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mardi 16 septembre 2014

Parlement: Léon Kengo wa Dondo opposé à la révision ou changement de la Constitution



Allocution du président à l’ occasion de l’ouverture de la session ordinaire de septembre 2014
Essentiellement budgétaire la présente Session ordinaire s’ouvre conformément aux articles 115 de la Constitution et 74 du Règlement Intérieur du Sénat. Elle intervient à un moment particulièrement douloureux dans la vie sociale de notre peuple marqué par la résurgence de la fièvre hémorragique à virus EBOLA dans le territoire de Boende, province de l’Equateur. Un virus d’une autre souche est signalé en Afrique de l’Ouest, où l’on déplore au moins deux milliers de victimes.
En mémoire de toutes ces victimes, je vous invite à observer un instant de silence. Je salue l’heureuse initiative de l’Eglise catholique du Grand Equateur de réunir les filles et fils de la Province pour se joindre au Gouvernement aux fins de trouver des voies et moyens de préserver l’Equateur de ce fléau.
Sans céder à la psychose le Gouvernement devrait quant à lui rester constamment mobilisé afin que le plan de riposte mis en place permette non seulement le cantonnement mais surtout l’éradication de la maladie. Il y va de la santé de tous, santé qui figure dans les Objectifs du Millénaire pour le Développement.
A propos de ces Objectifs, je rappelle que notre pays à l’instar de nombreux autres s’était engagé de 2003 à 2015 notamment à :
- réduire de moitié l'extrême pauvreté et la faim ;
- réaliser l'éducation primaire universelle et l'égalité des sexes ;
- réduire de deux tiers la mortalité des enfants de moins de 5 ans et de trois quarts la mortalité maternelle ;
- inverser la tendance en matière de propagation du VIH/sida et du paludisme ;
- réaliser un développement durable et assurer la viabilité de l'environnement.
L’heure est au bilan. Cela d’autant plus que les performances économiques présentées sont en lien direct avec les résultats obtenus dans la poursuite de ces objectifs.
Le Gouvernement aligne en effet, des résultats économiques notables. Selon les données disponibles la conjoncture intérieure continue à se caractériser par :
- une croissance soutenue de l’activité économique ;
- la maîtrise budgétaire, la stabilisation du taux de change et la baisse du rythme de l’inflation.2
Suivant la Banque Centrale du Congo le taux de croissance du PIB se situera à 8,8 % en fin 2014 contre 8,5 % en 2013. L’année pourra se clôturer aussi avec un taux d’inflation de 1,2 % alors que le taux d’inflation moyen prévu est de 3,9 %.
Quant à lui, le taux de change du dollar américain qui demeure stable se situera à 930 francs grâce à une bonne coordination des politiques budgétaire et monétaire.
Dans ce contexte la Banque Centrale a jugé nécessaire de maintenir son taux directeur à 2 %. Malgré le faible niveau de ce taux et une certaine maîtrise de l’inflation les banques commerciales continuent malheureusement à prêter de l’argent à des taux d’intérêt prohibitifs. Ces taux s’élèvent actuellement à 18,0 % en moyenne par an ce qui handicape le financement de l’activité économique et, par voie de conséquence, la création des emplois.
Je souhaite que le Gouvernement engage des discussions avec le secteur bancaire accompagnées de mesures incitatives afin d’obtenir la baisse de ces taux. Par ailleurs, dans le contexte où l’agriculture est devenue l’une des priorités pourquoi ne pas créer dès maintenant des banques de crédits agricoles !
Je ne pense pas que l’Etat puisse en la matière atteindre tous les objectifs poursuivis sans la participation du secteur privé. Je ne cesserai jamais de le dire : ce n’est pas l’Etat mais le capital privé qui crée des foyers de richesses. Et pour qu’il y ait création des foyers de richesses, il faut que le capital privé soit soutenu et associé aux objectifs du développement.
C’est dans ce contexte que le Parlement est sensibilisé pour que l’écriture du nouveau Code agricole actuellement en examen à l’Assemblée nationale soit améliorée notamment son article 16 qui a fait de tapage ce dernier temps.
C’est avec des mesures incitatives en direction des PME et PMI que nous parviendrons à booster notre secteur agricole.
Honorables Sénateurs et chers collègues,
Budgétaire la présente Session présente ne traitera pas moins d’autres matières conformément à son calendrier. Parmi ces matières il y a le projet de loi modifiant et complétant le Code de la Famille déposé par le Gouvernement au cours de la Session de mars de cette année.
Présentement en examen au Sénat, ce projet constitue une réforme législative d’une importance capitale. Permettez-moi d’y revenir un instant.
Prisonnier à Sainte-Hélène, Napoléon disait : « Ma vraie gloire, ce n’est pas d’avoir gagné quarante batailles ; Waterloo effacera le souvenir de tant de victoires. Ce que rien n’effacera, ce qui vivra éternellement, c’est mon Code civil ».
Le Code civil est la première règle de vie que se donne un peuple pour son harmonie. Il contient les principes essentiels sur l’identification et la capacité des personnes mais aussi les règles relatives au droit de la famille, aux régimes matrimoniaux, aux successions aux libéralités. C’est en quelque sorte la pierre angulaire de tout l’édifice juridique d’un pays.
Le Gouvernement justifie la modification de ce monument juridique essentiellement par le souci d’adapter la législation à certains instruments juridiques internationaux visant le renforcement des droits spécifiques de la femme et de l’enfant, tout en actualisant sur le plan technique, les unités et valeurs monétaires contenues dans le Code de 1987.
Je salue cette initiative. J’estime cependant, que les options à lever doivent demeurer dans les limites de la compatibilité du droit moderne avec notre droit traditionnel. Car, comme je l’avais écrit en 1976 dans une de mes mercuriales, la réforme qui allait donner naissance au
Code de la famille actuel était initiée dans un esprit bien spécifique : « constituer une synthèse harmonieuse entre les éléments du droit moderne et ceux du droit traditionnel, à même de concilier et de refléter les aspirations légitimes d’un peuple en pleine mutation qui ne veut pourtant rien perdre de son authenticité ».
Aussi aimerais-je partager avec vous quelques réflexions sur certains points de la réforme projetée. Sur les questions liées au droit de la personne, je vois que des innovations sont introduites notamment en matière d’identification et de capacité des personnes physiques, particulièrement en ce qui concerne la dation du nom et la capacité juridique de la femme mariée.
En matière de dation du nom, si l’article 52 a le mérite de préciser que le nom, le post nom et le prénom constituent les éléments du nom, en revanche, le projet gouvernemental a supprimé le pouvoir du dernier mot qui avait été laissé au père en cas de désaccord des parents dans l’attribution du nom à leur enfant. Une telle suppression, qui ne s’accompagne d’aucune solution palliative, comporte le risque de voir le litige, d’essence privée, être porté devant une instance extérieure à la famille ; ce qui ne peut que nuire aux rapports de paix et de stabilité dans le couple.
Je suggère que l’attribution du nom à l’enfant continue d’être comme par le passé, l’œuvre de ses parents. En cas de désaccord, que le dernier mot revienne non pas au père seulement, mais aux deux parents, en accordant à chacun le droit d’attribuer un élément du nom à l’enfant. Ainsi l’enfant porterait, dans ce cas, un nom composé d’au moins deux éléments, attribués respectivement par chacun des deux parents.
Sur la question même de la structure du nom, il est certes réaffirmé dans le projet de loi que le nom, puisé dans le patrimoine culturel congolais, comporte un ou plusieurs éléments.
Quoique conformes à certaines de nos cultures, cette disposition accuse à mon avis, un certain manque d’uniformisation de la structure du nom en droit congolais, en raison de la réaffirmation du principe de la pluralité sans limite des éléments du nom. En outre, elle ne résout pas le problème des noms kilométriques, source de beaucoup de difficultés dans la rédaction des actes d’état civil. Il faut limiter sinon on n’établira jamais de nom.
Je propose qu’une réflexion soit menée sur cette question.
Dans le même ordre d’idées, l’on ne voit nulle part la place que le nouveau Code réserve aux pseudonymes et autres surnoms, une pratique pourtant courante dans la vie sociale.
Sur la problématique de la capacité juridique de la femme mariée, je note qu’à la demande insistante de la gent féminine, l’autorisation maritale, jadis conçue dans l’optique de la protection de cette dernière, est proposée à la suppression. Je m’en réjouis.
Ce n’est pas une mauvaise idée. Car notre pays a ratifié la Convention des Nations Unies sur l’élimination de toutes les discriminations à l’égard de la femme. En outre, la Constitution du 18 février 2006 consacre le principe de la parité homme-femme, même si ce n’est que dans le domaine politique.
Dans ce contexte, le maintien de l’autorisation maritale apparaît comme une limitation injustifiée de la capacité juridique de la femme mariée. D’autant plus que, déjà du fait de leur mariage, la capacité juridique de l’homme et de la femme est naturellement restreinte par les obligations réciproques qui leur incombent, tant dans la gestion du lien conjugal que dans l’administration de leurs biens. 4
Sur ce point, le Gouvernement a vu juste.
Dans la même logique, il est proposé de relever l’âge légal du mariage de la jeune fille à 18 ans, contrairement à 15 ans dans la législation actuelle. C’est une vielle revendication qui a trouvé écho dans la loi portant protection de l’enfant, laquelle a fixé l’âge de la majorité à 18 ans. Je rappelle simplement qu’il n’y a pas de lien nécessaire entre l’âge de la majorité civile et celui du mariage.
Tout dépend des développements physiologiques et psychologiques des personnes. D’ailleurs, à l’époque de la rétention de l’âge de 15 ans pour la jeune fille, le Code civil fixait la majorité civile à 21 ans ! Dès lors, le problème n’est pas dans l’option levée, mais dans l’argument avancé. Puis-je rappeler qu’en dépit de la charge morale qui entoure cette question, le Code de droit canonique maintient, sous réserve de la compétence des Evêques, l’âge minimum du mariage à 16 ans pour le garçon et à 14 ans pour la fille (Can 1083) ?
Honorables Sénateurs et chers collègues ;
Le projet de loi aborde aussi une autre question essentielle, celle de la forme du mariage. Aux termes du nouvel article 330, « Tout individu a le droit de se marier avec la personne de son choix, de sexe opposé, et de fonder une famille ». Les autres continents ne nous intéressent pas. Nous, c’est un homme et une femme.
Je salue cette option car c’est la réplique même de l’article 40 de la Constitution. Elle se passe de tout commentaire. Je salue également la disposition selon laquelle « La monogamie est l’unique forme de mariage autorisée en République démocratique du Congo » (art. 330 al 4). Ceci est une traduction en forme de principe de la criminalisation déjà décidée en 1987 de la bigamie et, a fortiori, de la polygamie en République démocratique du Congo. Plus de bigamie, plus de polygamie.
Il reste que l’effectivité de pareilles dispositions ne dépend pas que de la noblesse de leurs objectifs ; encore faut-il disposer d’un véritable plan pédagogique et correctif pour pouvoir les atteindre.
Sur la question de la dot, je prends acte de ce que l’institution continue de jouir de la faveur des gouvernants ; ce qui est conforme à la majorité des coutumes congolaises et même africaines. Le projet prévoit heureusement de ramener le pouvoir de fixation du maximum de son taux au niveau des Gouverneurs de province ; ce qui est une bonne décision.
Je reste cependant convaincu qu’en l’absence de sanction des comportements mercantiles des parents en la matière, la disposition risque de demeurer un vœu pieux. J’engage l’ensemble des gouvernants à se pencher sur cette question, faute de quoi plusieurs jeunes ne se marieront jamais à cause des exigences prohibitif de la dot.
Nous devons faire en sorte que le mariage ne soit pas vécu par les jeunes comme une corde au cou. C’est, au contraire, selon moi, un collier de roses, juste avec quelques épines !
A propos du ménage des mariés, le projet de loi veut supprimer l’obligation pour la femme mariée de suivre son mari partout où il aura décidé de fixer le domicile conjugal. Si cette suppression n’est motivée que par les considérations du genre, que fait-on alors de la coutume largement répandue selon laquelle, après le versement de la dot, la femme mariée quitte son domicile pour s’établir dans celui de son mari ?
Je ne pense pas qu’il soit sage de supprimer l’idée que la femme mariée a son domicile chez son époux. Ce n’est pas conforme à la majorité de nos coutumes.
Quant à la filiation, je suis heureux que les principes en vigueur, issus de notre authenticité, aient été maintenus :
- rejet de la distinction entre filiation naturelle et filiation légitime ;
- maintien de la filiation juridique au même titre que la filiation d’origine et la filiation adoptive ;
- obligation de reconnaître les enfants nés hors-mariage (affiliation) ;
- actions en recherche de paternité ou de maternité, etc.
Ce statu quo ante est à saluer car il faut continuer à affirmer le principe selon lequel, dans notre pays, et nous en sommes, tout enfant doit avoir un père ! C’est ce qui justifie la notion de « père juridique » dont la paternité revient à la République démocratique du Congo.
En ce qui concerne la question des régimes matrimoniaux, des successions et des libéralités, là aussi le projet gouvernemental a, pour l’essentiel, maintenu les grands principes énoncés en 1987 : existence des trois régimes distincts (séparation des biens, communauté des biens et communauté réduite aux acquêts, avec ce dernier comme régime légal) ; maintien
du pouvoir de gestion maritale des biens quel que soit le régime choisi ; réaffirmation
du principe de la contribution des époux aux charges du ménage ; distinction des successions testamentaires et ab intestat ; reconnaissance de la place du testament oral à côté du testament authentique et du testament olographe ; protection du même cercle des héritiers qu’en 1987, avec leur organisation en trois catégories et trois groupes ; maintien de la règle de la réserve successorale au profit des enfants ; reconnaissance du droit d’usufruit sur la maison conjugale au profit du conjoint survivant non remarié; réaffirmation de la gratitude comme contrepartie de la libéralité, etc.
En somme, le projet de réforme est riche de points de vue de discussions. Voilà pourquoi il nécessite un examen approfondi. Je rappelle que l’actuel Code a pris dix ans à l’Assemblée nationale de l’époque pour être voté.
Honorables Sénateurs et chers collègues,
Distingué(e) invité(e) ;
Je ne peux clore ce mot sans me prononcer sur la problématique de la révision constitutionnelle qui agite tout le microcosme de la classe politique. S’agissant de ce débat, trois réflexions m’inspirent :
Primo : En tant que Co-président des Concertations nationales, j’atteste que tous les délégués s’étaient mis d’accord et se sont même « engagés à consolider la cohésion nationale et à sauvegarder le pacte républicain notamment par le strict respect de la Constitution, particulièrement dans ses dispositions voulues intangibles par le souverain primaire : la forme républicaine de l’Etat, le principe du suffrage universel, la forme représentative du gouvernement, le nombre et la durée du mandat du Président de la République, l’indépendance du Pouvoir judiciaire, le pluralisme politique et syndical, la non réduction des droits et libertés de la personne, la non-réduction des prérogatives des provinces et des entités territoriales décentralisées » (Recommandation n°1 du Groupe thématique « Gouvernance, Démocratie et Réformes institutionnelles ») ;
Secundo : En tant que juriste, je m’interroge comment une Constitution qui prévoit des dispositions intangibles peut-elle autoriser les institutions issues d’elle de modifier lesdites dispositions sans tomber dans un cas flagrant de violation intentionnelle de la Constitution ! Les dispositions intangibles de la Constitution – je pense ici à l’article 220 et à tous ceux auxquels il renvoie – constituent le pivot, le socle, l’armature de toute l’architecture constitutionnelle. Comment peut-on les modifier sans détruire par ce fait même tout l’édifice constitutionnel construit dans la peine ! On n’est dès lors plus dans la même Constitution, mais dans une autre. Il ne faut pas tirer prétexte de la révision pour aboutir à un changement de Constitution. Cela n’est pas prévu par la Constitution en vigueur.
Tertio : En tant qu’acteur politique, je note que la Constitution du 18 février 2006 est issue du compromis historique de Sun City : l’Accord global et inclusif. Les éléments de ce compromis sont repris dans l’Exposé des motifs et transposés notamment dans l’article 220. Comment peut-on prendre le risque d’altérer ce compromis politique sans menacer la cohésion nationale et la paix sociale !
Chers compatriotes,
Dans son Message à la Nation devant le Congrès, à l’occasion de la clôture des Concertations nationales, le Président de la République a déclaré, je cite : « Comme les Délégués à ces assises, je suis pour le respect par tous de l’esprit et de la lettre de la Constitution de la République dans son ensemble, telle qu’adoptée par le référendum populaire en 2005 ». Fin de citation.
J’invite la classe politique au respect des engagements, à la culture de la paix et de la réconciliation, à l’esprit de tolérance et d’alternance. Il est temps que notre pays dépasse le stade des querelles politiques byzantines pour se concentrer enfin sur les vrais problèmes du peuple : pauvreté, chômage, éducation, santé, infrastructures, environnement ; bref, aux problèmes du développement socioéconomique du pays.
Sur ce, je déclare ouverte la Session ordinaire du Sénat de septembre 2014 et je vous remercie.
Léon KENGO wa DONDO

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