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vendredi 15 mai 2020

La poursuite et mise en accusation du gouverneur de la province de l’Equateur, Dieudonné Boloko Bolumbu : un cauchemar politico-judiciaire utopique


Deux ressortissants de la province de l’Equateur ont décidé de porter plainte contre le gouverneur Fcc Dieudonné Boloko en fonction le 8 mai 2020 devant la Cour de cassation à Kinshasa. Détournement des deniers publics, spoliation du patrimoine foncier de l’Etat à l’Equateur, fond du projet de développement du système de santé, entretien d’un compte parallèle à la Province et la dilapidation des fonds publics sont des grief formulés contre le numéro un de l’Equateur.
                             (Analyse faite par Maitre Edmond Mbokolo Elima)

1. Contexte
En date du 8 mai 2020, Messieurs Elekola Angema Jean-Paul et Mubenga Louison, citoyens congolais, ressortissants de la Province de l’Equateur et Activistes des droits de l’homme, résidant à Kinshasa ont d’une part, déposer une plainte au Bureau du Procureur Général près la Cour de Cassation contre Son Excellence Boloko Bolumbu Dieudonné, Gouverneur de la Province de l’Equateur pour détournement de deniers publics (article 145 code pénal libre II), et d’autre part, adressé une information judiciaire à la même autorité judiciaire en vue de l’ouverture d’une enquête sur les frais relatifs aux véhicules et motos cédés dans le cadre d’Ebola à la Province de l’Equateur, spoliation du patrimoine foncier de l’Etat à l’Equateur, fond du projet de développement du système de santé (PDSS), entretien d’un compte parallèle à la Province et la dilapidation des fonds publics.
Ces deux documents réceptionnées à la même date sus-rappelée, leur contenu est totalement contesté par le Gouverneur de Province, mais aussi, cette procédure empruntée semble être un cauchemar politico-judiciaire utopique face à la procédure de déclanchement des poursuites et la mise en accusation  d’un Gouverneur de la Province jouissant de l’inviolabilité dans l’exercice de ses fonctions.
C’est dans cette optique que, la présente réflexion fait son apparition afin d’éclairer l’opinion sur la procédure de mise en accusation et de poursuite contre le Gouverneur Boloko Bolumbu Dieudonné. Pour y parvenir, nous traiterons au tour de rôle la question relative à la légalité des actes de procédure utilisés (2), de l’organe habilité à autoriser la poursuite ou la mise en accusation du Gouverneur (3) et des conséquences juridiques de la plainte et information judiciaire déposées au Parquet Général près la Cour de Cassation (4).

2. De la légalité des actes de procédure
Tel que dit supra, Messieurs Elekola Angema Jean Paul et Mubenga Louison ont fait usage de deux procédures, à savoir la plainte  et l’information judiciaire qui nécessite une explication claire et nette.

A. La plainte
Autrement appelée délation, la plainte ne peut être déposée seulement que par une personne lésée. En matière pénale, il s’agit ici de la personne qui est directement ou individuellement lésée par la commission d’une infraction (la victime).
Elle est différente de la dénonciation, qui est un simple fait d'informer les autorités de poursuites pénales de l'existence d'une infraction.
Dans le cas sous examen, le détournement des deniers publics dont les plaignants imputent au Gouverneur est une infraction dont l’Etat pourrait être lésé ou victimisé, mais non un citoyen. C’est à l’autorité de l’Etat de se plaindre contre celui qui a détourné les deniers publics.
Pour les cas de ces deux plaignants, la loi leur permet non pas de se plaindre car n’était pas lésée par une infraction, mais de dénoncer les actes infractionnels auprès de l’autorité judiciaire chargée de l’ouverture d’une information judiciaire.

B. Information judiciaire
L’information judiciaire est phase de l'instance pénale constituant une sorte d'avant-procès, qui permet d'établir l'existence d'une infraction et de déterminer si les charges relevées à l'encontre des personnes poursuivies sont suffisantes pour qu'une juridiction de jugement soit saisie (lire à ce propos S. Guinchard et T. Debard, Lexique des termes juridiques, 20e édition, Dalloz, 2013, p.506).
Autrement dit, l'instruction ou information judiciaire, est la phase durant laquelle le juge d'instruction rassemble les preuves afin de vérifier si l’infraction est réellement constituée (voir Estel Robert, Master en Droit des Affaires de la Faculté de Droit de Paris Nanterre, sous la direction de Maître Elias Bourran, Avocat au Barreau de Paris et Docteur en Droit).
Par ailleurs, on dit qu'une information judiciaire est ouverte quand un juge d'instruction ou le Procureur se charge d'une enquête pénale.
Eu égard à ce qui précède, il sied de noter qu’une personne (physique ou morale) n’a aucun droit d’adresser au Procureur une information judiciaire. Celle-ci ne peut être faite que par le Procureur qui déclenche l'action publique. On ne peut pas adresser au magistrat une information judiciaire, mais on peut procéder à la dénonciation. C’est une procédure qui permet au Procureur d’ouvrir un dossier afin d’enquêter lui-même ou demander à une autre autorité inférieur ou à la police judiciaire de procéder aux enquêtes.

3. Qui doit décider de la poursuite du gouverneur de la province de l’Equateur ?
D’entrée de jeux, il convient de rappeler que, le Gouverneur Dieudonné Boloko Bolumbu jouit de l’inviolabilité lorsqu’on envisage les poursuites pénales contre lui. En droit, l'inviolabilité est la qualité de ce qui est à l'abri de toute poursuite. C'est un privilège ou une protection spéciale accordée aux détenteurs de certaines fonctions (Parlementaire, représentants diplomatiques, membres du gouvernement, etc.). Sous d’autres cieux, l’inviolabilité est le synonyme d’immunités des poursuites.
De passage, il convient de souligner qu’hormis cette inviolabilité dont jouit le Gouverneur, le premier citoyen de la Province de l’Equateur est bénéficiaire du privilège des juridictions, et ce, conformément aux articles 153 alinéa 3 point 9 de la Constitution et 26 de la loi-organique n°08/012 du 31 juillet portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des Provinces telle que modifiée et complétée par la loi n° 13/008 du 22 janvier 2013.
Ainsi, sans préjudice de la procédure en matière d'infractions intentionnelles flagrantes, le Gouverneur ne peut être poursuivi et mis en accusation que par l'Assemblée Provinciale, statuant au scrutin secret et à la majorité absolue des membres qui la composent (Article 87 alinéa 1er de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation).
Selon l’article 84 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013,  les dispositions des articles 75 à 79 de la présente s'appliquent mutatis mutandis aux poursuites contre les membres du Gouvernement autres que le Premier Ministre.
En suivant l’article 75 de ladite loi,  sauf dans  le cas où le Gouverneur peut être poursuivi ou détenu sans l'autorisation préalable de l'Assemblée Provinciale, si le Procureur Général près la Cour de Cassation, estime que la nature des faits et la gravité des indices relevés justifient l'exercice de l'action publique, il adresse au Bureau l’Assemblée Provinciale, un réquisitoire aux fins de l'instruction pour l’obtention d’une autorisation. Une que cette dernière obtenue, le Procureur Général pose tous les actes d'instruction.
Pour ainsi dire que, la plainte déposée devant le Cabinet du Procureur Général près la Cour de Cassation contre le Gouverneur Boloko Bolumbu Dieudonné et l’information judiciaire y afférente ne peuvent nullement mettre de dernier en accusation.  Le Procureur ne peut pas poser un acte d’instruction préjuridictionelle sans avoir eu au préalable l’autorisation de l’Assemblée Provinciale.
En clair, si le Procureur Général près la Cour de Cassation estime que la nature des faits et la gravité des indices relevés dans la plainte ou information judiciaire justifient l'exercice de l'action publique, il doit adresser au Bureau de l’Assemblée Provinciale de l’Equateur, un réquisitoire aux fins de l'instruction à l’égard du Gouverneur. L'autorisation une fois obtenue, le Procureur Général pose tous les actes d'instruction. Le Procureur ne peut poser les actes d’instructions (audition, confrontation, mandat d’arrêt, etc.) qu’après avoir obtenu l’autorisation de l’Assemblée Provinciale statuant au scrutin secret et à la majorité absolue des membres qui la composent.
Même pour l'arrestation ou de mesures privatives de liberté, le Procureur Général est obligé de formuler une demande d'autorisation auprès de l’Assemblée Provinciale.

4. Conséquences judiciaires de la plainte ou information judiciaire déposées devant le parquet près la Cour de cassation
Logiquement, la plainte et l’information judiciaire déposées devant le Procureur Général près la Cour de Cassation sont équipollentes à une dénonciation peu importe leur intitulé. Au cas où, les faits décrits dans ces documents seraient infondés, le Gouverneur Dieudonné Boloko Bolumbu sera en droit de se plaindre contre les auteurs pour dénonciation calomnieuse.
Cette dernière est prévue et punie par l’article 76 alinéa 1 du décret du 30 janvier 1940 portant code du travail tel que modifié et complété à ce jour. Aux termes de cet alinéa « sera puni d'une servitude pénale de cinq ans au maximum et d'une amende de vingt-cinq à mille zaïres ou d'une de ces peines seulement, celui qui aura fait par écrit ou verbalement à une autorité judiciaire ou à un fonctionnaire public, qui a le devoir d'en saisir ladite autorité, une dénonciation calomnieuse ».
Pour ainsi dire que, le fait de dénoncer devant le Procureur Général près la Cour de Cassation qui est une autorité judiciaire que, le Gouverneur aurait détourné les deniers publics sans en apporter des preuves irréfutables constituerait une dénonciation calomnieuse et les auteurs s’exposent à des poursuites judiciaires.

4. Conclusion
La plainte ou l’information judiciaire ne peuvent en aucun cas mettre le Gouverneur de Province en accusation. Seule l’Assemblée Provinciale statuant au scrutin secret et à la majorité absolue des membres qui la composent est habilité à autoriser la poursuite ou mise en accusation du Gouverneur Dieudonné Boloko Bolumbu.
A ce jour, l’Assemblée Provinciale de l’Equateur ne reproche rien au Chef de l’Exécutif Provincial relativement aux accusations portées par ces deux ressortissants de la Province. D’où, il n’y aura jamais une éventuelle  autorisation d’accusation et de poursuite (Cfr affaire du Gouverneur de Kongo Central).
Au cas où cette aventure juridico-politique n’aboutit pas, ce dernier sera en droit de saisir les instances judiciaires contre les auteurs pour dénonciation calomnieuse. En sus, même l’hypothèse de l’article 198 alinéa 10 de la Constitution consistant pour le Chef de l’Etat de relever de ses fonctions le  Gouverneur  de la Province de l’Equateur n’est qu’une fiction car, il n’existe aucune  crise  politique  grave  et  persistante  qui menace  d’interrompre le fonctionnement régulier des institutions provinciales de l’Equateur, qui du reste, jusqu’à lors travaillent dans une harmonie institutionnelle sans précédent.
Je nous conseille, Chers fils et fils de la Province de l’Equateur, d’être unis et propulser le développement socio-économique, politique et scientifique de notre chère Province au lieu de tenter à tout moment, chercher une déstabilisation.

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