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mercredi 14 mars 2012

Verdict de culpabilité rendu dans le premier procès de la Cpi : Thomas Lubanga Dyilo reconnu coupable des charges de crimes de guerre en Rdc en 2002-2003


La Haye — La Chambre de première instance I de la Cour pénale internationale (CPI) - première cour internationale permanente capable de juger les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et le génocide - a rendu aujourd'hui un verdict de culpabilité dans le premier procès historique de la Cour, le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo. La Défense de Thomas Lubanga a toutefois le droit de faire appel de la décision d’aujourd’hui.
Thomas Lubanga, ressortissant de la République démocratique du Congo (RDC), était accusé d'avoir commis les crimes de guerre d'enrôlement et de conscription d'enfants de moins de 15 ans et de leur utilisation comme participants actifs dans des hostilités en RDC entre septembre 2002 et août 2003. Le prononcé de la peine aura lieu à une date ultérieure de sorte que toute preuve ou information supplémentaire qui pourraient avoir un impact sur sa durée puisse être prise en compte par les juges. Le temps que Thomas Lubanga a déjà passé en détention sera également pris en compte.
Dans sa décision, la Chambre a re-caractérisé la nature du conflit en RDC en 2002-2003, soutenant qu’il s’agissant d’un conflit armé interne plutôt qu'international, contrairement à ce que la Chambre préliminaire de la CPI avait précédemment indiqué en 2007. La Chambre a également constaté que le bureau du procureur (BdP) n'aurait pas dû déléguer ses responsabilités en terme d’enquêtes à des intermédiaires –des personnes ayant facilité le contact ou un lien entre le BdP et les témoins– des circonstances ayant mené dans certains cas à des preuves incertaines.
« En fonction de la soumission de l’appel et de son résultat, la décision d'aujourd'hui pourra entrer dans les annales comme un tournant décisif dans la lutte contre l'impunité pour les crimes les plus graves connus de l'humanité », a déclaré William R. Pace, coordinateur de la Coalition pour la Cour pénale internationale, un réseau mondial de plus de 2 500 organisations de la société civile dans 150 pays oeuvrant pour une CPI juste, efficace et indépendante et pour un meilleur accès à la justice pour les victimes de génocide, de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité. « Les horribles cas de violence qui se sont répétés durant le siècle passé ont soulevé la nécessité de créer une cour pénale internationale, et la Coalition a travaillé depuis de nombreuses années pour voir ce moment où la justice est finalement rendue par la CPI à certaines des victimes de ces crimes graves », a ajouté M. Pace. « De plus, la poursuite du crime d’utilisation des enfants soldats, dont cette affaire fait partie intégrante, a un véritable impact sur la politique des gouvernements dans le monde. »
Thomas Lubanga a été détenu depuis le 17 mars 2006. Deux suspensions successives des procédures ont contribué aux retards enregistrés dans le procès qui a duré deux fois plus longtemps que les premières affaires aux Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et le Tribunal pénal international pour le Rwanda. Toutefois, les deuxième et troisième procès de la CPI avancent plus rapidement.
« Bien que les retards dans le procès Lubanga ont frustré tous les participants et pas uniquement les victimes impliquées, nous devrions saisir cette opportunité pour réfléchir sur les leçons tirées de ces procédures afin que les difficultés rencontrées au cours de ce procès servent à améliorer la rapidité de ceux qui suivront et qu'ils mettront un jour un terme à l'ère de l'impunité », a déclaré M. Pace.
Le procès Lubanga est une étape historique pour le Statut de Rome – le traité fondateur de la CPI – qui est entré en vigueur sà peine six ans auparavant. L’affaire Lubanga reste l’une des affaires pénales internationales peu nombreuses dans l’histoire dans laquelle une personne est accusée d’enrôlement et de conscription d'enfants soldats. Le procès Lubanga a ainsi contribué à souligner la gravité du crime d’utilisation des enfants soldats et à porter l'attention internationale sur cette question. Durant la procédure, 10 anciens enfants soldats ont témoigné, tout comme un certain nombre de témoins experts.
Ce procès est également remarquable du fait qu’il constitue le premier exemple de procès pénal international avec la participation de victimes. Les juges ont autorisé 129 victimes à participer par l’intermédiaire de leurs représentants légaux. Les juges de la CPI peuvent désormais ordonner des réparations pour les victimes, ce qui représenterait une autre étape historique dans l’histoire des juridictions pénales internationales.  
« La Coalition de la RDC pour la CPI salue la décision d’aujourd’hui qui reconnaît l’innoncence de Thomas Lubanga Dyilo », a déclaré André Kito, coordinateur de la Coalition de RDC pour la CPI. « Les victimes et la société civile de RDC célèbrent la victoire de la justice et la promotion de la dignité humaine », a-t-il déclaré. « Notre Coalition nationale félicite le gouvernement congolais pour sa volonté et sa coopération avec la CPI, comme démontré par le renvoi de la situation en RDC et le transfert de Lubanga à la Cour », a ajouté M. Kito. « Rappelant que toutes les victimes ont un droit équitable à recevoir justice pour les dommages subis, nous encourageons le gouvernement à maintenir son engagement à la CPI et sa coopération avec celle-ci en appliquant le mandat d’arrêt de la CPI à l’encontre de Bosco Ntaganda. Nous appelons également le gouvernement à renforcer la complémentarité du système de Statut de Rome dans le pays. »
Le conflit en RDC a cause environ 5,4 millions de morts depuis août 1998, faisant de ce conflit le plus meurtrier au monde depuis le Deuxième Guerre Mondiale. Pendant des années, les victimes et la société civile de RDC ont demandé que les auteurs de crimes répondent de leurs actes. L’ouverture du procès Lubanga était considérée comme une importante avancée vers la justice. Le chemin vers la paix dans ce pays est encore long. Le procès Lubanga ainsi que l’intervention de la CPI dans le pays en général ont envoyé un signal fort en direction des criminels et groupes armés potentiels en RDC selon lequel l’impunité ne sera plus jamais tolérée. 
Contexte : En tant que chef de l'Union des Patriotes Congolais et commandant en chef de son bras armé, les Forces patriotiques pour la libération du Congo, Lubanga a été accusé d'avoir commis les crimes de guerre d'enrôlement et de conscription d'enfants de moins de 15 ans et de leur utilisation comme participants actifs dans des hostilités en Ituri, un district de la province orientale de la RDC, entre septembre 2002 et août 2003.
Lubanga a été la première personne accusée dans le cadre de la situation en RDC ainsi que le premier détenu de la Cour. À la suite du mandat d’arrêt de la CPI descellé le 17 mars 2006, Lubanga a été arrêté et transféré à la Cour le jour même. Son procès a débuté le 26 janvier 2009. La Chambre de première instance I a délibéré sur la loi applicable et sur les éléments de preuve présentés pendant le procès depuis l'audience de clôture des déclarations des 25 et 26 août 2011.

La CPI est la première cour internationale permanente capable de juger les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et le génocide. 120 États ont adhéré au Statut de Rome, traité fondateur de la Cour. Au cœur du mandat de la Cour se trouve le principe de complémentarité selon lequel la Cour n'intervient que lorsque les systèmes juridiques nationaux sont réticents ou incapables d'enquêter et de poursuivre les auteurs de génocide, de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre. Il existe actuellement sept enquêtes actives devant la Cour: en République centrafricaine, en République démocratique du Congo, en Côte d'Ivoire, au Darfour, au Soudan, en Ouganda, au Kenya et en Libye. La CPI a publiquement émis 20 mandats d'arrêt et neuf citations à comparaître. Le procureur de la CPI a également rendu public qu'il examinait de façon préliminaire huit situations sur quatre continents: en Afghanistan, en Colombie, en Géorgie, en Guinée, au Honduras, en République de Corée, au Nigeria et en Palestine.
La Coalition pour la Cour pénale internationale est un réseau mondial d'organisations de la société civile dans 150 pays travaillant en partenariat pour renforcer la coopération internationale avec la CPI, s'assurer que la Cour soit juste, efficace et indépendante, rendre la justice à la fois visible et universelle, et promouvoir des lois nationales plus solides qui rendent justice aux victimes de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité et de génocide.

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