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dimanche 4 mars 2012

Lettre ouverte au Président de la République Démocratique, Joseph Kabila : les impératifs de l’unité nationale

Monsieur le Président,

En ce moment crucial que traverse notre cher et beau pays, en ce moment où donc vous êtes acculé à des choix historiques, qui vont marquer la République Démocratique du Congo et son devenir dans les cinq à quinze ans à venir, j’ai l’honneur de vous faire part de ce que je considère comme « les impératifs de l’unité nationale ». De cette unité, vous demeurez le garant constitutionnel, la nation vous ayant renouvelé toute sa confiance le 28 novembre 2011. Sans cette unité – nous en sommes tous conscients – aucun rêve du Congo n’est possible, aucun rêve pour le Congo n’est réalisable.
C’est un simple citoyen congolais qui vous écrit, – patriote tout de même, qui réfléchit sur le devenir de son pays et dont les analyses ne manquent pas d’objectivité. Ma lettre comprend deux parties, complémentaires.
La première reprend les conclusions d’un texte du 5 juin 2009. Il a été présenté aux membres de la Faculté des Lettres et Sciences humaines de l’Université de Lubumbashi à l’occasion des « Journées scientifiques » de la Faculté, organisées chaque année académique. Le thème débattu en 2008-2009 a été « La conscience nationale, de l’Indépendance à la IIIe République : Etat de la question ». Mon texte portait ce titre : « La République Démocratique du Congo et son unification, 1885-2021. » La seconde partie de cette lettre prolonge l’analyse faite alors, des impératifs de l’unité nationale, et qui s’est révélée pertinente.

Les impératifs de l’unité nationale I

         La liberté est le seul gage de l’unité nationale, d’une unité de volonté, unité voulue,  par conséquent négociée, et « plébiscitée », tous les jours. Cette liberté est elle-même possible seulement en régime démocratique, qu’assurent, que portent, que consacrent les élections. Par bonheur, en République Démocratique du Congo, celles-ci ont définitivement pris leur envol en 2006-2011 ; elles se consolideront en 2011-2016 ; elles seront nationalisées en 2016-2021, deviendront un « fait national ».
         Aussi suis-je arrivé alors (le 5 juin 2009) aux conclusions suivantes :

·        « Les élections générales de 2011 auront bel et bien lieu. Elles seront la répétition des élections générales de 2006, par leurs résultats ; tout comme les élections générales de 2016 le seront de celles de 2011, la cassure ne s’opérant qu’en 2021. Il s’agit bien de la répétition des grandes lignes, des tendances générales, celles qui comptent vraiment, et qui renforcent l’unité nationale, la cimentent, l’ancrent dans la mentalité des Congolais.
·        Ainsi Joseph Kabila sera-t-il reconduit en 2011. Il devra cependant passer le relais en 2016, même si son parti ou sa plate-forme politique l’emportera. En 2021 le parti ou la plate-forme politique adverse gagnera les élections. Deux dates seront capitales pour la suite de la démocratisation du pays et de l’unification nationale : 2016, succession de Kabila, et 2021, changement de la majorité au pouvoir. »
Aussi ai-je dégagé alors (le 5 juin 2009) « les principales tendances de l’évolution du pays et du monde, dont les gouvernants actuels et virtuels devront tenir compte pour espérer susciter l’adhésion des citoyens ou mobiliser ceux-ci et se tailler une popularité », à savoir :
·        « La bipolarisation de la vie politique nationale. Ainsi l’Alliance de la majorité présidentielle (AMP) pourra-t-elle se maintenir et se renforcer, sous ce nom ou sous un autre. Seule une autre alliance des forces politiques sera à même de contrebalancer son poids, peser lourd et faire pencher la balance de son côté.
·        L’indépendance économique plus accentuée du pays. Elle passe par la rupture avec les institutions de Bretton Woods ou, plutôt, par l’équilibrage de leur influence dans le pays, influence économique et donc politique, par celle d’autres sources de financement. Les contrats chinois sont une tentative qui va dans ce sens et qui est à soutenir contre vents et marées. Une autre tentative à courageusement prendre et soutenir : le remboursement au plus tôt (avant 2016) ou la dénonciation pure et simple des dettes contractées par la Deuxième République, dettes injustes, le FMI s’étant déjà servi, et largement !
·        La politique des grands travaux. Les grands travaux modernisent et développent le pays ; ils désenclavent ses parties, les connectent les unes aux autres, accentuent leur interdépendance ; ils rapprochent ses habitants et les font se connaître davantage mutuellement. Ces grands travaux, et nos des slogans, servent plus l’unification nationale.
·        La réconciliation nationale. Elle exige d’oublier bien des choses. Tous les nationaux sont à impliquer, sans exception, au même titre, partout au pays, dans tous les aspects de la vie nationale. Cette réconciliation se réalisera aussi par le partage équitable des richesses nationales.
·        La prévalence de l’intérêt général bien défini. L’intérêt général doit absolument et en toute circonstance l’emporter sur les intérêts des particuliers, ceux des multinationales, des entités géographiques, ethniques ou administratives, des identités de tous genres, des citoyens individualistes et égoïstes, souvent véreux.
·        L’ouverture à l’extérieur dans l’unité. L’heure est aux grands ensembles économiques, et même politiques. Cependant ces grands ensembles ne seront viables que si leurs éléments constitutifs le sont eux-mêmes. La vocation de la RDC est d’unifier l’Afrique centrale – sous le nom de Congo –, d’être la locomotive des institutions régionales et continentales. La RDC doit donc être forte, unie. »

Les impératifs de l’unité nationale II

Deux dates demeurent bien capitales : 2016, succession de Joseph Kabila Kabange, et 2021, changement de majorité présidentielle au pouvoir. Il faudra préparer ou négocier et réussir au mieux ces deux événements majeurs afin que la démocratisation de la République Démocratique du Congo et, en conséquence, l’unification de la nation congolaise se consolident davantage au point de devenir un patrimoine national.

1. De la succession du président Joseph Kabila Kabange 
         Elle est à préparer par et au sein de la majorité présidentielle, dès aujourd’hui. Celle-ci l’emportera, à coup sûr, en 2016. C’était bien prévisible, pour moi de toute façon, en 2009 déjà. Ce l’est plus et mieux encore aujourd’hui.
La victoire de la majorité présidentielle actuelle sera facilitée par l’autre partie, la partie adverse, l’opposition. Pour la simple et bonne raison que celle-ci ne veut pas jouer son rôle, celui que la Constitution de la République lui reconnaît, qui renforce toute démocratie, rôle de contrepoint du pouvoir, de contrepoids aux dérives du pouvoir, et de son challenger.
L’opposition en République Démocratique du Congo marque le pas, fait du surplace. C’est, dirait-on, son mode d’être. Dès lors aucun des meilleurs perdants de 2006 n’a fait un score notable en 2011; aucun ne pouvait le faire ! Dès lors aucun des meilleurs perdants de 2011 ne compte faire un score honorable en 2016, l’améliorer en 2021 et l’emporter, éventuellement, en 2026 ; aucun ne s’y prépare ! Parmi eux, point de marathonien – tous des coureurs de cent (moins même) mètres, à souffle puissant mais court. Parmi eux, point de pendant d’un François Mitterrand en France, d’un Michael Sata en Zambie, pour ne citer que ces deux-là.
Radicale, l’opposition en République Démocratique du Congo s’abstient, considérant les élections – depuis les années 1990 – comme une corde perfide qu’on lui tend pour… se pendre, en tout cas perdre sa virginité ou, plutôt, son aura, de fille aînée de l’opposition congolaise. Ou bien elle pratique la politique de la chaise vide : pour elle, c’est tout ou rien ; c’est aujourd’hui ou jamais. Une opposition de casse-cou, qui ne peut que tout affaiblir, elle-même, le pouvoir en place, le pays, la nation ; qui ne peut que faire le jeu des puissances étrangères.
Modérée, l’opposition en République Démocratique du Congo ne se voit pas en dehors du pouvoir, dans ses marges. Elle s’oppose non pour camper dans l’opposition, non pour se frayer un chemin au pouvoir, mais pour être au pouvoir avec le pouvoir. Une opposition de positionnement, qui n’a en vue que des gouvernements inclusifs, d’union nationale, gouvernements stériles sinon stérilisants. Une opposition de négociateurs, de concertateurs, qui remonte aux années 1990, qui a bradé le pays, et son patrimoine, qui a compromis la nation, et son unification.

2. Du successeur du président Joseph Kabila Kabange 
Il est à désigner au sein de la majorité présidentielle actuelle et à préparer par elle, dès aujourd’hui. Cette majorité présidentielle se veut un microcosme de la Patrie, un creuset de patriotes. Elle se définit et se considère comme l’African National Congress (ANC) de la République d’Afrique du Sud, comme la Chama Cha Mapinduzi (CCM) de la République Unie de Tanzanie.
La majorité présidentielle actuelle est bien, à l’instar de ses homologues, un parti au pouvoir, un parti du pouvoir, dont la prépondérance politique est nette et la longévité au pouvoir assurée. Celle-ci et celle-là s’expliquent aisément : par la qualité des cadres autant sinon davantage par le roulement de ceux-ci au pouvoir, aux différents postes du pouvoir. Aucun cadre ne monopolise aucun poste, par respect de la Constitution, pour promouvoir la démocratie, afin de renforcer l’unité nationale.
Cette unité nous est chère à tous, et dès les premiers pas, dès les premiers efforts de la construction de la nation. En effet, tout précaire en 1960, elle a cependant été préservée, bien préservée. Des sacrifices, il a fallu en consentir : Joseph Kasa-Vubu fut placé à la tête du pays, de la nation ; il se révéla le plus Congolais des Congolais. Bien précaire encore en 1964, l’unité nationale a cependant été à nouveau préservée, bien préservée. Il a fallu oublier bien des choses : Moïse Tshombe fut nommé premier ministre (et serait devenu le 2e président de la République Démocratique du Congo, n’eût été le coup du 24 novembre 1965) ; il se montra le plus nationaliste des nationalistes congolais.
Certes, aujourd’hui, l’unité nationale n’est plus précaire. Elle reste néanmoins à négocier, à plébisciter chaque jour. Bien des choses sont encore à oublier, à lui sacrifier, et des démons de la division à contrer, à convertir – au nationalisme. Aussi sage – nationaliste – est, il faut en convenir, la décision politique arrêtée à ce jour, celle de remettre à plus tard l’érection des nouvelles provinces. Quand il faudra s’y résoudre, ce ne sera point au détriment de l’unité nationale.
La consolidation de cette unité nationale et le roulement normal des cadres de la majorité présidentielle voudraient que la Province Orientale donne à son tour au pays, à la nation, à la République un premier ministre en 2011, un président en 2016. La Province orientale ? Plus précisément la (future) province de l’Ituri. Qui risque de se tourner – avec hommes et biens – plus vers l’Est, ou être tentée de rééditer le récent exploit de celui qui est devenu, au nord-est, le voisin de la République Démocratique du Congo : le Soudan du Sud.

3. De l’échéance électorale de 2021 
Serons-nous les témoins historiques du changement de majorité présidentielle ? de l’alternance du pouvoir plutôt ? Ce n’est évidemment pas la même chose ; bien s’en faut. 2021 sera fait de 2011 et, plus encore, de 2016, de 2016-2021. Et il pourra y avoir changement de majorité présidentielle sans alternance du pouvoir. De toute façon la gagnante, la seule gagnante de 2021 devra absolument, nécessairement être (comme en 2006, comme en 2011, comme en 2016) l’unité nationale. Seule elle devra peser, s’imposer ; seule elle pèsera, en imposera à tous.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’hommage de mon profond respect.

Lubumbashi, le 25 février 2012
Yogolelo Tambwe ya Kasimba
Professeur à l’Université de Lubumbashi





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