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vendredi 25 octobre 2013

La prise de position des Ong sur la cession des parts sociales de la Gecamines dans Kcc et la création d’une filiale de la Gecamines a l’Ile Maurice



La Coalition  Publiez Ce Que Vous Payez (PCQVP) de la RD Congo, la Plateforme des Organisations de la société civile intervenant dans le Secteur Minier (POM) et la Ligue Congolaise de Lutte Contre la Corruption (LICOCO) sont profondément préoccupées par l’opacité qui caractérise le processus de vente des parts sociales de la Gécamines dans la société minière Kamoto Copper company (KCC). La Gécamines a entrepris cette opération à l’insu du Gouvernement de la RD Congo, son unique actionnaire.
Les Organisations de la société civile signataires de la présente se disent également très inquiètes des informations faisant état de la création en toute discrétion par la Gécamines d’une filiale qui enregistrée à l’Île Maurice et s’interrogent sur  son opportunité.
La Gécamines doit suivre des procédures transparentes en cas de cession de ses actifs
Lors de la conférence sur la Bonne Gouvernance et la Transparence dans le Secteur Minier tenue à Lubumbashi en janvier 2013, le gouvernement a pris le ferme engagement de « promouvoir le recours aux procédures transparentes pour la cession des actifs miniers de l’Etat et des entreprises du Portefeuille ». Cet engagement fut renforcé par les propos du Premier Ministre : « nous devons éviter des situations dans lesquelles l’Etat n’est pas informé de ce qui se passe dans les entreprises minières du portefeuille ». 
Les médias rapportent que le conseil d'administration de la Gécamines Sarl a décidé de la vente de ses 20 % dans KCC, selon une procédure qui va à l’encontre de l’engagement du gouvernement. Quatorze sociétés auraient été contactées, alors que le Ministère des Mines et encore moins le public ont pu prendre connaissance des détails financiers de l’actif à vendre, des critères qui serviraient à la sélection des candidats, ou encore du contenu des offres reçues. L’unique identité révélée est celle de Dan Gertler.
Ces dernières années, l’homme d’affaire israélien Dan Gertler a été impliqué dans une série controversée de cessions d’actifs de la Gécamines, l’une, d’entre elles ayant mené à l’arrêt d’un prêt de 225 millions USD octroyé par le Fond Monétaire International à la RDC.
 Si l’Etat estime nécessaire de vendre les parts de la Gécamines dans KCC, il faudrait au préalable :
· Effectuer et publier une évaluation indépendante préalable pour connaître la valeur présente nette de l’actif à céder
· Effectuer un appel d’offre véritablement ouvert, avec publication d’un dossier complet relatif à l’actif à vendre et les critères de sélection de l’acheteur éventuel
· Faire approuver la décision finale par le Conseil des Ministres, comme prévu dans la loi sur le désengagement de l’Etat de 2008 et dans la circulaire y relative datée de Mai 2011.
Le Gouvernement doit réévaluer l’opportunité de céder un actif aussi important que KCC
En réponse aux contestations soulevées par cette procédure de vente, M. Albert Yuma, président du conseil d'administration de la Gécamines Sarl a déclaré que « la décision prise par le Conseil d’Administration est conforme à nos plans stratégiques de développement et répond à la nécessité de lever les financements nécessaires pour mettre en œuvre ces plans ».  
PCQVP/RDC, POM et LICOCO ne sont pas convaincus que la vente de ces parts sociales apporte à la Gécamines des revenus substantiels susceptibles de financer son plan d’investissement, dont les besoins s’élèvent à USD 2,8 milliards. Les trois Organisations, sont préoccupées par plusieurs facteurs dont les principaux sont les suivants :
o Aucune allusion n’est faite à la réalisation d’une évaluation préalable et indépendante de la juste valeur de l’actif à céder ;
o Aucune précision n’est fournie sur les revenus potentiels attendus au terme de cette vente. Dans sa déclaration à la presse, M. Yuma a estimé que la valeur de KCC est négative, sans toutefois en fournir de plus amples détails. Si tel est le cas, il est peu probable que la vente parvienne à lever les fonds nécessaires à une relance de l’entreprise paraétatique ;
o Aucune estimation n’est faite sur l’endettement actuel et futur que représentent les 20 % dans KCC. Aux termes de la Convention de juillet 2009 entre les actionnaires de KCC, la Gécamines s’est engagée à apporter des réserves supplémentaires d’environ 4 millions de tonnes de cuivre et 205.000 tonnes de cobalt en juillet 2015 au plus tard. A défaut, la Gécamines devra payer 285 millions USD en juillet 20015. La Gécamines a accepté que ses royalties et dividendes futurs soient retenus par KCC au titre de paiement jusqu’à ce que KCC ait récupéré le total de la compensation financière ;
o Aucune information n’est fournie sur l’allocation spécifique des fonds éventuels provenant de la vente de cet actif. La Gécamines indique qu’elle utilisera ces fonds pour sa relance. Toutefois, les revenus issus des actifs que l’Etat détient directement ou indirectement devraient en principe être versés au compte spécial du trésor conformément à la loi sur le désengagement de l’Etat et de la circulaire interministérielle des Ministres des Finances et du Portefeuille de mai 2011. 
La thèse de lever les financements nécessaires en vendant les parts sociales demeure donc complexe, voire hypothétique et requiert de la prudence. Afin d’éviter les mauvaises expériences  du passé, le Gouvernement devrait s’assurer des conditions essentielles suivantes :
· Evaluer si la vente d’actifs aussi stratégiques que les intérêts dans KCC corresponde effectivement à la meilleure piste de relance de la Gécamines
· S’accorder sur des règles claires quant à la destination des recettes provenant des ventes d’actifs
Le Gouvernement doit contrôler la mise en place d’éventuelles filiales de ses entreprises étatiques dans des régimes légaux aux exemptions fiscales totales et où l’identité des bénéficiaires est secrète
En outre, les trois  Organisations ont appris de sources concordantes que la Gécamines a crée une filiale non autrement identifiée basée à l’Ile Maurice dont l’objet social consisterait à gérer les recettes des partenariats. Dans une correspondance adressée aux investisseurs privés partenaires, en début du mois de septembre 2013, la Gécamines a annoncé le transfert de la «  totalité de ses participations minoritaires dans des JV à une filiale en propriété basée à l’Île Maurice », soit disant dans le cadre de sa nouvelle stratégie sans donner les détails sur le bien fondé de cette politique.
Les organisations signataires de ce communiqué craignent que cette filiale ne serve  à blanchir les fonds qui pourraient être détournés par les responsables  de la Gecamines car il sera difficile aux autorités Congolaise de mener des actions de contrôle  sur cette filiale.
Les trois organisations craignent également que l’Ile Maurice, l’un des paradis fiscaux les plus en vogue de par ses exonérations fiscales et sa culture du secret bancaire, ne serve de rempart aux pratiques de corruption et de mauvaise gouvernance des gestionnaires de la Gécamines. La bonne gestion des entreprises publiques transformées en société commerciales est indispensable afin de s’assurer que la transformation atteigne les objectifs visés, notamment sa rentabilité au profit de la République Démocratique du Congo et du peuple congolais.
Face à cette situation,  PCQVP,  POM et LICOCO recommandent au parlement national de la RDC de (d’):
· Exiger du Premier Ministre et de ses Ministres concernés des explications détaillées sur l’opportunité de la cession ainsi que le processus de cession des parts sociales de la Gécamines dans KCC ;
· Exiger du gouvernement une évaluation préalable de la juste valeur de 20 % des parts sociales de la Gécamines avant toute procédure de cession et rendre ses conclusions publiques et accessibles aux tiers ;
· Exiger l’ouverture d’appel d’offres à toutes les sociétés intéressées et recommander un degré élevé de transparence  tout au long du processus ;
· Exiger du gouvernement la divulgation de l’identité de 14 groupes impliqués dans la transaction, la preuve écrite de leur soumission ou renonciation, ainsi que l’identité réelle des propriétaires de ces groupes ;
· Demander des explications sur l’opportunité de la création de la nouvelle filiale de la Gécamines basée à l’Îles Maurice, le cas échéant, de proposer les mécanismes de transparence et redevabilité ;
· Exiger la restructuration de la composition du Conseil d’Administration de la Gécamines en incluant les délégués des ministères des Mines et des Finances, par conséquent de limiter le pouvoir discrétionnaire du ministère de Portefeuille.

                                                                            Fait à Kinshasa, le 24 octobre 2013

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