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mardi 23 février 2016

RD Congo: De jeunes activistes arrêtés lors d’une « ville morte »



Les autorités devraient mettre fin à la répression visant des opposants politiques présumés

(Kinshasa, le 23 février 2016) – Les autorités de la République démocratique du Congo ont arrêté de façon arbitraire huit jeunes activistes, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Ces activistes et au moins 30 partisans de l'opposition politique ont été détenus le 16 février 2016 – ou aux alentours de cette date – lors d’une grève générale, ou journée « ville morte », tenue afin de protester contre les retards pris dans l’organisation des élections présidentielles. D’autres activistes ayant soutenu la« ville morte » ont reçu par SMS des menaces provenant de numéros de téléphone inconnus.
« Manifester pacifiquement n’est pas un crime, et les autorités congolaises devraient immédiatement libérer toutes les personnes injustement arrêtées ou détenues sous des accusations fallacieuses », a déclaré Ida Sawyer, chercheuse senior sur la RD Congo à Human Rights Watch. « Ces dernières arrestations s’inscrivent dans le cadre d'une répression de plus en plus forte contre ceux qui s’opposent aux tentatives du gouvernement de retarder les élections et de prolonger le mandat du président en exercice. »
Le 16 février, vers 4h30 du matin, dans la ville de Goma dans l’est de la RD Congo, la police a pénétré dans les bureaux d'une organisation où de jeunes activistes avaient préparé toute la nuit des bannières en vue de la journée « ville morte ». Une des bannières portait cette inscription : « En 2016, nous avons gagné la coupe [du Championnat d’Afrique des nations de football]; nous pouvons aussi gagner la démocratie ». 
La police a arrêté Rebecca Kavugho, Serge Sivya, Justin Kambale, John Anipenda, Ghislain Muhiwa, et Melka Kamundu, tous membres du mouvement citoyen Lutte pour le Changement (LUCHA). Les six ont été conduits au poste de police « P2 » de Goma, où ils ont été interrogés en l’absence d'un avocat. La police a également confisqué deux ordinateurs portables, six téléphones cellulaires et les bannières. Quand Human Rights Watch a rendu visite aux activistes détenus ce soir-là, l'un d'eux avait une profonde entaille au bras gauche qui lui avait été infligée lors de son arrestation.
Le 17 février, vers midi, une vingtaine d'étudiants de Goma se sont rassemblés devant le poste de police P2, protestant pacifiquement contre les arrestations. Ils brandissaient des pancartes disant : « Nous exigeons la libération de nos collègues arrêtés hier et détenus ici ». Une vingtaine de policiers ont rapidement dispersé les manifestants, arrêtant et passant à tabac plusieurs d’entre eux. Si la plupart ont été relâchés après quelques heures, un étudiant a passé la nuit en détention. Ce dernier a déclaré plus tard à Human Rights Watch qu’un policier au P2 l’avait battu avec la crosse de son fusil, le blessant à l’oreille droite. La police l’a ensuite transféré dans un cachot à la mairie. Il a été libéré le lendemain, sans inculpation, après que sa famille ait payé US$30. 
Peu de temps après la manifestation devant le poste de police, la police a déféré les six activistes de la LUCHA au parquet. Sur place, ils ont été accusés d’association de malfaiteurs et de tentative d'incitation à la révolte, des chefs d’accusation qui semblent être politiquement motivés, selon Human Rights Watch.
Leur procès a débuté le 18 février au Tribunal de Grande Instance de Goma, où ils ont été accusés d’avoir été « pris en flagrant délit ». Les avocats des activistes ont affirmé que le Tribunal avait perdu sa compétence, car il ne peut entendre une déposition que dans un délai de 48 heures après la date du délit reproché. Lors d’une audition le lendemain, mis à part un policier, aucun autre des policiers appelés à témoigner au sujet des arrestations ne s’est présenté au tribunal. Les juges ont alors décidé de traiter cette affaire en procédure ordinaire, au lieu de la traiter pour « flagrant délit » – où un verdict aurait été requis immédiatement.
Dans la capitale, Kinshasa, deux autres activistes de la LUCHA, Bienvenu Matumo et Marc Héritier Kapitene, ont été portés disparus d’un hôtel de la commune de Bandal tôt dans la matinée du 16 février. Vers 5h40, l'un des activistes a envoyé à un ami un message par téléphone disant : « arrêté ». La veille au soir, les deux jeunes hommes avaient assisté à une réunion avec d'autres activistes du mouvement en vue de préparer la journée « ville morte ». Juste après, Victor Tesongo, un membre d’un parti politique d’opposition qui avait rencontré les activistes du mouvement LUCHA à la fin de leur réunion, a été arrêté en rentrant chez lui.
Les trois sont restés portés disparus jusqu’au 19 février, lorsqu’ils ont été transférés d’un centre de détention de l’Agence Nationale de Renseignements (ANR) au parquet. Jusque-là, ils étaient restés injoignables par téléphone, et leurs familles et collègues n’avaient pas pu les trouver. Ils avaient d’abord été détenus au cachot de l’inspection provinciale de la police de Kinshasa, et ensuite transférés à l’ANR le 18 février. Human Rights Watch avait contacté des agents de sécurité pour se renseigner sur les activistes disparus, mais les fonctionnaires n'avaient pas confirmé leur arrestation ni fourni d’informations sur l’endroit où se trouvaient ces activistes, suscitant des inquiétudes de disparitions forcées. Lors d’une audience au parquet dans la commune de Gombe à Kinshasa le 20 février, Matumo, Kapitene, et Tesongo ont été placés sous mandat d’arrestation provisoire pour « incitation à la désobéissance civique, propagation de fausses nouvelles, et atteinte à la sureté intérieure de l’État ».
Des activistes de la LUCHA ont déclaré à Human Rights Watch croire que la police surveillait étroitement leurs activités depuis au moins novembre 2015, lorsque des responsables sécuritaires avaient brutalement réprimé une manifestation pacifique du mouvement à Goma. Au cours de cette manifestation, deux activistes du mouvement LUCHA et sept autres personnes avaient été arrêtés. Ils sont toujours en détention et leur procès en cours, sur la base de chefs d’accusation fabriqués de toutes pièces.
« Les autorités congolaises semblent déterminées à réprimer la liberté d'expression et le droit de manifester pacifiquement », a déclaré Ida Sawyer. « Les gouvernements concernés devraient faire pression sur la RD Congo pour qu’il relâche immédiatement les manifestants pacifiques qu’il a placés en détention et qu’il mette fin à la répression politique ».

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