APO

jeudi 10 décembre 2015

Les autorités de la Rdc devraient mettre un terme à la répression de la liberté de réunion pacifique et d’expression

(Kinshasa, le 10 décembre 2015) – Le gouvernement de la République démocratique du Congo devrait commémorer la Journée internationale des droits de l’homme le 10 décembre en libérant toutes les personnes détenues pour leurs opinions politiques ou pour leur participation à des activités politiques pacifiques, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.
« Les tentatives récentes des autorités congolaises visant à intimider et à réduire au silence des activistes pacifiques et des opposants politiques devraient cesser immédiatement », a souligné Ida Sawyer, chercheuse senior auprès de la division Afrique de Human Rights Watch. « La Journée internationale des droits de l’homme est un moment opportun pour le gouvernement congolais à renverser cette tendance inquiétante et libérer toutes les personnes incarcérées simplement en raison d’activités politiques pacifiques. »
Lors de l’un des incidents les plus récents survenu le 28 novembre à Goma, dans l’est du pays, la police a lancé des gaz lacrymogènes et a tiré à balles réelles dans l’air quand une centaine de personnes ont assisté à une manifestation pacifique contre le fait que le gouvernement n'a pas mis un terme aux massacres perpétrés dans le territoire de Beni.Une adolescente de 14 ans a été blessée par balle. Les autorités ont arrêté 12 personnes, dont deux activistes d’un mouvement de jeunes, trois adolescents et quelques manifestants et spectateurs. Les adolescents ont été remis en liberté quatre jours plus tard, mais les autres demeurent en détention sur la base d’accusations forgées de toutes pièces.
Plus tard dans la journée du 28 novembre, lorsqu’un activiste du mouvement de jeunes La Lutte pour le Changement(LUCHA), qui avait organisé la manifestation, s’est rendu au cachot de la police pour apporter de la nourriture aux détenus, la police l’a interrogé pendant 45 minutes, le frappant et lui déchirant sa chemise.
Le 30 novembre, le maire de Goma, Dieudonné Malere, et de hauts responsables de la ville et des forces de sécurité ont rencontré trois membres de LUCHA. Des participants à cette réunion ont informé Human Rights Watch que le maire adjoint, Juvénal Ndabereye Senzige, avait accusé un activiste de LUCHA d’être « l’instigateur de troubles dans la ville de Goma sous couvert du mouvement LUCHA », l’avertissant que « si à l’avenir il y a des morts dans une manifestation, c’est toi que nous prendrons et ferons disparaître. Nous t’amènerons dans un endroit que jamais personne ne pourra trouver. » Dans une réunion avec Human Rights Watch le 9 décembre, le maire adjoint a nié d’avoir dit ça. 
Le 3 décembre, le maire de Goma, M. Malere, a publié une déclaration indiquant que LUCHA ne disposait pas des documents administratifs légaux requis et que le mouvement opérait « dans l’illégalité totale ». Il a ajouté que « les jeunes gens de LUCHA et ceux qui les soutiennent, de près ou de loin, [devraient] cesser toutes activités de nature à perturber l’ordre public.  ». La loi congolaise permet aux personnes de manifester pacifiquement sans être enregistrées en tant qu’organisation, a relevé Human Rights Watch.
Après la manifestation de LUCHA, le 3 décembre, une coalition de 33 associations congolaises de défense des droits humains, connue sous le nom de la Coalition pour le Respect de la Constitution, a publié une déclaration exhortant le gouvernement congolais à respecter le droit à la liberté de réunion pacifique et de manifestation pacifique. La coalition s’est également inquiétée du fait que le dialogue national annoncé par le gouvernement pour discuter des élections ne puisse conduire à des retards dans le calendrier électoral, ce qui, a-t-elle souligné, constituerait une violation de la constitution. Deux jours plus tard, le ministre congolais des Communications annonçait que le gouvernement avait ouvert une « enquête administrative » sur les 33 associations membres de la coalition.
Au cours des douze derniers mois, les responsables gouvernementaux et les forces de sécurité ont réprimé les personnes qui s’opposaient aux tentatives de report du scrutin présidentiel de novembre 2016 et de prorogation du mandat du Président Joseph Kabila.
Au regard de la constitution, le Président Kabila doit se retirer en décembre 2016, au terme de son second mandat. Les préparatifs des élections de novembre 2016 n’ont pas encore commencé. Kabila et les membres de sa coalition majoritaire ont indiqué que les élections pourraient être reportées, invoquant des anomalies dans les listes électorales ainsi que le coût élevé des élections.
La police et la Garde républicaine ont abattu plus de 40 personnes lors de manifestations organisées en janvier dans la capitale, Kinshasa, et à Goma contre les propositions de changement de la loi électorale. Les autorités ont cherché à interdire les manifestations politiques dans des villes à travers le pays, et des dizaines de jeunes activistes, d’étudiants, de musiciens, de journalistes, de dirigeants et de sympathisants de partis politiques ont été emprisonnés. L’Agence Nationale de Renseignements (ANR) a maintenu en détention bon nombre des personnes arrêtées pendant des semaines, voire des mois, sans aucune inculpation et sans qu’elles puissent recevoir la visite de leurs familles ou de leurs avocats. Certaines ont été traduites en justice pour des motifs politiques.
Le 1er décembre, dans la ville de Lubumbashi située dans le sud-est du pays, la police a lancé des gaz lacrymogènes pour empêcher les supporters de l’équipe de football du TP Mazembe d’entrer dans un stade privé pour assister à un meeting du président de l’équipe, Moïse Katumbi. L’ex-gouverneur de la province du Katanga, Katumbi a quitté le parti politique de Kabila en septembre dernier, citant des inquiétudes sur le retard pris dans l’organisation des élections.
Les 4 et 5 novembre, trois membres des Forces Novatrices pour l’Union et la Solidarité (FONUS), parti politique d’opposition, parmi lesquels une femme de 78 ans souffrant d’un handicap, ont été arrêtés à Kinshasa après une conférence de presse tenue par le président du parti, Joseph Olengankoyi, s’opposant à un report des élections nationales. Les personnes appréhendées ont été emmenées dans un centre de détention administré par les services de renseignement congolais. La dame âgée a été libérée après 26 jours de détention, tandis que les deux autres personnes ont été déférées devant le parquet après 33 jours et inculpées d’atteinte à la sureté intérieure de l’État. Elles sont actuellement incarcérées à la prison centrale de Kinshasa.
La prorogation du mandat du Président Kabila, qualifiée de « glissement » par ses opposants politiques, s’est heurtée à une opposition généralisée, notamment de la part de l’Église catholique, des associations de la société civile, des activistes des mouvements de jeunes, ainsi que des anciens membres de la coalition majoritaire de Kabila qui ont formé un groupement appelé « G7 ». Beaucoup ont appelé à des actions de protestation début 2016 si le gouvernement ne commence pas à mettre en œuvre des plans clairs pour assurer la tenue des élections dans les délais prévus.
Lors d’une conférence de presse organisée le 2 décembre à Kinshasa, le Procureur général de la république a déclaré à propos des appels publics invitant la population à descendre dans la rue et à manifester « qu’il s’agit là sans nul doute d’une manière très claire d’actionner une manivelle ou un poussoir détonateur de tout risque pour la paix ».
Le 28 novembre, Kabila a annoncé qu’il souhaitait organiser un dialogue national pour préparer la voie en vue des élections, mais il n’a pas indiqué quand ce dialogue débuterait. Bon nombre de dirigeants de l’opposition ont refusé d’y participer, soulignant qu’ils y voyaient une nouvelle tentative de reporter les élections ou de proposer des changements constitutionnels qui prorogeraient le mandat de Kabila.
Le Président Kabila a également affirmé qu’il accorderait la grâce présidentielle à certains prisonniers politiques pour contribuer à « pacifier les esprits ». Toute initiative visant à gracier des prisonniers devrait s’inscrire dans le cadre d’un programme plus vaste de libération de tous les prisonniers détenus en violation de leurs droits élémentaires, a relevé Human Rights Watch.

« S’il veut faire un pas crucial dans la bonne direction, le gouvernement congolais devrait libérer tous les prisonniers politiques », a conclu Ida Sawyer. « Ce pas crucial devrait être accompagné de mesures visant à prévenir de tels abus à l’avenir, notamment en mettant fin aux détentions arbitraires et en engageant des poursuites à l’encontre des autorités responsables de violations des droits humains. »

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire