Le mandat du procureur de la Cour pénale
internationale - Cpi -, Louis Moreno
O’campo, touche à sa fin en décembre 2011. Dans la perspective de l’élection u
nouveau procureur de la CPI, l’ancien secrétaire général des Nations unies,
Kofi Annan, a rappelé la nécessité d’avoir à la tête de cette juridiction
une personnalité indépendante. Il a mis en garde notamment contre ce qu’il a
qualifié de «manœuvres politiciennes, qui ne doivent pas s’immiscer dans
l’élection d’une personne qui exercera des fonctions aussi importantes.»
Les 118 Etats signataires du Statut de Rome,
instituant la CPI, vont élire le nouveau procureur de cette cour en décembre,
pour un mandat de neuf ans. A ce sujet, Kofi Annan a tenu à rappeler, dans une
tribune publiée mercredi 19 octobre à Genève, le rôle capital que le
procureur est amené à jouer et la nature de ses responsabilités : traduire
devant la justice internationale les auteurs de génocides, crimes contre
l’humanité, crimes de guerre; dans le cas où l’Etat sur le sol duquel ces
infractions ont été commises est déficient.
«Ces dernières années, nous avons pu constater à
quel point ce rôle est important, notamment pour poursuivre les chefs de guerre
criminels en République démocratique du Congo», a écrit Kofi Annan, faisant
allusion à Jean Pierre Bemba, Thomas Lubanga, Matthieu Gudjolu, Germain
Gatanga…qui sont détenus à la CPI.
Il a souligné les conditions nécessaires pour que
le procureur de cette juridiction internationale mène à bien sa mission. Ce dernier
doit exercer ses fonctions «avec la plus grande impartialité, sans parti-pris
ni faveur», a-t-il estimé, ajoutant qu’il ne doit pas être «la personne jugée
la plus docile par la majorité des pays.»
Dans le même document, Kofi Annan a précisé:
«Trop souvent, les candidats à des postes de haut
niveau dans les organisations internationales mènent une campagne électorale
élaborée en accord avec leur gouvernement. Cette approche pose un certain
nombre de problèmes : premièrement, les personnes qui ne sont pas soutenues par
leur gouvernement, quelle que soit la qualité de leurs qualifications, n’ont
aucune chance de devenir candidat officiel et encore moins d’être élues.»
Il a annoncé un nouveau processus, qui garantit le
bon déroulement de cette élection. Les États membres devront élire un
candidat parmi ceux proposés par un Comité de recherche composé de cinq
membres.
Lire ci-dessus, en intégrabilité, la tribune de
l’ancien patron de l’Onu :
« Le meilleur candidat pour
la plus ardue des fonctions »
Par Kofi Annan, ancien Secrétaire
général des Nations unies
En
décembre cette année, un processus clé passé pourtant relativement inaperçu
s’achèvera. Les 118 États parties au Statut de Rome éliront le nouveau
procureur de la Cour pénale internationale (CPI). Les diplomates du monde
entier, y compris ceux réunis à l’Assemblée générale des Nations unies cet
automne, prennent de nombreuses décisions d’importance, et même si elle a fait
l’objet de peu de publicité, celle-ci n’en est pas moins capitale.
Le processus en cours doit aboutir à la
désignation du candidat le plus qualifié et non, comme c’est trop souvent le
cas pour l’attribution des postes internationaux, de la personne jugée la plus
docile par la majorité des pays.
«Ces dernières années, nous avons constaté à quel point ce rôle est
important pour poursuivre les chefs de guerre criminels en RD Congo et en
Ouganda.»
Le procureur de la Cpi, et le Bureau qu’il ou elle
préside, portent une lourde responsabilité : traduire devant la justice
internationale les auteurs de génocide, de crimes contre l’humanité et de
crimes de guerre. Bien entendu, le procureur agit dans les limites du Statut de
Rome : il n’instruit que les cas pour lesquels les États ont failli, ou lorsque
un État lui-même ou le Conseil de sécurité des Nations unies la saisit. Pour
engager une procédure, le procureur doit convaincre les juges, avant
l’instruction, et présenter des motifs valables et
suffisants.
Ces dernières années, nous avons pu constater à
quel point ce rôle est important, notamment pour poursuivre les chefs de guerre
criminels en République démocratique du Congo et en Ouganda. Nous avons aussi
vu combien il était difficile de poursuivre en justice certains dirigeants au
Soudan, au Kenya et en Libye.
«De nombreuses grandes puissances, dont la Chine, la Russie et les
États-Unis, tous membres permanents du Conseil de sécurité, ne se sont toujours
pas ralliés à la Cour»
De nombreux dirigeants politiques, dont ceux qui
risquent des poursuites, défient ouvertement et avec malveillance
l’impartialité du procureur ; d’autres refusent de se conformer à leurs
obligations, établies par le Statut de Rome, de coopérer avec le procureur afin
de permettre aux enquêtes, accusations et procès de se dérouler sans encombre.
De nombreuses grandes puissances, dont la Chine, la
Russie et les États-Unis, tous membres permanents du Conseil de sécurité, ne se
sont toujours pas ralliés à la Cour, même s’ils s’y opposent maintenant de
moins en moins.
Le procureur a clairement une tâche difficile. Il
ou elle doit soutenir les victimes et réclamer justice, tout en démontrant que
le processus judiciaire dont il est le garant, est mené avec la plus grande
impartialité, sans parti-pris ni faveur. Ce qui est ardu dans un monde où
la confiance en autrui est un sentiment qui se perd.
«Le Statut de Rome reconnaît le statut unique de ce poste international.
Le procureur occupe sa fonction pendant neuf ans et ne peut être réélu, ce qui
renforce son indépendance.»
Il ou elle doit aussi compter sur les gouvernements
pour appliquer les décisions de justice, puisqu’il n’existe pas de force de
police internationale. La connaissance du droit est une compétence essentielle,
comme le dévouement à la justice et la capacité à diriger efficacement une
équipe internationale.
Par dessus tout, le procureur doit savoir
constituer un dossier, poursuivre en justice et gagner, tout en conservant avec
autant d’adresse que possible, la confiance à la fois des victimes et des
gouvernements.
Le Statut de Rome reconnaît le statut unique de ce
poste international. Le procureur occupe sa fonction pendant neuf ans et ne
peut être réélu, ce qui renforce son indépendance. De plus, à l’inverse de
nombreux postes internationaux de haut niveau, des règles très spécifiques ont
été mises en place pour empêcher toute révocation arbitraire. Le Statut de Rome
établit aussi clairement que la nomination ne peut se fonder que sur le mérite
et l’expérience, et que la personne choisie doit faire preuve « d’un très grand
sens moral ».
Les 118 États qui, jusqu’à présent, ont reconnu le
Statut de Rome, se doivent par conséquent de ne pas traiter cette nomination
comme une nomination pour d’autres postes internationaux.
«Les manœuvres politiciennes ne doivent pas
s’immiscer dans l’élection d’une personne qui exercera des fonctions aussi
importantes.»
Trop souvent, les candidats à des postes de haut
niveau dans les organisations internationales mènent une campagne électorale
élaborée en accord avec leur gouvernement. Cette approche est pose un certain
nombre de problèmes : premièrement, les personnes qui ne sont pas soutenues par
leur gouvernement, quelle que soit la qualité de leurs qualifications, n’ont
aucune chance de devenir candidat officiel et encore moins d’être élues.
Ensuite, cela crée un marchandage de voix dans une
sorte de grand bazar mondial : un pays promet son soutien au candidat d’un
autre pays en échange du soutien de ce dernier pour une candidature présentée à
un poste différent. Et finalement, le mérite des candidats n’est souvent qu’une
considération tout à fait secondaire.
«Un Comité de recherche composé de cinq membres a
été constitué pour repérer les possibles successeurs au procureur actuel.»
L’élection du procureur de la CPI ne peut se
dérouler ainsi. Les manœuvres politiciennes ne doivent pas s’immiscer dans
l’élection d’une personne qui exercera des fonctions aussi importantes.
Les États parties au Statut de Rome ont cependant
le mérite de tester actuellement un nouveau processus. Un Comité de recherche
composé de cinq membres a été constitué pour repérer les possibles successeurs
au procureur actuel. Le Comité de recherche a établi une liste de candidats,
qui passeront tous un entretien.
Puis le Comité fournira aux États une liste finale
de trois noms. La décision ultime reviendra aux États parties. Ceux-ci ont
toujours la possibilité de nominer des candidats distincts, mais jusqu’à
présent, aucun d’entre eux n’a utilisé ce droit, respectant ainsi le processus
du Comité de recherche.
Ce processus est très inhabituel dans la sphère
internationale et mérite le soutien plein et entier de tous ceux qui souhaitent
le succès de la Cpi. Il porte l’espoir réel de voir émerger un candidat désigné
par consensus et pour ses compétences. Et plus que tout, c’est ce critère qui devra
guider la décision finale en décembre.
Lorsqu’en 1998, alors que j’étais Secrétaire
général des Nations unies, j’ai inauguré à Rome la conférence chargée
d’élaborer le statut de la Cpi, j’ai exhorté les délégués « à ne pas hésiter à
créer une Cour suffisamment forte et indépendante pour mener ses tâches à bien.
« Ce processus est très inhabituel dans la sphère internationale et
mérite le soutien plein et entier de tous ceux qui souhaitent le succès de la
Cpi »
Elle devra être un instrument de justice et
d’opportunisme. Elle devra pouvoir protéger les faibles contre les forts. »
C’est ce qui a été accompli à Rome. Le statut de la Cpi est une réalisation
unique et remarquable.
Mais en politisant le processus d’élection du
procureur, ou en le polluant avec les marchandages politiciens et trocs de
votes qui caractérisent trop souvent les élections aux postes internationaux et
aux Nations unies, on risque bien de mettre en péril cette importante
réalisation.
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