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mardi 23 septembre 2014

MISSION DE SUIVI ELECTORAL DE L'UNION EUROPEENNE EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO



L'Union européenne a déployé une mission de suivi électoral (EU EFM) dirigée par Mariya Gabriel, du 26 mai au 22 juin 2014, avec pour objectifs principaux l'évaluation des progrès accomplis concernant les recommandations de la Mission d'Observation Electorale de l'Union Européenne de 2011 ainsi que l'analyse du contexte politique et de la réforme électorale. Le présent rapport propose également une actualisation des recommandations de la MOE UE 2011.
•  La MOE UE de 2011 ainsi que les autres missions d'observation internationales et citoyennes ont, dans leurs rapports et autres communications relayées les nombreuses irrégularités survenues en 2011 et ont également formulées des recommandations visant à améliorer les processus futurs.
•  La réforme de la CENI s'est achevée tardivement, en juin 2013, avec la prestation de serment de la nouvelle équipe dirigée par l'Abbé Malu Malu. Après une année d'exercice, le premier bilan de cette équipe est toutefois contrasté. La CENI n'a pas su regagner la confiance de tous les acteurs politiques et l'héritage de l'équipe précédente continue à peser sur son action; l'impartialité et l'efficacité de la Commission électorale de 2011 ayant été largement critiquées. Dans ce contexte, la mission de suivi invite donc la CENI à instaurer un dialogue régulier, ouvert et constructif avec ses différents partenaires au sein des cadres de concertation et à prendre des mesures visant à accroitre la transparence de son action telles que: mentionner le décompte des votes de l'Assemblée Plénière à l'occasion de la publication des décisions de la CENI ou encore diffuser plus largement le rapport annuel 2013/2014 de la CENI. Elle a également souligné la nécessité d'apurer les dettes certifiées de l'institution électorale afin de ne pas retarder les opérations en cours.
La mise en place du nouveau cadre juridique des élections parallèlement au processus de décentralisation administrative ainsi que la reprise de la cartographie et la délimitation géographique des circonscriptions électorales ont créé une situation complexe et confuse, qui pourrait réactiver les conflits locaux au niveau des communautés. L'absence de différents décrets d'application des lois et listes de groupements actualisés ne permettent pas de faire progresser convenablement le processus de décentralisation. La mission appelle donc à l'implication accrue des autorités compétentes dans l'harmonisation de la liste des groupements et des villages, ainsi qu'à la tenue d'une campagne d'information et sensibilisation auprès de la population.
En ce qui concerne le fichier électoral, la CENI semble faire une lecture très restrictive de ses compétences d'attribution qui lui impose de découper les circonscriptions électorales au prorata des données démographiques actualisées. Cette interprétation lui permettrait ainsi d'organiser les élections générales de 2016 avec un fichier électoral issu du recensement administratif et surtout d'organiser les prochaines élections avec un fichier fiabilisé mais sans enrôler les jeunes majeurs et les non-inscrits. Cette interprétation ne saurait cependant être contraire au principe posé par la Constitution en vertu duquel, sont électeurs et éligibles, tous les Congolais des deux sexes, âgés de dix-huit ans révolus et jouissant de leurs droits civils et politiques (article 5 de la Constitution).
•  Le calendrier électoral publié le 26 mai 2014 n'indique pas de dates pour l'affichage provisoire des listes électorales, une opération pourtant prévue dans le cadre de la fiabilisation du fichier électoral. La Mission suggère donc à la CENI d'envisager la possibilité d'allonger la période de réclamation en vue de permettre l'enregistrement des non-inscrits lors de la précédente révision du fichier et des jeunes majeurs. De cette manière, il serait alors possible de répondre à la perception d'un sous enregistrement dans les provinces favorables à l'opposition et d'organiser les prochaines échéances électorales sur la base d'un fichier fiabilisé et inclusif.
La Mission salue la promulgation de la loi sur le financement public des partis politiques et souligne la nécessité de renforcer l'encadrement des dépenses de campagne pour garantir une compétition équitable. Elle reste cependant préoccupée par l'absence de réforme du statut des partis politiques, très nombreux et qui ne remplissent pas leurs obligations légales de fonctionnement. La Mission recommande donc la mise en place de la commission interinstitutionnelle, prévue sous l'égide du Ministère de l'Intérieur pour faciliter la mise à disposition à la CENI de la liste des partis politiques agréés.
•  Le projet d'élire les députés provinciaux au suffrage indirect et de modifier le collège électoral des Sénateurs et gouverneurs évoqué par la Président de la République, lors de son allocution à l'Assemblée Nationale et au Sénat, réunis en Congrès, n'avait pas été débattu lors des Concertations Nationales, lancées en septembre 2013. Ce projet de changer le mode de scrutin pour des élections provinciales, qui est l'une des options reprises par la CENI en janvier 2014, a fait largement débat et suscité de vives controverses à l'occasion du déploiement de la mission de suivi.
•  Une lecture attentive des dispositions de la Constitution permet d'argumenter sur la possibilité de restreindre le collège électoral pour les élections provinciales (Article 220 alinéa 2). Cependant l'un des effets d'une telle révision constitutionnelle, si elle était validée, serait de priver les 31 millions d'électeurs congolais de leur droit à élire directement leurs députés provinciaux. Ce projet impose par ailleurs d'organiser des élections locales, municipales et urbaines en amont.
•   En ce qui concerne le contentieux électoral, la Mission de suivi a pris note de la promulgation de la loi organique portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle (13/026; 15 octobre 2013). Elle émet cependant quelques réserves quant à l'indépendance et l'autonomie de cette dernière notamment en raison de l'intervention directe du pouvoir exécutif pouvant limiter concrètement leur indépendance ainsi que les entorses faites aux principes d'inamovibilité et irrévocabilité des juges. La Mission encourage donc les autorités à adopter le statut particulier des juges en garantissant l'indépendance de l'ordre judiciaire. La mission regrette par ailleurs qu'aucune femme ne figure parmi les neuf membres nommés début juillet.
•  Afin de lutter contre l'impunité et en vue d'assurer les poursuites nécessaires, la RDC s'est engagée dans un processus complexe de réforme du système judiciaire, prévoyant notamment de scinder la Cour Suprême de Justice en trois entités : la Cour Constitutionnelle, le Conseil d'Etat et la Cour de Cassation. A ce jour, la promulgation de loi organique instituant le Conseil d'Etat et l'opérationnalisation des tribunaux de paix, des tribunaux administratifs et des tribunaux de grande instance sur l'ensemble du territoire est encore attendue. La mission invite également les autorités à accélérer la formation des magistrats et l'opérationnalisation des juridictions en charge du contentieux électoral.
• La loi d'amnistie concernant les faits insurrectionnels, faits de guerre et infractions politiques commis entre le 18 février 2006 et le 20 décembre 2013 a été promulguée le 11 février 2014. Cette Loi est cependant critiquée par une partie de la société civile et de l'opposition, qui déplorent que les opposants politiques n'aient pu en bénéficier. Parmi les différents projets et propositions de loi sur les chambres spécialisées mixtes élaborés depuis 2011,aucun n'a recueilli l'approbation du Parlement,.
Les autorités congolaises ont essayé de mettre en place de nouveaux mécanismes relatifs à la protection des droits humains tels que l'Entité de liaison des droits de l'Homme, la Cellule de protection des défenseurs des droits de l'homme. Cependant, même si la loi relative à la Commission Nationale des Droits de l'Homme a été promulguée; cette dernière n'est toujours pas fonctionnelle. La mission de suivi regrette que les violations des droits humains se poursuivent et que la lutte contre l'impunité demeure difficile. Les limitations relatives à l'exercice des libertés fondamentales soulèvent des préoccupations quant à l'instauration d'un cadre propice à la tenue des prochaines échéances électorales.
En raison de leur domaine commun, de leur mode de désignation et de la non-harmonisation des textes, des conflits de compétences demeurent entre l'autorité de régulation des médias (CSAC) et le Ministère de la Communication. La Mission de suivi a par ailleurs réitéré la nécessité de dépénaliser le délit de presse et de préciser les attributions respectives du Ministère de la Communication et du CSAC.
•  L'analyse du calendrier électoral partiel couvrant les élections municipales, urbaines et locales fait apparaître que les risques techniques et politiques liés à la réalisation des opérations préalables au vote sont extrêmement élevés. Chacun de ces risques pourrait entraver le bon déroulement du processus électoral, entraîner des retards importants et, à terme, empêcher le respect de l'échéance constitutionnelle pour la tenue des prochaines élections générales.
S'il s'avérait que les élections devaient être reportées pour des raisons techniques, il serait alors possible que les autorités soulèvent l'exception de l'article 70 de la Constitution permettant, dans son alinéa 2, qu' «à la fin de son mandat, le Président de la République reste en fonction jusqu'à l'installation effective du nouveau Président élu. » La Mission souhaite donc attirer l'attention du législateur sur les possibles implications de la séquence électorale sur la stabilité du pays et les probables reculs en matière d'Etat de droit.
•  Le soutien de l'Union européenne au processus électoral repose sur certaines améliorations qui ont été clairement énoncées par la MOE UE de 2011. Dans son rapport spécial d'octobre 2013 intitulé "l'Aide de l'UE à la gouvernance en République démocratique du Congo", la Cour des comptes Européenne a examiné si le soutien de l'UE était pertinent au regard des besoins et objectifs fixés. Dans ce contexte, le Programme d'Appui au Cycle électoral (PACE) est le projet qui a reçu la plus mauvaise évaluation. La Cour a estimé que le soutien de l'UE serait plus efficace si l'UE exploitait mieux des mécanismes tels que le principe de conditionnalité ou le dialogue politique.
•  La Mission de suivi électorale considère donc, compte tenu du contexte d'appropriation nationale accrue et du redimensionnement des contributions financières des partenaires techniques et financiers (PTF) dans lequel s'inscrit le processus électoral, que la programmation des activités nouveau projet (PACEC) doit être plus stratégique, portant davantage sur la qualité de l'expertise mise à disposition et améliorant ainsi la transparence et l'intégrité du processus.
•  La modification du mandat de la Monusco a entraîné une reconfiguration de l'assistance électorale apportée par le Système des Nations Unies. L'assistance technique a été transférée au Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), alors que la Monusco continue de remplir sa mission de bons offices et de soutien logistique au processus électoral. Il existe donc un risque réel de désynchronisation entre les besoins en soutien logistique exprimés par la CENI et les capacités de réponse de la Monusco.
•  Globalement, la mission de suivi conclut à un début de mise en œuvre des recommandations de la MOE UE de 2011. En effet, même si la mise en œuvre des recommandations de 2011 portant sur la protection des libertés publiques n'est pas avérée, la promulgation de la loi sur la Cour Constitutionnelle (Recommandation n01), la réforme de la CENI, y compris la prise de fonction d'une nouvelle équipe (n09), la promulgation de la loi portant financement public des partis politiques (n°13), l'opération de fiabilisation du fichier électoral et de l'inscription de l'audit externe au calendrier électoral (n°2, 3, 4) ainsi que le soutien à l'observation citoyenne (n°12) suggère l'amorce de changements positifs. .
•   La Mission de suivi souhaite enfin tout particulièrement attirer l'attention des autorités congolaises sur les points suivants :
•      
- Le refus des autorités de se prêter à un réel dialogue notamment au sujet de la séquence des élections et du changement de mode de scrutin, risque de conduire le processus électoral à une impasse.
- A l'occasion de la table ronde du 13 juin 2014, l'EU EFM a recommandé la publication d'un calendrier électoral complet, consensuel et assorti d'un budget détaillé.
- La CENI devrait envisager une révision inclusive du fichier électoral en amont des prochaines échéances.
A l'occasion de la révision de la loi électorale, la Mission invite également le législateur à réunir les conditions d'une compétition équitable.
La protection des libertés publiques et la lutte contre l'impunité doivent être renforcées, notamment par l'abrogation des dispositions relatives au délit de presse, la réglementation de la liberté de manifestation et la poursuite des responsables de violations des droits humains.
L'amélioration de l'intégrité et de la transparence du processus électoral passe par une meilleure prise en charge du contentieux ainsi que par l'amélioration de la traçabilité et de la mise à disposition des résultats électoraux.

AMELIORER LA QUALITE DU FICHIER ELECTORAL
Recommandation/Reformulation    Destinataires   Délais  Statut 
Recommandation MOE UE 2011 n°2 : Audit du fichier électoral. Transparence et crédibilité du fichier électoral   CENI    Court Terme     Non réalisée   
EUEFM 2014 : Procéder à un audit externe du fichier électoral : rechercher un consensus autour des modalités de l'audit externe inscrit au calendrier électoral (date, champ, prestataire) au sein des cadres de concertation   CENI    Moyen Terme           
Recommandation n°3 MOE UE 2011: Révision du fichier électoral (Inclusivité et correction du fichier électoral -suppression des doublons- et mise à jour)     CENI    Long Terme      Partiellement mise en œuvre    
EUEFM 2014 : Organiser une révision inclusive (jeunes majeurs, non-inscrits) en amont des prochaines échéances électorales      CENI    Court Terme           
Recommandation n°4 MOE UE 2011 : Révision du fichier électoral.
Mise en place d'une structure opérationnelle implantée de manière continue au niveau local afin d'assurer la tenue d'un registre électoral permanent    CENI    Moyen/Long Terme        En cours de réalisation
EUEFM 2014 Séparer le recensement administratif de la population de l'organisation des élections Inviter le Gouvernement à accélérer la mise en place de l'Office National d'Identification de la Population.   Gouvernement    Court/moyen Terme             
GARANTIR UNE COMPETITION EQUITABLE
Recommandation/Reformulation    Destinataires   Délais  Statut 
Recommandation MOE UE 2011 n°10 : Adoption d'une loi organique répartissant clairement les compétences entre le Ministère de la Communication et le CSAC.       Parlement       Moyen Terme     Non réalisée   
Inchangée       Parlement       Moyen Terme           
Recommandation MOE UE 2011 n°13 : Mise en application de la loi sur le financement public des partis politiques et adoption d'une loi encadrant les dépenses de campagne.       Pouvoirs Législatif et Judiciaire Ministère de l'intérieur      Moyen Terme     En cours de réalisation
EUEFM 2014 : Encourager la mise en place de la Commission interinstitutionnelle afin qu'elle examine les dossiers et décide lesquels peuvent être qualifiés de partis politiques pouvant bénéficier de financement public; Encourager les autorités concernées à libérer le financement public destiné aux partis politiques afin de garantir l'égalité des chances des partis politiques notamment en vue de la compétition électorale en préparation ;
Inviter les autorités concernées à adopter une loi encadrant les dépenses de campagne électorale et les partis politiques à présenter des comptes certifiés     Pouvoirs Législatif et Judiciaire Ministère de l'intérieur      Court/ Moyen Terme            
Recommandation MOE UE 2011 n°18 : Contrôle public des finances des partis politiques    Parlement/ Ministère de l'Intérieur     Moyen/Long Terme        Supprimée      
Supprimée, voir recommandation n013                           
Recommandation MOE UE 2011 n°19 : La mise en place de sanctions claires en cas de non-respect du droit des témoins à exiger des présidents de BV la mention de leurs observations et réclamations pendant le scrutin et le dépouillement, mais aussi lorsque l'un des membres du bureau de la CENI refuse de signer le PV de consolidation des résultats.       Pouvoirs Législatif et Judiciaire/ CENI Moyen/Long Terme        Supprimée      
Supprimée, voir recommandation n08                            
Recommandation MOE UE 2011 n°20 : Renforcement des pouvoirs de sanction contre les actes de campagne en dehors du délai légal, contre l'utilisation des ressources de l'Etat, contre les atteintes aux libertés publiques pendant la campagne électorale et contre toute irrégularité dans les opérations de vote et de compilation des résultats.      Parlement/ Judiciaire/ CENI     Moyen/Long Terme        Non réalisée   


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