Des élections contestées pourraient déclencher une violence généralisée, avertit une coalition de 41 Ong.
Kinshasa, 28 octobre 2011 –
Alors que démarre aujourd’hui officiellement la campagne électorale en République
démocratique du Congo - Rdc -, exactement un mois avant les élections
présidentielles et législatives historiques prévues le 28 novembre 2011, 41
organisations d’aide humanitaire et de défense des droits humains s’inquiètent
de la dégradation de la situation sécuritaire et appellent tous les acteurs
congolais et internationaux concernés à prendre des mesures urgentes pour
prévenir la violence électorale, mieux protéger les civils et assurer des
élections crédibles, libres et transparentes.
« Ces élections sont un test
ultime. La Rdc est-elle en voie de consolider sa démocratie naissante ou de
retourner à un état d’insécurité, d’instabilité et de violence généralisée ?
Ces secondes élections sont cruciales pour consolider le gain démocratique du
pays, achever un cycle électoral complet et renforcer les institutions de la
démocratie », déclare Thierry Vircoulon, directeur Afrique centrale de
l’International Crisis Group - Icg -.
Le gouvernement
congolais est à la tête d’un pays où environ 20 % des enfants meurent avant
d’atteindre l’âge de 5 ans, où la durée moyenne d’éducation chez les adultes
est de 3,8 années, et où des millions de civils sont morts au court des
dernières décennies en conséquences de la guerre. Un nouveau gouvernement
nécessitera un mandat fort et légitime de la part du peuple congolais pour
répondre efficacement à ces problèmes systémiques.
« La
communauté internationale fournit des milliards de dollars pour aider la Rdc.
Elle ne peut payer pour des élections frauduleuses ou conduites de façon
médiocre qui déclencheraient des violences et feraient reculer le
développement. Nous avons beaucoup moins d’observateurs électoraux qu’en 2006.
La communauté internationale doit être stricte en termes de surveillance du
respect des normes internationale et se tenir prête à condamner fermement toute
irrégularité. Après des décennies de guerre et de pillage, le peuple congolais
mérite la paix et la stabilité – et a vraiment besoin de soutien pour
cela », affirme Paul Nsapu, secrétaire général de la Fédération
internationale des ligues des droits de l’Homme - Fidh - et président de la
Ligue des électeurs en Rdc.
Les événements
récents en Rdc ont révélé un potentiel alarmant de violence et de
déstabilisation durant la période électorale. Des affrontements violents entre
la police et l’opposition ont eu lieu depuis début septembre, faisant plusieurs
morts et de nombreux blessés à Kinshasa. A cette violence liée aux élections
s’ajoute l’insécurité généralisée qui ravage le pays depuis des années, avec
une augmentation récente du nombre d’attaques contre les travailleurs
humanitaires : la RDC a connu ce mois-ci le plus mortel de ces incidents
dans toute son histoire, avec le meurtre de cinq humanitaires au Sud-Kivu. Les
forces de sécurité en Rdc peinent déjà à faire face à l’insécurité continue et
ne sont pas en mesure de répondre à une escalade de la violence.
« Les autorités congolaises
disent qu’il y a la paix et la sécurité en Rdc. Mais avec les élections dans un
mois à peine, la tension politique a augmenté et des affrontements entre partis
politiques et militants ont lieu régulièrement. La décision du gouvernement congolais
d’interdire les manifestations politiques et publiques révèle son incapacité à
prévenir et à répondre à la violence électorale, et va à l’encontre de la
constitution congolaise. Nous avons besoin que des forces de sécurité fiables
nous protègent durant cette période électorale, en particulier à Kinshasa où la
tension est déjà très élevée », insiste Jérôme Bonso, coordinateur de la
coalition Agir pour les Élections Transparentes et Apaisées - Aeta - en Rdc.
Le gouvernement congolais a la
responsabilité de protéger les civils et d’organiser des élections pacifiques.
Cependant, il existe aujourd’hui de sérieux doutes quant à la possibilité de
tenir des élections crédibles, transparentes et démocratiques dans les délais
officiels. Sans des élections libres et justes répondant aux normes
internationales, et sans une forte présence d’observateurs locaux et
internationaux pour rétablir la confiance dans le processus électoral, le
risque de dispute électorale et de violence est considérable. Kinshasa, où certaines
de nos organisations ont dénoncé l’usage excessif de la force par la police
nationale contre des manifestants, figure parmi les principaux lieux à risque.
Le risque de violence est également élevé dans l’Est de la Rdc, où la
population avait majoritairement voté pour le Président Kabila à la dernière
élection présidentielle.
Nos organisations appellent à ce que
les mesures suivantes soient rapidement mises en œuvre pour prévenir la
violence électorale :
- Les
autorités congolaises devraient s’assurer que les civils pourront
participer aux élections dans des conditions de sécurité et de dignité, en
déployant des forces de police nationale bien entraînées et bien équipées, et
de s’assurer que la police ne fasse pas un usage excessif de la force. Les
autorités devraient respecter la liberté d’expression et des médias, garantir
le droit de se rassembler et de manifester pacifiquement, et s’abstenir de
toute tentative d’intimidation. Elles devraient s’assurer que des mécanismes de
règlement des litiges sont en place.
- La
Commission électorale nationale indépendante - Céni - devrait
immédiatement rendre publique davantage d’information quant à sa stratégie,
notamment concernant le rassemblement des données et la publication des
résultats, ainsi qu’en termes d’éducation des électeurs. Elle devrait faciliter
un dialogue constructif à propos du processus électoral entre la société
civile, l’opposition et les autorités au pouvoir, dans la lignée du processus
de consultation réalisé en 2006.
- Les
partis politiques devraient souscrire au Code de conduite,
accepter les résultats d’élections libres et justes, et demander à leurs
militants de rester pacifiques. Ils devraient éviter d’invoquer des discours de
haine incitant à la violence.
- Les
ambassades et les missions d’observation électorale devraient
coordonner leurs actions entre elles et avec les observateurs locaux afin de
pouvoir surveiller un maximum du territoire congolais, en se concentrant sur
les lieux à risque – tels que les grandes zones urbaines de Kinshasa,
Lubumbashi et Mbandaka. Elles devraient également développer davantage la
capacité locale d’observation électorale et dénoncer publiquement toutes
violations du processus électoral.
- La mission
des Nations unies en Rdc - Monusco - devrait assurer que sa
force de réaction rapide et que la police onusienne sont prêtes à se déployer
dans les lieux identifiés à risque afin de prévenir et de répondre toute
violence électorale, y compris de répondre à tout usage excessif délibéré de la
force par les autorités congolaises contre les civils. La Monusco devrait aussi
informer publiquement des violations relatives aux élections, et assurer une
médiation en cas de conflit entre partis politiques.
ORGANISATIONS SIGNATAIRES
Organisations internationales
- Africa
Europe Faith and Justice Network
- Agir
ensemble pour les droits de l’Homme (AEDH)
- CAFOD
- Cordaid
- Eastern
Congo Initiative (ECI)
- Enough
- Fédération
internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH)
- Free
Fair Elections
- Global
Center for the Responsibility to Protect (GCR2P)
- Heal
Africa
- International
Crisis Group (ICG)
- Justitia
et Pax Netherlands
- Oecomenical
Network Cetral Africa (OeNZ)
- Open
Society Initiative for Southern Africa (OSISA)
- Open
Society Institute-Brussels (OSI)
- Save
the Congo
- Search
for Common Ground (SFCG)
- Society
for Threatened Peoples International
- Trocaire
- Women's
International League for Peace and Freedom (WILPF)
Organisations de République
démocratique du Congo
- Agir
pour des élections transparentes et apaisées - Aeta -, une coalition de 12
organisations congolaises
- Association
africaine de défense des droits de l’Homme (ASADHO)
- Bureau
pour le Volontariat au service de l'Enfance et de la Sante (BVES)
- Eglise
du Christ au Congo (ECC) - Programme de rapatriement, démobilisation des
réfugiés combattants étrangers
- Groupe
Lotus
- Journalistes
en danger (JED)
- Ligue
des électeurs
- Pole
Institute
- Solidarité
et Assistance Intégrale aux Personnes Démunies (SAIPD)
- Voix
des sans Voix (VSV)
NOTES AUX RÉDACTIONS
· Personnes
disponibles pour interviews
Des porte-paroles des organisations
signataires sont disponibles pour des interviews en anglais et en français. Des
contacts avec des interlocuteurs sur le terrain en Rdc peuvent également être
facilités.
· Données
supplémentaires
- 32.024.640 électeurs enregistrés
actuellement, en dépassement des prévisions de 31.000.000 d’électeurs, contre
25.000.000 d’électeurs enregistrés en 2006.[1]
- La révision du fichier électoral a été clôturée le 15
juillet après avoir connu des prolongations en raison de difficultés
techniques : vétusté des kits électoraux, difficultés d’accès à certaines
zones, déploiement tardif du matériel et du personnel, rupture des stocks des
cartes d’électeur, payement tardif des agents électoraux…1
- Après nettoyage
du fichier électoral, au cours duquel la Céni a constaté des irrégularités,
119.941 cas de doublons ont été détectés, faisant passer de 32.144.581 à
32.024.640 le nombre officiel d’électeurs enregistrés. 1
- 11
candidats se présentent à l’élection présidentielle, et 19.010
candidats se présentent à la députation nationale pour 500 sièges. 1
- 62.000
bureaux de vote sont prévus pour accueillir les électeurs de
7h30 à 17h30 le 28 novembre. Avec une moyenne de 516 électeurs par bureau, le
temps nécessaire estimé pour l’ensemble du scrutin d’après les temps de vote
standards internationaux dépasse les 24 heures. 1
- 4.000
tonnes de bulletins de vote sont nécessaires à l’échelle nationale. Leur
conception a pris du retard. 1
- La fabrication
et la livraison des urnes ont également pris du retard, leur
répartition dans chaque bureau de vote est un véritable défi logistique. 1
- Le nombre
d’observateurs internationaux est bien plus faible que celui prévu en 2006.
Comparaison des deux cycles électoraux 2005-2006 et 2011-2013
2005-2006
|
2011-2013
|
25.712.552
électeurs enregistrés
33
candidats à l’élection présidentielle
9.709 candidats à
la députation nationale, pour 500 sièges
288
partis politiques, ayant tous signé le code de conduite
50.045
bureaux de vote
2.528 centres de
compilation des résultats
Un
grand nombre de juges prévus pour gérer les contentieux
électoraux
300
observateurs de l’Union européenne[2]
2.250
observateurs des Nations unies[3]
|
32.024.640
électeurs enregistrés
11 candidats à
l’élection présidentielle
19.010
candidats à la députation nationale, pour 500 sièges
428 partis
politiques, tous n’ont pas signé le code de conduite
62.000
bureaux de vote
168
centres de compilation des résultats
8 juges de
la Cour Suprême de Justice pour gérer les contentieux électoraux
148 observateurs de
l’Union européenne [4]
Aucun
observateur des Nations unies
|
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