga soit Mulubakat. Sa nomination avait braqué l’establishment provincial d’autant plus que son choix avait été opéré hors du cercle de préférence des « éléphants » du pouvoir de l’époque notamment ceux autour du puissant Gaëtan Kakudji. AKM dit aussi que la division de la Province selon le double schisme Kasaïen /Katangais et katangais du nord et katangais du sud, donnait lieu à toutes sortes des commérages à son endroit. Et Gabriel Kyungu l’a « qualifié de Kasaien, l’ennemi juré de Katangais ». Kyungu dit-il excellait dans la promotion de sa filiation kasaienne en mettant en exergue son nom de Katumba, un nom Kasaien. Si à Kyungu il ne reconnait aucun mérite, tel n’est pas le cas de Vital Kamerhe, l’ex-speaker de l’Assemblée nationale et patron de l’UNC. De Vital Kamerhe, AKM lui reconnait beaucoup des talents notamment celui de communicateur redoutable, qualité qu’il avoue n’avoir pas. Ses premiers discours en tant que gouverneur ont été de véritables fiascos, écrit-il. Je ne suis pas un tribun confie-t-il dans son livre. A part la verve oratoire, AKM dit de Kamerhe qu’il est la mémoire des accords de paix de Lusaka qui régentaient le processus politique d’alors. « Il les connaissait par cœur », dit AKM. C’est ainsi que dans le Think Tank (COST) qu’il avait mis en place peu après la mort de LDK (Laurent-Désiré Kabila) en 2001, il avait confié à Vital Kamerhe la communication. D’ailleurs, reconnait AKM dans son livre l’excellent talent de communicateur de Vital Kamerhe s’est aussi révélé lors de la présidentielle de 2006. A part son extraordinaire talent d’orateur, AKM a souligné aussi le fait que Vital Kamerhe était celui qui était le mieux connecté au monde diplomatique. Personne mieux que lui ne connaissait aussi bien les cercles diplomatiques internationaux. Grâce au réseau de Vital Kamerhe, Katumba Mwanke affirme que cela a permis à leur Think Tank de savoir ce qui se concoctait dans les milieux internationaux. Milieu inconnu par beaucoup, lui y compris avoue-t-il. Juste après ces éloges à l’égard de l’ex-bras droit de Kabila, AKM écrit dans son livre que la propension de Vital Kamerhe de se mettre en valeur nuisait à ses contributions. Parlant de VK, il dit exactement ceci : je me demande aujourd’hui si ce ne sont pas ces tendances mêlées à des ambitions parfois excessives qui ont fini par le conduire à se démarquer de notre camp et à envisager un destin en totale opposition au nôtre ».
Différence entre VK et AKM
Contrairement à VK, AKM vouait presque un culte aux Kabila, père et fils. Même quand les deux prenaient des décisions stupides, il n’osait pas s’y opposer ou le faisait timidement. AKM confondait les Kabila à l’intérêt national. VK lui respectait et M’Zee et Joseph Kabila sans pour autant les vénérer comme AKM. Ce faisant, Kamerhe mettait l’intérêt supérieur de la nation au dessus de toute autre considération. Ce qui lui donnait un sens critique et non une loyauté aveugle. VK est resté un homme libre, pas un suiviste ou un fanatique.

Le COST (comité de stratégie)
A part vital Kamerhe, un autre membre de cette société quasi secrète a retenu notre attention plus que tous. Il s’agit de Daniel Ngoy Mulunda, l’ex-président déchu de la CENI. On se rend compte que la polémique avant sa désignation au Bureau de la Céni comme président en 2011 valait son pesant d’or car le pasteur était bien politisé qu’il le niait. AKM dit de Mulunda que c’est un grand manœuvrier qui a un courage qui frise la témérité. Au COST, Mulunda était en charge des négociations politiques de Sun City, il était au cœur du dispositif de conservation de pouvoir de Kabila, honneur que même les membres les plus capés du PPRD n’avait pas. Au COST, selon l’expression de AKM, il n’y avait que les éléments les plus efficaces et les plus déterminants du camp présidentiel. Didier Etumba, l’actuel général des FARDC était de ceux-là aussi, Katumba dit de lui qu’il est d’une loyauté sans borne pour le Boss (nom par lequel il désigne J. Kabila). Dans l’antichambre du COST, il y avait ses plus proches collaborateurs comme c’est à lui que revenait la charge de coordonner cette structure. Ses collaborateurs les plus proches étaient Moïse Ekanga qui l’a d’ailleurs convaincu sur le contrat chinois », Robert Mena et Dikanga Kazadi notamment.

AKM voit Moïse Katumbi président de la RDC
Bien que n’étant pas membre du COST, Moïse Katumbi Chapwe tient une place particulière dans le cœur de AKM. Le « tout puissant » dit ceci de son frère Bemba (ethnie du sud du Katanga): « puisse la divinité l’éloigner (la mort) de Moïse et lui donner longue vie. Il est assurément l’un des meilleurs espoirs que notre pays a aujourd’hui et l’une de ses planches de salut, demain quand sonnera l’heure des grands destins futurs… ». AKM qui est avare des mots, a tout dit avec ce passage sur l’actuel gouverneur du Katanga. De surcroit, en reprenant dans son livre la mise en garde sévère de sa femme Zozo sur l’exercice du pouvoir en Afrique ne demande-t-il à Joseph Kabila de prendre sa retraite en 2016 comme lui-même l’envisageait (ou le laisser suggérer pour endormir ses adversaires) sur ses terres natales de Pweto. En effet dans son livre il dit qu’après avoir accepté la nomination au poste de gouverneur du Katanga, il l’appela sa femme pour l’informer et celle-ci lui dit : « comment peux-tu accepter une chose pareille ? Le Pouvoir en Afrique est sale. On en sort jamais indemne. Dans le meilleur des cas on y laisse des plumes et dans le pire des cas son cadavre. Tu dois tout faire pour refuser».

AKM oisif sur le dernier mandat de Kabila
Sur le dernier mandat de Kabila AKM est resté oisif entretenant le doute ce qui prouve qu’il n’avait pas l’étoffe d’un Kamerhe d’avoir le culot de se démarquer du président de la République lorsqu’il emprunte un sentier anticonstitutionnel. Voilà ce que dit AKM sur le dernier mandat de Kabila : « que décidera le Boss lui-même, en toute âme et conscience ? Voudra-t-il s’arrêter à la fin du second mandat et s’adonner à organiser une vie de retraite paisible, entouré de sa petite famille et de certains amis avec qui il aime partager la simplicité de la vie exactement comme en rêver le M’Zee, le père Fondateur » ? Faire croire que M’Zee pensait prendre sa retraite c’est prendre les Rd-congolais pour des oies sauvages.

AKM sa traversée du désert, les contrats miniers et Dan Gertler
Dans son livre AKM a également évoqué sa traversée du désert lorsqu’il fut contraint de quitter le gouvernement que  cité dans le rapport de l’ONU sur les pillages des ressources naturelles (rapport Kassem). A cette époque écrit-il, j’ai beaucoup appris des hommes et de leurs déloyautés. Il se défend d’avoir pillé les ressources naturelles de la RDC. Il dit que la Miba était la seule entreprise qui pouvait procurer de l’argent à l’Etat et elle a été mise à contribution pour conserver l’unité territoriale. Il rejette aussi les accusations selon lesquelles il s’était enrichi avec la création de la Sengamines. Son nom, dit-il, a figuré dans cette société pour remplir une exigence légale qui voulait qu’il y au moins 7 actionnaires pour constituer une SARL. C’est à la demande de M’Zee que son nom y figurait et LDK leur avait fait signer à lui et autres sociétaires comme Kalume et Kazadi un document pour qu’il ne touche aucun dividende ni intérêt dans cette société. Il revient évidemment sur les contrats IDI Diamonds, EMAXON et « contrat chinois », sans rien renier. Il assume tout.
Il parle aussi de Dan Gertler, l’homme d’affaires juif. Il dit de lui tout le bien du monde jusqu’à dire qu’il est son jumeau qu’il n’a pas eu. « Dan, mon ami, mon twin brother malgré tout ce qui semble nous différencier, je suis fier d’être le frère que tu n’as pas eu. Restons comme un seul pour toujours...». Il est également revenu sur le limogeage de Antoine Ghonda par Jean-Pierre Bemba qui lui reprochait de n’obéir qu’à Kabila. Il a également parlé de l’accord de Cascades signé dans sa chambre d’hôtel en Afrique du Sud entre la Majorité présidentielle et le MLC. C’était, explique-t-il, pour casser la cohésion au sein de l’opposition armée. Voilà, ramassé en quelques lignes l’ouvrage à titre posthume de AKM. Nous reviendrons dans nos prochains numéros sur des anecdotes et des faits qui peuvent éclairer une partie de notre histoire récente. Ce livre est resté inachevé avec sa mort brusque.
PAUL MULAND

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