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mercredi 4 décembre 2013

Reprise du procès de Minova : la Cour militaire opérationnelle du Nord-Kivu est anticonstitutionnelle



Kinshasa, le 4 décembre 2013 – L’Association Congolaise pour l’Accès à la Justice (ACAJ) est préoccupée par la reprise du procès de 39 militaires dont 14 officiers supérieurs, ce mercredi 4 novembre 2013, devant la Cour militaire opérationnelle du Nord-Kivu à Goma dans l’affaire RP 003/013 résulte du RMP RMP 0372/BBM/013 : Auditeur militaire contre Djalonga Rekaba Sylvain et consorts.
Ces militaires sont poursuivis pour crimes de guerre par viol, par pillage et meurte, commis dans les localités de Minova, Kalungu, Nabibwe, Nyamasasa, Kitchanga, Bishange, Mukusha, Haut plateau, Linja, Makengera et Kinyevire, en novembre 2012, après l’occupation de la ville de Goma par le mouvement du M23. Certains d’entre eux sont aussi poursuivis pour actes contraires à la loi, violation de consigne, vol simple, tentative de pillage, sortie illégale, abandon de poste, absence prolongée, absence volontaire, extorsion, association des malfaiteurs, tracasserie…La décision de renvoi fait allusion aux articles 8, 2, e, v, vi, i, ii, 25 et 77 du Statut de la Cour Pénale Internationale. Environ 817 victimes de pillage et 196 femmes violées sont concernées par ce procès.
L’ACAJ relève que la Cour militaire opérationnelle est anticonstitutionnelle dans la mesure où ses décisions ne peuvent pas faire l’objet de recours. Aux termes de l’article 87 du code judiciaire militaire, les arrêts rendus par les Cours Militaires Opérationnelles ne sont susceptibles d’aucun recours en violation de l’article 21, alinéa 2 de la Constitution qui dispose que « le droit de former un recours contre un jugement est garanti à tous ».  Elle a exhorté les Conseils des parties à contester la constitutionnalité de cette juridiction d’entrée de jeu. Aux termes de l’article 162 de la Constitution, la Cour constitutionnelle est juge de l’exception d’inconstitutionnalité soulevée devant ou par une juridiction. Toute personne peut saisir la Cour constitutionnelle pour inconstitutionnalité de tout acte législatif ou réglementaire.
Bien plus, 13 de 39 militaires poursuivis, revêtus de grade d’officiers supérieurs, sont en liberté, vaquent à leurs occupations à ce jour et, leur hiérarchie ne les a jamais suspendus pendant l’enquête. Le Comité des droits de l’homme des Nations Unies recommande à ce que les personnes occupant des fonctions officielles qui auraient commis des violations graves des droits de l’homme devraient être suspendues de leurs fonctions pendant l’enquête sur les allégations, lire les observations finales concernant la Serbie et Monténégro, CCPR/CO/81/SEMO, 12 août 2004.
Les victimes, leurs proches et les témoins ne bénéficient d’aucune mesure de protection contre les menaces et l’intimidation. Les victimes, particulièrement, n’ont pas eu d’assistance psychosociale.
« Ce procès n’offre pas de garanties d’équité tant pour les accusés que les victimes. Il leur prive totalement le droit de faire réexaminer le litige par le juge d’appel comme de cassation pour violation de la loi», a déclaré Me Georges KAPIAMBA, Président de l’ACAJ.
« Il viole le droit à la vérité, le droit à la justice et le droit à la réparation garantis aux victimes des violations graves des droits de l’homme par le droit international» a-t-il ajouté.
Eu égard à ce qui précède, l’ACAJ recommande :
· Au Gouvernement, de faire ajourner ce procès et prendre des dispositions nécessaires pour le faire reprendre par une juridiction non seulement indépendante, impartiale, mais surtout répondant aux prescrits de l’article 21 de la Constitution d’une part; et de faire suspendre tous les accusés encore en service actuellement d’autre part ;
· A la Cour militaire opérationnelle du Nord-Kivu, de soulever d’office l’exception d’inconstitutionnalité de l’article 87 de la Loi n° 023/2002 du 18 novembre 2002 portant code judiciaire militaire conformément à l’article 162 de la Constitution;
· A la Communauté internationale, de faire pression sur le Gouvernement pour qu’il fasse organiser un procès juste et équitable ;
· Aux Avocats des accusés et victimes, de contester la constitutionnalité, l’indépendance et l’impartialité de la Cour militaire opérationnelle.
Pour toute information supplémentaire, contacter :
Me Didier Kalemba, Chargé de protection à l’ACAJ

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