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mardi 4 octobre 2016

Reportage au Bas-Congo : Luozi, un territoire abandonné (Le Potentiel, Reportages 15.08.2006)

Luozi est abandonné à lui-même. Tel est le constat que nous avons fait lors de notre bref séjour dans ce territoire situé dans le district des Cataractes, province du Bas-Congo. Un constat qui contraste avec celui de Kinshasa qui est une ville en plein essor, malgré la présence de ses quartiers insalubres.
Officiellement, le territoire de Luozi a plus de cent ans d’existence. En dépit de cet otage d’existence, il ressemble aujourd’hui à un gros village abandonné à son triste sort depuis des décennies. Territoire qui s’étend de part et d’autre du fleuve Congo et dont les habitants se confondent et se côtoient avec ceux de la République sœur du Congo-Brazzaville, Luozi ne présente à ses habitants et à ses visiteurs que le prototype même de la pauvreté de la Rd Congo.

L’EAU COURANTE Y FAIT DEFAUT

La vie au quotidien à Luozi est difficile pour tous, à commencer par une denrée vitale, à savoir l’eau potable qui fait défaut dans le chef-lieu même du territoire.

A cela s’ajoute le manque criant d’électricité ainsi que d’autres infrastructures essentielles (sanitaires ou routières).

Lorsqu’on veut se laver, on est contraint d’aller au fleuve à plus d’un kilomètre. Et là, hommes, femmes et enfants se baignent en tenue d’Adam. Tant mieux pour ceux qui peuvent encore utiliser leur maillot de bain, si possible. Un tel spectacle fait dire à ceux qui y assistent pour la première fois qu’il s’agit d’un opprobre faite aux Congolais qui, après quarante-six ans d’indépendance, sont loin d’être heureux. Le pouvoir est interpellé.

Il en est de même pour les ménagères qui, pour faire la vaisselle, se rendent au fleuve avec leurs bidons de 5 ou 10 litres sur la tête. Mais cela n’est pas une partie de plaisir lorsque l’on sait que la distance qui sépare l’habitation du fleuve est épuisante. Ce sont souvent des gens valides, - jeunes, hommes et femmes confondus -, qui se livrent à cet exercice quotidien. C’est pénible, mais il n’existe pas de solution de rechange.

Comme on peut le voir, terrassées par la fatigue, certaines personnes préfèrent s’abstenir de se rendre au fleuve chaque jour. Ainsi, elles constituent une réserve d’eau puisée au fleuve pour deux ou trois jours.

A observer la qualité et la quantité d’eau utilisée pour les besoins ménagers de Luozi, ainsi que pour le lavage du corps, on risque de tomber à la renverse tant on se croirait dans un pays désertique où l’eau est une denrée rare.

LES POMPES ASPIRANTES A LUOZI

Il y a lieu de noter cependant que la cité de Luozi dispose de quelques pompes aspirantes. Celles-ci sont mises à la disposition de la population moyennant paiement d’une certaine somme d’argent. « Nous y accédons moyennant paiement de 100 francs congolais par mois; nous nous procurons de l'eau deux à trois fois par semaine », témoigne un habitant de Luozi.

Attristé, il a ajouté qu’il est obligé, comme les autres habitants, de se rendre au fleuve pour se procurer de l’eau, compte tenu des besoins de son foyer.

L’ELECTRICITE FAIT DEFAUT

Comme l’eau courante, l’électricité fait également défaut à Luozi. C’est un véritable paradoxe lorsque l’on sait que ce territoire est situé non loin du barrage hydroélectrique d’Inga. L’électricité est envoyée vers certains pays africains situés à 5.000 km, plutôt qu’à Luozi qui ont dirait même, se situé à la source.

Le manque de courant électrique dans cette partie de la province du Bas-Congo fait qu’aucune activité économique n’y est exercée, capable de la hisser parmi les entités viables. Aujourd’hui, il n’y a pas de grands magasins à Luozi, comme c’était le cas il y a une vingtaine d’années. A cette époque, on a vu des Portugais y exercer des activités commerciales florissantes. Leurs magasins bien achalandés attiraient du monde. Un certain Mendes (de nationalité portugaise) y a laissé ses empreintes.

Outre les Portugais, quelques Congolais y exerçaient aussi des activités commerciales. Chacun avait au moins un parc automobile, ce qui donnait à la cité de Luozi des allures d’un centre mi-moderne promis à un devenir radieux. Actuellement, cela n’est plus qu’un lointain souvenir.

LUOZI : TERRITOIRE ENCLAVÉ

A cette situation vient se greffer l’enclavement de ce territoire. Quand le bac qui dessert le fleuve Congo est en panne, les produits vivriers devant être acheminés vers l’autre rive du fleuve pourrissent. Cela au grand dam des villageois qui se sont donné de la peine pour se procurer ces produits.

Les villageois de différents secteurs qui font face à une telle situation préfèrent quitter leur milieu et chercher leur survie ailleurs.

Les jeunes gens sont majoritaires dans ce cas. D’après une indiscrétion, ils préfèrent se rendre au Congo-Brazzaville où des opportunités d’emploi sont nombreuses plutôt que d’aller dans les villes de la République démocratique du Congo confrontées à la pénurie d’emplois.

DES CROCODILES HAPPEURS

Luozi est connu surtout grâce à ses crocodiles immortalisés par Zamenga Batukezanga dans son roman Un croco à Luozi. A sa publication, ce roman fut un best-seller et propulsa son auteur au faîte de la gloire. A l’époque, il était ainsi considéré l’écrivain le plus prolixe.

Dans son roman, Zamenga Batukezanga écrit une histoire de crocodiles qui happent les gens au bord du fleuve Congo. Vrai ou faux, on ne le sait.

Interrogé, un natif de Luozi qui a requis l’anonymat a attesté que la nouvelle des hommes qui étaient happés par les crocodiles avait circulé comme une traînée de poudre à l’époque. « Un expatrié était accusé d’être à l’origine de trafic d’êtres humains à destination de son pays. C’est ainsi que s’offraient des êtres humains happés par des crocodiles. Malheureusement, personne ne pouvait y apporter la preuve », a-t-il déclaré.

Selon lui, l’affaire des crocodiles concernait les pêcheurs entre eux, surtout ceux qui exerçaient leurs activités la nuit. « Les pêcheurs se réglaient les comptes entre eux », a-t-il ajouté sans autres commentaires.

Ou le pire des cas, un homme qui avait une brouille avec un homme-crocodile se faisait aussi happer lors de la baignade ou de la pêche dans le fleuve.

 

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