L’engouement pour les probables
élections du 28 novembre ne semble pas laisser à plusieurs d’entre nous
suffisamment d’espace pour questionner ce processus dans lequel nous sommes
embarqués, bon gré mal gré, depuis plus de deux décennies. Oser s’imposer une
certaine discipline pour penser ce processus nous semble être un beau et noble
devoir citoyen. A temps et à contretemps. La démission de l’intelligence pourrait
être une lâcheté.
Il se pourrait que « les
élections » aient lieu le 28 novembre 2011. Qui va voter ?
Qui sera voté ? Ce sont là deux questions sur lesquelles un débat sérieux
ne semble pas avoir été engagé jusqu’à ce jour. Le recensement de la population
n’a pas eu lieu. A l’Est de notre pays, il y a plus de
150.000 étrangers. Dans les institutions du pays, les étrangers et
les Congolais(es) ayant une double nationalité siègent ensemble.
Plusieurs d’entre eux ont présenté leurs candidatures aux prochaines élections.
Pourtant, la Constitution du pays stipule que la nationalité
congolaise est une et exclusive. Si ces candidats à double nationalité ayant
déjà étant présents dans les institutions au cours de ces cinq dernières années
– le moratoire sur la double nationalité courant jusqu’à ce jour-, la
Constitution sera violée. Est-ce normal que dans un pays dit démocratique,
le viol de la Constitution laissent indifférents mêmes les défenseurs
les plus acharnés de l’Etat de droit ?
Qui va
voter ? Pas les Congolais(es) de la diaspora : ils sont
discriminés. Que dit la loi électorale au sujet de l’égalité des chances entre citoyen(nes) congolais(es) à
ces élections ? Qui finance les élections ? L’Etat, les individus,
les multinationales ou les partis politiques ? Qui finance les élections
des membres de la société civile et des « indépendants » ?
Quelles sont les limites à ne pas dépasser en cette matière ? Au vu de la
façon dont la campagne électorale a commencé, il ne serait pas exagéré de
soutenir qu’en matière de financement de la campagne électorale des candidats,
la régulation est absente. Est-ce possible de parler d’élections
démocratiques sans que l’égalité des chances soit garantie légalement ?
Que les acteurs politiques au pouvoir utilisent les moyens de l’Etat aux dépens
des autres citoyens n’ayant pas participé à la gestion de la chose publique est
une injustice sur laquelle plusieurs d’entre nous n’arrivent pas à
se pencher.
Au sujet des candidats qui se
sont « compromis » avec les multinationales, comment pourront-ils
donner des garanties qu’ils pourront les servir tout en étant au service de nos
populations ? Et les criminels de guerre, les criminels contre l’humanité
et les criminels économiques cités par les différents rapports de l’Onu et des
Commissions parlementaires (telles la commission Lutundula et Bakandeja),
quel usage vont-ils faire de « ces élections » ? Seront-elles
pour eux un moment de blanchiment ou un sursis avant que l’établissement d’un
véritable Etat de droit rende possible le traitement de leurs
cas ?
Que penser de l’accompagnement de
l’Onu qui a mis notre pays sous tutelle depuis plus d’une décennie et dont les
accointances avec les forces négatives et les multinationales n’augurent pas
des lendemains apaisés pour notre pays ? Pour rappel, « par le
« Global Compact » l’Onu s’est ouverte au monde des entreprises
privées et prêche désormais la généralisation du PPP (partenariat
public privé). Le « Global Compact » est un accord signé en
l’an 2000 entre l’Onu et un certain nombre d’entreprises multinationales
privées selon lequel les entreprises contribuent au budget de l’Onu par une
« cotisation » minimale de 50. 000 dollars, ce qui leur permet d’être
associées aux grands « programmes » de l’Onu en matière de développement
et de lutte contre la pauvreté. » (R. PETRELLA, Pour une nouvelle narration du
monde. Humanité, biens communs, vivre ensemble,, Montréal, Ecosociété,
2007, p.166-167) Pour ceux et celles d’entre nous qui savent que la main qui
donne (dans le système capitaliste) est toujours au-dessus de celle qui reçoit,
le « Global Compact » compromet les chances d’une Onu impartiale.
Le contexte dans lequel notre
pays se retrouve depuis l’assassinat de Lumumba et la guerre de basse intensité
de 1996 est celui de « tutelle » et du triomphe de la
cupidité des multinationales aidées par le réseau transnational de prédation
ayant « des nègres de service » chez nous et dans toute la
sous-région des Grands-Lacs. Il est propice au blanchiment des criminels de
tout bord. Les probables élections de novembre 2011 participeront de cette
logique de blanchiment comme celles de 2006.
Dans ce contexte, que faut-il
faire ? Le danger ici serait de penser uniquement en termes
d’élections ou pas élections. D’ailleurs, à notre avis, ce contexte ne nous
pousse pas à parler d’élections « démocratiques ». Il s’agit plus ou
moins d’un processus de la perpétuation de la politique impérialiste et
néocoloniale au sein d’un système marionnettiste où
déshabiller St Pierre pour habiller St Paul donne l’impression d’une
alternative crédible.
Que faire ? Plusieurs
choses à la fois. Respecter ceux et celles qui estiment que
participer à ce processus leur permettrait de travailler au changement dudit
système de l’intérieur : ils auraient choisi d’aller jusqu’au bout et
d’éviter la politique de la chaise vide.
Respecter ceux et celles qui,
ayant étudié les dysfonctionnements de ce même système évitent de s’y
engager : ils craindraient de se compromettre en collaborant au
blanchiment de certains criminels. Respecter ceux et celles qui, bien qu’ayant
des raisons sérieuses pour ne pas participer eux-mêmes à ce processus
soutiennent ceux et celles qui y participent en leur donnant des consignes
claires tout en les avertissant des dangers qu’il y a à croire dans « les
élections » dans un pays sous tutelle. Lutter contre les opportunistes et
les autres partisans de « la mangeoire » ; ceux qui ont fait de
leur ventre « leur dieu » et qui ont mis la poche à la place du cœur.
L’exploitation de ces quatre possibilités
n’exclut pas de prendre en compte ce qui se fait déjà.
Citons quelques exemples.
L’organisation des cellules d’auto-défense et d’auto-prise en charge des
Congolais(es) par eux-mêmes. Sur ce point, les efforts des Parlementaires de
Furu et de Katwa à l’Est de notre pays sont louables. Ils méritent de faire
tache d’huile. (Ces compatriotes réussissent, mains nues, à résister aux forces
négatives internes et externes.)
La mise sur pied des réseaux de
fraternité congolaise en vue d’informer l’opinion tant nationale
qu’internationale sur la tragédie congolaise. Les compatriotes réunies au sein
de l’association Friends of Congo s’inscrivent dans
cette logique. Leur documentaire intitulé « Le conflit au Congo. La vérité
dévoilée » en témoigne. Les différents mouvements des
Patriotes-Résistants Congolais sont souvent des canaux sûrs de cette
information de l’opinion nationale et internationale. Ils ont su mettre à leur
profit et au service de notre pays, leur sens de créativité, d’imagination et
d’inventivité. Leur maîtrise des Nouvelles Technologie de l’Information et
de la Communication est louable. Soutenir les médias alternatifs
congolais qui abattent un travail titanesque.
Si le processus électoral en
cours chez nous depuis 2006 fait partie des actions (mixtes) à court et moyen
terme, le travail abattu par ces autres compatriotes et
Patriotes-Résistants finira par récolter ses fruits, si pas dans un
avenir assez proche, mais sur le temps.
Trouver un système alternatif à
celui de notre actuelle néocolonisation exigera de
plusieurs d’entre nous une bonne connaissance et une maîtrise de certaines
« clefs ». Et qu’ils constituent (si ce n’est pas encore fait ?)
« un leadership collectif » et solidaire capable d’inventer
un programme de la Résistance semblable à celui du Conseil (inter)
national de la Résistance française. (Lire S. HESSEL, Engagez-vous. Entretiens avec Gilles
Vanderpooten, Paris, Editions de l’Aube, 2011, p.87)
Disons qu’au cours de ce mois de
novembre 2011, nous ne serons pas tous placés devant le dilemme entre aller ou
ne pas aller aux élections. Le plus important pour nous semble être la lutte
permanente pour nous émanciper de la politique impérialiste et néocoloniale en
empruntant des voies sensées dans la solidarité, le courage, l’esprit
d’abnégation et de persévérance. Quels que soient les résultats de
ce processus « électoral ». D’ailleurs, ce processus ayant mis le
droit et la justice entre parenthèse promet d’être très agité. Le découpage de
nos compatriotes en petits morceaux à l’Est, l’instrumentalisation des services
de sécurité par le pouvoir en place et la confiscation des moyens de l’Etat par
« le conglomérat d’aventuriers » au bout de son mandat au
pays sont de mauvais signes.
J.-P.
Mbelu
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire