Kananga,
25 octobre 2010 - Les élections se
déroulent dans quelques semaines, dans quelques jours. Et en un jour. Tout est
mûr partout. Mais un fruit mûr, si on ne le cueille pas à temps, il peut se
dégrader, pourrir, et sa consommation peut nuire à la santé. Pourtant, il
semble bien que nous soyons, en ce 25 octobre, trop près des dates fatidiques.
La campagne électorale s’ouvre dans trois jours.
Le
temps est ainsi bien mûr. Un peu trop. Il est grave. Il s’agit d’une urgence.
Dans la Bible, Jean-Baptiste a harcelé ses contemporains pour leur rappeler de
sortir du sommeil. Jean-Baptiste l’a fait comme tant d’autres prophètes avant
lui et après lui. Comme Jésus lui-même, d’ailleurs. Dans l’Eglise, nous en
sommes aujourd’hui à prolonger pour notre temps ce ministère prophétique. Les
opérateurs des communications sociales devraient, autant sinon plus que les
évêques, les prêtres et les diacres, se sentir appelés à leur manière à sonner
le réveil, voire à tirer la sonnette d’alarme.
On
peut, à juste titre, penser, effectivement, qu’en période électorale, période
de tous les enjeux et défis, il y a danger des irruptions… volcaniques. Tous
les désirs contenus se déchaînent. Nous l’avons vécu en 2006, et nous allons le
vivre maintenant encore. La démocratie est au bout d’un tel passage, sans
doute. Et il s’agit donc de participer, de travailler à cet avènement.
Et
à Kananga, les opérateurs des médias catholiques réfléchissent sur les enjeux
et les défis en ce temps, en cette période électorale.
Je
voudrais vous proposer ici ma lecture des signes de ces temps. C’est une
manière de lire les enjeux et les défis. Les enjeux reviennent essentiellement
au fait que chacun de nous est forcément interpellé et impliqué dans la
situation présente. Il s’agit d’exercer un devoir civique, patriotique en
mesurant sa citoyenneté. Il s’agit aussi de penser que l’avenir de la société
dépend du geste à poser, du comportement public de chacun dans la journée du 28
novembre. Les défis consistent alors dans les trois verbes : annoncer, dénoncer
et renoncer. 2
Les
enjeux et les défis valent pour tout le monde, mais voici quelques
particularisations pour les opérateurs des médias. Le critère est donné par le
code de déontologie des journalistes et, pour nous, aussi par l’enseignement
social de l’Eglise. En la matière, l’Eglise nous donne le double critère de la
dignité humaine et du bien commun.
1.
Pourquoi voter ?
Le
nombre des enrôlés, en 2011, a dépassé de quelque cinq millions celui de 2006.
On peut discuter sur les chiffres ici et là, mais voilà le constat global
communiqué par la Commission Electorale Nationale Indépendante - Céni -. En
majorité, semble-t-il, le Grand Kasayi s’était abstenu, en effet, et vous voilà
embarqués maintenant avec les autres provinces. Selon les chiffres de la Céni,
le Kasai occidental présentera aux élections prochaines 2.661.245 électeurs,
soit un nombre plus élevé que celui du Kasaï Oriental, du Sud-Kivu, du
Bas-Congo et du Maniema.
Il
n’est donc pas impossible que certains parmi les communicateurs catholiques de
Kananga en soient à leur toute première expérience ! Mais qu’ils n’en aient pas
honte !
Mais
on aimerait vivre la surprise agréable survenue en Tunisie dimanche dernier. On
craignait un faible taux de participation, mais les électeurs se sont présentés
à plus de nonante pour cent. Ils ont vécu, là-bas, leurs toutes premières
élections démocratiques depuis l’indépendance du pays en 1956.
Au
Cameroun, où le président Paul Biya est au pouvoir depuis vingt-neuf ans, les
élections présidentielles du 9 octobre se sont caractérisées par un faible taux
de participation, selon la presse. La Cour suprême a déclaré que le taux était
de 65,82 %.
Qu’en
sera-t-il chez nous ? Y aura-t-il controverse autour du taux de participation ?
Ce serait déjà un indice malheureux. Qu’on se rappelle que selon la loi de
notre pays, en 2006, personne n’était obligé d’aller au vote. Comme en France,
alors qu’en Belgique, le vote est obligatoire !
Sauf
au Kasayi, peut-être, en 2006, beaucoup, dans la population rurale notamment,
s’étaient fait enrôler et sont allés voter pour éviter les tracasseries
administratives. Les élections sont passées. La carte d’électeur a bel et bien
servi de carte d’identité. Mais qui en a toujours eu besoin ? Et puis, il n’y a
pas eu de contrôle policier pour arrêter ceux qui n’auraient pas voté.
Alors,
quel que soit son âge et sa force physique, pourquoi se donner la peine d’aller
voter, parfois sous la pluie, à des kilomètres de distance ?
3
Ensuite, en 2006, la trentaine de candidats à l’élection présidentielle et les
milliers de candidats aux législatives avaient fait miroiter tant de promesses
non tenues et même irréalisables : il n’est pas interdit aujourd’hui de se
boucher les oreilles à la campagne qui va s’ouvrir bientôt.
Vraisemblablement,
on pourrait penser qu’il n’y aura pas trop d’intérêt pour aller au vote cette
fois-ci.
Voilà
un enjeu pour la patrie. Un enjeu pour l’Eglise aussi. Et pour les
communicateurs catholiques. Les évêques en ont pris la mesure. Lors de leur
Assemblée plénière en juin dernier, ils ont tenu à rappeler leur option pour
l’éducation civique et électorale. Voilà pourquoi la Commission épiscopale
Justice et Paix a élaboré un programme ad hoc. Le bulletin « Ensemble pour un
Etat de droit » rapporte ainsi le sentiment selon lequel « beaucoup de gens se
découragent d’aller voter parce qu’ils n’ont pas vu grand-chose venir depuis
les dernières élections ». A la question de savoir pourquoi voter, la
Commission Justice et Paix répond : « Il faut prendre les élections de 2011 au
sérieux car il s’agit d’un rendez-vous décisif pour la consolidation de la
démocratie, de la paix, de la bonne gouvernance, des droits humains et du
développement. Ces élections doivent représenter un progrès pour le Congo, les
Congolaises et les Congolais. Le but ultime de ces élections est donc de
choisir des personnes dignes, capables d’apporter des réponses aux grands défis
qui sont lancés à la Nation » (Ensemble pour un Etat de droit, n° 46, juillet
2011, p. 1).
Voilà
présenté l’enjeu le plus important aujourd’hui. Il s’agit pour l’Eglise et pour
les communicateurs catholiques de rappeler au peuple le but et l’importance des
élections. Il s’agit ainsi d’assurer ou de relayer l’éducation civique et
électorale.
Le
deuxième enjeu que je relève découle du premier. Et si le communicateur
catholique se range lui-même parmi les sceptiques ou les déçus et les
découragés ? La réponse ne doit pas être qu’il est dispensé de son devoir
civique. Mais son droit doit être respecté. Il reste qu’il sera appelé, plus
que quiconque, à s’interroger sur sa participation au bien commun.
Ce
deuxième enjeu signifie plus simplement que le communicateur catholique comme sujet
souverain peut aimer ou ne pas aimer aller voter, qu’il a des sentiments. En
l’occurrence, il a le droit d’avoir une préférence pour tel ou tel parti
politique, pour tel ou tel candidat. Mais il ne profitera pas des médias pour
battre campagne. Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication -
Csac - veille ainsi à éloigner des micros et des journaux, pendant la campagne
électorale, tous les journalistes qui sont eux-mêmes candidats et tous les
chargés de communication et autres porte-parole.
4.
L’enjeu est donc celui-là : savoir se distancier par rapport à ses sentiments
pour servir de façon « neutre ».
Les
deux enjeux majeurs que je viens de relever sont à expliciter dans la manière
d’aborder les défis de la démocratie.
2.
Annoncer la bonne nouvelle des élections
Le
premier défi est ainsi celui d’annoncer la bonne nouvelle des élections. Il ne
suffit pas de dire qu’aller aux élections est une bonne chose. Encore faut-il
expliquer en quoi et pourquoi. Tout le travail de la Commission épiscopale
Justice et Paix fournit des éléments et du matériel pour cette tâche
d’éducation civique et électorale. Au niveau national, par exemple, la
Commission épiscopale Justice et Paix s’est associée avec la Commission
épiscopale pour les communications sociales pour produire notamment une série
d’émissions de radiodiffusion mises à la disposition des radios catholiques et
communautaires.
Le
communicateur catholique fera bien de collaborer ainsi avec toutes les
instances compétentes et toutes les sources crédibles pour recueillir la bonne
information. Les médias catholiques donneront aussi la parole à ceux et celles
qui apportent l’information, de préférence, en ce temps de la campagne
électorale, à ceux qui viennent se présenter eux-mêmes et profiter de nos tribunes
pour la propagande.
Plus
que jamais, le journaliste catholique sera professionnel en appliquant les
règles de la profession. Il lui faut ainsi rapporter les faits avant tout
commentaire. Les faits sont sacrés, le commentaire est libre, doit-il avoir
appris. Le code de déontologie du journaliste parle de la recherche de la
vérité. Il faut se rompre à la tâche, effectivement. La vérité se cherche. Elle
n’est pas servie toute faite. Et ne peut la trouver que celui qui travaille à
la trouver. Dans la profession, la différence réside là entre l’attaché de
presse, le chargé de communication qui vend sa « nouvelle » et le journaliste
qui confronte les « vérités » pour le plus grand bien du public.
Informer
sur les détails de l’organisation des élections, par exemple, sera un service à
rendre pour la formation du peuple. La semaine passée, le président de la
Commission Electorale Nationale Indépendante, le pasteur Ngoy Mulunda, a
entretenu la presse pour la rassurer : les élections auront bel et bien lieu le
28 novembre 2011. Et les journalistes ont posé des questions pour donner
l’occasion d’éclairer l’opinion. On s’est rendu compte que l’interview avait
été organisée pour combler un déficit de communication. Et les organisateurs
avaient raison. La rumeur, les 5 interprétations erronées et les malentendus
sont monnaie courante dans notre société. Il faut éclairer l’opinion avec la
bonne information.
Sur
le sujet délicat de la revendication de l’opposition pour l’audit du serveur
central de la Céni, un certain éclairage a pu être fourni. Et d’autres
informations utiles. Ce sont des informations qui ne peuvent venir que de la Céni
et non des partis politiques qui ont le droit d’exprimer leur opinion là-dessus
mais sans inverser les rôles. Et justement, le peuple doit apprendre grâce aux
médias les différents rôles des uns et des autres acteurs sociaux. Qui fait
quoi dans une démocratie ? Voilà une tâche de formation, d’annonce de la bonne
nouvelle.
Annoncer,
c’est apporter l’information nécessaire, relater les faits. Le métier de
journaliste est essentiellement celui de la relation des faits avant les
commentaires et autres humeurs… Les médias congolais, en général, n’excellent
pas dans cette distinction entre la relation des faits et le commentaire. On
dit que c’est le péché de toute la Francophonie, contrairement aux Anglo-Saxons
et à leurs « enfants » du Commonwealth et du monde anglophone. On dit que R.F.I.
et la Bbc n’exercent pas le même métier ! A vous de juger…
Le
code de déontologie des journalistes en Rdc - comme partout ailleurs - rappelle
les exigences : même si les opinions, commentaires et critiques doivent être le
fait de journalistes, il faut, de toute façon ; viser la vérité, l’objectivité.
La vérité est une conquête plus qu’un acquis, rappelons-le. En période de
compagne électorale, convenez qu’il est difficile parfois de savoir qui dit la
vérité et qui dit le contraire. La relation des faits devient très sélective.
Exemple : oui ou non les cinq chantiers sont en marche ? C’est oui ou non,
selon que celui qui en parle est de la Majorité ou de l’Opposition. Mais
au-delà de la Majorité et de l’Opposition, quelqu’un peut-il dire comme saint
Jean : « Ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons, afin que vous
aussi soyez en communion avec nous » (1 Jean 1,3) ?
Mais
un journaliste catholique, quel que soit son penchant, ne peut-il pas dire
jusqu’où c’est oui et jusqu’où c’est non ? Le Christ dit : que votre oui soit
oui, que votre non soit non. Le reste vient du diable.
L’annonce
vise la vérité, la communion, le bien commun. Et saint Jean ajoute que cette
communion est avec le Père et avec son fils Jésus-Christ. Nous sommes ainsi
emmenés au niveau de la spiritualité et de la conscience. Et la parole ou
l’écrit qui sort de nous touche ainsi à des valeurs qui demandent de ne pas
transiger avec la conscience. Au contraire, il nous faut dénoncer le mensonge.
6.
3.
Dénoncer le mensonge
Avant,
pendant et après les élections, nous pouvons facilement nous rendre compte de
la manière dont les uns et les autres transigent avec leur conscience. Très
instructive à ce sujet est la facilité avec laquelle des acteurs et actrices
politiques changent de points de vue du jour au lendemain sur la même réalité.
S’il faut les suivre pour annoncer la vérité, on en arrivera à déclarer noir ce
qui est blanc et vice-versa dans le même rapport de temps et de lieu. Avant
d’être immoral, ce comportement est déjà illogique, et au nom de la Parole de
Dieu, il convient de le dénoncer en vue de préserver le bien commun et surtout
de ménager les faibles, les pauvres, les analphabètes et les enfants qui
peuvent ainsi être trompés. La tâche de la dénonciation est prophétique à ce
point.
Invité
par la presse à rassurer les téléspectateurs sur la tenue des élections le 28
novembre prochain, après qu’il avait donné tous les détails techniques, en
ajoutant même une marge d’erreur possible et des défaillances techniques en
disant « si tout va bien », le pasteur Ngoy a allégué sa bonne foi, et sa
qualité de pasteur. Hélas, devant le scepticisme de la population face aux
gouvernants et à tous les acteurs publics, c’est donc une question de foi aussi
que celle de la communication. Une radio catholique, un média catholique ne
relèvent-t-ils pas de cette dimension de crédit, de confiance ? Beaucoup iront
donc de préférence vers les médias catholiques dans l’espoir de bénéficier
d’emblée du coefficient de crédibilité.
Souvenez-vous
qu’en 2006, une rumeur répandue sur internet a attribué à Radio Vatican d’avoir
publié des résultats donnant le candidat Jean-Pierre Bemba vainqueur des
élections. Il n’en a jamais été le cas. Mais ceux qui ont orchestré la
manipulation avaient exprès choisi la « radio du pape » en raison,
certainement, du crédit acquis d’avance. Mais ces instigateurs confirmaient
aussi, au-delà de cet incident, la place de Radio Vatican pour dénoncer le
mensonge.
Aujourd’hui
encore, dans notre pays, des milieux sont restés convaincus que la Conférence
épiscopale détiendrait les « vrais » résultats des élections présidentielles de
2006 et que ceux-ci déclareraient vainqueur Jean-Pierre Bemba, au-delà du
contentieux résolu à la Cour suprême où le Mouvement de Libération du Congo
n’avait pas pu fournir des preuves de tricheries…
C’est
qu’il y a la tricherie dans la tête des Congolais et la possibilité de
tricherie lors des élections. Les opérateurs catholiques auront donc aussi
cette tâche de la dénonciation. Mais comme dit plus haut, il faut réunir des
preuves. La diffamation, la calomnie sont proscrites par la déontologie.
7.
Travailler à réunir des preuves signifie, par exemple, s’organiser pour placer,
dans les bureaux de vote, des témoins et observateurs formés par les partis
politiques ou la société civile. La Conférence épiscopale a promis de former
trente mille observateurs, mais le nombre est bien insignifiant pour l’étendue
du pays. Les médias catholiques devraient suppléer en relayant les observations…
Le
défi de la dénonciation est à appliquer aussi en amont par la vigilance à ne
pas brader le crédit de l’Eglise. Le droit canonique interdit aux
ecclésiastiques de se porter candidats aux élections ou d’adhérer à un parti
politique. La Conférence épiscopale a rappelé aussi l’interdiction de donner la
parole à des acteurs politiques lors des célébrations liturgiques. Ces
dispositions n’ont pas toujours reçu une vulgarisation et une explication. Il
convient de le faire maintenant et de veiller à l’application afin de préserver
non seulement le respect des lieux sacrés mais aussi la conscience des uns et
des autres dans un domaine où les passions s’allument facilement et peuvent
jeter le discrédit sur les ministres de l’Eglise qui l’auraient autorisé. De
tels ministres seront du jour au lendemain étiquetés et pourraient s’aliéner
une partie du peuple de Dieu.
Cette
dénonciation demande du courage dont on n’est pas toujours capable. Encore une
fois, il faut invoquer la force de l’Esprit. Avec une telle force, on peut
aussi renoncer même à la dénonciation.
4.
Renoncer à la dénonciation
Voilà
un défi qui pourrait vous surprendre. Ainsi formulé, il ne signifie pas du tout
la lâcheté ou la complicité passive avec le mal. Il s’agit, au contraire, de
voir plus loin que le mal immédiat.
La
semaine dernière, le pasteur Ngoy Mulunda a dit accéder à la demande de l’Udps
d’ « auditer » le serveur central de la Céni. La loi ne le prescrit nulle part.
La Céni aurait même dû refuser cette immixtion dans ses prérogatives légales.
Mais, après des semaines et des mois de polémique, le pasteur annonce que l’Udps
et les partis alliés de l’Oppositon vont accéder au serveur, même si la
Majorité restée indifférente n’a pas répondu au souhait de la Céni de ne faire
cette concession qu’en présence des deux parties. Pourquoi cette violation
expresse de la loi ? Le pasteur Mulunda déclare que c’est pour la paix. Lui qui
s’est fait champion de l’instauration de la paix, de la résolution des
conflits, voilà ce qu’il propose. Et cela est fait. Et, apparemment, personne
ne crie à la violation d’une quelconque loi. Le vice-président de la Céni, Jacques
Ndjoli, venu du Mouvement de Libération du Congo, parti de l’Opposition, a
expliqué pour sa part que cet audit n’était pas utile, mais que la Céni l’avait
concédé pour la paix. La Céni a toujours expliqué, en effet, que le vote sera
manuel, que le résultat viendra du comptage manuel des bureaux et non du
serveur central qui a servi seulement à dresser les listes électorales…Bref,
pour avoir la paix, on peut renoncer même à ses droits.
Un
autre exemple nous vient du Cameroun. Au Cameroun, les évêques ont appelé à ne
pas descendre dans la rue après les résultats de la présidentielle. Ceux qui
suivent l’actualité savent pourtant combien les évêques camerounais exigeaient
la transparence dans la tenue des élections.
Voici
une dépêche de l’Agence France Presse du jeudi 20 octobre :
Les
évêques camerounais ont invité jeudi les populations à ne pas descendre dans la
rue après la proclamation vendredi des résultats de la présidentielle du 9
octobre. "Camerounais, camerounaises de toutes sphères sociales, ne
descendez pas dans la rue. Restez sourds aux appels à la violence et au
désordre qui vous sont lancés", ont écrit les évêques dans une déclaration
lue par Mgr Joseph Atanga, président de la Conférence épiscopale nationale du
Cameroun Cenc -. "Tout mot d'ordre
de manifestation donné par des leaders de certains partis politiques est
irresponsable", a-t-il ajouté, préconisant le respect du verdict des
résultats de la présidentielle.
Or,
un éditorial de l’Effort camerounais, journal de la Conférence épiscopale du
Cameroun, écrivait plutôt ceci :
«
Editorial: La valeur de la paix
J.B.P.
Nlend Les démagogues nous font croire que la paix n’a pas
de prix. Le disant, ils affament et exploitent sereinement le peuple. On ne
peut pas tout accepter, même au prix de la paix. La paix vaut un prix, et il
appartient à tout le monde de le payer. Il revient d’abord aux autorités
souveraines de l’Etat d’instaurer et de sauvegarder la paix dans une nation. »
Voilà
donc deux attitudes apparemment contradictoires. Je devrais m’abstenir ici de
faire un commentaire. Voici plutôt deux textes de l’évangile à propos du
figuier stérile :
Matthieu
21,18-19
18
Comme il rentrait en ville de bon matin, il eut faim. 19 Voyant un figuier près
du chemin, il s'en approcha, mais n'y trouva rien que des feuilles. Il lui dit
alors: "Jamais plus tu ne porteras de fruit!" Et à l'instant même le
figuier devint sec.
Luc
13,6-99
Il
disait encore la parabole que voici: "Un homme avait un figuier planté
dans sa vigne. Il vint y chercher des fruits et n'en trouva pas. 7 Il dit alors
au vigneron: Voilà trois ans que je viens chercher des fruits sur ce figuier,
et je n'en trouve pas. Coupe-le; pourquoi donc use-t-il la terre pour rien? 8 L'autre
lui répondit: Maître, laisse-le cette année encore, le temps que je creuse tout
autour et que je mette du fumier. 9 Peut-être donnera-t-il des fruits à
l'avenir... Sinon tu le couperas.
Voilà
le même Jésus qui aurait deux attitudes différentes selon saint Matthieu et
selon saint Luc. Je m’abstiens de chercher l’explication de l’apparente
contradiction. Je vous laisse en discuter entre vous. Il me suffit de vous
rappeler que saint Luc est présenté comme l’évangéliste du pardon.
Et
le pardon nous est présenté, dans la foi, comme la possibilité offerte pour
l’avenir. Pourquoi ne pas penser que les évêques du Cameroun pensent à l’avenir
du pays au-delà des élections qui voient le président Biya rempiler pour la
énième fois ? Les évêques parlent de paix, et l’éditorialiste semble révoquer
la paix. Le développement est le nouveau nom de la paix, rappelle-t-il dans
l’article, en citant ainsi le pape Paul VI. Justement, que nous dit
l’enseignement social de l’Eglise ?
Il
convient de répondre à cette question en entrant ces jours-ci dans la période
chaude de la campagne électorale. Au-delà de la victoire ou de l’échec des uns
et des autres, voulons-nous encore un Congo ou voulons-nous l’Apocalypse ? La
réponse est toute prête pour beaucoup. Elle n’est pas nécessairement la même
entre nous chrétiens.
Renoncer
à la dénonciation ne signifie pas lâcheté. C’est peut-être une entrée dans
l’espérance. Dans le devoir d’espérance. Une vertu théologale, avec la foi et
la charité.
Dans
l’existence personnelle ou communautaire, il y a des moments où nous devons penser
à l’espérance. Nous devons, par exemple, croire que la vie ne finit pas avec la
mort. Nous pouvons ainsi penser que les élections qui arrivent ne seront pas la
fin du Congo. Et dans cette espérance, nous pouvons affronter avec plus de
sérénité les moments qui arrivent. Et nous pouvons d’autant annoncer la bonne
nouvelle des élections.
Le
code de déontologie des journalistes de la Rdc, « adhérant à la déclaration de
Munich », a introduit des particularités propres à un pays qui a connu des
rébellions et qui entend, en toute responsabilité, sortir de la situation des
conflits et prévenir toute guerre. L’article 12 est ainsi stipulé qu’un bon
journaliste doit « promouvoir la culture nationale, la citoyenneté responsable
et les vertus républicains de tolérance, de pluralisme des opinions et de
démocratie, ainsi que les valeurs universelles de l’humanisme : paix, égalité,
droits de l’homme, progrès social. »
Terminons
par vous inviter à relire l’appel pressant de la Conférence épiscopale
nationale du Congo - Cenco - publié le 8 septembre dernier. En voici le tout
premier numéro : « Deux mois avant la tenue des élections, certaines villes de
la Rdc, particulièrement la ville de Kinshasa, viennent de connaître des actes
de violence ayant conduit à la destruction des infrastructures et à la mort
d’homme. Nous, Cardinal, Archevêques et Evêques de la République Démocratique
du Congo, consternés par ces événements, saisissons cette occasion pour lancer
un appel pressant à la retenue. » (« Le sage domine sa colère » (Pr 29,11)
Appel des évêques de la Cenco à la paix face aux violences en cette période
préélectorale.)
Conclusion
Permettez-moi
de conclure. Au moment où commence la période de la campagne électorale, le
rôle des communicateurs catholiques est délicat. Les uns et les autres
candidats aux élections passeront, ouvertement ou insidieusement, pour tenter
de séduire voire de détruire les adversaires. Il faut dire la vérité, établir
ou rétablir les faits ; il faut aussi exiger le respect des uns et des autres,
au nom de la charité. Concilier vérité et charité en vue de la paix, du bien
commun. Il va sans dire que pour s’acquitter d’un tel rôle, nous avons besoin
d’une force plus grande que nos simples sentiments et convictions et notre
seule bonne volonté. Le communicateur catholique, qui aura usé de tous les
ressorts professionnels, trouvera cette force de l’Esprit dans la prière.
Que
Dieu vous bénisse.
Père Jean-Baptiste Malenge
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