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lundi 3 février 2014

Les communautés de l’Est du Congo ne sont pas davantage en sécurité malgré la défaite du M23



Les communautés du Nord-Kivu et du Sud-Kivu continuent de faire face à des menaces quotidiennes de violence et d’extorsion de la part des groupes armés et des forces gouvernementales, malgré la défaite du M23, il y a deux mois. Un  nouveau  rapport  d’Oxfam  révèle  qu’une  grande  partie des provinces orientales  du  Nord-Kivu et du Sud-Kivu demeure sous le contrôle de divers groupes  armés,  dont beaucoup se sont déployés dans les vides sécuritaires créés lorsque les forces armées congolaises ont porté leur attention sur le M23.  Les  opérations  militaires  actuellement en cours contre les groupes armés  risquent  d’accroître  les  violences  et  les  exactions commises à l’encontre de la population civile, en particulier dans les zones reculées.
« Nous sommes ballotés entre deux forces, déclare à Oxfam un homme d’Uvira, au  Sud-Kivu – son nom n’est pas mentionné pour des raisons de sécurité. Je redoute  que  la situation empire si elles reprennent les combats. Mais qui seront les victimes ? Les gens ordinaires. »
Les  communautés de l’Est du Congo font l’objet de violences et d’exactions –  viols,  passages  à  tabac  et  meurtres – qui s’accompagnent souvent de déplacements  de  population,  de  taxation  illégale  et  de pillages. Ces sévices  offrent  l’occasion  aux  groupes armés ou aux pouvoirs publics de resserrer  leur  étau sur les communautés pour en tirer profit, que ce soit par  des  impôts  illicites,  des amendes arbitraires ou d’autres pratiques illégales.  Dans  certaines  zones,  ces  formes d’extorsion  ont  été institutionnalisées,  et  des  reçus  sont  même  fournis  pour  des  taxes illégales.
Néanmoins, les faits recueillis dans le cadre d’une enquête menée par Oxfam auprès  de  1.800 personnes  soulignent  certaines  avancées  positives. Plusieurs  communautés ont créé des « conseils de sécurité » réunissant les responsables  locaux,  les  pouvoirs  publics  et  la  MONUSCO  (Mission de l’Organisation  des  Nations  unies  pour  la  stabilisation  en  RDC) afin d’identifier les voies et moyens de réduire les violences et les exactions.
Dans les territoires de Rutshuru et de Nyiragongo, au Nord-Kivu, auparavant sous  le  contrôle  du M23, des personnes affirment que leur sécurité s’est considérablement  améliorée  et  que  l’accès aux champs et aux marchés est facilité,  du  fait  qu’ils  ne sont plus contraints de payer des taxes aux barrages établis à l’entrée et à la sortie des zones urbaines.
« Le M23 est resté ici un an. Depuis son départ, les gens peuvent commercer à  nouveau,  aller au marché, ils sont désormais libres de travailler. Plus personne  ne  nous  importune,  et  les FARDC nous protègent », a affirmé à Oxfam une personne employée dans une administration, à Nyiragongo.
Le  gouvernement  affiche  une  certaine  volonté  politique  d’éviter  de reproduire  les  erreurs  du passé. Les membres du M23 accusés de crimes de guerre n’ont pas bénéficié d’une amnistie générale, et des changements dans le  commandement  de  l’armée  ont  entrainé  des  améliorations  dans  le comportement  des  troupes au cours de récentes opérations ; peu d’abus ont été rapportés.
Cependant,  des  opérations  militaires  sont  toujours  en  cours  contre plusieurs  groupes armés dans les deux Kivus. Dans des régions plus isolées du  Nord-Kivu  et  du Sud-Kivu, les communautés ont signalé à Oxfam que ces groupes  avaient  augmenté  leurs  prélèvements  illégaux en novembre et en décembre  2013,  dans  la perspective de potentielles opérations militaires que  les  troupes  de  maintien de la paix onusiennes et l’armée congolaise mèneraient conjointement à leur encontre.
«  Protéger  la  population  civile des violences doit être la priorité des opérations,  souligne  Vincent  Koch,  directeur pays d’Oxfam. Mais il faut aussi  mettre  fin  aux extorsions incessantes des groupes armés, car elles empêchent  tout le monde de vivre convenablement, de nourrir sa famille. La vulnérabilité  mise en évidence par cette enquête est extrêmement choquante ».
L’enquête  de  cette année souligne que les communautés continuent de subir des  violences, souvent du fait de l’absence de protection par l’État. L’un des  groupes  de  discussion  a  raconté  que  les  membres  de l’armée les appellent  «  matope », le mot Swahili pour « boue ». Selon ce groupe, cela reflète  bien  le  comportement  de l’armée envers les communautés,  qu’elle perçoit comme aisément manipulables et faciles à écraser.
De  récentes  évolutions,  comme la fin du M23 et une coopération régionale accrue, ouvrent une fenêtre d’opportunité pour la paix dans l’Est du Congo. Mais  rien  ne garantit pour l’instant que cela suffira à mettre un terme à l’insécurité  dans  la région. Il est peu probable que la vulnérabilité des communautés  change  sans des efforts concertés de l’État pour protéger ses citoyennes  et  citoyens de la violence. Ces efforts doivent comprendre une présence  étatique  forte  et  effective  au-delà  des  zones  urbaines, l’engagement  d’une  réforme  du secteur de la sécurité, à commencer par le processus  de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR), ainsi que des  initiatives  gouvernementales  visant  à  associer les communautés aux décisions qui les concernent.
«  C’est un moment critique pour les Kivus. Certains signes montrent que la situation  s’est  déjà  détériorée  au  milieu  de  nouvelles  opérations militaires,  avertit Vincent Koch d’Oxfam. Nous devons agir maintenant pour protéger  les  communautés des violences et des extorsions. Le gouvernement congolais,  les  Nations  unies  et la communauté internationale doivent se mettre  à  l’écoute  des  personnes  prises  dans  le  cercle  vicieux  de l’exploitation et des exactions et leur apporter des réponses. »
Rappel
Il s’agit de la septième étude d’Oxfam sur la protection depuis 2007. Oxfam a  interrogé  1.800  personnes  au sein de 30 communautés affectées par le conflit  dans le Nord-Kivu et le Sud-Kivu, entre août et décembre 2013. Les participantes  et  participants  ont  donné  leur  point  de  vue  sur  les conditions  de sécurité et sur leur protection dans un contexte de violence incessante, d’exploitation et d’omniprésence de groupes armés.
Ce rapport met en exergue l’exploitation économique continue des communautés isolées de l’Est de la RDC par les groupes armés, l’État et les autorités traditionnelles. Les violences et les exactions subies par les communautés étudiées, au quotidien, sont commises non seulement par les groupes armés mais aussi par l’armée nationale, la police et des notables
locaux. Dans certaines zones, les personnes interrogées ont noté une augmentation de la violence et des exactions à la fin 2013, alors que les groupes armés se préparaient soit à déposer les armes, soit à faire face aux potentielles opérations militaires à leur encontre. Les communautés vivant à proximité des camps de désarmement ont également fait part d’une
récente recrudescence des exactions.

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