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samedi 15 septembre 2018

La violence a continué à Beni au mois d’août, avec 27 personnes tuées et la situation humanitaire exacerbée par l’épidémie d’Ebola au nord de la ville de Beni (Rapport)


Le mois de juillet 2018 a été marqué des violentes provocations interétatiques autour du Lac Edouard, frontalier avec l’Ouganda. En plus des violences continues ailleurs dans les Kivus, on a aussi constaté l’apparition de deux nouveaux chefs de guerre : Jules Vwiranda en territoire de Beni (Nord-Kivu) et Kadaradara en territoire de Kalehe (Sud-Kivu).
À Beni, le territoire le plus meurtrier des Kivu au cours de ce mois, 33 morts violentes de civils ont été recensées. La nouveauté du mois de juillet a sans doute été l’éclosion de conflits entre l’Ouganda et la RDC, ayant entrainé quelques escarmouches particulièrement violentes entre les armées des deux pays au début du mois. Le 4 juillet, des marins ougandais ont arrêté et conduit à Rwashama, en Ouganda, 53 pêcheurs congolais de Kasindi-port et saisi 18 pirogues, au motif qu’ils auraient violé les frontières lacustres et pêché clandestinement sur le territoire ougandais.
Le lendemain, une altercation entre une patrouille congolaise mixte (forces navales et forces terrestres) et l’armée ougandaise a entrainé la mort de trois militaires de la force navale ougandaise et de trois pêcheurs ougandais à l’extrême nord du Lac Edouard, entre les rivières Semuliki et Lubiriha, près du village de Muhiya.
Le 6 juillet, des pirogues appartenant aux pécheurs congolais ont été retrouvées flottantes sans aucune présence humaine avec des traces de sang sur certaines. Environ 12 pêcheurs congolais ont été tués et plus de 90 arrêtés en Ouganda, selon un rapport dressé le 7 juillet par le ministre de pêche et élevage sur les opérations menées par des militaires ougandais sur le Lac Edouard la nuit du 6 au 7 juillet.
Le conflit est visiblement dû à l’absence de délimitation claire de la frontière lacustre, à une diminution de ressources halieutiques à la suite de la croissance démographique aux alentours du lac et à une absence de rigueur dans la règlementation de la pêche du côté congolais, où le lac se trouve entièrement dans le Parc de Virunga. Le nombre de bateaux de pêche y est passé des 700 prévus à 1.400.
Les tentatives menées par le gouvernement congolais auprès du gouvernement ougandais pour faire libérer les congolais détenus en Ouganda ont jusqu’ici été vaines. Il faut aussi signaler l’installation dans les plateaux situés à l’est de l’axe routier Beni- Butembo d’un nouveau groupe armé dirigé par un chef du nom de Jules Vwiranda. Le territoire de Lubero a connu une longue accalmie depuis la débandade du groupe armé Mai-Mai Kilalo à Kipese et son déguerpissement vers le territoire de Beni : un seul affrontement a été recensé en juillet, opposant les Mai-Mai Mazembe aux Forces Armées de la République démocratique du Congo (FARDC).
Les positions des Mai-Mai Mazembe, le groupe armé le plus puissant du territoire, sont restées stables : la dissidence créée le mois passé par Justin (Mai-Mai Yira) a été éphémère, le groupe étant redevenu uni pendant le mois de juillet. Cependant, vers la fin du mois, les kidnappings ont refait surface sur les tronçons Kirumba-Kaseghe, Kikuvo-Kirumba, Kirumba-Kanyabayonga et Lubero-Kasugho.
Dans le territoire de Rutshuru, il y a eu des affrontements entre groupes armés, essentiellement entre Nyatura Domi (alliés aux Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda-Forces Combattantes Abacunguzi, FDLR-FOCA) et les FARDC ou Mai-Mai Mazembe. Le territoire a également connu un grand nombre de kidnappings, suivis systématiquement de la libération des otages quand une rançon était payée.
L’identité du groupe responsable des kidnappings était dans la majorité des cas inconnue, sauf pour un cas où les FDLR – Ralliement pour l’Unité et la Démocratie (RUD) ont été clairement identifiés.
En territoire de Masisi, le mois de juillet a été marqué par les affrontements entre le Nduma Defence of Congo-Rénové (NDC-R) et l’Alliance des Patriotes pour un Congo Libre et Souverain (APCLS). Le NDC-R a réussi à se coaliser avec une dissidence de l’APCLS (le Groupe Mapenzi, appelé aussi Lola Hale) pour combattre l’APCLS.
Contrairement au mois de juin, aucune attaque sur les cheptels n’a eu lieu. En territoire de Walikale, les pillages ont été nombreux. Les groupes armés Guides-MAC et les Kifuafua Shalio ont été identifiés comme acteurs de deux pillages, tandis que les auteurs de deux autres incidents de pillages n’ont pas pu être identifiés. Quant aux affrontements armés, la dynamique ou coalition en cours en territoire de Masisi a, comme depuis avril-mai 2018, un prolongement en territoire de Walikale : la coalition NDC-R & Groupe Mapenzi (dissident de l’APCLS) s’est confrontée avec l’APCLS (considéré comme allié au NDC Sheka de Mandaima) au moins une fois à Kilambo le 8 juillet.
En territoire de Kalehe, les exactions des groupes armés sur les civils ont diminué du côté ouest (Bunyakiri) par rapport au mois de mai et de juin, mais un nouveau groupe armé, nommé Raia Mutomboki Kadaradara, y a vu le jour dans le groupement de Mushunguti en réaction aux attaques des Nyatura.
Du côté du littoral, il y a eu de nombreux cas de banditisme à main armée. Le 10 juillet, des troupes FARDC, qui venaient participer de nuit à ce banditisme en partant de Goma, ont croisé le feu avec d’autres troupes FARDC basées à Kalehe sur le Lac Kivu pendant une opération de braquage de bateaux. L’Ile d’Idjwi était relativement calme, mais un cas de violence policière sur un civil y a été documenté à la suite d’une dispute.
Dans le complexe Kabare-Bukavu-Walungu, l’opération Tujikinge (traque des bandits armés initiée par le gouvernement provincial depuis un semestre) a atteint ses limites, au regard du volume des actes de banditisme urbain et périurbain. A Bukavu par exemple, à part une opération d’assainissement ou de dégagement des rues qui a dégénéré en violence entre policiers et civils au quartier Dendere le 8 juillet, toutes les autres violences (6) étaient dues au banditisme urbain à main armée et incluent autant les vols ou pillages à main armée de maisons ou de structures sanitaires que les blessures infligées aux victimes pendant ces opérations.
Le territoire de Walungu a connu deux cas de ce genre le 11 juillet (une structure sanitaire saccagée et où une femme a été violée pendant le pillage) et le 13 juillet (deux habitations). Le territoire de Kabare a connu deux cas aussi, dont une structure sanitaire (à Lurhala le 12 juillet) et une maison (à Kabamba le 24 juillet).
Des soldats FARDC s’y sont aussi entretués, au village de Miti le 14 juillet, pendant qu’un groupe inconnu attaquait la position FARDC à Chishado. En territoire de Shabunda, le pillage de villages (Nyombe 3 juillet), des carrières minières (Tumpyempye 17 juillet) ou de passagers (Ngolombe 14 juillet) par de groupes armés ont dominé le paysage de la violence. À deux occasions, les groupes armés pillards se sont affrontés aux FARDC pendant leurs incursions : les Raia Mutomboki Kikwama et Kazimoto au village de Byunda le 17 juillet, les Mai-Mai Malaika et les Raia Mutomboki Makindu au village de Chabene le 12 juillet.
En territoire d’Uvira, les violences dues à la crise de cohabitation entre les soi-disant autochtones (Fuliiru, Bembe, Nyindu) et les Banyamulenge considérés comme allochtones, à Bijombo dans les franges est de la forêt d’Itombwe ont beaucoup baissé en intensité durant le mois de juillet. Un seul acte de provocation de ce genre a eu lieu plus nord et s’est soldé par le meurtre d’une femme et l’incendie du village de Nyambindu par les Twiganeho le 24 juillet.
L’escalade qui pouvait être crainte le mois passé n’a pas eu lieu. Toutefois, les kidnappings se sont multipliés (11 cas) dans la pleine de la Ruzizi (Sange, Mutarule, Rubanga, Lemera, Kiliba, jusqu’en cité d’Uvira) et ont touché plusieurs catégories socioprofessionnelles (des simples citoyens aux agents de grandes entreprises comme la sucrerie de Kiliba, en passant par les directeurs d’écoles primaires, les pasteurs d’églises et éleveurs). Des passagers de bus y sont tombés aussi dans des embuscades tendues par des groupes armés.
Il faut enfin signaler que les RED-Tabara ont renforcé leur présence sur les crêtes des hauts plateaux de Lemera, tandis qu’une traversée de taille des rebelles burundais des Forces Nationales de Libération (FNL) s’est observée vers le territoire congolais, accompagné d’ailleurs d’une attaque de bus dans la pleine.
En territoire de Fizi, les incidents sécuritaires ont visiblement diminué, en partie grâce aux opérations des FARDC dans les moyens plateaux de Lusambo (en Secteur Tanganyika) pour traquer les Raia Mutomboki Bishambuke (faction sud), même si ces opérations ont entrainé un grand déplacement des populations de Makyala, Etundu et Lusololo les 22 et 23 juillet. Toutefois, en secteur de Lulenge plus au sud, trois cas de vol de vaches, attribués aux Mai-Mai Aoci, ont été rapportés les 21, 27 et le 31 juillet. Pour le tout dernier cas, les bergers en quête de leurs vaches ont croisé un jeune agriculteur dans un champ au village Kayumba et l’ont blessé par balle.



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