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samedi 17 août 2024

Dossier Frivao : Des membres suspendus ignorent les griefs mis à leur charge

Il a plu au ministre d'État, ministre de la Justice et Garde des Sceaux, Constant Mutamba de suspendre les membres de Frivao en nommant des intérimaires. Le rapporteur de cet établissement public, Mimy Mopunga a déclaré que la décision prise par l'autorité de tutelle est surprenante étant donné qu'ils ignorent totalement les faits qui leur sont reprochés. 

Vous êtes parmi les personnes qui ont été suspendues en tant que rapporteur de Frivao. Comment jugez-vous cette décision ?

C'est un sentiment de regret d'abord du fait que nous avons été suspendus injustement. Et puis, la procédure aussi n'a pas été suivie. Les autorités doivent apprendre à respecter la hiérarchie. Je pense qu'on piétine même sur les prérogatives du chef de l'Etat qui avait signé l'ordonnance nous nommant comme mandataires du Fonds spécial d'indemnisation aux victimes des activités illicites de l'Ouganda en RDC (Frivao). Est-ce que c'est un arrêté qui vient abroger une ordonnance présidentielle ou c'est le contraire ? En lisant l'esprit de cet arrêté, vous allez remarquer qu'il n'y a pas de charges à notre endroit.

Vous dites qu'il n'y a pas de charges. Le ministre d'État a initié un audit du Frivao en mettant à contribution l'IGF. Ce rapport n'est-il pas en votre défaveur ?

C'est pour cette raison que j'ai dit qu'on est en train d'empiéter sur les prérogatives du chef de l'Etat. A ma connaissance, l'Inspection générale des finances (IGF) est un service rattaché à la Présidence de la République. Un rapport a également été remis au ministre d'Etat, ministre de la Justice. Le rapport n'indique pas de détournement et moins encore ne mentionne pas de mégestion

Des observations pertinentes ont été faits comme tout contrôle. Il y a peut-être quelques procédures qui n'ont pas été respectées. Le rapport fait état des observations destinées aux membres de Frivao. Nulle part, il a été mentionné la mégestion ou le détournement. Après l'audit, lorsqu'il y a une anomalie, c'est l'Inspection générale des finances qui transmet le dossier au niveau de la justice pour la poursuite de l'enquête. Ce qui n'est pas le cas pour nous. Il a ouvert une enquête bien sûr mais nous voulons bien mais il aurait dû attendre que le dossier soit clôturé. Aussitôt, nous voyons un arrêté nous suspendant et le même arrêté qui procède aux nominations. Là où le bas blesse, le ministre d'Etat a violé l'ordonnance présidentielle qui nommait trois personnes. Il en a nommé quatre. Il aurait pu laisser le dossier judiciaire ouvert à notre endroit suivre son cours normal. S'il faudrait proposer d'autres personnes, il devrait suivre la procédure mais pourquoi s'est-il précipité de nous accuser de mauvaise gestion.

C'est juste une suspension et qu'il lèverait sans doute dans les heures qui suivent cette décision ?

Une suspension sans cause et qui n'a pas suivi une procédure administrative. Nous, nous ne dépendons pas du secrétariat général à la Justice. Comment peut-il enjoindre le secrétaire général de prendre des dispositions pour l'exécution de cet arrêté. L'arrêté poursuit qu'en attendant une autre ordonnance présidentielle. Je pense qu'il y a l'anguille sous roche. La moindre de choses, c'est de respecter la procédure administrative. Donc, c'est une question administrative qui devait suivre la procédure administrative. L'arrêté n'évoque nulle part une raison valable de notre suspension et sans se référer aux textes règlementaires. Nous sommes dans le regret de constater ce malentendu qu'on doit corriger.

Frivao fait face au problème de du fonctionnement. Comment fonctionne-t-il puisque l'Etat n'a pas encore mis des moyens à sa disposition ? Avez-vous rencontré le ministre d'État ministre, ministre de la Justice pour régler cette question ?

Frivao est un établissement public spécial. Nous devions être installés à Kinshasa mais nous sommes à Kisangani. Aussitôt que notre ministre de tutelle a pris ses fonctions, nous sommes venus lui présenter nos civilités et lui présenter l'état des lieux de notre service. La semaine qui suivait, on a diligenté une mission de contrôle pendant un mois. Après cette mission de contrôle, nous sommes venus à Kinshasa pour lui présenter nos difficultés et l'état des lieux de l'établissement. Nous avons sollicité une audience, nous avons attendu de 9 heures à 21 heures sans toutefois être reçus par le ministre d'Etat. Nous avons appris que l'autorité est allée à Kisangani. Séance tenante, il demande aux responsable de Frivao sur place de se rendre au Parquet suite à la clameur publique au moment où nous étions venus à Kinshasa pour lui faire part des difficultés de notre structure. Depuis l'existence de notre structure, l'Etat congolais n'a pas mis de moyens de fonctionnement à notre disposition. Les fonds versés par l'Ouganda sont destinés aux victimes et non au fonctionnement de Frivao. Le ministre n'a pas trouvé mieux de nous recevoir. Directement, il nous traduit en justice suivi d'une suspension scandaleuse. La nouvelle équipe qu'il a mise en place connaitra les mêmes difficultés. Il aurait fallu que le ministre nous écoute, ce que nous avons déjà fait, quelles sont les difficultés rencontrées et cela allait lui permettre de bien agir. Voilà que nous sommes rejetés à l'avance suivi de la suite des décisions que nous sommes en train de subir injustement. Nous ignorons ce que nous avons fait. Nous avons nos droits en tant que Congolais qu'on doit respecter.

Frivao est une première expérience dans le monde depuis que la Cour internationale de justice existe. Est-ce que ça ne sera pas un précédent fâcheux contre la République Démocratique du Congo ?

C'est notre grande déception. C'est une question d'État qu'on devait gérer avec beaucoup de prudence puisque le monde entier suit ce dossier. Le ministre d'État, ministre de la Justice "accuse" l'État congolais des détourner ces fonds. Nous nous approchons de la date du 1er septembre 2024, peut-être que la Cour internationale de justice demanderait à l'Ouganda de ne pas verser la troisième tranche à cause de tout ce qui se passe. Frivao à été créé pour exécuter l'arrêt de la Cour internationale de justice qui a catégorisé les victimes. D'emblée, on décide d'allouer à toutes les victimes le même montant. C'est encore un autre problème.

Pour quelle raison voulez-vous les catégoriser ?

La Cour en a décidé ainsi. Tous les fonds ne sont pas destinés à payer les victimes individuellement. Ces fonds concernent des ouvrages à caractère collectif en réhabilitant des bâtiments des habitants qui ont été touchés lors de la guerre des armées ougandaises et rwandaise dans la ville de Kisangani. Sachez que ces fonds ne concernent pas seulement la province de la Tshopo mais également l'Ituri, le Bas-Uele et le Haut-Uele. Il est hors de question d'allouer à chaque catégorie le même montant puisque la personne qui a perdu la vie, on ne peut pas la mettre dans la même catégorie d'une personne qui a subi des dommages corporels qui a peut-être des éclats dans dans son corps. Cette personne devait aller voir un médecin pour une intervention chirurgicale. C'est nous qui avons fait le travail. Vous allez voir qu'il y a une personne qui réclame avoir perdu des mèches. Allez-vous lui donnez 2.000 dollars ? Nous n'avons jamais proposé le montant de 150 dollars ou de250 dollars aux victimes. Le conseil d'administration de Frivao avait demandé que nous ne procédions au paiement de victimes. Il fallait les identifier au préalable dans toutes les provinces concernées.

Avez-vous terminé le travail d'identification de toutes les victimes ?

Nous n'avons pas terminé ce travail. Le conseil d'administration nous avait demandé de sillonner tout l'espace concerné et avoir le nombre exact des victimes et prendre ce nombre pour le diviser par chaque catégorie. Ce sont des fonds de répartition. Frivao a pour mission de repartir ces fonds selon les catégories reconnues par l'arrêt de la Cour internationale de justice. A la suite des tensions observées dans la province de la Tshopo, le conseil d'administration avait concédé que nous payions un forfait en attendant que nous ayons le nombre total de victimes et faire la répartition. Nous avons payé  1.040 dollars aux familles qui ont perdu les leurs. Les blessés graves ont reçu 880 dollars et les blessés légers 700 dollars. Ceux qui ont perdu leurs biens ont reçu 400 dollars. Nous avons payé 100 personnes. Sur les 100 victimes, nous avons 2 blessés graves et un blessé léger. Aucune personne n'a reçu 150 ou 250 dollars. Nous avons les documents de la banque qui font foi.

Lors de sa visite à Kisangani, le ministre d'État a ordonné le paiement de 2.000 dollars à certaines victimes. Ces disparités ne vont-elles pas impacter négativement sur la suite des indemnisations ?

C'est là où se trouve un autre problème.

Dans quelle catégorie les a-t-il placées selon l'arrêt de la Cour internationale de justice et comment réparer ces disparités si vous êtes réhabilités des paiements effectués lors de la visite du ministre d'État à Kisangani ? 

Chacun doit répondre de ses actes. Personnellement, je n'ai pas apposé ma signature sur ces paiements. La personne qui a engagé ces dépenses saura comment répondre lors d'un probable contrôle.

L'administration congolaise est trop lourde. Vous avez écrit un mémo à la Première ministre. La réponse peut prendre plusieurs mois et finalement ça ne va pas préjudicier les victimes ?

Ce n'est pas de notre faute. Nous sommes appelés à suivre l'administration puisque dans l'avenir ne voulons pas avoir d'autres problèmes. Quand on nous dit par exemple le mémorial qui entre dans les attributions du Frivao, il ne nous revient pas de construire le mausolée. Et pourtant, c'était sur demande de victimes. La situation est bloquée. Il faudrait que des choses soient claires pour avancer. C'est une question qui est suivie au niveau international. Nous ne voulons pas ternir l'image de notre pays. Nous voulons bien faire pour laver l'image négative de notre pays pour qu'on sache qu'il y a de gens sérieux et compétents qui gèrent l'institution. Nous ne pouvons pas aller au-delà du texte créant Frivao. La Cour internationale de justice pourrait un jour dépêcher une mission d'audit. Dans la composition de Frivao au niveau du conseil d'administration, nous avons des experts internationaux. Ce n'est pas pour rien qu'on les a mis dans cette équipe. Nous devons nous attendre qu'un jour qu'une mission de contrôle au niveau international soit dépêchée sur place. Notre souci est de donner une bonne image de notre pays. C'est ce qui nous anime, cette bonne volonté de bien faire le travail selon des normes.

Des frais d'indemnisation ont été mis aussi à la disposition de la Snel Tshopo pour la réhabilitation du barrage. En Savez-vous quelque chose ?

Nous avons dans ce compte trois quotités. La première est l'indemnisation individuelle et collective des victimes. La deuxième est la réparation des édifices publics qui ont été endommagés pendant la guerre. Frivao gère ces deux quotités. Et enfin, la troisième quotité est la réparation puisque nous sommes dans le cadre de la justice transitionnelle. Elle concerne la réparation des ressources naturelles. Elle est gérée par l'Etat congolais. Frivao n'a pas la main mise sur cette quotité. La ville de Kisangani connaît un problème de l'électricité ces dernières années. Le gouvernement avait décidé d'allouer une partie de fonds pour la réhabilitation de la centrale hydroélectrique. C'est ce qui avait été fait. Une autre partie à été allouée au ministère de Développement rural qui a affecté cet argent à la réhabitation des routes en desserte agricole. Le contrôle devrait concerner sur cette quotité. Sur la recommandation du conseil d'administration, il nous avait été demandés de suivre ce dossier. Mais Frivao n'a pas cette compétence. Le ministre d'État, ministre de la Justice devrait s'y penché pour demander un audit. Personne ne nous dit clairement où sont passés ces fonds destinés à la Snel. Il revient au ministre de faire ce travail. On ne peut pas nous poser des questions sur ces fonds. La quotité du gouvernement reste au gouvernement. Ce n'est pas à nous de justifier. Frivao n'est pas un organe de contrôle. Il y a des organes de contrôle reconnus officiellement. Si on veut savoir la destination de ces fonds, on a qu'à diligenter un contrôle pour la suite.

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