APO

vendredi 26 février 2016

Envoyé Spécial pour la région des Grands Lacs d’Afrique Thomas Perriello (SEGL) : « J'ai formellement demandé la possibilité de visiter les militants détenus en prison et ai été déçu de ne pas avoir pu obtenir cette autorisation »



SEGL Perriello: Je parlerai en anglais et nous aurons une interprétation. Je dirai quelques mots pour commencer et la plupart du temps, je répondrai à vos questions du mieux que je pourrai. Ça a été un plaisir de passer une semaine ici à Kinshasa, et en particulier d’assister à la conférence sur l’investissement dans le secteur privé. C’était une grande opportunité de montrer les opportunités pour la région des Grands Lacs d’être définie, non pas par le pire de son passé, mais le meilleur de son futur. Nous pensons que c’était un grand signe que le SG des Nations Unies ait participé à cet évènement, et avec d'autres arrêts dans la région des Grands Lacs, il a pu souligner pas seulement l'importance du développement de l'investissement dans le secteur privé, mais aussi les fondamentaux de la bonne gouvernance et de la reddition des comptes qui sont cruciaux pour permettre ce genre de développement économique régional. 
Et nous allons continuer de concentrer nos efforts sur les trois piliers
: capital, la corruption, et le constitutionnalisme .Et le capital inclut à la fois le capital humain et les investissements dans des domaines comme l'éducation et le capital financier. En plus de la conférence, j'ai pu rencontrer des hauts responsables du, de l'opposition et de la société civile pour discuter des problèmes politiques actuels liés à la tenue d'élections constitutionnelles et à la première transition pacifique du pouvoir ici en RDC. Nous continuons de croire que les bases fondamentales de la démocratie et du développement ici en RDC sont solides et l'essentiel est de construire sur ces fondations et non pas de revenir en arrière. Nous reconnaissons qu'il n'y a pas de consensus sur la voie à suivre, mais un élément qui devrait être fondamental est le droit des voix de congolais de s'exprimer librement sans crainte et intimidation, que ce soit dans le gouvernement ou dans l'opposition, que ce soient les journalistes ou la société civile ou le vendeur de rue. Sur ce je vous invite à poser des questions. 
Habibou Bangré, Jeune Afrique: Six militants de LUCHA ont été condamnés à deux ans de prisons à Goma cette semaine. Je voulais savoir quelle était la réaction des Etats-Unis surtout qu'il semble qu'il y ait eu d'intenses pressions politiques pour arriver à une condamnation? 
SEGL Perriello: D'abord, je voudrais signaler que je suis très familier avec Jeune Afrique, merci de votre question. Les Etats-Unis sont profondément déçus par les sentences de ces jeunes activistes de Goma et nous continuons d'être profondément préoccupés par les accusations contre ceux qui sont ici également.
 J'ai eu la chance de rencontrer certains activistes de LUCHA ainsi que certains responsables de la société civile et je sais que le Secrétaire Général des Nations Unies a fait de même au cours de sa visite. J'ai aussi formellement demandé la possibilité de visiter les militants détenus en prison et ai été déçu de ne pas avoir pu obtenir cette autorisation. Nous voyons la création ou l'émergence de certains de ces mouvements comme un complément au type de démocratie et d'espace libre que le Président Kabila et d'autres ont contribué à créer et ce serait une énorme brèche dans cet héritage de voir un recul des libertés dont ce gouvernement a franchement contribué à faire un modèle pour la région. Après avoir voyagé à travers la région pendant une grande partie de l'année, je pense que les réactions excessives de ce genre sont certainement vues comme une faiblesse et non pas comme une force en termes d'où le gouvernement juge qu’il se tient. Il faut un village pour tenir une conférence de presse aujourd'hui. Mais il est également important de noter que nous n’avons pas vu de points de non-retour passé. Il y a encore plus qu’assez d’opportunités pour le gouvernement de poursuivre son héritage de protéger les droits de l'homme et pour l'opposition pour montrer qu'elle est engagée à une participation non violente dans le processus à l'avenir. 
Amédée Mwarabu, Reuters : Vous venez de parler d’une transition apaisée. Je n’ai pas très bien compris. Est-ce une transition au cas où les élections ne sont pas organisées. Pouvez-vous être plus explicite ?  
SEGL Perriello : Nous croyons que l'une des grandes réalisations du Président Kabila et du peuple congolais a été de sortir d'une guerre civile brutale et de produire une démocratie constitutionnelle et que le peuple et le gouvernement devraient être extrêmement fiers de cette constitution. Nous croyons que c’est la meilleure chose pour la stabilité, pour l'investissement et pour la démocratie que la constitution soit respectée, y compris en ce qui concerne les élections. Nous comprenons qu'il y aura des défis techniques budgétaires et de sécurité pour toute élection dans un pays, mais la question ci-dessous est que le contrat social soit respecté et que le peuple reste engagé envers cette constitution. 
Mimi Engumba, Radio Okapi: Je reviens sur cette transition apaisée pour laquelle vous militez. Pensez-vous que pour y arriver, le dialogue soit indispensable ? Si oui, sous quel format ?  
SEGL Perriello: Nous croyons qu'il est important pour le peuple du Congo de déterminer la meilleure façon de résoudre ces questions très importantes. Nous croyons que le maintien des lignes de communication, que vous appeliez cela dialogue ou négociation ou conversation, est essentiel pour résoudre les questions qui restent en suspens. Nous avons encouragé l'opposition à rencontrer le Premier ministre Kodjo. Nous respecterons la décision de toutes les personnes de décider de participer ou pas au dialogue, mais nous ne voyons pas de bon argument pour ne pas exprimer votre point de vue à un représentant de l'Union africaine qui se penche sur cette question. 
Poly Muzalia, BBC : Tout à l’heure, vous avez dit être déçu par la condamnation des six militants de LUCHA. Actuellement, on observe une forme de répression qui s’accroit sur des opposants et sur des membres de la société civile. Envisagez-vous des sanctions envers le gouvernement si cela continue ? 
SEGL Perriello: Encore une fois, nous avons une grande confiance dans le peuple congolais à trouver une solution pacifique vers des élections constitutionnelles. Nous avons une grande confiance dans le peuple congolais à travers le spectre politique pour trouver un moyen pacifique de résoudre, de comprendre la voie à suivre. Nous croyons qu'il est important d'apprendre les leçons de l'histoire ici en RDC et dans les Grands Lacs. Et l'une de ces leçons est que lorsque l'espace citoyen commence à se rétrécir, le potentiel de résolution pacifique rétrécit également. Nous croyons que les voix congolaises devraient être respectées dans tout le spectre politique et que les tactiques qui sont utilisées pour criminaliser l'opposition légitime ont tendance à enhardir l'opposition plus radicale et débute un cycle que personne dans le gouvernement ou l'opposition ne veut voir.  Quant à la question des sanctions, je pense qu'il est important de noter que nous avons soulevé la possibilité de les utiliser, mais il est tout aussi important de noter que nous n’avons pas encore émis de sanctions dans le cas de la RDC. Nous croyons absolument que la possibilité reste ouverte de trouver une résolution à ces questions et pour en faire une année historique pour la République démocratique du Congo que toutes les parties verront comme un grand héritage. Certaines personnes ont mis l'accent sur le fait que d'autres dirigeants de la région restent au pouvoir et l’ont noté comme une raison peut-être de voir une tendance similaire ici, mais nous voyons cette distinction comme un insigne d'honneur pour la République démocratique du Congo qui pourrait être le pays qui réussisse à montrer qu'il est prêt à passer à l’étape suivante, et  l'une des principales choses que nous avons entendues du secteur privé à cette conférence était quels sont les pays de la région qui sont prêts à aller au-delà de l'idée que tous les dix ans, il y a une crise à l'un des endroits où vous faites des investissements sur une période de 30 à 50 ans.
Cyrille Milandou, Top Congo FM: Nous avons entendu certains officiels américains dire qu’ils peuvent fermer les yeux concernant la limitation des mandats ailleurs, mais pas en RDC.  Quel est l'intérêt que vous avez pour que le Président Kabila ne puisse pas aller au-delà de trois, quatre ou plusieurs mandats même. Et pourtant au Congo-Brazza[ville] - selon  ce que l'on nous dit - ça a marché, au Rwanda ça marche déjà ou c'est en voie de marcher? Quel est l'Intérêt que vous les Américains vous avez? Puisque le ministre Mende a dit qu'aux Etats-Unis un de vos Présidents a fait plus de deux mandats ou quatre...Roosevelt!  
SEGL Perriello : Eh bien, sur la question à propos du Président Roosevelt, nous avons changé notre constitution par la suite pour nous assurer que cela ne se reproduise plus jamais. On m'a demandé plus tôt aujourd'hui à faire des prédictions sur les élections américaines et j’ai dit que toutes mes prédictions par le passé ont été fausses sur les élections américaines;  mais il y a une chose que je vous garantis, c’est qu’il y aura des élections en Novembre et il y aura un transfert pacifique du pouvoir en Janvier. A propos de la question de la région, je dirais qu'il y a peut-être eu un malentendu au sujet de notre engagement sur les constitutions. Il n'a jamais été question pour nous de vouloir ou tenter de dicter des mandats à d'autres pays. La questions était que le Président Obama a voulu donner ses meilleurs conseils et clarifier que la politique des États-Unis reflète notre conviction que le respect des constitutions, y compris les transferts démocratiques du pouvoir, la protection de l'espace citoyen, est le meilleur moyen d'assurer la paix et d'assurer le développement économique partagé pour aller de l'avant. Et nous croyons que les événements de cette année, en particulier au Burundi, prouvent que cette politique est correcte. Lorsque des individus essaient de conserver le pouvoir, et de modifier les règles, cela déstabilise l'économie. D'autre part, quand les gens respectent les constitutions, les investisseurs peuvent commencer à comprendre qu’il n’y aura pas de nouvelle crise tous les cinq ou dix ans, mais peuvent commencer à voir une vision à plus long terme dans le pays. Cela a été notre meilleur conseil, et nous continuerons de veiller à ce que notre politique reflète cela.
Jeanric Umande, RTGA : Est-ce que cette fois -ci vous avez rencontré le Président Kabila après que vous vous soyez entretenus avec la classe politique et la société civile? Et c'est la première question. 
La deuxième question: Est-ce que vous ne pensez pas que quand vous dites que vous encouragez les gens au dialogue... mais ceux-là que vous encouragez au dialogue ils refusent le dialogue. Mais finalement vous allez continuer à les encourager, eux refusent... Et puis les jours passent; on risque d'arriver jusqu'au mois de Décembre, et on risque de vivre le chaos et la violence. Et vous allez continuer à encourager le dialogue jusqu'à la violence et le chaos ou vous avez d'autres alternatives?
SEGL Perriello : Je ne l'ai pas eu l'occasion de rencontrer le président Kabila lors de cette visite, même j’ai certainement tendu la main pour avoir l'occasion de le faire. De toute évidence, il y avait beaucoup de choses, avec la conférence sur l'investissement et la visite de Ban Ki Moon, mais nous espérons avoir l’occasion de parler à nouveau bientôt.
Nathalie Sekabuhoro, AFRICA TV: Je reviens à la conférence sur les investissements dont vous avez salué la tenue. Pensez-vous qu'il soit facile de penser aux investissements alors que les états sont chacun membre de différentes organisations sous-régionales comme CEAC, SADC, COMESA, etc.?
SEGL Perriello : Nous continuons de croire que garder les lignes de communication ouvertes est important, mais que la discussion doit se produire dans un environnement de bonne foi de tous les côtés sur le désir de trouver une solution. La direction du chemin à suivre est celui que seul le peuple congolais, tant au sein de la majorité que dans l'opposition peut forger, peut ouvrir; mais il y a beaucoup d'entre nous dans la communauté internationale qui se tiennent  prêts à être utiles si ce chemin est trouvé.
La décision de l'opposition de modifier leurs tactiques d'une mobilisation de masse à une ville- morte a été vue par de nombreux observateurs comme une désescalade [pour] continuer l'espace maximum en vue de trouver une solution politique.
Encore une fois, je pense qu'il y a encore lieu que cela soit une grande histoire de succès, mais il va exiger certains actes de renforcement de la confiance et de bonne foi par les différentes parties.
Nous pensons qu'il existe de nombreux défis, mais aussi de nombreuses opportunités pour le développement économique régional à travers les Grands Lacs. Il existe de nombreux systèmes juridiques différents, mais en dessous il y a un intérêt commun dans tous les pays, qui est le développement économique fort.
Ceci est non seulement un intérêt partagé des gouvernements, mais des peuples à travers les Grands Lacs dans la prospérité commune, dans l'accès à l'eau et à l'électricité, et au type de sécurité et à la primauté du droit qui leur permettrait, à eux et à leurs enfants d’avoir une vie meilleure que celle qu’ils ont connue.
Bernadette KAMANGO, Congo Web TV: On a parlé organisations régionales, on a parlé investissements. Au niveau de tout ça il y a la population Congolaise. D'après vous quelle est l'attitude que la population congolaise doit adopter dans tout cela? 
SEGL Perriello : La première chose que je dirais au peuple de la RDC est félicitations, non seulement pour la victoire de football, mais pour le travail difficile réalisé pendant 15 ans de construction d'une démocratie constitutionnelle et de mettre derrière eux tant de forces négatives qu'ils ont subies dans le passé. Comme je l'ai expliqué ici avant, la limite de mandat n'est pas la limite du mandat de l'Amérique; c’est  du peuple Congolais. La Constitution appartient au peuple congolais. La paix appartient au peuple congolais.
De la même manière que la constitution qui protège l'espace des citoyens et le journalisme indépendant appartient au peuple congolais. Ce n’est pas seulement un droit pour vous en tant que journalistes; c’est le droit de chaque Congolais d'avoir accès aux médias divers et indépendants.
Hier j'ai eu le privilège de visiter une clinique des fistules à l'hôpital Saint-Joseph où les chirurgiens congolais qui se trouvent être des femmes font une partie des interventions chirurgicales les plus compliquées du monde pour transformer la vie des femmes ici au Congo tous les jours.
Chaque jour que je passe au Congo, je suis incroyablement impressionné par la créativité et le courage du peuple congolais, que ce soit les chirurgiens ou que ce soient les gens comme des artistes ou des activistes prêts à risquer une peine de prison à se lever pour leur constitution.
Mais alors que la responsabilité ultime de ce progrès réside dans le peuple congolais, il est important de reconnaître le rôle historique que le Président Kabila a joué dans la création et la direction d'une République démocratique du Congo qui permet cette créativité et la diversité d'opinions. Et nous espérons que ce sera un héritage qui est seulement renforcé dans les mois à venir.
Donc, au moment où je conclus je veux être clair que nous pensons que le peuple du Congo ainsi que ses dirigeants, dont le président Kabila méritent des félicitations incroyables pour les progrès qui ont été réalisés au cours des 15 dernières années, et nous croyons que la clé est que cela est seulement le début de ce dont les gens ici dans ce pays sont capables à l'avenir.    

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire