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mardi 16 décembre 2014

RD Congo : Des attaques menées par des rebelles ont fait plusieurs dizaines de morts

L’armée et l’ONU devraient protéger les civils dans la région de Beni
(Goma, le 16 décembre 2014) – Des combattants rebelles non identifiés ont tué au moins 184 civils et blessé beaucoup d’autres civils lors d’attaques contre des villages dans le territoire de Beni dans l’est de la République démocratique du Congo depuis octobre 2014, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. De tels meurtres constituent des crimes de guerre.
Des victimes et des témoins ont décrit à Human Rights Watch les violentes attaques au cours desquelles les combattants rebelles ont méthodiquement tué des civils à coups de hache, de machette et par arme à feu.
« Des attaques de grande ampleur menées quasiment une fois par semaine par des rebelles terrorisent les résidents de Beni, qui ne savent pas où se tourner pour obtenir une protection » a déclaré Ida Sawyer, chercheuse senior sur la RD Congo à Human Rights Watch. « Les forces des Nations Unies et de la RD Congo doivent de toute urgence coordonner leurs efforts et améliorer la protection des civils à Beni. »
Selon des hauts responsables des Nations Unies et de l’armée congolaise, les récentes attaques seraient menées par les Forces démocratiques alliées (Allied Democratic Forces, ADF), un groupe rebelle islamiste d’origine ougandaise qui est actif sur le territoire de Beni depuis 1996. Des officiels indiquent que les ADF agissent peut-être conjointement avec des combattants d’autres groupes armés. Les officiels des Nations Unies et de la RD Congo devraient approfondir leurs enquêtes sur l’identité des assaillants et de ceux qui les soutiennent, a déclaré Human Rights Watch.
Les combattants des ADF, y compris des Ougandais et des Congolais, sont responsables de plusieurs dizaines d’enlèvements au cours des dernières années. Des civils qui avaient été précédemment détenus dans des camps des ADF ont décrit avoir vu des meurtres par crucifixion, des exécutions de captifs ayant tenté de s’échapper et des personnes avec la bouche cousue pour avoir prétendument menti à leurs ravisseurs. Certains prisonniers accusés de « mauvaise conduite » étaient maintenus dans des trous ou dans un coffre renforcé avec des clous pendant plusieurs jours ou pendant plus d’une semaine. Les attaquants ont aussi violé des femmes et les ont forcées à devenir leurs « épouses ».
En janvier, l’armée congolaise a officiellement lancé une nouvelle phase d’opérations militaires contre les ADF avec une assistance logistique limitée de la part de la mission de maintien de la paix de l’ONU en RD Congo, la MONUSCO, et de sa brigade d’intervention, un contingent de 3.000 hommes au sein de la MONUSCO créé au milieu de l’année 2013 pour mener des opérations militaires contre les groupes armés. 
La toute dernière vague d’attaques a commencé plusieurs mois après que l’armée congolaise a chassé les ADF hors de leurs bases principales. Au cours des derniers mois, la MONUSCO a considérablement renforcé sa présence dans la région de Beni dans une tentative de mieux protéger les civils.
Certains témoins ont expliqué n’avoir obtenu aucune réponse, ou qu’une réaction tardive, lorsqu’ils ont sollicité la protection de l’armée. Les officiels des Nations Unies ont indiqué que l’armée s’est opposée aux tentatives de l’ONU de coordonner la protection des civils, et a empêché les troupes de l’ONU d’effectuer des patrouilles dans certaines zones. Le gouvernement congolais devrait s’assurer que les troupes et les observateurs des droits humains des Nations Unies obtiennent un accès immédiat et sans entrave à toutes les zones où les attaques ont eu lieu, ainsi qu’aux zones où les civils peuvent être exposés à un risque accru, conformément au mandat de la MONUSCO en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies, qui autorise les troupes de l’ONU à prendre des mesures militaires ou non militaires pour protéger les civils, a déclaré Human Rights Watch. 
Au cours de deux missions de recherches dans le territoire de Beni en novembre et lors d’entretiens avec plus de 70 victimes et témoins des attaques et d’autres personnes, Human Rights Watch a confirmé le meurtre d’au moins 184 personnes pendant les attaques menées entre le 5 octobre et le 6 décembre dans le quartier de Boykene de la ville de Beni et dans les villages de Linzosisene, Oicha, Ngadi, Kadou, Erengeti, Ondoto, Kambi ya Chui, Manzati, Tepiomba, Vemba, Ahili et Manzanzaba. Il est probable que le nombre véritable de personnes tuées pendant ces attaques est considérablement plus élevé. Des défenseurs congolais des droits humains ont documenté les meurtres de plus de 230 civils dans la région de Beni depuis le début du mois d’octobre. 
Une attaque de grande ampleur a été menée le 20 novembre dans les villages de Vemba et Tepiomba et dans les zones environnantes, en bordure du Parc national des Virunga. L’attaque a fait au moins 50 morts et peut-être beaucoup plus. Lors d’une autre attaque, menée le 6 décembre dans les villages d’Ahili et de Manzanzaba, les combattants ont tué au moins 38 civils. Des défenseurs congolais des droits humains ont rapporté les meurtres d’au moins 18 autres civils lors d’attaques menées entre le 7 et 9 décembre 2014. 
Les représentants du gouvernement congolais ont déclaré avoir arrêté plusieurs combattants des ADF présumés et d’autres personnes soupçonnées de collaborer avec les ADF ou de les soutenir. Le gouvernement congolais devrait s’assurer que les individus qui ont été arrêtés soient rapidement mis en examen pour des crimes spécifiques, soient présentés devant un juge et se fassent assister d’un avocat avant d’être interrogés. 
Les responsables judiciaires congolais, avec l’appui des agences internationales qui soutiennent le système judiciaire de la RD Congo, devraient de toute urgence mener des enquêtes pénales crédibles et approfondies sur la récente vague de meurtres, y compris sur la responsabilité des attaques et la source de leurs soutiens, a indiqué Human Rights Watch. Les partenaires de la RD Congo devraient soutenir le renforcement des capacités de renseignements dans la région pour déterminer la responsabilité des récentes attaques et pour améliorer la protection des civils.
La Procureure de la Cour pénale internationale (CPI) devrait réunir des informations et examiner les abus en vue de déterminer si une enquête de la CPI sur les crimes allégués dans la région de Beni est justifiée. La CPI a compétence sur les crimes internationaux graves commis en RD Congo. Elle a ouvert une enquête sur la situation dans ce pays en juin 2004. La CPI peut intervenir lorsque les tribunaux nationaux n’ont pas la volonté ou la capacité de juger les crimes graves commis en violation du droit international.
La MONUSCO devrait intensifier les patrouilles dans les zones affectées, y compris des patrouilles à pied et de nuit, et implanter des bases d’opérations mobiles plus près des villages isolés où bon nombre des attaques récentes ont eu lieu, a ajouté Human Rights Watch. Des chargés de liaison communautaire (Community Liaison Assistants, CLA), parlant la langue locale et ayant une bonne connaissance du contexte local, devraient immédiatement être placés au sein des unités de la brigade d’intervention et des contingents de maintien de la paix basés dans la région de Beni. Un numéro téléphonique d’urgence devrait aussi être mis en place afin que les civils puissent contacter directement les soldats de maintien de la paix dans la région, et les alerter rapidement en cas d’attaque. 
« Des mesures beaucoup plus importantes pourraient être prises pour accroître la protection des civils et empêcher le prochain massacre », a conclu Ida Sawyer. « Les soldats de maintien de la paix des Nations Unies devraient renforcer les liens avec les communautés locales et se tenir prêts à se déployer immédiatement dans les zones menacées. »

L’attaque de Vemba et la mise à l’écart des soldats de maintien de la paix par l’armée
Avant l’attaque contre les villages de Vemba et de Tepiomba, plusieurs hommes non identifiés, dont certains vêtus d’uniformes militaires, se sont rendus à la maison du chef du village de Vemba, où les habitants s’étaient réunis pour boire de la bière de maïs locale. Les hommes se sont d’abord présentés comme étant des soldats congolais et ont dit aux personnes de ne pas avoir peur. 
Les hommes ont ensuite fait sortir les personnes de la maison du chef du village, les ont forcées à s’asseoir sur le sol et les ont ligotés en leur attachant les bras dans le dos avec des bandes en caoutchouc provenant de pneus de vélos. Un témoin a vu le leader du groupe en conversation au téléphone portable. Une fois l’appel terminé, il a ordonné aux autres dans un swahili hésitant : « Commencez le travail. Découpez-les. » Les assaillants ont alors tué des dizaines de civils à coups de hache sur la tête. 
Le lendemain, l’armée et quelques civils ont trouvé neuf des corps et les ont emportés à la morgue à Oicha. L’armée a ensuite bouclé la zone du massacre, n’autorisant personne, pas même les soldats de maintien de la paix de l’ONU, à y accéder pendant plusieurs jours. L’armée a expliqué que ses troupes avaient essuyé des tirs près du site où les corps avaient été trouvés, et qu’il était trop dangereux pour les membres des familles et les autres personnes de s’approcher de cette zone. 
L’armée a enterré 49 corps près du site du massacre, selon la déclaration d’un ministre du gouvernement provincial. Des témoins qui ont échappé à l’attaque et ont vu les cadavres ont indiqué à Human Rights Watch que le nombre de personnes tuées pendant l’attaque était bien plus élevé. Des défenseurs congolais des droits humains signalent que des dizaines de personnes sont toujours disparues et supposées mortes. 
Les efforts de coordination entre l’armée congolaise et les soldats de maintien de la paix de la MONUSCO pour protéger les civils dans les jours qui ont suivi le massacre du 20 novembre ont été marqués par des difficultés, a déclaré Human Rights Watch. Alors que la brigade d’intervention de la MONUSCO s’apprêtait à envoyer des troupes dans la région pour mener des opérations conjointes avec les soldats congolais, les responsables de l’armée ont stoppé l’opération conjointe en indiquant à la MONUSCO qu’il serait difficile de reconnaître les forces des Nations Unies dans la forêt et que des incidents de « tirs amis » (« friendly fire », des tirs involontaires de l’armée contre la MONUSCO) pourraient se produire, selon un haut représentant de l’ONU. Au lieu de cela, l’armée a annoncé qu’elle poursuivrait les assaillants seule. 
Le 23 novembre, lors d’une patrouille conjointe, l’armée a conduit les forces de la MONUSCO à l’endroit supposé du massacre, mais il s’agissait d’un autre lieu sans lien avec celui-ci. Le 3 décembre, l’armée a conduit les troupes de la MONUSCO vers un autre lieu, en indiquant que c’était le site de la fosse commune à Vemba. Mais les soldats de maintien de la paix ont à nouveau suspecté qu’il s’agissait d’un autre lieu, puisqu’ils n’ont trouvé aucune preuve du massacre ou de la fosse commune. 
Récits de victimes et de témoins
Human Rights Watch a interrogé les personnes suivantes entre le 16 octobre et le 26 novembre.
Un homme âgé de 30 ans, arrêté sur la route et escorté jusqu’à la maison du chef par huit hommes non identifiés armés de pistolets et de haches avant le massacre du 20 novembre à Vemba, a fait le récit suivant :
[Lorsque nous étions dans la maison du chef], ils ont arrêté un pygmée et l’ont ligoté. Lorsque j’ai vu ça, je me suis dit : « Ce ne sont pas nos soldats. » Je me suis sauvé, grâce à Dieu, en me cachant derrière la maison du chef. J’ai entendu les attaquants dire : « Ligotez ces personnes. » Puis ils ont commencé à ligoter les personnes et la pluie s’est mise à tomber. Lorsque la pluie s’est calmée, j’ai entendu le chef [des assaillants] ordonner : « Commencez le travail. Découpez-les. » Puis j’ai quitté l’endroit où je me cachais. Mon oncle et moi avons passé la nuit dans la forêt. Le vendredi, je suis venu informer les personnes après avoir vu les corps de ceux qui ont été tués sous mes propres yeux. J’ai vu les cadavres de mon jeune frère, mon beau-frère, mon oncle et d’une femme et d’un enfant que je connaissais.
Beaucoup de corps se trouvaient dans la propriété du chef. Certains ont été tués sur la route, d’autres ont été dispersés... Je n’ai pas fait attention à tous les cadavres, seulement à ceux des personnes que je connaissais. J’avais peur que [les attaquants] reviennent. Ils ont tous été tué à coups de hache sur la tête.

Une femme de 22 ans, qui se trouvait dans la maison du chef à Vemba au début du massacre, a raconté :
[Les attaquants] nous ont demandé : « Où est le chef ? Nous avons faim. Donnez-nous une chèvre. » Le chef est parti avec eux chercher une chèvre. Il a commencé à pleuvoir. Les assaillants qui étaient restés avec nous ont dit : « Personne ne quitte la maison. Si quelqu’un tente de sortir, nous allons les tuer. »Lorsque la pluie s’est calmée, ces soldats ont commencé à ligoter les personnes dans la maison et les ont conduites dehors sous la pluie. J’ai donné mon bébé à un pygmée qui était à côté de moi. Puis ils m’ont ligotée. Le chef des combattants est revenu et quand il a vu le bébé, il a demandé : « À qui appartient ce bébé ? » J’ai dit que c’était mon bébé. Il a ordonné : « Laissez-la. Je ne tue pas de personnes avec un bébé. Prends ton bébé et pars. » Je me suis enfuie dans la forêt et j’y ai passé la nuit. Je n’ai pas vu ce qui se passait derrière moi, mais j’ai entendu les coups de hache frappant les têtes.

Un fermier de 35 ans, qui a été poignardé au cou pendant une attaque par des assaillants non identifiés à Linzosisene le 5 octobre, a fait le témoignage suivant :
Un des combattants nous a dit : « Ma Bible dit que si quelqu’un vous tue avec une machette, vous devez le tuer avec une machette. » Puis il a sorti un couteau de son sac. Nous étions avec une fille de 14 ans et il l’a tuée. Il l’a découpée et mis les parties de son corps dans un sac. Il y avait une deuxième fille, et ils lui ont coupé la partie inférieure du visage. Ils ont emporté cette partie de son visage, mais ils ont laissé le reste du corps. La troisième personne qu’ils ont tuée était un homme auquel ils ont tranché la nuque. Puis ils ont raconté aux personnes restantes qui se trouvaient là : « Mettez-vous par terre. » Ensuite ils ont commencé à nous poignarder. Après qu'ils ont fini, j’ai perdu connaissance et j’ai pensé que j’étais mort.
Un homme de 32 ans, du quartier de Boykene de la ville de Beni, qui a survécu à une attaque dans sa maison menée par 9 ou 10 assaillants non identifiés le 1er novembre, a raconté :
Je les ai vus s’approcher de la fenêtre de la chambre, et je me suis caché sous le lit. Ma femme est tombée sur les assaillants dans le couloir et ils l’ont immédiatement abattue puis ils l’ont découpée au niveau de la hanche avec une hache. Ils ont retiré la moustiquaire dans la chambre des enfants et ont tué par balle mon fils aîné qui était allongé sur le lit. L’armée [congolaise] est arrivée chez moi vers minuit. J’ai habillé les corps de ma femme et de mon fils avec de beaux vêtements avant de les emmener à la morgue.
Une femme âgée, qui a survécu à une attaque menée contre la ville d’Erengeti le 17 octobre par des assaillants non identifiés, dont certains semblaient être des enfants soldats, a raconté :
Ils ont trouvé ma sœur, [ma fille] Noëlla et moi, toutes les trois dans la maison. Ils portaient des uniformes miliaires, mais leurs pantalons étaient coupés aux genoux. Les kadogo [enfants soldats] portaient des shorts et des gilets débardeurs couleur camouflage. Ils parlaient un swahili qui n’était pas d’ici. 
Noëlla portait son bébé de 6 mois et son autre enfant se cramponnait à elle. Les attaquants ont coupé la tête de son autre enfant [avec une machette]. Ensuite ils ont voulu tuer une autre fille, Masika.  Noëlla a essayé de la protéger et a dit : « Tuez-moi à la place de cette fille. » Masika s’est alors enfuie dans la brousse. Les assaillants ont immédiatement tué ma fille  Noëlla avec une machette. 

Ensuite je me suis enfuie dans la forêt. J’ai entendu les personnes hurler dans mon dos : « Vous les civils, vous avez appelé l’armée congolaise pour nous tuer ! Vous avez tué nos fils et nos femmes. Nous sommes veufs. Nous allons vous tuer afin que vos maris soient veufs et que vos enfants soient orphelins.
Un responsable religieux de 34 ans, qui était présent pendant l’attaque à Erengeti le 17 octobre, a décrit l’attaque :
Les attaquants sont arrivés vers 18 h 30. Ils ont dit aux femmes de ne pas avoir peur, car ils étaient des soldats en patrouille. Ils avaient des uniformes déchirés et il y avait des enfants parmi eux. Certains pouvaient avoir 10, 13 et 15 ans. Ils sont d’abord allés vers le poste [de l’armée congolaise]. Au bout de 20 minutes, nous avons entendu deux coups de feu. Puis après un autre quart d’heure, nous avons entendu beaucoup de tirs. Ils ont tué un soldat, et ils ont commencé à passer de maison en maison. Ils ont ligoté les personnes et les ont toutes conduites dans une maison. C’était la troisième maison à partir de la rivière, c’est là qu’ils ont conduit les personnes et les ont tuées. Un des assaillants a dit en swahili à une femme qui refusait de lui ouvrir la porte : « Vos militaires ont tué nos enfants et vous allez voir. Nous allons tous vous exterminer. » J’ai entendu les cris des personnes tuées à coups de machette. Une d’elles a hurlé : « Maman, je meurs ! ». Puis les cris se sont dissipés. Les soldats de l’armée se trouvaient à 200 mètres de là, mais ils n’ont pas réagi lorsque mon fils et une femme les ont alertés.
La femme d’un soldat de l’armée congolaise, qui se cachait dans sa maison lorsque les combattants l’ont attaquée dans le quartier de Ngadi dans la ville de Beni le 15 octobre, a raconté :
Trois personnes sont arrivées, vêtues comme des femmes. Nous avons pensé que c’était des femmes, mais en réalité, c’était des hommes, l’ennemi. Mon mari a commencé à leur souhaiter la bienvenue, mais ces personnes ne parlaient pas le swahili. Il les a salués quand même. Après les avoir saluées trois fois, ces personnes ne disaient toujours rien. Comme elles s’approchaient de notre maison, mon mari leur a alors parlé en lingala et leur a dit « Arrêtez-vous là ». Sans attendre, ils ont tiré sur mon mari. Il a riposté. Il a commencé à appeler à l’aide parce que le village était plein de soldats, mais il n’a reçu aucun secours. Les assaillants parlaient kinyarwanda. Ils ont dit : « Ce vaurien va nous tuer. » Puis ils ont abattu mon mari en lui tirant dans la tête et l’ont ensuite découpé avec une machette.
Voici le récit d’une jeune femme de 18 ans, capturée par les ADF en janvier 2013 et détenue dans le camp de Medina, une des principales bases des ADF qui a été démantelée par l’armée congolaise en avril :
Medina était comme un grand village. Nous devions prier cinq fois par jour, et ils m’ont donné un mari de force. Je connais 25 personnes qui sont mortes dans le camp [alors que j’étais là-bas]. Certaines sont mortes de faim, d’autres ont été tuées. S’ils apprenaient que vous vouliez partir pour rentrer chez vous, même si c’était une rumeur, ils vous tuaient en vous tranchant la gorge. Si vous fuyiez et que vous étiez attrapé, vous étiez tué sur-le-champ. Ils tuaient les personnes devant les autres. 

Une femme s’est enfuie et a été attrapée dans un village appelé « 25 ». Ils ont dit que je savais qu’elle allait s’enfuir, donc ils m’ont placée dans un trou pendant un mois. J’étais enceinte de six mois. Je ne pouvais pas sortir du trou et je devais faire mes besoins dans un seau. Je ne me suis pas lavée pendant tout le temps passé dans le trou. Nous étions 12 femmes dans le trou. On nous donnait des racines de colocase à manger. Je suis la seule à avoir survécu avec une autre femme. 

Une autre forme de punition était « la croix ». Ils vous accrochent comme Jésus. Treize personnes sont mortes sur la croix. Il y avait un autre châtiment dans un coffre, avec des clous orientés vers le haut, à l’intérieur du coffre. Ils vous enferment dedans, et ne vous donnent rien à manger. En fonction de la faute que vous avez commise, vous restez 5 jours ou 10 jours dans ce coffre. Si vous ne mouriez pas dedans, vous aviez beaucoup de chance.

Une femme de 24 ans, dupée par son mari, un combattant des ADF, et emmenée dans un camp des ADF, a décrit les conditions après le début des opérations militaires contre les ADF en janvier :
Le fait d’être en fuite a rendu nos vies encore plus dures. Nous pouvions passer des journées sans manger et les enfants étaient les premiers à mourir. J’ai vu beaucoup d’enfants mourir, certains mouraient de faim, d’autres étaient abattus. Beaucoup étaient malades, ils étaient enflés et avaient des trous dans la peau. Nous avons enterré beaucoup d’enfants. C’était une horreur pour moi et les autres mères. Ma belle-sœur a perdu trois enfants : deux sont morts de faim et un a été abattu. En plus de tout cela, il y avait des règles [dans le camp]. Ne dites pas de mal des autres ou ils vous cousent la bouche comme punition. Ne fuyez pas ou ils vous tueront en vous tranchant la gorge devant les autres ou ils vous découperont en morceaux. Les enfants ne doivent pas pleurer, sinon [la mère] est punie. La sanction, en fonction de la gravité de ce que vous avez fait, va de 100 à 500 coups de fouet ou vous êtes jeté dans leur prison.
Une femme de 35 ans, qui a été enlevée par les ADF près de Chuchubo dans le territoire de Beni en décembre 2012 et qui était avec le groupe jusqu’à ce qu’elle s’échappe en juillet 2014, a raconté :
Si vous étiez congolais de Beni ou du Grand Nord [partie nord de la province du Nord-Kivu], ils pouvaient vous tuer immédiatement. Si vous étiez ougandais et que vous disiez un mensonge, ils vous cousaient la bouche. Après vous avoir cousu la bouche, ils vous jetaient dans un trou. Une fois, une femme leur a menti. Elle a été frappée et jetée dans le trou pendant deux mois et demi.



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