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vendredi 5 octobre 2012

RD Congo : La justice se fait toujours attendre un an après une attaque à caractère ethnique



Des survivants décrivent les meurtres de sept travailleurs humanitaires
Bujumbura, Burundi, le 4 octobre 2012 – Les autorités congolaises n’ont pratiquement rien fait pour identifier ou traduire en justice les meurtriers de sept travailleurs humanitaires lors d’une attaque à caractère ethnique perpétrée il y a un an dans le Sud-Kivu, dans l’est de la République démocratique du Congo, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.
Le 4 octobre 2011, des éléments du groupe armé Maï Maï Yakutumba, constitué largement de membres du groupe ethnique Babembe, ont attaqué un véhicule appartenant à l’organisation non gouvernementale Eben Ezer Ministry International dans le village de Kalungwe, près de la ville de Fizi. Les Maï Maï ont séparé les passagers en fonction de leur appartenance ethnique, puis ont exécuté les sept personnes qui étaient membres de l’ethnie Banyamulenge.
« Une année s’est écoulée depuis que les Maï Maï ont exécuté sept travailleurs humanitaires pour des motifs ethniques, et les familles des victimes attendent toujours que justice leur soit rendue », a fait remarquer Daniel Bekele, directeur de la division Afrique au sein de Human Rights Watch.
« Le gouvernement congolais n’a pratiquement rien fait pour arrêter les individus responsables tandis que les meurtres de civils au Sud Kivu continuent. »
Des chercheurs de Human Rights Watch ont interrogé les sept survivants de l’attaque, ainsi que d’autres témoins, des défenseurs locaux des droits humains, des autorités judiciaires congolaises et d’autres sources. Les récits détaillés fournis par les témoins indiquaient que les meurtres des sept Banyamulenge étaient basés sur des motifs ethniques, selon Human Rights Watch.

Les témoins ont affirmé à Human Rights Watch que des Maï Maï armés ont délibérément choisi et stoppé le véhicule d’Eben Ezer, un Land Cruiser blanc sur lequel figurait le logo de l’organisation.
« Nous pouvions les entendre [les Maï Maï] dire qu’ils attendaient une jeep blanche », a expliqué l’un des témoins. « Il était clair qu’ils attendaient les Banyamulenge. Avant l’attaque, j’en ai entendu un qui disait : ‘Nous allons leur tendre un piège ici.’ »
Les survivants ont décrit la façon dont un large groupe d’hommes armés sont apparus devant leur véhicule à Kalungwe. Quand le chauffeur a voulu faire demi-tour, un second groupe a surgi de derrière, bloquant leur passage. Les Maï Maï ont ouvert le feu sur le véhicule, tuant le chauffeur presque instantanément.
Les Maï Maï ont forcé les passagers à sortir du véhicule. L’un des survivants a indiqué à Human Rights Watch que les assaillants ont séparé les passagers en deux groupes en fonction de leur apparence : ceux qui semblaient être des Banyamulenge et les autres. Les Maï Maï ont ensuite emmené cinq des Banyamulenge à proximité dans le village, puis ils ont tué par balles trois d’entre eux ; les deux autres se sont échappés. Les Maï Maï sont revenus vers les Banyamulenge qui se trouvaient sur la route à côté de leur véhicule, et ont tué trois d’entre eux à coups de machette. Un quatrième a réussi à se cacher dans la brousse.
Les victimes, appartenant toutes à l’ethnie Banyamulenge, étaient Eraste Rwatangabo, Tite Kandoti, Edmond Gifota, le chauffeur Fidèle Musore, Gisèle Nabisage, Pasteur Amédée Ngeremo et Gitandu Muhoza. « Les Maï Maï ont sélectionné et tué impitoyablement leurs victimes en raison de leur appartenance ethnique », a ajouté Daniel Bekele. « Le gouvernement congolais devrait reconnaître qu’en ne s’attaquant pas aux exactions répandues depuis longtemps dans cette région, il laisse les tensions ethniques s’envenimer. »
Après l’attaque, de hautes autorités militaires provinciales et gouvernementales congolaises ont affirmé que les agresseurs seraient rapidement arrêtés et jugés.
Des autorités judiciaires militaires ont déclaré avoir ouvert une enquête, mais aucun mandat d’arrêt n’a été lancé et personne n’a été mis en accusation ni jugé en lien avec les meurtres. Les autorités ont indiqué à Human Rights Watch qu’elles étaient dans l’incapacité d’appréhender les membres de groupes armés cachés dans les forêts. Des habitants et des défenseurs locaux des droits humains ont déclaré à Human Rights Watch qu’à leur connaissance, aucune autorité gouvernementale ou judiciaire ne s’était rendue à Kalungwe pour enquêter sur l’attaque. Bien qu’il y ait eu d’autres incidents de violence ethnique dans cette région, l’attaque du 4 octobre 2011 a été significative en raison des motifs ethniques évidents et du grand nombre de victimes, selon Human Rights Watch.
Les éleveurs Banyamulenge ont un passé de droits de pâture contestés avec les Babembe et d’autres groupes ethniques. Les tensions ethniques se sont accrues à la suite de l’attaque du 4 octobre. Human Rights Watch a recueilli des informations selon lesquelles plusieurs personnes appartenant aux deux groupes ont été tuées peu après. Un conflit interethnique de faible intensité s’est poursuivi en 2012. Durant l’année 2012, le gouvernement congolais et l’armée ont concentré leurs efforts sur la lutte contre la rébellion du groupe armé M23 au Nord Kivu. L’attention internationale s’est également largement concentrée sur les événements au Nord Kivu.
« Le gouvernement congolais ne devrait pas se servir des nouvelles exactions commises dans une région comme prétexte pour ignorer les atrocités perpétrées ailleurs », a conclu Daniel Bekele. « Veiller à ce que les auteurs de crimes effroyables soient traduits en justice est une partie nécessaire des efforts plus larges visant à mettre fin aux exactions dans cette région troublée. »



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