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jeudi 22 septembre 2016

Election présidentielle/RDC : le Chef de l’Etat responsable devant la Cour constitutionnelle

Le dialogue politique entre la majorité présidentielle, l’opposition politique (sans le Rassemblement) et la société civile, débuté le 1er septembre dernier pour une durée initiale de 15 jours, est censé accoucher d’un accord ce week-end. Les termes de ce compromis, quoique consacrant de fait le «glissement », sont très attendus dans l’opinion nationale après les tristes événements de 19, 20 et 21 septembre. En effet, ils pourront suffire pour apaiser les esprits. Mais, l’on entend souvent, dans les rues de la capitale, les gens de tous bords s’interroger : qu’est-ce qui garantira le respect de cet accord, notamment l’organisation de la présidentielle – couplée aux législatives nationales et provinciales – dans le délai qui sera annoncé ? « Qui a bu boira », craignent-ils. Le facteur psychologique joue un rôle déterminant dans l’application des textes – Constitution, Lois, Accord – que les Gouvernants doivent mettre en œuvre. Leur état d’esprit peut les amener à se donner corps et âme pour honorer leurs obligations dans la perspective d’une gouvernance fondée sur l’efficacité. Il peut aussi expliquer l’hésitation et la lenteur qu’ils peuvent accuser dans leur mise en œuvre. 
Ce dialogue politique m’a astreint à soumettre à la lucidité de l’intelligentsia congolaise ma réflexion sur l’indépendance de la Commission électorale en RDC, objet de mon ouvrage en chantier. En effet, la perception – le plus souvent négative dans divers milieux sociopolitiques – de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) nuit à la crédibilité du processus électoral et aux résultats des élections. Quelles que soient l’intégrité morale et les compétences avérées des animateurs de cette institution d’appui à la démocratie. Pour prétendre mettre durablement fin au problème d’illégitimité du pouvoir issu des urnes, il faille renforcer en amont les mécanismes de garantie de l’indépendance de la CENI. C’est dans cette perspective que je propose, en ma qualité de chercheur en Relations internationales et de patriote épris de paix, une formule susceptible d’assurer le développement harmonieux de la pratique électorale en RDC.
La création de la Commission électorale est un des résultats des négociations politiques ayant accouché de l’Accord de Sun City. Ce, même si, en perspective des élections générales prévues après la proclamation de la démocratisation du Zaïre (actuellement RDC), il fut déjà envisagé la mise en place de la Commission nationale des élections (CNE), quoique non concrétisée. A ce titre, il n’est pas erroné d’affirmer que la RDC est, si pas le premier, un des premiers pays africains à avoir pris l’initiative de mettre sur pieds un organe de gestion électoral autonome.
Le contexte de production de cette initiative est marqué par des vives controverses politiques, notamment dans les sillages de la Conférence nationale souveraine, attestant la contestation on ne peut plus clairement de la légitimité du Chef de l’Etat, et une profonde crise de confiance en l’administration publique censée organiser les élections. Il s’agit, pour l’opposition politique, de l’expression de la volonté de rompre avec les pratiques antérieures au 24 avril 1990 ayant caractérisé la démocratie à la soviétique que le Zaïre avait longtemps incarnée pendant la bipolarité du système international.
La Commission électorale constitue donc un modus vivendi pour assurer l’intégrité du processus électoral et/ou du cycle électoral dont l’enjeu consiste en l’acquisition ou la conservation du pouvoir politique pour lequel plusieurs centaines des partis politiques sont créés quand bien même tous ne feraient pas montre de viabilité. Elle vise à rassurer les acteurs politiques du bon déroulement du jeu électoral tant en amont qu’en aval de manière à leur permettre de donner du crédit aux résultats qui en découleront. Pour ce faire, elle est censée bénéficier du prestige et de la confiance de toutes les parties prenantes car son action doit contribuer à garantir la consolidation de la démocratie dans un pays post-conflit et encore « assis » sur une poudrière.
La Constitution de la RDC, qui institue la Commission électorale, la définit comme étant une « institution d’appui à la démocratie ». Cette conception peut prêter à confusion. Larousse online entend par appuyer le fait de « placer quelque chose contre quelque chose qui lui sert de support ; appliquer une chose sur une autre en pressant, en pesant ; fonder, établir quelque chose (abstrait) sur quelque chose d'autre ; soutenir quelqu'un, une action, un projet, les approuver, les aider de son crédit, de son influence ». La structuration de la Constitution met en évidence le fait qu’il relève de la responsabilité des institutions nationales et provinciales d’assurer l’alimentation décente de la démocratie en RDC. 
La Commission électorale, quant à elle, concoure à la solidité, la fiabilité, la légitimité de ces institutions en garantissant la régularité des élections de leurs animateurs. Il va sans dire que l’efficacité de l’action des animateurs de ces institutions est fonction de l’affirmation de la conformité des élections en vertu desquelles ils sont hissés aux rangs qui sont les leurs. Cette validation est du ressort non seulement de la Cour constitutionnelle mais aussi de l’opinion publique nationale dont le rôle en démocratie ne cesse d’aller crescendo.
La Constitution attribue à la Commission électorale un rôle d’une sensibilité telle qu’elle est exposée et ne peut nullement échapper aux critiques des uns et des autres. Elle a la lourde responsabilité de crédibiliser le pays dans un contexte marqué de plus en plus par le devoir de « loyauté de la démocratie dans les relations internationales » (Luc Sindjoun). Elle doit favoriser l’ancrage de la démocratie libérale que promeut le bloc occidental malgré les exigences qui en découlent dans des pays en voie de développement.
C’est dans cette perspective sans nul doute qu’elle se définit comme étant « le temple de la démocratie en RDC ». Force est de constater que la Constitution ne précise pas les marges de manœuvre dont doit disposer la CENI pour s’acquitter efficacement de ses obligations. La Loi fondamentale indique uniquement qu’elle est dotée de la personnalité juridique. C’est dire que la Commission électorale est un acteur à part entière du jeu politique national et, de ce fait, constitue un élément du système institutionnel de la RDC.
Elle a la latitude de prendre des initiatives et de poser librement des actes dans le cadre de ses fonctions. Elle doit relever le défi de gérer les impératifs internes et externes à son environnement en vue de construire et de soigner une image de marque auprès de ses membres et des tiers. Elle est soumise au principe de redevabilité caractérisant les sociétés démocratiques.
L’article 211 de la Constitution stipule qu’elle « est chargée de l’organisation du processus électoral, notamment de l’enrôlement des électeurs, de la tenue du fichier électoral, des opérations de vote, de dépouillement et de tout référendum. Elle assure la régularité du processus électoral et référendaire (…) ». C’est dire que c’est à elle qu’incombe le devoir de concevoir et d’opérationnaliser la planification électorale en administrant les preuves de la maîtrise des paramètres techniques y afférents sur l’ensemble du territoire national. En effet, l’organisation des élections relève d’abord de la technicité quoique soumise à la décision politique.
La personnalité juridique attribuée à la CENI lui confère le droit de jouissance de l’autonomie administrative et financière. A cet effet, elle dispose d’un budget propre sous forme de dotation, pouvant être complétée par des apports extérieurs. Elle jouit de l’indépendance d’action par rapport aux autres institutions, et doit bénéficier de leur collaboration. Le cadre juridique de la Commission électorale circonscrit son indépendance strictement dans les périmètres de l’action qu’elle doit mener. Ceci est banal pour toute organisation jouissant de la personnalité juridique. Cependant, il ne garantit nullement en amont l’efficacité de l’action que la Commission électorale doit obligatoirement mener. Il est évident que ce qui importe n’est pas la latitude d’agir indépendamment mais bien plus l’impact que l’action attendue doit produire dans la perspective de la consolidation de la démocratie.
Cette observation vise à mettre en évidence la nécessité de créer effectivement et nettement les conditions d’une véritable indépendance de l’action de la CENI dont la collaboration avec les autres institutions publiques ne rassure pas indéniablement l’affirmation de son efficacité. Toutes ces institutions s’inscrivant dans une dynamique systémique, les difficultés avérées auxquelles le Gouvernement peut être butté dans son obligation constitutionnelle de conduire au quotidien la politique de la nation peuvent avoir des répercussions sur le rendement des autres.
Situer l’indépendance de la CENI uniquement à son action, et parallèlement la soumettre à la collaboration avec les autres institutions dans le strict respect, peut-on dire, des attributions de ces dernières, ne lui offrent pas une bonne marge pour exprimer véritablement son indépendance. En effet, elle ne peut « agir » que lorsque le Parlement et le Gouvernement se seront acquittés, dans le « délai », de leurs obligations sans disposer d’un quelconque moyen de pression sur ces institutions.
Dès lors, elle est tributaire de l’agenda des pouvoirs exécutif et législatif telle que la planification des élections court sérieusement le risque de relever d’une simple aventure. Car la planification de pareil projet, une entreprise laborieuse, s’inscrit impérativement dans la dynamique de la temporalité telle que, pour cette même activité, les données de divers ordres peuvent sensiblement variées d’une période à une autre. Que le Constituant n’ait pas expressément prévu le bénéficie de l’urgence que les autres institutions doivent, dans l’exercice de leurs missions, accorder à la CENI subordonne cette dernière à l’échelle politique des actions prioritaires à mettre en œuvre à court, moyen et long termes. 
Je m’interdis de porter un quelconque jugement sur la manière dont le Gouvernement et le Parlement assurent, depuis 2005, leur concours à la Commission électorale. Ceci n’est pas pour l’instant l’objet de ma préoccupation scientifique. Je plaide plutôt, partant de la nécessité de marier l’idéal politique et la « realpolitik » congolaise, que des mécanismes juridiques soient clairement mis en place de façon à contraindre particulièrement ces deux dernières institutions à doter la CENI des moyens législatifs et financiers nécessaires à l’enclenchement de son action.
C’est suite à l’inexistence de ces mécanismes juridiques que la Cour constitutionnelle, saisie par la CENI en 2015 pour constater son incapacité à organiser les élections provinciales telles qu’inscrites dans son calendrier, n’a pas pu exercer une influence pour l’opérationnalisation de cet agenda électoral. A cet effet, il y a lieu d’envisager la responsabilité, expressément sur la matière électorale, du Président de la République, Garant de la nation et du bon fonctionnement des institutions, devant la Cour constitutionnelle pour tirer les conséquences – à fixer - qui doivent s’imposer en cas de tenue de l’élection présidentielle dans le délai présidentiel. Ceci contribuera, eu égard aux tristes expériences faisant couler eau et salive en ce temps qui court, de renforcer l’obligation pour le Chef de l’Etat d’assurer l’ancrage de la démocratie, gage de paix et de cohésion nationale. Toutes dispositions n’appelant pas forcément l’interprétation de la Cour constitutionnelle, il appartiendra simplement à cette dernière d’en faire le constat et de tirer les conséquences sous le regard du peuple congolais, souverain primaire. 
De la sorte, il y a lieu d’espérer que le Gouvernement affectera en temps opportun les ressources nécessaires au bon fonctionnement de la machine électorale, particulièrement pour l’organisation des élections législatives provinciales, et législatives nationales ainsi que la présidentielle. Ceci pourrait largement concourir à la détermination claire des contours de la collaboration des institutions impliquées dans le champ électoral et à favoriser, en RDC, le développement d’une excellente pratique politique en matière électorale. 
Pour autant que les élections s’imposent en vue d’assurer la consolidation de la sécurité et permettre à la RDC de réaliser le défi de son émergence dans les relations internationales. En effet, la question électorale est, pour la RDC, un enjeu de taille dans la construction de son image dans les relations internationales africaines. La sociologie politique congolaise doit donc servir de fondement aux suggestions d’une meilleure construction de la démocratie congolaise.
Martin ZIAKWAU L.
Doctorant en R.I./UNIKIN
Chef de travaux/IFASIC


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