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mardi 9 juillet 2024

Les minerais de sang profitent à des groupes armés et quittent la RDC en passant par le Rwanda et l’Ouganda

Le gouvernement des États-Unis est profondément préoccupé par le conflit en cours dans l’est de la République Démocratique du Congo (RDC) et par la crise humanitaire qui en résulte. En particulier, les États-Unis restent préoccupés par le rôle que le commerce et l’exploitation illicites de certains minerais, notamment l’or et le tantale extraits de manière artisanale et semi-industrielle dans la région des Grands Lacs africains, continuent de jouer dans le financement du conflit. Comme l’ont démontré le Groupe d’experts des Nations unies (GE) et la Mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation en République Démocratique du Congo (MONUSCO), les données statistiques et les rapports de la société civile, il est évident que certains négociants – parfois avec le soutien de divers groupes armés et services de sécurité – transportent et exportent d’importantes quantités de minerais d’origine congolaise hors du pays.

Dans de nombreux cas, ces minerais profitent directement ou indirectement à des groupes armés et quittent le pays en passant par le Rwanda et l’Ouganda avant d’être acheminés vers les principaux pays de raffinage et de transformation. Ces chaînes d’approvisionnement facilitent l’exploitation et la taxation illicites de ces minerais, et impliquant souvent des actes de corruption. Les préoccupations ont également trait à l’extraction, au transport et à l’exportation des minerais liés à un large éventail de violations des droits de la personne et des droits du travail, telles que le travail forcé, les pires formes de travail des enfants, les violations de l’âge minimum d’admission à l’emploi en RDC et les violences sexuelles et sexistes, en particulier dans certaines zones d’exploitation minière artisanale. Le gouvernement américain encourage la réforme des initiatives de traçabilité déficientes menées par l’industrie dans la région, notamment par le biais d’une plus grande transparence et de mécanismes de diligence raisonnable plus robustes. 

Des préoccupations similaires ont été documentées depuis le début des années 2000 et ont fait l’objet de mesures législatives et réglementaires aux États-Unis et ailleurs, ainsi que d’une attention et de recommandations internationales plus larges depuis 2010 ; l’annexe 1 présente un résumé des principales considérations en matière de diligence raisonnable à la lumière de cette législation et de ces recommandations. Bien que des changements et des évolutions importantes aient eu lieu dans l’élaboration des normes et leur mise en œuvre ultérieure par de nombreux acteurs, les risques associés aux violations des droits de la personne et des droits du travail, à la corruption et au financement des conflits ont augmenté en raison de la reprise et de la poursuite d’un conflit grave, en particulier depuis 2023.

Ces risques comprennent la prise de contrôle, d’abord par le groupe armé PARECO puis par le groupe armé M23 soutenu par le Rwanda en avril 2024, d’une zone clé d’extraction du tantale près de la ville congolaise de Rubaya et le contrôle par des groupes armés non étatiques de zones d’extraction de l’or dans les provinces de Fizi, du Sud-Kivu et de l’Ituri, entre autres, ainsi que la faiblesse de la gouvernance des ressources naturelles et la déficience des initiatives de traçabilité gérées par l’industrie sur le terrain en RDC et au Rwanda. Le tantale est considéré comme un « minerai critique » par l’U.S. Geological Survey et le département de l’Énergie des États-Unis, et la RDC en est le premier producteur mondial. Des ressources supplémentaires figurent à l’annexe 2 de la présente déclaration pour de plus amples informations sur le conflit et les risques qui s’y rapportent.

Cette déclaration est publiée en réponse aux demandes du secteur privé qui souhaite que le gouvernement américain explicite les risques potentiels associés à la fabrication de produits faisant intervenir des minerais extraits, transportés ou exportés depuis l’est de la RDC, le Rwanda et l’Ouganda. Ces minéraux sont largement utilisés dans la production en aval de produits électroniques, de bijoux, de produits automobiles et de nombreux autres biens manufacturés dans le monde entier. Les Nations unies, l’OCDE, Responsible Minerals Initiative et d’autres organisations ont observé qu’un engagement accru dans la région et une plus grande diligence de la part des entreprises intermédiaires et en aval de la chaîne d’approvisionnement pourraient permettre de réaliser des progrès plus cohérents et plus adéquats dans la lutte contre ces risques.

Le gouvernement des États-Unis continue de prendre des mesures en vue de faciliter la transformation des flux illicites de ces minerais en un commerce responsable ancré en RDC, qui aide à bâtir les fondations économiques d’une paix durable en RDC et dans la région au sens large. Ces mesures consistent notamment à encourager la responsabilité concernant l’investissement et l’approvisionnement dans la région, y compris par les entreprises américaines, à identifier des mécanismes de diligence raisonnable plus robustes, qui puissent être mis en œuvre volontairement par les entreprises américaines et autres dans le cadre des achats de minerais en provenance de la région des Grands Lacs africains, et à publier des déclarations périodiques au sujet des préoccupations liées aux conflits dans la région.

Grâce aux progrès réalisés par ces mécanismes depuis la fin des années 2000, les entreprises sont mieux à même d’évaluer les éléments de leurs chaînes d’approvisionnement risquant davantage de contenir des minerais susceptibles de contribuer à un conflit, et d’améliorer en permanence leurs pratiques en matière d’approvisionnement et de diligence raisonnable. Plus précisément, divers acteurs de la chaîne d’approvisionnement ont démontré leur capacité à garantir un approvisionnement en étain, tantale et tungstène exempt de conflit, notamment par l’application du Guide OCDE sur le devoir de diligence pour des chaînes d’approvisionnement responsables en minerais provenant de zones de conflit ou à haut risque et du Mécanisme régional de certification (MRC) élaboré par la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL), la législation et les réformes politiques du gouvernement de la RDC, les mécanismes mis au point par le secteur, tels que la Responsible Minerals Initiative et la London Bullion Market Association, et d’autres formes de contrôle du devoir de diligence. Les actions relatives à l’or provenant de cette région resteraient difficiles, mais elles sont en cours.

Malgré les inquiétudes concernant les volumes importants d’or et de tantale artisanaux affectés par les conflits et faisant l’objet de contrebande, le gouvernement des États-Unis reconnaît qu’une partie de l’or, de l’étain et du tantale extraits industriellement et artisanalement dans la région peut répondre aux normes appliquées par les différents cadres de devoir de diligence.

Par ailleurs, depuis 2013, de nombreuses entreprises ont démontré, par leurs propres actions et leur participation à la mise en œuvre d’initiatives et de projets spécifiques, que le cadre de diligence raisonnable de l’OCDE peut être mis en œuvre d’une manière qui permette aux entreprises de surveiller les chaînes d’approvisionnement de manière appropriée et, si nécessaire, de les adapter en réponse aux risques identifiés. Par conséquent, le gouvernement des États-Unis réitère principalement ses préoccupations concernant les minerais provenant d’activités non responsables, compte tenu des liens avec la contrebande, les conflits armés et diverses violations des droits de la personne et des droits du travail.

Malheureusement, pour diverses raisons, d’autres entreprises semblent avoir relâché leur attention à l’égard d’une diligence raisonnable significative. Dans l’ensemble, les lacunes des dispositifs de traçabilité dans la région n’ont pas suscité suffisamment d’engagement et d’attention pour entraîner les changements nécessaires.

Le gouvernement américain encourage la réforme des initiatives de traçabilité déficientes menées par l’industrie dans la région, notamment par le biais d’une plus grande transparence. Davantage de raffineurs, de transformateurs, de fondeurs et d’utilisateurs finaux pourraient améliorer leur travail de diligence raisonnable et investir dans des actions en amont pour s’assurer que les entreprises américaines et d’autres entreprises intermédiaires et en aval ne s’approvisionnent pas en minerais qui financent des conflits ou contribuent à des violations des droits de la personne et du travail, que ce soit directement dans la région, y compris dans les pays voisins, ou auprès de fondeurs ou de raffineurs dans des pays qui continuent d’accepter ces minerais affectés par des conflits.

Le Guide OCDE suggère que le secteur privé aille au-delà d’un contrôle préalable purement « documentaire » et d’une cartographie de la chaîne d’approvisionnement, qu’il évite de se désengager de la région et qu’il entreprenne au contraire un contrôle préalable renforcé et assume un rôle actif dans le cadre d’enquêtes sur place (y compris dans les centres de négoce et de raffinage), de contrôles continus, d’un examen des mécanismes de plaintes, des mesures correctives et des rapports sur les performances.

Cadres de diligence raisonnable

La loi Dodd-Frank.  L’article 1502 de la loi Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act établit le cadre juridique de la diligence raisonnable 3TG aux États-Unis. Le 22 août 2012, la Securities and Exchange Commission (SEC) a adopté une règle mandatée par l’Article 1502 pour exiger de certaines entreprises qu’elles divulguent publiquement leur utilisation de minerais issus de zones de conflit provenant de la RDC ou d’un pays limitrophe. Plus précisément, les entreprises soumises aux exigences de déclaration du Securities Exchange Act de 1934 doivent divulguer leur utilisation de minerais de conflit 3TG dans le formulaire SD rempli annuellement, si ces minerais sont « nécessaires à la fonctionnalité ou à la production d’un produit » fabriqué ou faisant l’objet d’un contrat de fabrication par ces entreprises.

En novembre 2012, le règlement final de la SEC en application de l’Article 1502 est entrée en vigueur, établissant certaines exigences relatives à la communication d’information à l’établissement de comptes rendus en cas d’utilisation par les entreprises des quatre minerais visés par l’Article 1502. En vertu de cette règle, si, après une enquête raisonnable sur le pays d’origine, une entreprise détermine ou a des raisons de croire que son 3TG peut provenir de la RDC ou d’un pays limitrophe, y compris le Rwanda, elle doit exercer une diligence raisonnable en ce qui concerne la source et la chaîne de contrôle de ces minerais conformément à un cadre de diligence raisonnable reconnu au niveau national ou international. Dans son règlement, la SEC a spécifiquement identifié le Guide OCDE comme cadre reconnu au niveau international de mise en œuvre de la diligence raisonnable.

Le Guide OCDE sur le devoir de diligence pour les minerais.  Le Guide OCDE sur le devoir de diligence pour des chaînes d’approvisionnement responsables en minerais provenant de zones de conflit ou à haut risque, officiellement adopté par l’OCDE en 2011 (l’OCDE en a publié la troisième édition en 2016), propose une approche globale en cinq étapes du devoir de diligence, l’annexe II du guide présentant un « modèle » de politique d’entreprise pour une chaîne d’approvisionnement mondiale responsable. L’approche en cinq étapes prévoit :  

la mise en place de systèmes de gestion d’entreprise robustes

l’identification et l’évaluation des risques dans la chaîne d’approvisionnement

la conception et la mise en œuvre d’une stratégie pour répondre aux risques identifiés

la réalisation d’audits indépendants de la diligence raisonnable de la chaîne d’approvisionnement par des tiers à des points identifiés de la chaîne d’approvisionnement

un rapport sur le devoir de diligence dans la chaîne d’approvisionnement.

L’amendement au Guide apporté par l’OCDE en 2012 a ajouté un Supplément sur l’Or, afin d’accorder une attention plus particulière aux problèmes spécifiques liés à l’or. L’OCDE continue de réunir les acteurs des chaînes d’approvisionnement 3TG dans le cadre de forums périodiques et de publier des rapports qui fournissent des orientations supplémentaires aux entreprises et aux gouvernements. Le cadre de l’OCDE sous-tend de nombreux cadres sectoriels et propose une approche globale de la diligence raisonnable pour toutes les entreprises, qu’elles soient ou non membres d’autres initiatives.

La Conférence internationale du Mécanisme régional de certification de la région des Grands Lacs.  L’exigence de diligence raisonnable de l’article 1502 est en accord avec le MRC de la CIRGL, qui est lui-même aligné sur les orientations de l’OCDE en matière de diligence raisonnable. Les progrès des douze États membres de la CIRGL dans le cadre de la mise en œuvre du MRC ont été lents, mais il reste néanmoins un élément essentiel de l’approvisionnement responsable.

La diligence raisonnable en matière de droits de la personne et de droits du travail. L’exercice d’une diligence raisonnable renforcée en matière de droits de la personne pourrait aider les entités du secteur privé à évaluer les implications potentielles de leurs activités en matière de droits du travail et de droits de la personne, en particulier dans les situations de conflit. De nombreuses ressources à la disposition du public traitent de la diligence raisonnable en matière de droits de la personne, de la diligence raisonnable renforcée en matière de droits de la personne dans les régions touchées par un conflit ou à haut risque, et des facteurs à prendre en compte pour déterminer les mesures qu’il convient de prendre.

Nombre de ces ressources comprennent des bonnes pratiques permettant de déterminer s’il convient de mettre fin de manière responsable à des relations lorsqu’une entreprise n’a pas l’influence nécessaire pour prévenir ou atténuer les effets négatifs, et des méthodes pour atténuer les risques de violation des droits de la personne dans l’ensemble de la chaîne de valeur des entreprises. Il s’agit en particulier des ressources suivantes : les Principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits humains, les  Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales sur la conduite responsable des entreprises (version révisée en 2023) ; et la Déclaration de principes tripartite de l’Organisation internationale du travail sur les entreprises multinationales et la politique sociale  – qui sont toutes des normes internationales sur les entreprises et les droits de la personne ; les  Conseils pratiques de l’OCDE aux entreprises pour identifier et lutter contre les pires formes de travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement en minerais ; « Renforcement de la diligence raisonnable des entreprises en matière de droits humains dans les contextes marqués par des conflits : Un guide » de l’UNDP; la publication de l’Organisation internationale du travail, « Combattre le travail forcé : Manuel pour les employeurs et le secteur privé » ;  le guide du Bureau du Haut-Commissariat aux droits de l’homme sur « La responsabilité de respecter les droits de l’homme » ; et le guide pratique de Responsible Investment Association Australasia intitulé « Investor Toolkit on Human Rights & Armed Conflict : Managing human rights impacts and international humanitarian law implications before, during, and after armed conflicts arise ».

La plateforme web du département américain du Travail, Comply Chain, propose un guide en huit étapes pour une conformité sociale pilotée par les travailleurs afin de mettre fin au travail forcé et au travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement. Cette ressource interactive aide les entreprises et les particuliers à évaluer les risques et les impacts et à tirer des leçons et des bonnes pratiques de plus de 50 exemples réels de diligence raisonnable dans divers secteurs. En outre, dans le cadre de la publication du deuxième plan d’action national sur la conduite responsable des entreprises, le Bureau des affaires internationales du travail a lancé InfoHub – un répertoire en ligne qui présente la position du gouvernement américain sur les entreprises et les droits de la personne ; offre des ressources pour contribuer à promouvoir les droits du travail dans les activités commerciales et les chaînes d’approvisionnement ; et met en évidence la voix des travailleurs en tant que composante essentielle de la diligence raisonnable centrée sur les travailleurs.

Autres lois et règlements américains potentiellement pertinents. Les entreprises qui importent des marchandises aux États-Unis doivent continuer de respecter la législation américaine. Il s’agit notamment de l’article 307 de la loi Tariff Act de 1930 (19 U.S.C. § 1307), qui interdit l’importation de tout produit extrait, produit ou fabriqué entièrement ou en partie par le travail forcé, y compris le travail forcé d’enfants ou le travail d’enfants pour le remboursement d’une dette. Le Service des douanes et de la protection des frontières des États-Unis (CBP) veille à l’application de cette interdiction en recourant à des ordres de détention des biens (Withhold Release Orders ou WRO) ou à des avis juridiques (Findings). 

Par ailleurs, le département du Travail administre la List of Products Produced by Forced or Indentured Child Labor (la liste EO), une liste comprenant les biens (et leur pays d’origine) dont le département du Travail a des motifs raisonnables de penser qu’ils ont été produits par le travail forcé d’enfants ou le travail d’enfants pour le remboursement d’une dette, conformément au décret présidentiel 13126. La liste EO vise à garantir que les agences fédérales américaines mettent tout en œuvre pour ne pas acquérir des produits fabriqués par le travail forcé d’enfants ou le travail d’enfants pour remboursement d’une dette. En vertu de la réglementation sur les marchés publics, les contractants fédéraux qui fournissent des produits figurant sur la liste EO doivent certifier qu’ils se sont efforcés de bonne foi de déterminer si le travail forcé d’enfants ou le travail d’enfants sous contrat a été utilisé pour les fournir. L’étain, le tantale, le tungstène et l’or figurent sur cette liste pour la RDC, et tout sous-traitant de l’État fédéral qui achète des biens pour le gouvernement américain doit respecter toutes les lois pertinentes lorsqu’il s’approvisionne dans cette région. 

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